Les mots qui tuent
Revenons sur les termes exacts employés par Vladimir Poutine ce 2 décembre. « Nous n’avons pas l’intention de faire la guerre à l’Europe, mais si l’Europe le souhaite et commence, nous sommes prêts dès maintenant ». Chaque mot compte dans cette phrase soigneusement construite. D’abord, le président russe se pose en victime potentielle : ce n’est pas lui qui veut la guerre, c’est l’Europe qui pourrait la déclencher. Cette inversion de la responsabilité est un classique de la propagande russe. Ensuite, il utilise le conditionnel — « si l’Europe le souhaite » — pour suggérer que tout dépend du comportement européen, que Moscou ne fait que réagir à des provocations extérieures. Enfin, et c’est le plus inquiétant, il affirme être « prêt dès maintenant ». Pas dans quelques mois, pas après des préparatifs supplémentaires. Maintenant. Immédiatement. Cette formulation n’est pas anodine : elle signifie que la Russie considère avoir les capacités militaires, logistiques et stratégiques pour affronter l’Europe dans un conflit ouvert. Vraie ou fausse, cette affirmation vise à intimider, à créer un climat de peur, à paralyser toute velléité de résistance.
Mais Poutine ne s’arrête pas là. Il ajoute que les Européens sont « vexés d’avoir été écartés des négociations », mais que c’était « leur initiative », qu’ils se sont « écartés eux-mêmes ». Encore une fois, cette réécriture de l’histoire est stupéfiante. Les Européens n’ont pas choisi d’être exclus des discussions entre Washington et Moscou. Ils ont été délibérément mis de côté par une administration Trump qui préfère négocier en bilatéral avec le Kremlin, sans les contraintes et les exigences morales que représentent les capitales européennes. Le président russe le sait parfaitement, mais il préfère inverser les rôles pour mieux discréditer l’Europe. Il poursuit en affirmant que les Européens « n’ont pas de programme de paix » et qu’ils sont « du côté de la guerre ». Cette accusation est particulièrement cynique quand on sait que ce sont les pays européens qui accueillent des millions de réfugiés ukrainiens, qui financent massivement l’aide humanitaire, qui ont imposé des sanctions économiques dévastatrices pour leur propre économie. Mais dans la logique poutinienne, soutenir l’Ukraine dans sa résistance face à l’agression russe équivaut à être « du côté de la guerre ». Seule la capitulation totale de Kiev serait considérée comme un « programme de paix » acceptable.
Une escalade verbale qui n’a rien d’improvisé
Ces déclarations ne sont pas un dérapage, un moment d’énervement ou une improvisation malheureuse. Elles s’inscrivent dans une stratégie d’escalade verbale parfaitement maîtrisée par le Kremlin depuis le début de l’invasion ukrainienne. Poutine a toujours su doser ses menaces, les faire monter progressivement en intensité sans jamais franchir le point de non-retour qui déclencherait une réaction occidentale massive. Il teste les limites, observe les réactions, ajuste son discours en fonction des réponses obtenues. Et force est de constater que jusqu’à présent, cette stratégie a fonctionné. Chaque fois que Moscou a franchi une ligne rouge — annexion de la Crimée en 2014, soutien aux séparatistes du Donbass, invasion à grande échelle en 2022, bombardements de civils, destructions d’infrastructures énergétiques — l’Occident a protesté, sanctionné, mais jamais riposté militairement. Cette impunité a renforcé la conviction du président russe qu’il peut aller toujours plus loin sans conséquences réelles. Les menaces nucléaires à peine voilées, les références répétées à la puissance de frappe russe, les exercices militaires aux portes de l’OTAN : tout cela fait partie d’un arsenal de guerre psychologique destiné à paralyser l’adversaire.
Le timing de ces déclarations est également révélateur. Poutine les prononce quelques heures avant de recevoir Steve Witkoff et Jared Kushner au Kremlin pour discuter du plan de paix américain. Ce n’est pas une coïncidence. En menaçant ouvertement l’Europe juste avant cette rencontre, le président russe envoie plusieurs messages simultanés. Aux Américains, il dit : « Voyez comme les Européens sont un obstacle, négocions sans eux ». Aux Européens, il dit : « Vous n’avez pas votre mot à dire, acceptez mes conditions ou assumez les conséquences ». À l’Ukraine, il dit : « Vos alliés européens ne pourront pas vous sauver, vous êtes seuls ». Cette communication à plusieurs niveaux est la marque d’un stratège qui sait exploiter les failles de ses adversaires. Et les failles, il y en a. L’Europe est divisée sur la question ukrainienne. Certains pays comme la Pologne, les États baltes ou la République tchèque sont sur une ligne dure et veulent soutenir Kiev jusqu’au bout. D’autres, comme la Hongrie de Viktor Orbán, sont ouvertement pro-russes. D’autres encore, comme l’Allemagne ou la France, oscillent entre fermeté de principe et pragmatisme économique. Ces divisions sont une aubaine pour Moscou.
Ce qui me frappe, c’est notre naïveté collective. Nous continuons à analyser les déclarations de Poutine comme si elles relevaient d’une logique rationnelle, comme si nous pouvions le raisonner, le convaincre, trouver un compromis acceptable. Mais cet homme ne fonctionne pas comme ça. Il ne cherche pas un compromis. Il cherche la victoire totale. Et chaque fois que nous reculons, chaque fois que nous hésitons, chaque fois que nous nous divisons, il avance d’un pas supplémentaire. Nous sommes en train de perdre cette guerre sans même nous en rendre compte.
Section 3 : le plan Trump, une capitulation déguisée
Vingt-huit points pour enterrer l’Ukraine
Pour comprendre pourquoi Poutine se sent en position de force au point de menacer ouvertement l’Europe, il faut examiner le plan de paix en 28 points élaboré par l’administration Trump et révélé fin novembre 2025. Ce document, obtenu par le média américain Axios et vérifié par des sources ukrainiennes et américaines, est édifiant. Il ne s’agit pas d’un plan de paix équilibré cherchant un compromis entre les parties. C’est une liste de revendications russes à peine déguisée, que Washington présente comme un effort de médiation. Examinons quelques points clés. Le point 6 prévoit de limiter l’armée ukrainienne à 600 000 soldats, alors qu’elle en compte actuellement entre 800 000 et 850 000. Avant la guerre, l’Ukraine n’avait que 250 000 militaires. Cette réduction drastique rendrait Kiev incapable de se défendre efficacement en cas de nouvelle agression russe. Le point 7 est encore plus grave : l’Ukraine devrait inscrire dans sa Constitution qu’elle ne rejoindra jamais l’OTAN, et l’Alliance atlantique devrait modifier ses statuts pour exclure définitivement toute adhésion ukrainienne. C’est exactement ce que Poutine réclame depuis 2021. Le point 8 interdit le stationnement de troupes de l’OTAN en Ukraine, rendant caduques les discussions franco-britanniques sur un déploiement européen post-conflit.
Mais le pire concerne les concessions territoriales. Le point 21 est d’une brutalité confondante. La Crimée, Louhansk et Donetsk seraient reconnus comme « de facto russes », y compris par les États-Unis. Kherson et Zaporijjia seraient « gelés le long de la ligne de contact », ce qui signifie une reconnaissance de facto de l’occupation russe dans ces régions également. Pire encore, les forces ukrainiennes devraient se retirer des parties de l’oblast de Donetsk qu’elles contrôlent encore, créant une « zone démilitarisée » qui serait internationalement reconnue comme territoire russe. En clair, l’Ukraine perdrait environ 20% de son territoire, incluant des régions riches en ressources naturelles et en terres agricoles. Le point 19 prévoit même que la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, serait exploitée conjointement par la Russie et l’Ukraine avec un partage 50-50 de l’électricité produite. Autant dire que Moscou contrôlerait de fait cette installation stratégique. Le point 26 est le clou du cercueil : « Toutes les parties impliquées dans ce conflit recevront une amnistie complète pour leurs actions pendant la guerre ». Traduction : aucun responsable russe ne pourra être poursuivi pour crimes de guerre, massacres de civils, déportations d’enfants ou destructions massives.
Les contreparties illusoires
Face à ces concessions écrasantes imposées à l’Ukraine, que propose le plan Trump en échange ? Des « garanties de sécurité » dont le contenu reste extrêmement flou. Le point 5 mentionne que « l’Ukraine recevra des garanties de sécurité fiables », mais sans préciser leur nature exacte. Un document séparé, révélé ultérieurement, évoque une clause selon laquelle les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN traiteraient une attaque contre l’Ukraine comme une attaque contre « toute la communauté transatlantique ». Mais cette formulation reste en deçà de l’Article 5 du traité de l’OTAN qui prévoit une défense collective automatique. Surtout, ces garanties seraient conditionnelles. Le point 10 stipule que si l’Ukraine attaque la Russie, elle perdra ces garanties. Si elle lance un missile sur Moscou ou Saint-Pétersbourg « sans cause », les garanties deviennent invalides. Qui déterminera ce qui constitue une « cause » légitime ? Le plan ne le précise pas. En revanche, si la Russie attaque à nouveau l’Ukraine, la réponse serait une « riposte militaire coordonnée décisive ». Mais là encore, aucune précision sur la nature de cette riposte ni sur le rôle que joueraient les États-Unis.
Le plan prévoit également des contreparties économiques. Le point 12 évoque un « puissant programme mondial de reconstruction de l’Ukraine », incluant la création d’un Fonds de développement, des investissements dans les technologies et l’intelligence artificielle, la modernisation des infrastructures gazières, l’extraction de minéraux et de ressources naturelles. Tout cela financé en partie par 100 milliards de dollars d’actifs russes gelés, auxquels s’ajouteraient 100 milliards d’euros européens. Mais le point 14 précise que les États-Unis recevraient 50% des profits générés par ces investissements. Autrement dit, Washington se servirait grassement sur la reconstruction de l’Ukraine. Le reste des fonds russes gelés serait investi dans un « véhicule d’investissement américano-russe » pour des projets communs. On croit rêver : les actifs russes saisis en représailles de l’invasion serviraient à financer des projets conjoints entre Washington et Moscou. Quant à la Russie, elle serait « réintégrée dans l’économie mondiale » (point 13), avec une levée progressive des sanctions, des accords de coopération économique à long terme avec les États-Unis dans les domaines de l’énergie, des ressources naturelles, de l’intelligence artificielle, et même une réintégration au G8. Le message est clair : Poutine serait récompensé pour son agression.
Quand j’ai lu ce plan pour la première fois, j’ai eu la nausée. Littéralement. Comment peut-on présenter un tel document comme un « plan de paix » ? C’est une capitulation en bonne et due forme. L’Ukraine perdrait son territoire, son armée serait affaiblie, elle renoncerait à l’OTAN, et en échange elle recevrait des promesses vagues et des garanties conditionnelles. Pendant ce temps, Poutine récupérerait tout ce qu’il voulait depuis le début, serait blanchi de ses crimes, et toucherait même des dividendes économiques. C’est obscène. Et le plus révoltant, c’est que ce plan est présenté par Washington comme un effort de médiation équilibré. Non, ce n’est pas équilibré. C’est une trahison.
Section 4 : la rencontre au Kremlin, un théâtre bien rodé
Sourires et poignées de main
Après avoir menacé l’Europe de guerre quelques heures plus tôt, Vladimir Poutine reçoit donc Steve Witkoff et Jared Kushner au Kremlin dans l’après-midi du 2 décembre. Les images diffusées par l’agence de presse russe RIA Novosti sont surréalistes. On y voit les trois hommes assis autour d’une table de marbre blanc ovale, tout sourire, échangeant des amabilités comme de vieux amis. Poutine se dit « tellement content de vous voir », tandis que Witkoff confie avoir fait « une très belle balade » dans Moscou, cette « ville magnifique ». L’atmosphère est détendue, presque chaleureuse. Rien ne laisse transparaître la gravité du moment ni les enjeux colossaux de cette rencontre. C’est du théâtre politique à l’état pur, une mise en scène soigneusement orchestrée pour envoyer un message au monde : voyez comme nous nous entendons bien, voyez comme les négociations avancent dans la bonne humeur, voyez comme la paix est à portée de main. Le contraste avec les déclarations belliqueuses du matin est saisissant. Mais c’est précisément l’objectif : montrer que Poutine peut être menaçant avec l’Europe et conciliant avec les Américains, qu’il sait moduler son discours en fonction de ses interlocuteurs.
Cette rencontre est la sixième visite de Steve Witkoff à Moscou en 2025. Une fréquence qui en dit long sur les priorités de l’administration Trump et sur la nature des relations qui se sont tissées entre l’émissaire américain et le pouvoir russe. Witkoff n’est pas un diplomate de carrière. C’est un promoteur immobilier, un homme d’affaires proche de Trump, sans expérience particulière en matière de géopolitique ou de négociations internationales. Son profil est révélateur de l’approche trumpienne : privilégier les relations personnelles et les deals commerciaux plutôt que les principes diplomatiques traditionnels. Jared Kushner, le gendre de Trump, l’accompagne. Lui non plus n’est pas un diplomate professionnel, mais il a joué un rôle clé dans les accords d’Abraham entre Israël et plusieurs pays arabes durant le premier mandat de Trump. Sa présence à Moscou suggère que l’administration américaine envisage le conflit ukrainien sous l’angle d’un « deal » à conclure, d’un arrangement transactionnel entre parties prenantes, plutôt que comme une question de principes moraux ou de droit international. Cette approche convient parfaitement à Poutine, qui a toujours préféré les négociations bilatérales opaques aux forums multilatéraux contraignants.
Cinq heures de discussions pour rien
Les discussions durent environ cinq heures. À l’issue de cette marathon diplomatique, le conseiller du Kremlin Iouri Ouchakov s’exprime devant la presse. Son bilan est pour le moins mitigé. Il affirme qu’« aucun compromis » sur les territoires occupés par la Russie en Ukraine n’a été trouvé. « Aucune solution de compromis sur les territoires n’a encore été choisie, mais certaines propositions américaines peuvent être discutées », déclare-t-il. Traduction : Moscou n’a pas bougé d’un pouce sur ses exigences territoriales, mais les Américains ont fait des propositions qui vont dans le bon sens du point de vue russe. Ouchakov qualifie néanmoins les discussions de « utiles » et « constructives », tout en précisant qu’il « reste encore beaucoup de travail ». Cette formulation diplomatique classique signifie en réalité que les positions restent très éloignées mais que le dialogue continue. Le conseiller ajoute : « Nous avons pu nous mettre d’accord sur certains points, d’autres ont suscité des critiques, mais l’essentiel est qu’une discussion constructive ait eu lieu et que les parties aient déclaré leur volonté de poursuivre leurs efforts ». En clair : nous ne sommes d’accord sur rien de fondamental, mais nous continuons à parler.
Ouchakov précise que les discussions n’ont pas porté sur des « formulations concrètes » d’un accord mais sur « le fond », et que plusieurs documents présentés à Moscou ont été abordés sans qu’il veuille les détailler. Cette opacité est typique des négociations russes : on ne révèle que ce qui arrange, on garde le reste secret pour préserver sa marge de manœuvre. Ce qui est certain, c’est que Moscou n’a fait aucune concession majeure. Les exigences territoriales restent intactes : reconnaissance de l’annexion de la Crimée, du Donbass, et des autres régions occupées. L’interdiction pour l’Ukraine de rejoindre l’OTAN demeure non négociable. La réduction de l’armée ukrainienne est maintenue. En revanche, les Russes se montrent ouverts sur les aspects économiques : levée des sanctions, coopération commerciale avec les États-Unis, réintégration dans les instances internationales. C’est là que se situe leur véritable intérêt. Poutine ne cherche pas seulement à gagner la guerre en Ukraine. Il cherche à normaliser l’agression, à faire accepter par la communauté internationale que la force prime le droit, que les frontières peuvent être redessinées par la violence, et que l’agresseur peut être récompensé s’il tient suffisamment longtemps.
Ces images du Kremlin me donnent envie de hurler. Voir Witkoff et Kushner sourire béatement face à Poutine, échanger des plaisanteries comme s’ils négociaient un contrat immobilier, alors que des Ukrainiens meurent chaque jour sous les bombes russes… c’est insupportable. Où est la dignité ? Où est le respect des victimes ? Où est la conscience morale ? Trump et son équipe traitent cette guerre comme un problème à régler pour passer à autre chose, sans se soucier une seconde de la justice, du droit international, ou de la souveraineté ukrainienne. Ils veulent un deal, n’importe lequel, pour pouvoir dire qu’ils ont « résolu » le conflit. Peu importe si ce deal revient à livrer l’Ukraine pieds et poings liés à son agresseur.
Section 5 : le silence assourdissant de l'Europe
Aucune réaction officielle
Voici peut-être l’élément le plus inquiétant de toute cette séquence : face aux menaces directes de Vladimir Poutine, l’Europe est restée muette. Pas de communiqué de la Commission européenne. Pas de déclaration commune des États membres. Pas de réunion d’urgence du Conseil européen. Pas de réponse ferme de la part des capitales européennes. Rien. Le silence. Un silence qui en dit long sur l’état de paralysie dans lequel se trouve le continent face à la Russie. Certes, quelques voix isolées se sont fait entendre. Emmanuel Macron, lors d’une visite de Volodymyr Zelensky à Paris la veille, avait réaffirmé la mobilisation des Européens pour obtenir « une paix juste et durable ». Mais cette formule creuse, répétée ad nauseam depuis trois ans, ne constitue pas une réponse à la hauteur des menaces proférées par Moscou. Le président français a estimé qu’il n’y avait « pas aujourd’hui à proprement parler un plan qui soit finalisé », reconnaissant implicitement que les Européens sont hors jeu dans les négociations en cours. Mark Rutte, le secrétaire général de l’OTAN, s’est dit « convaincu » que les efforts américains « finiront par rétablir la paix en Europe ». Mais cette confiance affichée sonne creux quand on connaît le contenu du plan Trump.
Cette absence de réaction coordonnée révèle les divisions profondes qui minent l’Union européenne sur la question ukrainienne. Certains pays, notamment ceux d’Europe de l’Est qui ont une expérience directe de la domination soviétique, comprennent parfaitement la menace que représente Poutine. La Pologne, les États baltes, la République tchèque, la Roumanie sont sur une ligne dure et veulent soutenir Kiev jusqu’au bout. Ils savent que si l’Ukraine tombe, ils seront les prochains sur la liste. D’autres pays, en revanche, sont beaucoup plus ambigus. La Hongrie de Viktor Orbán est ouvertement pro-russe et bloque systématiquement toute initiative européenne visant à renforcer le soutien à l’Ukraine. L’Autriche maintient une position de neutralité qui arrange bien Moscou. L’Italie de Giorgia Meloni oscille entre solidarité atlantique et tentation de renouer avec la Russie. Même l’Allemagne, pourtant pilier de l’UE, peine à définir une ligne claire. Berlin a certes fourni une aide militaire substantielle à Kiev, mais le chancelier Olaf Scholz reste réticent à franchir certaines lignes rouges, notamment sur la livraison de missiles à longue portée. Quant à la France, elle multiplie les déclarations martiales mais peine à les traduire en actes concrets.
Une impuissance stratégique
Au-delà des divisions politiques, l’Europe souffre d’une impuissance stratégique structurelle face à la Russie. Militairement d’abord. Malgré les discours sur l’autonomie stratégique européenne, le continent reste largement dépendant du parapluie américain pour sa sécurité. Les armées européennes, après des décennies de sous-investissement, ne sont pas en mesure de faire face seules à une menace russe. Les stocks de munitions sont insuffisants, les capacités de production limitées, la coordination entre pays membres défaillante. Certes, depuis le début de la guerre en Ukraine, les budgets de défense ont augmenté dans plusieurs pays européens. Mais il faudra des années pour combler le retard accumulé. Énergétiquement ensuite. Même si l’Europe a considérablement réduit sa dépendance au gaz russe depuis 2022, certains pays restent vulnérables. La Hongrie, la Slovaquie, l’Autriche continuent d’importer massivement du gaz russe. Cette dépendance énergétique limite la marge de manœuvre politique de ces pays et explique en partie leur réticence à adopter une ligne dure face à Moscou. Économiquement enfin. Les sanctions imposées à la Russie ont un coût pour les économies européennes, notamment en termes d’inflation et de compétitivité industrielle. Certains secteurs, comme l’agriculture ou la chimie, ont été durement touchés.
Mais au-delà de ces facteurs matériels, c’est surtout une faiblesse psychologique qui paralyse l’Europe. La peur de l’escalade, la crainte d’une confrontation directe avec la Russie, l’angoisse d’un conflit nucléaire : tous ces éléments inhibent la capacité de réaction européenne. Poutine l’a parfaitement compris et exploite cette peur avec un cynisme redoutable. Chaque fois qu’un pays européen envisage de franchir une nouvelle étape dans le soutien à l’Ukraine — livraison d’armes plus sophistiquées, autorisation de frapper le territoire russe, envoi de troupes — Moscou brandit la menace nucléaire ou évoque le risque d’une guerre généralisée. Et à chaque fois, l’Europe recule. Cette stratégie de l’intimidation fonctionne parce qu’elle joue sur une réalité : les Européens ne veulent pas la guerre. Ils aspirent à la paix, à la stabilité, au retour à la normale. Cette aspiration légitime devient une faiblesse quand elle se transforme en pacifisme naïf, en refus de voir la réalité en face. Car la réalité, c’est que Poutine ne cherche pas la paix. Il cherche la victoire. Et tant que l’Europe ne sera pas prête à l’affronter avec détermination, il continuera d’avancer.
Ce silence européen me désespère. Nous sommes en train de laisser Poutine dicter l’agenda, imposer ses conditions, menacer ouvertement notre continent, sans réagir. Nous nous cachons derrière des formules diplomatiques creuses, des appels à la retenue, des espoirs de négociations. Mais pendant ce temps, lui prépare la suite. Il teste nos limites, mesure notre détermination, et constate avec satisfaction que nous n’en avons aucune. Nous sommes comme des lapins hypnotisés par les phares d’une voiture qui fonce sur nous. Incapables de bouger, incapables de réagir, incapables de nous sauver nous-mêmes.
Section 6 : Zelensky, l'homme seul
Entre pression américaine et abandon européen
Au milieu de ce maelström diplomatique, Volodymyr Zelensky se retrouve dans une position de plus en plus intenable. Le président ukrainien fait face à une pression croissante de la part de l’administration Trump pour accepter le plan de paix en 28 points, malgré ses concessions écrasantes. Washington lui fait comprendre que le soutien américain n’est pas éternel, que les États-Unis veulent tourner la page de ce conflit, et que s’il refuse de négocier, l’Ukraine risque de se retrouver complètement isolée. Un haut responsable de la Maison Blanche a d’ailleurs déclaré que le plan n’était « pas facile » pour l’Ukraine, mais que les États-Unis croyaient que la guerre devait se terminer et que si elle ne se terminait pas, l’Ukraine risquait de perdre encore plus de territoire. Ce chantage à peine voilé place Zelensky devant un dilemme cornélien : accepter un accord qui revient à une capitulation, ou refuser et risquer de perdre le soutien américain, ce qui signifierait à terme une défaite militaire totale. Le président ukrainien a reçu le plan par écrit le 20 novembre lors d’une rencontre avec le secrétaire à l’Armée américain Dan Driscoll. Après cette réunion, il a déclaré être « prêt à tenir des discussions » avec Trump et son équipe, tout en précisant qu’il s’agissait de la « vision » américaine et non d’une offre finale.
Zelensky a également souligné que l’Ukraine avait été « claire sur ses lignes rouges » et qu’elle donnerait son avis pour rendre le plan « vraiment significatif ». Cette formulation prudente révèle toute l’ambiguïté de sa position. Il ne peut pas rejeter frontalement le plan américain au risque de s’aliéner Washington. Mais il ne peut pas non plus l’accepter tel quel sans trahir les centaines de milliers d’Ukrainiens qui se battent et meurent depuis près de quatre ans pour défendre leur pays. Le président ukrainien tente donc de naviguer entre ces deux écueils, en affichant une ouverture au dialogue tout en maintenant ses exigences fondamentales. Mais cette stratégie d’équilibriste devient de plus en plus difficile à tenir. Lors de sa visite à Dublin le 2 décembre, Zelensky a reconnu « avoir peur » que les États-Unis perdent leur intérêt pour l’Ukraine. « C’est le but de la Russie d’éteindre l’intérêt des États-Unis pour cette situation », a-t-il déclaré. Cette crainte n’est pas infondée. Trump a clairement fait savoir qu’il voulait se désengager des conflits lointains pour se concentrer sur les priorités domestiques américaines. Le soutien à l’Ukraine, qui a coûté des dizaines de milliards de dollars aux contribuables américains, est de plus en plus contesté au sein du Parti républicain.
Un appel désespéré à la communauté internationale
Face à cette situation, Zelensky multiplie les appels à la communauté internationale. À Dublin, il a plaidé pour « une véritable fin de la guerre » et pas « seulement une pause » dans les combats. Cette distinction est cruciale. Le président ukrainien craint qu’un cessez-le-feu sans garanties solides ne permette à la Russie de se réarmer et de relancer l’offensive quelques années plus tard, comme elle l’a fait après les accords de Minsk en 2014-2015. Il insiste sur la nécessité de « garanties de sécurité » crédibles, qui empêcheraient toute nouvelle agression russe. Mais ces garanties, personne ne semble vraiment prêt à les fournir. L’OTAN refuse d’intégrer l’Ukraine, les États-Unis proposent des engagements conditionnels et révocables, et les Européens sont incapables de s’accorder sur une position commune. Zelensky a également accusé la Russie d’utiliser les pourparlers actuels pour tenter « d’affaiblir les sanctions » visant Moscou. Il a raison. Le plan Trump prévoit effectivement une levée progressive des sanctions en échange de concessions russes qui restent à définir. Cette perspective inquiète profondément Kiev, qui sait que les sanctions économiques sont l’un des rares leviers de pression dont dispose l’Occident sur la Russie.
Le président ukrainien se retrouve donc dans une position de solitude dramatique. Les Américains le pressent d’accepter un accord défavorable. Les Européens, divisés et impuissants, ne peuvent lui offrir qu’un soutien verbal. La Russie le menace et refuse toute concession. Et sur le terrain, la situation militaire se dégrade lentement mais sûrement. L’armée russe avance dans le Donbass, même si les progrès sont limités et coûteux. Les infrastructures énergétiques ukrainiennes sont systématiquement bombardées, plongeant des millions de civils dans le froid et l’obscurité à l’approche de l’hiver. Les pertes humaines s’accumulent des deux côtés, mais l’Ukraine, avec une population quatre fois inférieure à celle de la Russie, ne peut pas soutenir indéfiniment cette guerre d’attrition. Zelensky le sait. Il sait aussi que le temps joue contre lui. Plus la guerre dure, plus la lassitude gagne les opinions publiques occidentales, plus le soutien s’érode, plus les pressions pour accepter un compromis augmentent. C’est exactement la stratégie de Poutine : tenir, épuiser l’adversaire, attendre que l’Occident se lasse et abandonne l’Ukraine à son sort. Et force est de constater que cette stratégie fonctionne.
Quand je vois Zelensky multiplier les voyages, les discours, les appels à l’aide, je ressens un mélange de respect et de tristesse. Cet homme se bat avec un courage admirable pour son pays, pour son peuple, pour la liberté. Mais il se bat seul. Ou presque. Nous, Occidentaux, nous l’avons encouragé à résister, nous lui avons promis notre soutien indéfectible, nous avons juré que nous serions à ses côtés jusqu’au bout. Et maintenant ? Maintenant nous cherchons une sortie, un compromis, un moyen de nous débarrasser de ce conflit encombrant. Nous sommes en train de le lâcher. Et lui le sait. On le voit dans ses yeux, dans sa voix, dans ses gestes. Il sait qu’il va être sacrifié sur l’autel du réalisme politique.
Section 7 : les précédents historiques qui glacent le sang
Munich 1938, le spectre de l’apaisement
Cette situation rappelle de manière troublante certains précédents historiques que l’Europe pensait avoir définitivement relégués aux livres d’histoire. Le plus évident est celui des accords de Munich en septembre 1938. À l’époque, face aux revendications d’Adolf Hitler sur les Sudètes, région tchécoslovaque peuplée d’une minorité germanophone, les démocraties occidentales avaient choisi l’apaisement. La France et le Royaume-Uni, représentés par Édouard Daladier et Neville Chamberlain, avaient accepté de sacrifier la Tchécoslovaquie pour éviter la guerre. Ils avaient contraint Prague à céder les Sudètes à l’Allemagne nazie, sans même consulter le gouvernement tchécoslovaque. Chamberlain était rentré à Londres en brandissant le texte de l’accord et en proclamant qu’il avait obtenu « la paix pour notre temps ». Six mois plus tard, Hitler envahissait le reste de la Tchécoslovaquie. Un an après, il déclenchait la Seconde Guerre mondiale en attaquant la Pologne. L’apaisement n’avait servi à rien, sinon à encourager l’agresseur et à lui donner le temps de se préparer. Les parallèles avec la situation actuelle sont frappants. Comme en 1938, on sacrifie un pays plus faible pour satisfaire les appétits d’un dictateur expansionniste. Comme en 1938, on se convainc qu’en cédant sur un point, on évitera un conflit plus large. Comme en 1938, on ignore les avertissements de ceux qui comprennent la vraie nature de la menace.
Mais il y a d’autres précédents tout aussi inquiétants. En 1956, lorsque l’Union soviétique a écrasé le soulèvement hongrois, l’Occident a protesté verbalement mais n’est pas intervenu. En 1968, quand les chars soviétiques ont mis fin au Printemps de Prague, même scénario : indignation, condamnations, mais aucune action concrète. En 2008, lorsque la Russie a envahi la Géorgie et occupé l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, la communauté internationale a laissé faire. En 2014, quand Poutine a annexé la Crimée et déclenché la guerre dans le Donbass, les sanctions imposées ont été limitées et n’ont pas empêché Moscou de consolider ses gains territoriaux. À chaque fois, l’Occident a reculé. À chaque fois, il a préféré l’apaisement à la confrontation. Et à chaque fois, cela a encouragé Poutine à aller plus loin. L’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022 n’est pas un accident de l’histoire. C’est le résultat logique de trente ans de faiblesse occidentale face aux agressions russes. Poutine a appris qu’il pouvait violer le droit international, envahir ses voisins, massacrer des civils, sans subir de conséquences réelles. Pourquoi s’arrêterait-il maintenant ? Surtout quand il constate que même après trois ans de guerre en Ukraine, l’Occident cherche encore un moyen de lui offrir une porte de sortie honorable.
La leçon oubliée de l’histoire
L’histoire nous enseigne une leçon fondamentale que nous semblons avoir oubliée : on ne peut pas apaiser un dictateur expansionniste. Chaque concession est perçue comme une faiblesse et encourage de nouvelles exigences. Chaque recul invite à une nouvelle avancée. Chaque compromis déplace simplement le problème dans le temps sans le résoudre. Winston Churchill, qui avait été l’un des rares à s’opposer aux accords de Munich, avait prononcé cette phrase prophétique : « Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ». Cette phrase résonne avec une actualité glaçante aujourd’hui. En acceptant le plan Trump, en sacrifiant l’Ukraine sur l’autel d’une paix illusoire, l’Occident choisit le déshonneur. Et il aura quand même la guerre, tôt ou tard, parce que Poutine ne s’arrêtera pas à l’Ukraine. Les pays baltes, la Pologne, la Roumanie, la Moldavie : tous ces pays sont dans le viseur du Kremlin. Si l’Ukraine tombe, si l’Occident démontre qu’il n’est pas prêt à défendre ses alliés, ces pays seront les prochaines cibles. Et à ce moment-là, il sera trop tard pour réagir.
Certains objecteront que la situation n’est pas comparable, que la Russie n’est pas l’Allemagne nazie, que Poutine n’est pas Hitler. C’est vrai. Mais les mécanismes psychologiques et stratégiques sont les mêmes. Un dictateur qui teste les limites de ses adversaires, qui exploite leurs divisions, qui avance progressivement en s’assurant à chaque étape que la réaction reste limitée. Une opinion publique occidentale fatiguée, qui aspire à la paix et refuse de voir la menace en face. Des dirigeants politiques qui privilégient le court terme et les considérations électorales plutôt que la vision stratégique à long terme. Des démocraties affaiblies par leurs divisions internes et leur incapacité à agir collectivement. Tous ces facteurs étaient présents dans les années 1930. Ils sont présents aujourd’hui. Et si nous ne tirons pas les leçons de l’histoire, nous sommes condamnés à la répéter. Le philosophe George Santayana écrivait : « Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter ». Nous sommes en train de prouver la justesse de cette maxime. Nous avons oublié les leçons de Munich, de la Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide. Nous croyons naïvement que le monde a changé, que les conflits entre grandes puissances appartiennent au passé, que le commerce et l’interdépendance économique suffisent à garantir la paix. Nous nous trompons. Lourdement.
Quand j’étudie l’histoire, quand je lis les témoignages de ceux qui ont vécu les années 1930, je suis frappé par les similitudes avec notre époque. Les mêmes aveuglement, les mêmes illusions, les mêmes rationalisations. « Hitler ne veut que les Sudètes, après il s’arrêtera ». « Poutine ne veut que le Donbass, après il s’arrêtera ». « Il faut éviter la guerre à tout prix ». « Il faut comprendre les préoccupations de sécurité de l’Allemagne/de la Russie ». Les mêmes arguments, les mêmes erreurs, les mêmes conséquences tragiques. Et nous, nous fonçons droit dans le mur en nous persuadant que cette fois, ce sera différent. Non, ce ne sera pas différent. L’histoire ne se répète pas à l’identique, mais elle rime terriblement.
Section 8 : la stratégie russe du fait accompli
Avancer progressivement sans jamais reculer
Pour comprendre pourquoi Poutine se sent en position de force au point de menacer ouvertement l’Europe, il faut analyser sa stratégie du fait accompli. Depuis son arrivée au pouvoir en 2000, le président russe a perfectionné une méthode qui consiste à avancer progressivement, par étapes, en créant des situations irréversibles que l’Occident finit par accepter faute de volonté de les contester militairement. Cette stratégie a été appliquée avec succès en Tchétchénie, en Géorgie, en Crimée, dans le Donbass, et maintenant dans l’ensemble de l’Ukraine. Le schéma est toujours le même. D’abord, Moscou crée une crise, souvent en instrumentalisant des minorités russophones ou en fabriquant des prétextes sécuritaires. Ensuite, elle intervient militairement de manière rapide et massive, en présentant cette intervention comme une réponse défensive à une menace existentielle. Puis, elle consolide ses gains territoriaux en installant des administrations fantoches, en organisant des référendums bidons, en déportant ou en terrorisant les populations hostiles. Enfin, elle attend que l’Occident se lasse, que l’attention médiatique se déplace ailleurs, et que la situation devienne un statu quo de facto accepté par tous. Cette méthode a fonctionné à chaque fois parce que l’Occident n’a jamais été prêt à payer le prix d’une confrontation militaire directe avec la Russie.
En Ukraine, Poutine applique la même recette, mais à une échelle beaucoup plus grande. L’invasion de février 2022 visait initialement à prendre Kiev en quelques jours et à installer un gouvernement fantoche. Cet objectif a échoué grâce à la résistance héroïque des Ukrainiens et au soutien occidental. Mais Moscou s’est adapté. Incapable de remporter une victoire rapide, le Kremlin a opté pour une guerre d’usure visant à épuiser l’Ukraine et à lasser l’Occident. Cette stratégie porte ses fruits. Trois ans après le début de l’invasion, la Russie contrôle environ 20% du territoire ukrainien, incluant la Crimée, une grande partie du Donbass, et des portions des oblasts de Kherson et Zaporijjia. Ces territoires représentent des gains considérables : accès à la mer d’Azov, contrôle de ressources naturelles importantes, corridor terrestre vers la Crimée. Poutine n’a aucune intention de renoncer à ces conquêtes. Au contraire, il cherche maintenant à les faire reconnaître internationalement à travers le plan de paix américain. Si ce plan est accepté, la Russie aura gagné la guerre. Elle aura démontré que la force prime le droit, que les frontières peuvent être redessinées par la violence, et que l’Occident capitule face à la détermination.
Le temps joue pour Moscou
Un élément clé de la stratégie russe est la patience. Poutine sait que le temps joue pour lui. Plus la guerre dure, plus l’Ukraine s’épuise, plus l’Occident se lasse, plus les opinions publiques réclament la fin du conflit. La Russie, avec sa population quatre fois supérieure à celle de l’Ukraine, peut soutenir une guerre d’attrition beaucoup plus longtemps. Certes, les pertes russes sont colossales — probablement plus de 300 000 morts et blessés selon les estimations occidentales — mais le régime de Poutine peut les absorber sans risque politique majeur. La répression interne est totale, les médias sont contrôlés, l’opposition est muselée ou exilée. Le président russe n’a pas à rendre de comptes à son opinion publique comme les dirigeants démocratiques. Il peut donc poursuivre la guerre aussi longtemps que nécessaire. L’économie russe, malgré les sanctions, tient le coup. Le PIB a certes reculé en 2022, mais il est reparti à la hausse en 2023 et 2024. Moscou a réussi à contourner une partie des sanctions en réorientant ses exportations vers la Chine, l’Inde et d’autres pays non-alignés. Les revenus pétroliers et gaziers, même réduits, continuent d’alimenter le budget de guerre. L’industrie de défense tourne à plein régime, produisant des quantités massives de munitions et d’équipements militaires.
Face à cette détermination russe, l’Occident montre des signes croissants de fatigue. Aux États-Unis, le soutien à l’Ukraine est de plus en plus contesté au sein du Parti républicain. Les dizaines de milliards de dollars d’aide militaire et financière sont critiqués par une partie de l’opinion publique qui estime que cet argent devrait être investi dans les priorités domestiques. L’élection de Trump, qui a fait campagne sur une promesse de mettre fin rapidement à la guerre, reflète cette lassitude. En Europe, la situation est similaire. Les opinions publiques sont fatiguées de ce conflit qui dure, qui coûte cher, qui alimente l’inflation, qui crée des incertitudes économiques. Les partis populistes et d’extrême droite, souvent pro-russes, gagnent du terrain dans plusieurs pays en exploitant cette lassitude. Les gouvernements européens, confrontés à des difficultés économiques et à des contestations sociales, sont tentés de privilégier le court terme et de chercher une sortie rapide du conflit, même si cela implique des concessions majeures. Poutine observe tout cela avec satisfaction. Il sait qu’il lui suffit de tenir encore un peu pour que l’Occident finisse par céder. C’est exactement ce qui est en train de se produire avec le plan Trump.
Cette stratégie du fait accompli me rend malade parce qu’elle fonctionne. À chaque fois. Poutine avance, nous protestons, nous sanctionnons, mais nous ne faisons rien pour inverser la situation sur le terrain. Et au bout d’un moment, nous finissons par accepter le nouveau statu quo. La Crimée ? On a protesté en 2014, puis on est passé à autre chose. Le Donbass ? Pareil. Et maintenant, on s’apprête à reconnaître l’annexion de 20% de l’Ukraine comme si c’était normal, comme si c’était inévitable. Nous sommes en train de valider la loi du plus fort. Nous sommes en train de dire au monde entier que la violence paie, que l’agression est récompensée, que le droit international n’est qu’un vœu pieux. Les conséquences de cette capitulation nous hanteront pendant des décennies.
Section 9 : les implications pour l'ordre mondial
La fin du système international d’après-guerre
Ce qui se joue en Ukraine dépasse largement le sort d’un seul pays. C’est l’ensemble du système international établi après la Seconde Guerre mondiale qui est en jeu. Ce système repose sur quelques principes fondamentaux : l’interdiction de l’usage de la force pour modifier les frontières, le respect de la souveraineté des États, le règlement pacifique des différends, la protection des populations civiles en temps de guerre. Ces principes sont inscrits dans la Charte des Nations unies et ont été globalement respectés par les grandes puissances depuis 1945, malgré de nombreuses violations locales. Certes, le système n’a jamais été parfait. Les États-Unis eux-mêmes l’ont violé à plusieurs reprises, notamment lors de l’invasion de l’Irak en 2003. Mais jamais une grande puissance n’avait aussi ouvertement et durablement défié ces principes que la Russie le fait aujourd’hui en Ukraine. L’invasion de février 2022 constitue la plus grave violation du droit international en Europe depuis 1945. Si cette agression est récompensée, si Poutine obtient ce qu’il veut à travers le plan Trump, alors le message envoyé au reste du monde sera clair : la force prime le droit. Les frontières peuvent être redessinées par la violence. Les États puissants peuvent envahir leurs voisins plus faibles sans conséquences durables.
Les implications de ce précédent sont vertigineuses. Partout dans le monde, des puissances régionales observent attentivement ce qui se passe en Ukraine. La Chine regarde et tire des conclusions sur Taïwan. Si l’Occident abandonne l’Ukraine, pourquoi défendrait-il Taïwan ? Pékin pourrait être tenté de passer à l’action, estimant que les démocraties occidentales ne sont pas prêtes à payer le prix d’une confrontation militaire majeure. L’Inde observe et réfléchit à ses propres différends territoriaux avec le Pakistan et la Chine. La Turquie, qui a des revendications sur plusieurs territoires voisins, prend note. L’Iran, qui cherche à étendre son influence au Moyen-Orient, en tire des leçons. Partout, les régimes autoritaires se sentent encouragés, tandis que les démocraties et les petits pays se sentent vulnérables. Le système international basé sur des règles, déjà fragilisé, pourrait s’effondrer complètement. Nous entrerions alors dans une ère de néo-impérialisme, où les grandes puissances se tailleraient des sphères d’influence par la force, où les petits pays seraient à la merci de leurs voisins plus puissants, où le droit international ne serait plus qu’une fiction sans substance. C’est un retour au XIXe siècle, à l’époque des empires et des conquêtes coloniales, mais avec des armes nucléaires.
L’effondrement de la crédibilité occidentale
Au-delà des principes juridiques, c’est la crédibilité de l’Occident qui est en jeu. Depuis la fin de la Guerre froide, les États-Unis et l’Europe se sont présentés comme les garants de l’ordre international, les défenseurs de la démocratie et des droits humains, les champions du multilatéralisme et du droit international. Cette posture a toujours été contestée, notamment par les pays du Sud global qui y voyaient de l’hypocrisie et du néo-colonialisme. Mais elle conservait une certaine force morale et politique. L’abandon de l’Ukraine détruirait définitivement cette crédibilité. Comment l’Occident pourrait-il encore donner des leçons de démocratie et de droits humains après avoir livré un pays démocratique à un dictateur ? Comment pourrait-il encore prétendre défendre le droit international après avoir accepté la plus grave violation de ce droit depuis des décennies ? Comment pourrait-il encore se présenter comme un allié fiable après avoir trahi l’Ukraine malgré toutes ses promesses ? Les conséquences diplomatiques seraient immenses. Les alliés traditionnels de l’Occident — Japon, Corée du Sud, Australie, pays du Golfe — se poseraient légitimement la question de la valeur des garanties de sécurité américaines. Si Washington abandonne l’Ukraine, pourquoi ne les abandonnerait-il pas eux aussi en cas de crise ?
Cette perte de crédibilité profiterait directement aux adversaires de l’Occident. La Chine, la Russie, l’Iran présenteraient l’abandon de l’Ukraine comme la preuve de la décadence occidentale, de l’incapacité des démocraties à défendre leurs valeurs et leurs intérêts. Ils en tireraient argument pour proposer un ordre mondial alternatif, basé non plus sur le droit et les valeurs démocratiques, mais sur les rapports de force et les intérêts nationaux. Ce basculement est déjà en cours. Le sommet des BRICS, qui regroupe désormais une dizaine de pays représentant près de la moitié de la population mondiale, cherche explicitement à créer une alternative au système dominé par l’Occident. L’abandon de l’Ukraine accélérerait cette dynamique. De plus en plus de pays, notamment dans le Sud global, se détourneraient de l’Occident pour se rapprocher de Pékin et de Moscou. Le monde deviendrait de plus en plus multipolaire, mais d’une manière chaotique et dangereuse, sans règles communes ni institutions capables de gérer les conflits. Nous entrerions dans une ère d’anarchie internationale, où chaque puissance chercherait à maximiser ses intérêts sans considération pour les conséquences globales. Les risques de conflits armés, y compris entre grandes puissances, augmenteraient dramatiquement.
Quand je pense aux implications à long terme de ce qui se passe en Ukraine, j’ai le vertige. Nous ne sommes pas en train de négocier simplement la fin d’un conflit régional. Nous sommes en train de décider du type de monde dans lequel nous voulons vivre. Un monde où le droit compte, où les petits pays sont protégés, où l’agression est punie ? Ou un monde où la force fait loi, où les puissants écrasent les faibles, où la violence est récompensée ? En acceptant le plan Trump, nous choisissons le second monde. Et nos enfants, nos petits-enfants nous maudiront pour cette lâcheté.
Section 10 : la dimension nucléaire, une épée de Damoclès
Le chantage atomique permanent
Impossible d’analyser les menaces de Poutine sans évoquer la dimension nucléaire. Depuis le début de l’invasion ukrainienne, le président russe a multiplié les allusions à peine voilées à l’arsenal atomique russe. Dès février 2022, il avait placé les forces nucléaires en état d’alerte spéciale. En septembre 2022, il avait averti qu’il était prêt à utiliser « tous les moyens » pour défendre le territoire russe, une formulation qui incluait clairement l’arme nucléaire. En 2023 et 2024, les menaces se sont multipliées. Des responsables russes ont évoqué la possibilité de frappes nucléaires tactiques en Ukraine. Des exercices militaires simulant l’utilisation d’armes atomiques ont été organisés. La doctrine nucléaire russe a été modifiée pour abaisser le seuil d’emploi de ces armes. Tout cela vise à créer un climat de terreur psychologique en Occident, à paralyser toute velléité de soutien accru à l’Ukraine, à dissuader l’OTAN d’intervenir directement. Et force est de constater que cette stratégie fonctionne. La peur d’une escalade nucléaire est omniprésente dans les débats occidentaux sur l’Ukraine. Chaque fois qu’un pays envisage de livrer des armes plus sophistiquées à Kiev, les experts s’inquiètent du risque d’escalade. Chaque fois qu’on évoque la possibilité d’une intervention directe de l’OTAN, le spectre de l’apocalypse nucléaire est brandi.
Cette peur n’est pas totalement irrationnelle. La Russie possède le plus grand arsenal nucléaire du monde, avec environ 6 000 ogives, dont 1 600 déployées et prêtes à l’emploi. Elle dispose de missiles balistiques intercontinentaux capables de frapper n’importe quelle cible sur la planète, de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins pratiquement indétectables, de bombardiers stratégiques à long rayon d’action. En cas de conflit nucléaire entre la Russie et l’OTAN, les conséquences seraient apocalyptiques : des centaines de millions de morts, des villes entières rayées de la carte, un hiver nucléaire qui détruirait l’agriculture mondiale et provoquerait des famines massives. Personne ne peut souhaiter un tel scénario. Mais c’est précisément parce que ce scénario est impensable que Poutine l’utilise comme instrument de chantage. Il sait que les dirigeants occidentaux, responsables devant leurs opinions publiques, ne prendront jamais le risque d’une guerre nucléaire. Il exploite cette asymétrie : lui, dictateur sans contraintes démocratiques, peut se permettre de jouer avec le feu et de faire monter les enchères, tandis que les démocraties occidentales sont paralysées par la peur des conséquences. C’est un jeu dangereux, mais jusqu’à présent, il a payé pour Moscou.
La question taboue de la dissuasion
Pourtant, il faut poser une question que beaucoup préfèrent éviter : Poutine utiliserait-il vraiment l’arme nucléaire ? La réponse honnête est : probablement pas, sauf en cas de menace existentielle pour son régime. L’emploi d’armes nucléaires, même tactiques, déclencherait une réaction internationale massive qui isolerait totalement la Russie, y compris de ses alliés comme la Chine et l’Inde. Les conséquences économiques seraient catastrophiques. Le risque d’escalade vers un conflit nucléaire généralisé serait réel. Poutine n’est pas suicidaire. Il est calculateur, cynique, impitoyable, mais rationnel dans la poursuite de ses objectifs. L’arme nucléaire est pour lui un instrument de dissuasion et de chantage, pas un outil militaire qu’il envisage sérieusement d’utiliser. Le problème, c’est que l’Occident ne peut pas en être totalement certain. Et cette incertitude suffit à paralyser l’action. C’est le paradoxe de la dissuasion nucléaire : elle fonctionne tant qu’on croit que l’adversaire pourrait l’utiliser, même si la probabilité réelle est faible. Poutine joue sur cette ambiguïté avec un talent consommé. Il entretient délibérément le flou sur ses intentions, multiplie les signaux contradictoires, fait monter la pression puis la relâche, dans un jeu de yo-yo psychologique destiné à déstabiliser ses adversaires.
La question qui se pose alors est : jusqu’où l’Occident doit-il se laisser intimider par ces menaces ? Si nous reculons à chaque fois que Poutine brandit l’arme nucléaire, où s’arrêtera-t-il ? Après l’Ukraine, il menacera les pays baltes, puis la Pologne, puis d’autres pays européens. À chaque fois, il utilisera le même chantage nucléaire. À chaque fois, nous reculerons par peur de l’escalade. Et à la fin, nous nous réveillerons dans un monde où la Russie aura reconstitué son empire soviétique, où l’Europe sera à sa merci, où le chantage nucléaire sera devenu la norme des relations internationales. C’est inacceptable. Il faut trouver un équilibre entre prudence légitime et fermeté nécessaire. Cela signifie continuer à soutenir l’Ukraine militairement, même si cela comporte des risques. Cela signifie ne pas céder au chantage nucléaire en acceptant des conditions de paix inacceptables. Cela signifie renforcer la dissuasion de l’OTAN pour que Poutine comprenne que toute attaque contre un pays membre déclencherait une réponse massive. Cela signifie aussi communiquer clairement avec Moscou sur les lignes rouges à ne pas franchir. La clarté stratégique est le meilleur moyen d’éviter les malentendus qui pourraient dégénérer en escalade incontrôlée.
La dimension nucléaire de ce conflit me terrifie, je ne vais pas le cacher. Mais ce qui me terrifie encore plus, c’est l’idée que nous pourrions laisser Poutine nous dicter notre conduite par la peur. Si nous acceptons le principe que toute résistance à l’agression russe comporte un risque nucléaire inacceptable, alors nous avons déjà perdu. Nous nous sommes mis nous-mêmes en position de faiblesse permanente. Nous avons donné à Poutine un pouvoir de veto sur toutes nos décisions. C’est exactement ce qu’il cherche. Et nous sommes en train de le lui offrir sur un plateau.
Section 11 : que peut encore faire l'Europe ?
Se réveiller avant qu’il ne soit trop tard
Face à cette situation catastrophique, que peut encore faire l’Europe ? La première chose serait de se réveiller et de prendre conscience de la gravité de la menace. Trop de dirigeants européens continuent à penser que ce conflit est lointain, qu’il ne les concerne pas directement, qu’on peut le gérer par la diplomatie et les compromis. C’est une illusion dangereuse. La guerre en Ukraine n’est pas un conflit régional périphérique. C’est une guerre existentielle pour l’Europe. Si l’Ukraine tombe, si Poutine obtient ce qu’il veut, l’Europe sera la prochaine cible. Pas nécessairement par une invasion militaire directe — bien que cela ne puisse être exclu pour les pays baltes ou la Pologne — mais par une combinaison de guerre hybride, de chantage énergétique, d’ingérence politique, de cyberattaques, de déstabilisation interne. La Russie a déjà démontré sa capacité à mener ce type d’opérations. Les tentatives d’assassinat sur le sol européen, les campagnes de désinformation, le financement de partis extrémistes, les sabotages d’infrastructures : tout cela fait partie de l’arsenal russe. Et cela ne fera que s’intensifier si Poutine sort victorieux de la guerre en Ukraine. L’Europe doit comprendre qu’elle est déjà en guerre, même si les bombes ne tombent pas encore sur ses villes. C’est une guerre d’un nouveau genre, mais c’est une guerre quand même.
Concrètement, l’Europe doit prendre plusieurs mesures urgentes. D’abord, augmenter massivement son soutien militaire à l’Ukraine. Pas seulement en quantité, mais aussi en qualité. Livrer des systèmes d’armes sophistiqués : avions de combat, missiles à longue portée, défense antiaérienne avancée, chars modernes, drones, munitions en quantités suffisantes. Autoriser l’Ukraine à frapper des cibles militaires en profondeur sur le territoire russe pour détruire les bases aériennes, les dépôts de munitions, les centres de commandement. Lever toutes les restrictions artificielles qui handicapent l’effort de guerre ukrainien. Ensuite, renforcer les sanctions économiques contre la Russie. Les sanctions actuelles ont eu un impact, mais elles sont contournées par de nombreux pays tiers. Il faut imposer des sanctions secondaires contre les entreprises et les pays qui aident Moscou à contourner les embargos. Il faut cibler plus efficacement les élites russes, leurs avoirs à l’étranger, leurs réseaux d’influence. Il faut couper complètement les liens énergétiques résiduels avec la Russie, y compris pour les pays qui continuent d’importer du gaz russe. Cela aura un coût économique, mais c’est le prix à payer pour la sécurité à long terme.
Construire une autonomie stratégique réelle
Au-delà du soutien à l’Ukraine, l’Europe doit enfin construire une véritable autonomie stratégique. Ce concept est dans tous les discours depuis des années, mais les actes ne suivent pas. L’Europe reste dramatiquement dépendante des États-Unis pour sa sécurité. Cette dépendance était acceptable tant que Washington était un allié fiable. Mais l’élection de Trump et sa volonté de se désengager de l’Europe changent la donne. L’Europe doit se préparer à un scénario où elle devra assurer seule sa défense. Cela implique des investissements massifs dans les capacités militaires. Tous les pays européens doivent atteindre et dépasser l’objectif de 2% du PIB consacré à la défense. Certains pays, notamment ceux en première ligne face à la Russie, devraient viser 3% ou plus. Ces investissements doivent être coordonnés pour éviter les duplications et maximiser l’efficacité. L’Europe doit développer une industrie de défense intégrée, capable de produire en masse les équipements nécessaires : munitions, missiles, chars, avions, navires, systèmes de défense aérienne. Actuellement, l’industrie européenne est fragmentée, sous-dimensionnée, incapable de répondre aux besoins en cas de conflit majeur. Cela doit changer rapidement.
L’Europe doit également renforcer sa résilience énergétique. La dépendance au gaz russe a été un instrument de chantage puissant pour Moscou. Même si cette dépendance a été considérablement réduite depuis 2022, elle n’a pas totalement disparu. Il faut achever la diversification des sources d’approvisionnement, accélérer la transition vers les énergies renouvelables, développer les capacités de stockage, créer des interconnexions entre pays pour mutualiser les ressources. L’énergie ne doit plus jamais être une arme aux mains de Poutine. Sur le plan politique, l’Europe doit surmonter ses divisions internes. Cela signifie isoler les gouvernements ouvertement pro-russes comme celui de Viktor Orbán en Hongrie. Cela signifie renforcer les mécanismes de décision pour éviter que quelques pays puissent bloquer l’ensemble de l’Union. Cela signifie développer une véritable culture stratégique commune, une vision partagée des menaces et des réponses à y apporter. Tant que l’Europe restera divisée, elle restera faible. Et tant qu’elle restera faible, elle sera à la merci de puissances extérieures comme la Russie ou la Chine. Le temps presse. Chaque jour qui passe sans action décisive nous rapproche du gouffre.
Quand je regarde l’Europe aujourd’hui, je vois un géant économique mais un nain politique et militaire. Nous avons 450 millions d’habitants, le deuxième PIB mondial, des technologies avancées, des sociétés développées. Et pourtant, nous sommes incapables de nous défendre seuls, incapables de parler d’une seule voix, incapables d’agir avec détermination face à une menace existentielle. C’est pathétique. Nous avons tous les atouts en main pour être une puissance mondiale respectée et crainte. Mais nous manquons de volonté politique, de courage, de vision. Nous préférons nous réfugier dans le confort et l’illusion plutôt que d’affronter la réalité. Cette lâcheté collective nous coûtera cher. Très cher.
Section 12 : les scénarios possibles pour l'avenir
Le pire : la capitulation totale
Essayons maintenant d’imaginer les différents scénarios possibles pour l’avenir. Le pire scénario, malheureusement le plus probable à ce stade, est celui de la capitulation totale. L’Ukraine, sous pression américaine et abandonnée par l’Europe, accepte le plan Trump. Elle cède 20% de son territoire, réduit son armée, renonce à l’OTAN, et reçoit en échange des garanties de sécurité vagues et conditionnelles. Un cessez-le-feu est signé, présenté comme une victoire diplomatique par Washington. Les médias occidentaux célèbrent la fin de la guerre. Poutine organise un défilé de la victoire sur la Place Rouge. Les sanctions contre la Russie sont progressivement levées. Moscou est réintégré dans les instances internationales. Les relations commerciales reprennent. L’Europe, soulagée, se persuade que le cauchemar est terminé et qu’on peut revenir au business as usual. Mais ce répit ne dure pas. Quelques années plus tard, une fois que la Russie s’est réarmée et que l’attention occidentale s’est déplacée ailleurs, Poutine relance l’offensive. Il invoque un prétexte quelconque — violation des accords par l’Ukraine, menace contre les russophones, provocation de l’OTAN — et envahit à nouveau. Cette fois, l’Ukraine, affaiblie et isolée, ne peut pas résister. Kiev tombe. Un gouvernement fantoche est installé. L’Ukraine cesse d’exister en tant qu’État indépendant.
Encouragé par ce succès, Poutine passe à la phase suivante de son plan. Il commence à déstabiliser les pays baltes, en utilisant les mêmes méthodes qu’en Ukraine : soutien aux minorités russophones, cyberattaques, sabotages, campagnes de désinformation. Des incidents sont provoqués à la frontière. Des « volontaires » russes apparaissent mystérieusement en Estonie, en Lettonie, en Lituanie. Moscou exige que ces pays accordent plus de droits aux russophones, qu’ils renoncent à certaines alliances, qu’ils acceptent une neutralité de fait. L’OTAN est confrontée à un dilemme terrible : intervenir et risquer une guerre avec la Russie, ou laisser faire et démontrer que l’Article 5 n’est qu’un chiffon de papier. Après des débats déchirants, l’Alliance choisit de ne pas intervenir militairement, invoquant le risque d’escalade nucléaire. Les pays baltes tombent à leur tour sous contrôle russe. La Pologne, terrifiée, se rapproche de Moscou. L’Europe de l’Est devient une zone d’influence russe. L’Union européenne implose sous le poids de ses contradictions. L’OTAN perd toute crédibilité. L’ordre international s’effondre. Nous entrons dans une ère de chaos et de conflits généralisés. Ce scénario peut sembler exagéré, mais il n’a rien d’impossible. C’est même la conséquence logique d’une capitulation en Ukraine.
Le meilleur : la résistance victorieuse
Le meilleur scénario, malheureusement peu probable dans le contexte actuel, serait celui d’une résistance victorieuse. L’Europe se réveille enfin, comprend la gravité de la menace, et décide de soutenir massivement l’Ukraine quoi qu’il en coûte. Les livraisons d’armes sont multipliées par dix. Des systèmes sophistiqués — avions F-16, missiles ATACMS, chars Leopard 2 en grandes quantités — affluent vers le front. L’Ukraine reçoit l’autorisation de frapper en profondeur sur le territoire russe. Les bases aériennes, les dépôts de munitions, les centres de commandement russes sont détruits. L’armée russe, déjà épuisée par trois ans de guerre, commence à s’effondrer. Les pertes deviennent insoutenables. Le moral des troupes s’effondre. Des mutineries éclatent. À Moscou, les élites commencent à douter de Poutine. Des fissures apparaissent au sein du régime. Finalement, face à la perspective d’une défaite militaire totale, le Kremlin accepte de négocier sur des bases acceptables pour l’Ukraine : retrait complet des territoires occupés, y compris la Crimée, réparations de guerre, poursuites pour crimes de guerre, garanties de sécurité solides pour Kiev incluant une adhésion accélérée à l’OTAN. Poutine est renversé par un coup d’État interne. Un nouveau gouvernement russe, plus pragmatique, cherche à normaliser les relations avec l’Occident.
Ce scénario aurait des conséquences positives immenses. L’Ukraine serait sauvée et pourrait se reconstruire avec l’aide massive de l’Occident. L’ordre international basé sur le droit serait restauré. Le message envoyé au monde serait clair : l’agression ne paie pas, la communauté internationale défend ses principes, les démocraties sont capables de résister aux dictatures. La Chine, observant la défaite russe, renoncerait à ses velléités sur Taïwan. Les régimes autoritaires du monde entier seraient affaiblis. Les démocraties sortiraient renforcées de cette épreuve. L’Europe, ayant enfin construit une véritable autonomie stratégique, deviendrait une puissance respectée. L’OTAN démontrerait sa pertinence et sa crédibilité. Malheureusement, ce scénario suppose une volonté politique et un courage qui font cruellement défaut aujourd’hui. Il suppose que l’Europe soit prête à prendre des risques, à investir massivement, à tenir bon face aux menaces russes. Il suppose que les États-Unis maintiennent leur soutien à l’Ukraine malgré les pressions internes. Il suppose que l’unité occidentale résiste aux tentatives de division de Moscou. Toutes ces conditions sont loin d’être réunies. C’est pourquoi ce scénario optimiste reste malheureusement dans le domaine du vœu pieux plutôt que de la prévision réaliste.
Le plus probable : l’enlisement prolongé
Le scénario le plus probable est sans doute un entre-deux inconfortable : ni capitulation totale, ni victoire décisive, mais un enlisement prolongé. Le plan Trump est rejeté par l’Ukraine avec le soutien d’une partie de l’Europe. Les négociations s’enlisent. La guerre continue, mais à basse intensité. Un cessez-le-feu de facto s’installe le long de la ligne de front actuelle, sans accord formel. La situation se fige dans une sorte de « ni paix ni guerre », comme en Corée depuis 1953 ou à Chypre depuis 1974. L’Ukraine contrôle environ 80% de son territoire, la Russie 20%. Aucune des deux parties n’a la capacité de changer significativement la situation militaire. L’Occident continue de soutenir l’Ukraine, mais sans augmenter substantiellement son aide. Les sanctions contre la Russie restent en place, mais sont progressivement contournées. Moscou s’adapte à cette nouvelle normalité, réoriente son économie, consolide son contrôle sur les territoires occupés. Kiev fait de même, se reconstruit lentement, maintient une armée importante, espère toujours récupérer ses territoires mais sans perspective réaliste à court terme. Cette situation pourrait durer des années, voire des décennies. Elle serait profondément insatisfaisante pour tout le monde, mais préférable à une capitulation totale ou à une escalade incontrôlée.
Ce scénario d’enlisement aurait des conséquences négatives importantes. L’Ukraine resterait dans un état de guerre permanente, incapable de se reconstruire pleinement, perdant sa population par émigration, épuisant ses ressources dans un effort militaire sans fin. La Russie resterait un État paria, isolé diplomatiquement, affaibli économiquement, mais toujours dangereux et imprévisible. L’Europe vivrait sous la menace permanente d’une nouvelle escalade, obligée de maintenir des budgets de défense élevés, incapable de se concentrer sur d’autres priorités. Les relations internationales resteraient tendues, avec un risque constant d’incidents qui pourraient dégénérer. Le monde serait divisé en blocs antagonistes, avec d’un côté l’Occident et ses alliés, de l’autre la Russie, la Chine et leurs partenaires. Cette nouvelle Guerre froide serait différente de la précédente — plus complexe, plus multipolaire, plus imprévisible — mais tout aussi dangereuse. Cependant, malgré tous ces inconvénients, ce scénario d’enlisement reste préférable à une capitulation qui validerait l’agression et encouragerait de nouvelles aventures militaires russes. C’est un moindre mal, certes, mais un moindre mal quand même. Et dans la situation actuelle, il faut parfois se contenter du moindre mal.
Quand j’essaie d’imaginer l’avenir, je ne vois que des scénarios sombres. Le meilleur est improbable, le pire est trop terrifiant pour y penser, et le plus probable est profondément insatisfaisant. Nous sommes dans une impasse tragique, fruit de nos erreurs passées, de notre aveuglement, de notre lâcheté. Et maintenant, nous payons le prix. Nous allons continuer à payer pendant des années, peut-être des décennies. Nos enfants paieront aussi. C’est le coût de notre refus de voir la réalité en face, de notre préférence pour le confort immédiat plutôt que la sécurité à long terme. L’histoire nous jugera sévèrement. Et elle aura raison.
Section 13 : l'urgence d'un sursaut collectif
Il est encore temps, mais à peine
Malgré la noirceur du tableau que je viens de dresser, il n’est pas encore trop tard pour inverser la tendance. Mais la fenêtre d’opportunité se referme rapidement. Chaque jour qui passe sans réaction forte de l’Europe nous rapproche du point de non-retour. Chaque concession accordée à Poutine rend la suivante plus probable. Chaque signal de faiblesse encourage de nouvelles exigences. Il faut un sursaut collectif, un réveil brutal, une prise de conscience que nous sommes au bord du gouffre. Ce sursaut doit venir d’abord des dirigeants politiques. Ils doivent avoir le courage de dire la vérité à leurs opinions publiques : nous sommes en danger, la menace est réelle, des sacrifices seront nécessaires. Ils doivent cesser de minimiser la gravité de la situation, de promettre que tout ira bien, de chercher des solutions faciles qui n’existent pas. Ils doivent assumer leur responsabilité historique et prendre les décisions difficiles qui s’imposent, même si elles sont impopulaires à court terme. L’histoire jugera les dirigeants actuels sur leur capacité à faire face à cette crise. Seront-ils des Churchill, capables de mobiliser leurs peuples face à la menace ? Ou seront-ils des Chamberlain, préférant l’apaisement et la facilité jusqu’à ce qu’il soit trop tard ?
Mais ce sursaut doit aussi venir des citoyens. Les opinions publiques européennes doivent comprendre que leur sécurité, leur prospérité, leur mode de vie sont menacés. Que ce qui se passe en Ukraine n’est pas un problème lointain qui ne les concerne pas, mais le prélude à des menaces bien plus graves. Que le prix à payer aujourd’hui pour soutenir l’Ukraine — inflation, hausse des budgets de défense, restrictions énergétiques — est infiniment inférieur au prix qu’il faudra payer demain si Poutine gagne. Les citoyens doivent exiger de leurs gouvernements qu’ils agissent avec fermeté, qu’ils cessent de tergiverser, qu’ils prennent leurs responsabilités. Ils doivent accepter que la paix et la sécurité ont un coût, que la liberté n’est jamais acquise définitivement, qu’elle doit être défendue génération après génération. Cette prise de conscience collective est difficile dans des sociétés habituées à la paix et à la prospérité depuis des décennies. Mais elle est indispensable. Sans elle, les dirigeants politiques n’auront pas le soutien nécessaire pour prendre les mesures qui s’imposent. Et sans ces mesures, nous courrons à la catastrophe.
Les actions concrètes à entreprendre immédiatement
Concrètement, que faut-il faire ? D’abord, rejeter catégoriquement le plan Trump dans sa forme actuelle. L’Europe doit dire clairement à Washington que ce plan est inacceptable, qu’il revient à une capitulation, qu’il trahit les principes fondamentaux du droit international. Elle doit proposer une alternative : un plan qui garantisse véritablement la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, qui prévoie le retrait complet des forces russes, qui offre des garanties de sécurité solides incluant une perspective d’adhésion à l’OTAN, qui maintienne les sanctions contre la Russie tant que ces conditions ne sont pas remplies. Ensuite, augmenter immédiatement et massivement le soutien militaire à l’Ukraine. Chaque pays européen doit doubler ou tripler ses livraisons d’armes. Les restrictions sur l’utilisation de ces armes doivent être levées. L’industrie de défense européenne doit passer en mode de production de guerre. Des contrats massifs doivent être signés pour produire des munitions, des missiles, des drones en quantités suffisantes. L’objectif doit être de donner à l’Ukraine les moyens de reprendre l’initiative militaire et de reconquérir ses territoires.
Troisièmement, renforcer drastiquement les capacités de défense européennes. Tous les pays doivent atteindre au minimum 3% du PIB consacré à la défense. Les pays en première ligne face à la Russie devraient viser 4% ou plus. Ces investissements doivent être coordonnés au niveau européen pour maximiser leur efficacité. Des achats groupés d’équipements doivent être organisés. Une industrie de défense européenne intégrée doit être créée. Des exercices militaires conjoints à grande échelle doivent être organisés régulièrement. L’objectif doit être de créer une force militaire européenne capable de dissuader toute agression russe, même sans le soutien américain. Quatrièmement, durcir les sanctions économiques contre la Russie. Les sanctions actuelles doivent être renforcées et mieux appliquées. Les pays et entreprises qui aident Moscou à les contourner doivent être sanctionnés à leur tour. Les derniers liens énergétiques avec la Russie doivent être coupés. Les avoirs des oligarques russes à l’étranger doivent être saisis et utilisés pour financer la reconstruction de l’Ukraine. L’objectif doit être d’asphyxier économiquement le régime de Poutine jusqu’à ce qu’il n’ait plus les moyens de poursuivre la guerre.
Cinquièmement, lancer une grande campagne de communication pour expliquer aux opinions publiques européennes la gravité de la situation et la nécessité d’agir. Cette campagne doit être menée par les gouvernements, mais aussi par les médias, les intellectuels, la société civile. Elle doit combattre la désinformation russe, déconstruire les narratifs pro-Kremlin, expliquer les enjeux réels du conflit. Elle doit montrer que soutenir l’Ukraine n’est pas de la charité ou de l’idéalisme, mais de la défense de nos propres intérêts vitaux. Elle doit préparer psychologiquement les populations aux sacrifices qui seront nécessaires. Sixièmement, isoler diplomatiquement les gouvernements pro-russes au sein de l’Union européenne. La Hongrie de Viktor Orbán ne peut plus être autorisée à bloquer les décisions communes. Des mécanismes doivent être trouvés pour contourner son veto. Si nécessaire, des coalitions de pays volontaires doivent agir en dehors du cadre de l’UE. L’unité européenne est importante, mais elle ne peut pas être un prétexte à l’inaction face à une menace existentielle. Toutes ces mesures sont difficiles, coûteuses, impopulaires. Mais elles sont nécessaires. L’alternative — la capitulation et ses conséquences catastrophiques — est infiniment pire.
Je sais que ce que je propose semble radical, excessif, alarmiste. Je sais que beaucoup penseront que j’exagère la menace, que je cède à la panique, que je pousse à l’escalade. Mais je suis convaincu que c’est l’inverse. Ce n’est pas moi qui suis radical, c’est la situation qui l’est. Ce n’est pas moi qui exagère, c’est Poutine qui menace ouvertement l’Europe de guerre. Ce n’est pas moi qui pousse à l’escalade, c’est Moscou qui envahit ses voisins et massacre des civils. Je ne fais que tirer les conclusions logiques de ce que nous voyons tous les jours. Et ces conclusions sont terrifiantes. Mais les ignorer ne les fera pas disparaître. Au contraire, cela ne fera qu’aggraver la situation. Il faut regarder la réalité en face, aussi douloureuse soit-elle. Et agir en conséquence.
Conclusion : le moment de vérité
Nous sommes à un tournant historique
Nous voici arrivés au terme de cette analyse. Et le constat est sans appel : nous sommes à un tournant historique. Les décisions qui seront prises dans les semaines et les mois qui viennent détermineront le type de monde dans lequel nous vivrons pour les décennies à venir. Accepterons-nous le plan Trump et ses concessions écrasantes pour l’Ukraine ? Laisserons-nous Poutine menacer impunément l’Europe de guerre ? Continuerons-nous à reculer face au chantage russe ? Ou trouverons-nous enfin le courage de dire non, de tracer une ligne rouge, de défendre nos valeurs et nos intérêts avec détermination ? Ce choix n’est pas seulement politique ou stratégique. C’est un choix moral, civilisationnel, existentiel. C’est le choix entre la loi du plus fort et le règlement du droit, entre la capitulation et la résistance, entre la lâcheté et le courage. L’histoire nous observe. Nos enfants nous jugeront. Les générations futures se demanderont comment nous avons pu laisser faire, comment nous avons pu être aussi aveugles, aussi faibles, aussi irresponsables. À moins que nous ne trouvions en nous la force de nous ressaisir, de nous battre, de défendre ce en quoi nous croyons. Il est encore temps. Mais à peine. La fenêtre se referme. Chaque jour compte. Chaque décision pèse. Chaque signal envoyé a des conséquences.
Les menaces de Poutine ne sont pas des paroles en l’air. Elles sont le reflet d’une stratégie mûrement réfléchie, d’une volonté de puissance qui ne recule devant rien, d’un mépris total pour le droit international et la vie humaine. Cet homme a démontré qu’il était prêt à tout pour atteindre ses objectifs : envahir ses voisins, massacrer des civils, détruire des villes entières, menacer le monde d’une guerre nucléaire. Il ne s’arrêtera pas de lui-même. Il ne sera pas raisonné par la diplomatie. Il ne sera pas apaisé par des concessions. La seule chose qu’il comprend, c’est la force. La seule chose qui peut l’arrêter, c’est une détermination sans faille de l’Occident à défendre ses principes et ses alliés. Cette détermination, nous ne l’avons pas montrée jusqu’à présent. Nous avons hésité, tergiversé, cherché des compromis impossibles. Nous avons eu peur de l’escalade, peur de la confrontation, peur de nos propres ombres. Et pendant ce temps, Poutine a avancé, consolidé ses gains, préparé la suite. Il est temps de changer de stratégie. Il est temps de montrer que nous aussi, nous sommes « prêts ». Prêts à défendre l’Ukraine. Prêts à défendre l’Europe. Prêts à défendre nos valeurs. Prêts à payer le prix nécessaire pour préserver notre liberté et notre sécurité.
Un appel à l’action collective
Cet article n’est pas seulement une analyse. C’est un cri d’alarme. Un appel à l’action. Une supplique adressée à tous ceux qui ont encore une once de lucidité et de courage. Dirigeants politiques, cessez de chercher la facilité et assumez vos responsabilités historiques. Citoyens européens, réveillez-vous et exigez de vos gouvernements qu’ils agissent. Intellectuels, journalistes, artistes, utilisez votre influence pour alerter sur la gravité de la situation. Militaires, préparez-vous à défendre nos pays si nécessaire. Entrepreneurs, industriels, mettez vos capacités au service de l’effort de défense. Chacun à son niveau, chacun selon ses moyens, nous devons tous contribuer à cette mobilisation collective. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une mobilisation. Pas une mobilisation militaire au sens strict, du moins pas encore. Mais une mobilisation des esprits, des volontés, des énergies. Une mobilisation pour défendre ce qui fait notre identité, notre civilisation, notre humanité. Face à la barbarie qui menace, face à l’impérialisme qui avance, face au cynisme qui triomphe, nous devons opposer la force du droit, la solidarité entre démocraties, la détermination à ne pas céder. C’est difficile. C’est coûteux. C’est risqué. Mais c’est nécessaire. Et c’est possible.
L’Europe a déjà surmonté des épreuves terribles par le passé. Elle a survécu à deux guerres mondiales, à la menace nazie, à la Guerre froide. Elle a su se reconstruire, se réinventer, créer un espace de paix et de prospérité sans précédent dans l’histoire. Elle peut le faire à nouveau. Mais cela exige du courage, de la vision, de l’unité. Cela exige que nous cessions de nous diviser sur des questions secondaires et que nous nous concentrions sur l’essentiel : notre survie collective. Cela exige que nous dépassions nos intérêts nationaux à court terme pour embrasser une perspective européenne à long terme. Cela exige que nous acceptions de faire des sacrifices aujourd’hui pour garantir la sécurité de demain. Les menaces de Poutine doivent être prises au sérieux. Mais elles ne doivent pas nous paralyser. Au contraire, elles doivent nous galvaniser. Elles doivent nous rappeler que la liberté n’est jamais acquise, qu’elle doit être défendue génération après génération, que le prix de la liberté est la vigilance éternelle. Nous sommes cette génération. C’est à nous qu’incombe la responsabilité de défendre ce que nos parents et grands-parents ont construit. C’est à nous de décider si nous serons à la hauteur de cette responsabilité ou si nous passerons à l’histoire comme la génération qui a tout perdu par lâcheté et aveuglement. Le choix nous appartient. Mais il faut choisir maintenant. Car demain, il sera trop tard.
En écrivant ces lignes, je ressens un mélange de colère, de tristesse et d’espoir. Colère contre ceux qui nous ont menés dans cette impasse par leur aveuglement et leur lâcheté. Tristesse devant le gâchis humain, les vies brisées, les espoirs détruits. Mais aussi espoir, parce que je crois encore que nous pouvons nous ressaisir, que nous pouvons trouver en nous la force de résister, que nous pouvons écrire une autre fin à cette histoire. Cet espoir est fragile, je le sais. Il pourrait s’éteindre à tout moment si nous continuons sur la voie actuelle. Mais tant qu’il existe, tant qu’il y a une chance, aussi infime soit-elle, nous devons nous battre. Pour l’Ukraine. Pour l’Europe. Pour nous-mêmes. Pour nos enfants. Pour l’avenir. Nous n’avons pas le droit d’abandonner. Nous n’avons pas le droit de capituler. Nous n’avons pas le droit de trahir tout ce en quoi nous croyons. Alors battons-nous. Jusqu’au bout. Quoi qu’il en coûte.
Sources
Sources primaires
BFM TV, « Vladimir Poutine affirme que si l’Europe veut la guerre avec la Russie, nous sommes prêts », 2 décembre 2025. Libération, « Nous sommes prêts dès maintenant : Vladimir Poutine menace directement l’Europe d’une guerre », 2 décembre 2025. Axios, « Trump’s full 28-point Ukraine-Russia peace plan », 20 novembre 2025. Le Point, « Si l’Europe veut la guerre, nous sommes prêts, menace Vladimir Poutine », 2 décembre 2025. Le Parisien, « Si l’Europe veut la guerre avec la Russie, nous sommes prêts : la dernière mise en garde de Vladimir Poutine », 2 décembre 2025. Les Échos, « Poutine se dit prêt à faire la guerre à l’Europe », 2 décembre 2025. TF1 Info, « La Russie est prête si l’Europe veut la guerre, prévient Poutine », 2 décembre 2025.
Sources secondaires
Le Grand Continent, « Après l’Ukraine, la Russie prépare la guerre d’Europe », 24 février 2025. IRIS, « Rétrospective géopolitique de l’année 2024 », 2024. Consilium Europa, « Réaction de l’UE à l’invasion de l’Ukraine par la Russie », 2024-2025. France Diplomatie, « Sanctions contre la Russie et la Biélorussie », 2024-2025. IFRI, « Europe-Russie : évaluation des rapports de force », 2024. Revue Conflits, « Le flanc est de l’Union européenne se prépare à la guerre », 2024. Al Jazeera, « Trump’s 28-point Ukraine plan in full: What it means, could it work? », 21 novembre 2025. CNN, « The 28-point peace proposal for Ukraine, annotated », 21 novembre 2025. Reuters, « US peace plan for Ukraine drew from Russian document », 26 novembre 2025. The Guardian, « The 28-point peace plan for Ukraine may be dead – but Trump still holds the cards », 28 novembre 2025.
Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.