Skip to content

Les mots qui tuent

Revenons sur les termes exacts employés par Vladimir Poutine ce 2 décembre. « Nous n’avons pas l’intention de faire la guerre à l’Europe, mais si l’Europe le souhaite et commence, nous sommes prêts dès maintenant ». Chaque mot compte dans cette phrase soigneusement construite. D’abord, le président russe se pose en victime potentielle : ce n’est pas lui qui veut la guerre, c’est l’Europe qui pourrait la déclencher. Cette inversion de la responsabilité est un classique de la propagande russe. Ensuite, il utilise le conditionnel — « si l’Europe le souhaite » — pour suggérer que tout dépend du comportement européen, que Moscou ne fait que réagir à des provocations extérieures. Enfin, et c’est le plus inquiétant, il affirme être « prêt dès maintenant ». Pas dans quelques mois, pas après des préparatifs supplémentaires. Maintenant. Immédiatement. Cette formulation n’est pas anodine : elle signifie que la Russie considère avoir les capacités militaires, logistiques et stratégiques pour affronter l’Europe dans un conflit ouvert. Vraie ou fausse, cette affirmation vise à intimider, à créer un climat de peur, à paralyser toute velléité de résistance.

Mais Poutine ne s’arrête pas là. Il ajoute que les Européens sont « vexés d’avoir été écartés des négociations », mais que c’était « leur initiative », qu’ils se sont « écartés eux-mêmes ». Encore une fois, cette réécriture de l’histoire est stupéfiante. Les Européens n’ont pas choisi d’être exclus des discussions entre Washington et Moscou. Ils ont été délibérément mis de côté par une administration Trump qui préfère négocier en bilatéral avec le Kremlin, sans les contraintes et les exigences morales que représentent les capitales européennes. Le président russe le sait parfaitement, mais il préfère inverser les rôles pour mieux discréditer l’Europe. Il poursuit en affirmant que les Européens « n’ont pas de programme de paix » et qu’ils sont « du côté de la guerre ». Cette accusation est particulièrement cynique quand on sait que ce sont les pays européens qui accueillent des millions de réfugiés ukrainiens, qui financent massivement l’aide humanitaire, qui ont imposé des sanctions économiques dévastatrices pour leur propre économie. Mais dans la logique poutinienne, soutenir l’Ukraine dans sa résistance face à l’agression russe équivaut à être « du côté de la guerre ». Seule la capitulation totale de Kiev serait considérée comme un « programme de paix » acceptable.

Une escalade verbale qui n’a rien d’improvisé

Ces déclarations ne sont pas un dérapage, un moment d’énervement ou une improvisation malheureuse. Elles s’inscrivent dans une stratégie d’escalade verbale parfaitement maîtrisée par le Kremlin depuis le début de l’invasion ukrainienne. Poutine a toujours su doser ses menaces, les faire monter progressivement en intensité sans jamais franchir le point de non-retour qui déclencherait une réaction occidentale massive. Il teste les limites, observe les réactions, ajuste son discours en fonction des réponses obtenues. Et force est de constater que jusqu’à présent, cette stratégie a fonctionné. Chaque fois que Moscou a franchi une ligne rouge — annexion de la Crimée en 2014, soutien aux séparatistes du Donbass, invasion à grande échelle en 2022, bombardements de civils, destructions d’infrastructures énergétiques — l’Occident a protesté, sanctionné, mais jamais riposté militairement. Cette impunité a renforcé la conviction du président russe qu’il peut aller toujours plus loin sans conséquences réelles. Les menaces nucléaires à peine voilées, les références répétées à la puissance de frappe russe, les exercices militaires aux portes de l’OTAN : tout cela fait partie d’un arsenal de guerre psychologique destiné à paralyser l’adversaire.

Le timing de ces déclarations est également révélateur. Poutine les prononce quelques heures avant de recevoir Steve Witkoff et Jared Kushner au Kremlin pour discuter du plan de paix américain. Ce n’est pas une coïncidence. En menaçant ouvertement l’Europe juste avant cette rencontre, le président russe envoie plusieurs messages simultanés. Aux Américains, il dit : « Voyez comme les Européens sont un obstacle, négocions sans eux ». Aux Européens, il dit : « Vous n’avez pas votre mot à dire, acceptez mes conditions ou assumez les conséquences ». À l’Ukraine, il dit : « Vos alliés européens ne pourront pas vous sauver, vous êtes seuls ». Cette communication à plusieurs niveaux est la marque d’un stratège qui sait exploiter les failles de ses adversaires. Et les failles, il y en a. L’Europe est divisée sur la question ukrainienne. Certains pays comme la Pologne, les États baltes ou la République tchèque sont sur une ligne dure et veulent soutenir Kiev jusqu’au bout. D’autres, comme la Hongrie de Viktor Orbán, sont ouvertement pro-russes. D’autres encore, comme l’Allemagne ou la France, oscillent entre fermeté de principe et pragmatisme économique. Ces divisions sont une aubaine pour Moscou.

Ce qui me frappe, c’est notre naïveté collective. Nous continuons à analyser les déclarations de Poutine comme si elles relevaient d’une logique rationnelle, comme si nous pouvions le raisonner, le convaincre, trouver un compromis acceptable. Mais cet homme ne fonctionne pas comme ça. Il ne cherche pas un compromis. Il cherche la victoire totale. Et chaque fois que nous reculons, chaque fois que nous hésitons, chaque fois que nous nous divisons, il avance d’un pas supplémentaire. Nous sommes en train de perdre cette guerre sans même nous en rendre compte.

Sources

Sources primaires

BFM TV, « Vladimir Poutine affirme que si l’Europe veut la guerre avec la Russie, nous sommes prêts », 2 décembre 2025. Libération, « Nous sommes prêts dès maintenant : Vladimir Poutine menace directement l’Europe d’une guerre », 2 décembre 2025. Axios, « Trump’s full 28-point Ukraine-Russia peace plan », 20 novembre 2025. Le Point, « Si l’Europe veut la guerre, nous sommes prêts, menace Vladimir Poutine », 2 décembre 2025. Le Parisien, « Si l’Europe veut la guerre avec la Russie, nous sommes prêts : la dernière mise en garde de Vladimir Poutine », 2 décembre 2025. Les Échos, « Poutine se dit prêt à faire la guerre à l’Europe », 2 décembre 2025. TF1 Info, « La Russie est prête si l’Europe veut la guerre, prévient Poutine », 2 décembre 2025.

Sources secondaires

Le Grand Continent, « Après l’Ukraine, la Russie prépare la guerre d’Europe », 24 février 2025. IRIS, « Rétrospective géopolitique de l’année 2024 », 2024. Consilium Europa, « Réaction de l’UE à l’invasion de l’Ukraine par la Russie », 2024-2025. France Diplomatie, « Sanctions contre la Russie et la Biélorussie », 2024-2025. IFRI, « Europe-Russie : évaluation des rapports de force », 2024. Revue Conflits, « Le flanc est de l’Union européenne se prépare à la guerre », 2024. Al Jazeera, « Trump’s 28-point Ukraine plan in full: What it means, could it work? », 21 novembre 2025. CNN, « The 28-point peace proposal for Ukraine, annotated », 21 novembre 2025. Reuters, « US peace plan for Ukraine drew from Russian document », 26 novembre 2025. The Guardian, « The 28-point peace plan for Ukraine may be dead – but Trump still holds the cards », 28 novembre 2025.

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

facebook icon twitter icon linkedin icon
Copié!

Commentaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
Subscribe
Notify of
guest
0 Commentaires
Newest
Oldest Most Voted
Inline Feedbacks
View all comments
Plus de contenu