La naissance de PREA et ses promesses
Pour comprendre l’ampleur du recul que représente ce mémo, il faut remonter à 2003, une époque où le Congrès américain votait à l’unanimité — oui, à l’unanimité — le Prison Rape Elimination Act. Cette loi historique reconnaissait enfin une réalité que les défenseurs des droits humains dénonçaient depuis des décennies : les viols en prison ne sont pas des incidents isolés, mais un phénomène systémique qui détruit des vies et perpétue des cycles de violence. PREA imposait aux établissements pénitentiaires de mettre en place des protocoles de prévention, des mécanismes de signalement, des enquêtes rigoureuses et surtout, une reconnaissance que certaines populations — notamment les personnes LGBTQ+ — sont disproportionnellement ciblées par les agresseurs. Le rapport de Human Rights Watch qui avait catalysé cette législation documentait des horreurs indicibles : des hommes violés à répétition par d’autres détenus ou par le personnel pénitentiaire, des victimes forcées au silence par la peur de représailles, un système qui fermait les yeux sur ces crimes au nom d’une conception tordue de la justice. PREA représentait un tournant moral, l’affirmation que même les personnes privées de liberté conservent le droit fondamental à la sécurité physique et à la dignité.
En 2012, l’administration Obama franchit une étape supplémentaire en intégrant explicitement des protections spécifiques pour les personnes transgenres, intersexes et non-conformes au genre dans les standards PREA. Ces règles exigeaient que les établissements évaluent individuellement le risque de victimisation de chaque détenu LGBTQ+, qu’ils prennent en compte l’identité de genre dans les décisions de placement en cellule, qu’ils permettent aux personnes trans de se doucher séparément si elles le souhaitent, et qu’ils forment le personnel à communiquer respectueusement avec ces populations. Les fouilles corporelles devaient être effectuées par des agents du même genre que l’identité de la personne, et non selon son sexe assigné à la naissance. Les enquêtes sur les agressions sexuelles devaient examiner si la motivation de l’agresseur incluait des préjugés liés à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre de la victime. Ces mesures n’étaient pas parfaites — loin de là. Les militants soulignaient régulièrement que même avec ces protections, les personnes trans continuaient de subir des violences épouvantables en détention. Mais elles constituaient au moins un cadre, une reconnaissance officielle que ces vies comptent, qu’elles méritent d’être défendues. Le système d’audits PREA, mené par des inspecteurs certifiés par le DOJ, permettait de vérifier que les établissements respectaient ces normes et de sanctionner les manquements graves.
Les données qui ne mentent pas
Les statistiques sur la violence sexuelle en prison sont accablantes, et elles le sont encore plus quand on examine la situation des personnes LGBTQ+. Selon les données du Bureau of Justice Statistics, en 2020, les administrateurs correctionnels ont signalé 36 264 allégations de victimisation sexuelle dans les prisons, les centres de détention et autres établissements pour adultes. Parmi ces allégations, 2 351 ont été confirmées après enquête, soit un taux de 1,2 incident pour 1 000 détenus. Mais ces chiffres globaux masquent une réalité bien plus sombre pour certaines populations. Une enquête majeure menée en 2015 par l’organisation Black and Pink auprès de plus de 1 110 détenus LGBTQ+ a révélé que ces personnes sont six fois plus susceptibles d’être agressées sexuellement que la population carcérale générale. Pour les personnes transgenres spécifiquement, les données du DOJ lui-même montrent qu’elles subissent des violences sexuelles à un taux douze fois supérieur à celui des autres détenus. Douze fois. Laissez ce chiffre vous pénétrer. Un rapport de février 2024 du Vera Institute of Justice et de Black and Pink National, basé sur des témoignages de près de 300 personnes trans incarcérées, apporte des détails glaçants : 31 % d’entre elles citent la violence d’autres détenus comme la principale raison pour laquelle elles ne se sentent pas en sécurité, et plus de la moitié — plus de la moitié — ont été agressées sexuellement pendant leur peine actuelle.
Ces chiffres ne sont pas de simples statistiques abstraites. Derrière chacun d’eux se cache une personne réelle qui a vécu l’horreur d’être violée dans un lieu où elle ne peut pas s’échapper, où elle dépend entièrement de ses geôliers pour sa protection. Brenda Smith, professeure à l’American University Washington College of Law et ancienne membre de la Commission nationale sur l’élimination des viols en prison, souligne que même ces données alarmantes sous-estiment probablement l’ampleur du problème. Beaucoup de victimes ne signalent jamais les agressions par peur de représailles, par honte, ou parce qu’elles savent que le système ne les protégera pas. Linda McFarlane, de Just Detention International, affirme n’avoir « jamais rencontré une personne trans en détention qui n’ait pas subi d’abus sexuel ou de harcèlement pendant son incarcération ». Jamais. Cette réalité devrait nous horrifier collectivement. Au lieu de cela, l’administration Trump choisit délibérément d’aggraver cette crise en retirant les maigres protections qui existaient. Le mémo du DOJ ne se contente pas d’ignorer ces données — il les méprise activement, sacrifiant la sécurité de milliers de personnes pour satisfaire une agenda politique qui nie leur humanité même.
Douze fois plus de risques. Douze. Comment peut-on lire ce chiffre et décider quand même de supprimer les protections ? Comment peut-on regarder ces données, savoir ce qu’elles signifient en termes de souffrance humaine réelle, et choisir consciemment de rendre la situation pire ? Je cherche une explication rationnelle et je n’en trouve pas. Ce n’est pas de l’ignorance — les données sont là, publiques, irréfutables. Ce n’est pas de l’incompétence — cette décision est trop calculée, trop précise dans ses cibles. C’est quelque chose de plus sinistre. C’est la volonté délibérée de punir des gens pour ce qu’ils sont, de les exposer à la violence comme si leur identité justifiait qu’on les abandonne aux prédateurs. Et ça me brise le cœur.
Le décret Trump : l'idéologie avant l'humanité
Le premier jour et ses conséquences
Le 20 janvier 2025, jour de son investiture pour un second mandat, Donald Trump a signé un décret présidentiel intitulé « Défendre les femmes contre l’extrémisme de l’idéologie du genre et restaurer la vérité biologique au gouvernement fédéral ». Ce titre orwellien masque à peine son véritable objectif : effacer l’existence légale des personnes transgenres et non-binaires dans tous les aspects de la politique fédérale. Le décret affirme que les États-Unis ne reconnaissent que deux sexes — masculin et féminin — définis exclusivement par la biologie à la naissance. Il ordonne que les femmes trans soient systématiquement placées dans des prisons pour hommes, interdit au Bureau fédéral des prisons de fournir des soins d’affirmation de genre aux détenus trans, et exige que toutes les agences fédérales révisent leurs politiques pour éliminer toute reconnaissance de l’identité de genre au-delà du binaire biologique. Ce décret ne se limite pas au système carcéral — il s’étend aux forces armées, où il bannit les personnes trans du service ouvert, et aux soins de santé, où il restreint l’accès des mineurs aux traitements d’affirmation de genre. Mais c’est dans les prisons que ses effets sont les plus immédiats et les plus dévastateurs, car il transforme des lieux déjà dangereux en zones de non-droit pour les personnes LGBTQ+.
Le mémo du DOJ du 2 décembre cite explicitement ce décret comme justification pour démanteler les protections PREA. Tammie Gregg écrit que le ministère est « actuellement en train de mettre à jour » les standards PREA pour les aligner avec l’ordre présidentiel, et qu’en attendant la finalisation de ces révisions, les auditeurs doivent marquer comme « non applicable » toutes les normes qui pourraient entrer en conflit avec le décret de Trump. Cette formulation est révélatrice : elle reconnaît implicitement que les protections existantes contredisent la nouvelle politique, mais au lieu de résoudre ce conflit par un processus législatif transparent, l’administration choisit de court-circuiter le système en ordonnant simplement aux inspecteurs d’ignorer la loi. C’est une manœuvre juridique cynique qui exploite le fait que PREA lui-même ne mentionne pas explicitement les personnes LGBTQ+ — les protections spécifiques avaient été ajoutées par voie réglementaire sous Obama. En théorie, PREA reste en vigueur. En pratique, ses dispositions les plus cruciales pour les populations vulnérables deviennent lettre morte. Les établissements pénitentiaires reçoivent le message clair qu’ils peuvent désormais ignorer ces normes sans craindre de sanctions lors des audits. Certains continueront peut-être à les respecter par conviction éthique ou par crainte de poursuites judiciaires, mais beaucoup d’autres saisiront cette opportunité pour revenir à des pratiques discriminatoires qu’ils n’avaient abandonnées qu’à contrecœur.
Les transferts forcés et leurs traumatismes
Les effets du décret de Trump se sont fait sentir presque immédiatement. Au printemps 2025, plusieurs femmes trans détenues par le Bureau fédéral des prisons ont été transférées de force depuis des établissements pour femmes vers des prisons pour hommes, en violation flagrante de leur identité de genre et au mépris des évaluations individuelles de risque qui avaient justifié leur placement initial. Ces transferts ont provoqué une vague de poursuites judiciaires menées par l’ACLU et d’autres organisations de défense des droits civiques. Les avocates comme Kara Janssen ont documenté les traumatismes psychologiques infligés à leurs clientes, soudainement arrachées à des environnements relativement sûrs pour être jetées dans des prisons d’hommes où elles savaient qu’elles seraient ciblées. Les tribunaux ont finalement ordonné que certaines de ces femmes soient renvoyées dans des établissements pour femmes, reconnaissant que leur placement forcé dans des prisons d’hommes violait leurs droits constitutionnels contre les peines cruelles et inhabituelles. Mais ces victoires judiciaires n’ont protégé que les plaignantes individuelles. La majorité des personnes trans en détention fédérale restent enfermées dans des établissements qui ne correspondent pas à leur identité de genre, exposées quotidiennement à la violence et au harcèlement.
Le 17 novembre 2025, un juge fédéral a étendu une injonction préliminaire empêchant l’administration Trump de refuser les soins d’affirmation de genre aux détenus trans, prolongeant une décision antérieure dans le cadre d’un recours collectif intenté par l’ACLU. Cette injonction, valable jusqu’en mars 2026, offre un répit temporaire mais fragile. Elle ne protège que contre la suppression des soins médicaux, pas contre les autres formes de discrimination et de violence que le décret présidentiel encourage implicitement. Et elle peut être renversée à tout moment si l’administration trouve un angle d’attaque juridique différent ou si la composition des tribunaux change. Shana Knizhnik, avocate principale de l’ACLU pour le projet LGBTQ et VIH, souligne que même si PREA reste techniquement la loi, le mémo du DOJ « envoie un signal » aux responsables des établissements pénitentiaires qu’ils peuvent désormais cibler les personnes trans et intersexes en toute impunité. « Cela donne plus de licence aux individus de cibler les personnes trans, intersexes et autres membres de la communauté LGBTQ+ en milieu carcéral et d’ignorer leurs obligations légales », explique-t-elle. Le message est clair : l’administration Trump ne se contente pas de changer les règles, elle crée un climat où la discrimination et la violence deviennent acceptables, voire encouragées.
Il y a quelque chose de profondément pervers dans cette rhétorique de « protection des femmes » utilisée pour justifier des politiques qui mettent délibérément des femmes trans en danger mortel. Comme si forcer une femme trans à vivre dans une prison d’hommes, où elle sera presque certainement agressée, protégeait qui que ce soit. Comme si nier l’existence même de l’identité de genre servait autre chose qu’une cruauté idéologique. Je ne peux pas m’empêcher de penser à ces femmes arrachées à leurs cellules, transférées de force, sachant exactement ce qui les attend. La terreur qu’elles ont dû ressentir. L’abandon. Et tout ça au nom de quoi ? D’une vision du monde qui refuse d’accepter que l’humanité est diverse, complexe, irréductible à des catégories binaires simplistes.
Les mécanismes de la violence : comment fonctionne l'abandon
Le démantèlement des audits PREA
Le système d’audits PREA constituait l’épine dorsale de l’application de la loi sur l’élimination des viols en prison. Ces inspections régulières, menées par des auditeurs certifiés par le DOJ, représentaient l’un des rares mécanismes de surveillance externe capables de tenir les établissements pénitentiaires responsables de leurs manquements en matière de prévention des agressions sexuelles. Les auditeurs visitaient les installations, interviewaient le personnel et les détenus, examinaient les procédures en place, vérifiaient que les formations étaient dispensées correctement, et s’assuraient que les victimes d’agressions avaient accès à des services de soutien et à des mécanismes de signalement confidentiels. Pour les personnes LGBTQ+ en particulier, ces audits vérifiaient des éléments cruciaux : les détenus trans étaient-ils évalués individuellement pour déterminer le placement le plus sûr ? Pouvaient-ils se doucher en privé ? Les fouilles corporelles respectaient-elles leur identité de genre ? Le personnel était-il formé à utiliser les pronoms corrects et à traiter ces personnes avec dignité ? Les enquêtes sur les agressions examinaient-elles les motivations liées aux préjugés ? Ces questions n’étaient pas de simples formalités administratives — elles pouvaient faire la différence entre la vie et la mort, entre la sécurité et le traumatisme.
Le mémo du 2 décembre ordonne aux auditeurs de cesser d’évaluer tous ces aspects. Concrètement, cela signifie que lors des prochaines inspections, les auditeurs devront marquer comme « non applicable » les standards relatifs au dépistage du risque de victimisation des personnes trans et intersexes, les règles sur les fouilles corporelles respectueuses de l’identité de genre, les exigences de formation du personnel sur la communication avec les détenus LGBTQ+, et les protocoles d’enquête sur les agressions motivées par des préjugés liés à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. Kenneth L. James, un auditeur PREA qui travaille dans plusieurs États, a confié à NPR que cette directive rend son travail « à la fois plus confus et plus difficile ». Les auditeurs qui inspectent depuis plus de dix ans ont développé des méthodes systématiques pour évaluer la conformité des établissements. « En retirant ces éléments, les auditeurs devront réévaluer leur façon d’auditer et pourraient mal calculer la conformité en raison de ces changements inattendus », explique-t-il. Mais au-delà de la confusion technique, c’est toute la philosophie de PREA qui est sapée. Si les auditeurs ne peuvent plus vérifier que les populations les plus vulnérables sont protégées, à quoi servent ces inspections ? Le message envoyé aux établissements est limpide : vous n’avez plus à vous soucier de la sécurité des détenus LGBTQ+.
Les zones grises juridiques et leurs dangers
L’une des dimensions les plus insidieuses du mémo du DOJ est qu’il crée délibérément une zone grise juridique qui laisse les établissements pénitentiaires dans l’incertitude — ou plutôt, qui leur donne une excuse pour ignorer les protections tout en prétendant respecter la loi. Techniquement, PREA reste en vigueur. Les standards adoptés sous Obama n’ont pas été formellement abrogés. Mais en ordonnant aux auditeurs de ne pas les appliquer pendant que le processus de révision réglementaire est en cours, le DOJ crée une situation où les établissements peuvent choisir de continuer à respecter ces normes ou de les ignorer, sans craindre de sanctions lors des inspections. La National Association of PREA Coordinators, une organisation professionnelle de coordinateurs chargés d’assurer la conformité des agences avec la loi, a publié une déclaration reconnaissant cette ambiguïté. En l’absence d’une loi étatique ou municipale distincte, explique l’association, le mémo du DOJ permet à chaque agence correctionnelle ou établissement de détention « de continuer à suivre le règlement ou, s’ils le choisissent, de l’ignorer ». Cette formulation est révélatrice : elle transforme des protections obligatoires en options facultatives, laissant aux établissements la liberté de décider si les vies des détenus LGBTQ+ méritent d’être protégées.
Shana Knizhnik, de l’ACLU, souligne que cette stratégie est particulièrement pernicieuse parce qu’elle permet à l’administration Trump de mettre en œuvre sa politique anti-trans sans passer par le processus réglementaire normal, qui exigerait une période de commentaires publics et une justification des changements proposés. « Cela permet au DOJ de mettre en œuvre la politique du président tout en permettant aux gouvernements étatiques et locaux de déterminer comment répondre au mieux aux besoins des personnes incarcérées qui sont transgenres et diverses sur le plan du genre », note l’association des coordinateurs PREA. Mais cette rhétorique de « flexibilité locale » masque une réalité plus sombre : dans de nombreux États et comtés, les autorités pénitentiaires sont hostiles aux droits des personnes trans et saisiront cette opportunité pour revenir à des pratiques discriminatoires. Les établissements qui avaient mis en place des protections uniquement parce qu’ils y étaient contraints par les audits PREA n’auront plus aucune raison de les maintenir. Et même les établissements bien intentionnés pourraient réduire leurs efforts, sachant qu’ils ne seront plus évalués sur ces critères. Linda McFarlane, de Just Detention International, prévient que « les révisions proposées aux standards PREA entraîneront un chaos et une violence accrus à l’intérieur des prisons et des centres de détention, mettant le personnel et les personnes incarcérées en plus grand danger ». Elle ajoute : « Cela permettra aux violeurs d’agir en toute impunité. »
Cette zone grise juridique n’est pas un accident. C’est une stratégie délibérée pour contourner les protections constitutionnelles et les processus démocratiques. En ne changeant pas formellement la loi mais en ordonnant simplement de ne pas l’appliquer, l’administration Trump évite le débat public, les audiences au Congrès, les périodes de commentaires qui permettraient aux experts et aux victimes de se faire entendre. C’est de la lâcheté bureaucratique déguisée en efficacité administrative. Et pendant ce temps, des gens réels, avec des noms, des histoires, des peurs, attendent dans leurs cellules en sachant que le peu de protection qu’ils avaient vient de s’évaporer.
Les voix de la résistance : experts et militants sonnent l'alarme
Just Detention International et le cri d’alarme
Just Detention International, organisation basée à Los Angeles dédiée à l’élimination des abus sexuels en détention, se trouve en première ligne de la résistance contre cette politique destructrice. Linda McFarlane, sa directrice exécutive, ne mâche pas ses mots dans sa déclaration publique condamnant le mémo du DOJ. « Le ministère de la Justice préfère voir des personnes incarcérées, y compris des enfants, être agressées sexuellement plutôt que de permettre aux personnes trans d’exprimer leur identité de genre », affirme-t-elle avec une franchise brutale qui tranche avec le langage euphémisé habituel des communiqués institutionnels. « C’est écœurant. » McFarlane n’est pas une militante de fraîche date — elle a participé activement au plaidoyer qui a conduit à l’adoption de PREA en 2003, travaillant pendant des années pour convaincre les législateurs que le viol en prison n’est pas une fatalité acceptable mais un crime qui doit être prévenu et puni. Voir maintenant ces protections démantelées représente pour elle non seulement un recul politique mais une trahison personnelle des valeurs qui ont motivé son engagement de toute une vie. Dans une interview accordée à NPR, elle explique que l’impact immédiat du mémo est la perte d’un mécanisme de surveillance critique, et qu’elle espère que les établissements continueront à honorer PREA malgré l’absence de contrôle externe.
Mais McFarlane ne se fait pas d’illusions sur la réalité du terrain. « Elles sont déjà en grave danger », dit-elle en parlant des personnes trans incarcérées. « Je n’ai jamais rencontré une personne trans en détention qui n’ait pas subi d’abus sexuel ou de harcèlement pendant son incarcération. » Jamais. Cette affirmation, basée sur des décennies d’expérience directe avec des milliers de détenus, devrait nous glacer le sang. Elle signifie que même avec les protections PREA en place, même avec les audits et les formations et les protocoles, la violence sexuelle contre les personnes trans en prison était déjà endémique. Et maintenant, on retire ces maigres protections. Just Detention International a longtemps formé le personnel pénitentiaire aux standards PREA et maintenu des auditeurs certifiés dans son équipe. L’organisation comprend intimement les mécanismes par lesquels les agressions se produisent et les facteurs qui peuvent les prévenir. Son expertise n’est pas théorique — elle est ancrée dans les témoignages de survivants, dans les données collectées sur le terrain, dans la compréhension viscérale de ce que signifie être vulnérable dans un environnement carcéral. Quand McFarlane dit que ces changements « entraîneront un chaos et une violence accrus », ce n’est pas de l’hyperbole. C’est une prédiction basée sur des preuves empiriques et une connaissance approfondie du système.
L’ACLU et la bataille juridique
L’American Civil Liberties Union mène depuis des mois une bataille juridique acharnée pour protéger les droits des personnes trans incarcérées contre les assauts de l’administration Trump. Shana Knizhnik, avocate principale du projet LGBTQ et VIH de l’ACLU, a représenté plusieurs femmes trans dans des recours collectifs contestant les transferts forcés vers des prisons pour hommes et la suppression des soins d’affirmation de genre. Ces victoires judiciaires, bien que limitées dans leur portée, ont établi des précédents importants en reconnaissant que les politiques anti-trans de l’administration violent les protections constitutionnelles contre les peines cruelles et inhabituelles. Mais Knizhnik sait que ces batailles juridiques ne suffisent pas à protéger la majorité des personnes trans en détention, qui n’ont pas accès à une représentation légale ou qui craignent les représailles si elles intentent des poursuites. Le mémo du DOJ sur les audits PREA représente un nouveau front dans cette guerre, et Knizhnik est claire sur ses implications. « PREA est toujours la loi », insiste-t-elle. « Les standards en place sont toujours la loi, et donc c’est essentiellement une directive pour ignorer la loi. » Cette formulation est cruciale : elle établit que les établissements qui choisissent de ne plus respecter les protections LGBTQ+ ne se contentent pas d’exercer une discrétion administrative, ils violent activement des obligations légales existantes.
Knizhnik souligne également que le mémo crée un environnement où les préjugés et la haine peuvent s’exprimer librement. « Indépendamment de ce que le gouvernement fait réellement d’un point de vue juridique, il crée un environnement où les individus ou les organismes publics qui ont de mauvaises intentions envers notre communauté reçoivent essentiellement une licence pour agir selon leurs préjugés, selon leur haine », explique-t-elle. Ce point est fondamental : les politiques gouvernementales ne se contentent pas de changer les règles formelles, elles envoient des signaux culturels sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Quand le ministère de la Justice lui-même dit aux établissements pénitentiaires qu’ils n’ont plus à se soucier de protéger les détenus LGBTQ+, cela légitime la discrimination et encourage ceux qui étaient déjà enclins à la violence. Kara Janssen, une autre avocate qui a représenté des femmes trans dans des litiges contre le Bureau fédéral des prisons, met en garde contre les conséquences pratiques de cette politique. « Cela met non seulement nos clientes dans une situation incroyablement dangereuse, mais cela place tous ces établissements dans une position presque impossible, avec le gouvernement fédéral leur disant de ne pas se conformer à leurs propres lois », dit-elle. « Cela dit que vous n’avez pas à craindre de violer la loi… et vous pouvez effectuer ces fouilles de la manière la plus irrespectueuse possible. » Janssen rappelle cependant que les protections constitutionnelles contre les peines cruelles et inhabituelles restent en vigueur, et que les établissements qui permettent des agressions en conséquence de ces changements feront face à des responsabilités légales. « Cela ne disparaît pas », insiste-t-elle.
Les voix académiques et leur expertise
Brenda Smith, professeure à l’American University Washington College of Law et directrice du Project on Addressing Prison Rape, apporte une perspective historique et académique cruciale à ce débat. En 2003, Smith a été nommée à la Commission nationale sur l’élimination des viols en prison, l’organisme qui a contribué à développer les standards PREA que l’administration Trump cherche maintenant à démanteler. Son expertise n’est pas seulement théorique — elle a passé des décennies à étudier les mécanismes de la violence sexuelle en milieu carcéral, à interviewer des survivants, à analyser les données, à comprendre ce qui fonctionne et ce qui échoue dans la prévention des agressions. Quand Smith dit que les changements proposés « ignorent la réalité sombre » de la violence disproportionnée que subissent les personnes LGBTQ+ en prison, ce n’est pas une opinion politique — c’est une évaluation factuelle basée sur des preuves empiriques accumulées sur plus de vingt ans. Smith souligne que les données disponibles ne montrent probablement pas l’ampleur complète du problème, car de nombreuses victimes ne signalent jamais les agressions. Les raisons de ce silence sont multiples : peur de représailles de la part des agresseurs ou du personnel, honte et stigmatisation, manque de confiance dans le système de justice, crainte d’être placées en isolement « pour leur protection » (une pratique qui équivaut souvent à une punition), ou simplement la conviction que personne ne les croira ou ne se souciera d’elles.
L’expertise académique de Smith et d’autres chercheurs a été instrumentale dans le développement des protections PREA spécifiques aux personnes LGBTQ+. Ces standards n’ont pas été créés arbitrairement ou par idéologie politique — ils ont été conçus en réponse à des preuves accablantes que ces populations font face à des risques uniques et nécessitent des protections adaptées. Les évaluations individuelles du risque de victimisation, par exemple, reconnaissent que toutes les personnes trans ne sont pas également vulnérables et que les décisions de placement doivent prendre en compte de multiples facteurs : l’apparence physique de la personne, son historique de victimisation, sa propre perception de sa sécurité, les dynamiques spécifiques de l’établissement où elle sera placée. Les règles sur les fouilles corporelles respectueuses de l’identité de genre ne sont pas de la « correction politique » — elles reconnaissent que forcer une femme trans à être fouillée par un homme, ou examiner ses organes génitaux pour « vérifier » son sexe, constitue une forme de violence sexuelle en soi. La formation du personnel sur la communication respectueuse n’est pas un luxe superflu — elle crée un environnement où les détenus LGBTQ+ se sentent suffisamment en sécurité pour signaler les abus quand ils se produisent. Démanteler ces protections ne revient pas simplement à « simplifier » les règlements ou à « restaurer le bon sens » — c’est détruire délibérément un système de prévention construit sur des décennies de recherche et d’expérience douloureusement acquise.
J’écoute ces experts — McFarlane, Knizhnik, Janssen, Smith — et je suis frappé par la clarté de leur analyse, la profondeur de leur engagement, la force de leur indignation maîtrisée. Ce sont des gens qui ont consacré leur vie à protéger les plus vulnérables, qui ont vu de leurs propres yeux les conséquences de l’indifférence et de la cruauté. Et maintenant, ils doivent regarder impuissants pendant qu’un gouvernement démantèle méthodiquement tout ce qu’ils ont construit. Je ne peux pas imaginer la frustration, la rage, le chagrin. Mais ce qui me frappe le plus, c’est leur refus d’abandonner. Malgré tout, ils continuent à se battre, à documenter, à plaider, à espérer qu’ils pourront sauver au moins quelques vies. C’est ça, le vrai courage.
Les coupes budgétaires : asphyxier le système de l'intérieur
Le démantèlement du National PREA Resource Center
Le mémo du 2 décembre n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein — il s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Trump pour démanteler systématiquement les infrastructures de protection des victimes d’agressions sexuelles en détention. Au printemps 2025, le DOJ a procédé à des coupes budgétaires massives dans les programmes d’aide aux victimes de crimes à travers le pays, supprimant plus de 360 subventions en avril. Parmi les organisations touchées figurait le National PREA Resource Center, l’organisme chargé de former les auditeurs, de suivre les résultats des enquêtes, et de fournir des ressources aux victimes et aux inspecteurs. Ce centre constituait l’épine dorsale technique de l’application de PREA, offrant une expertise spécialisée que les établissements individuels ne pouvaient pas développer en interne. Sa suppression a provoqué un tollé médiatique, et le financement a finalement été rétabli pour de nombreuses subventions après que des reportages ont révélé l’ampleur des coupes. Mais le message était clair : l’administration Trump considère les programmes de prévention des violences sexuelles en prison comme des dépenses superflues, voire comme des obstacles à son agenda politique. Le DOJ a justifié ces coupes en déclarant qu’il était « concentré sur la poursuite des criminels, le retrait des drogues illégales des rues, et la protection des institutions américaines contre les politiques toxiques de DEI et les villes sanctuaires ». Cette formulation est révélatrice : elle oppose artificiellement la « vraie » application de la loi à la protection des victimes, comme si ces objectifs étaient incompatibles.
La suppression temporaire du financement du National PREA Resource Center a eu des effets immédiats sur la capacité du système à fonctionner efficacement. Les formations d’auditeurs ont été interrompues, les ressources en ligne sont devenues obsolètes, le soutien technique aux établissements a été réduit. Même après le rétablissement du financement, l’incertitude créée par ces coupes a semé le doute sur la viabilité à long terme du programme. Les organisations qui dépendent de subventions fédérales savent maintenant qu’elles peuvent être coupées du jour au lendemain pour des raisons politiques, ce qui rend difficile la planification à long terme et le recrutement de personnel qualifié. Cette instabilité est particulièrement dommageable dans un domaine comme la prévention des agressions sexuelles en prison, où l’expertise spécialisée et la continuité institutionnelle sont essentielles. Les auditeurs PREA doivent être formés aux techniques d’interview des victimes traumatisées, à la reconnaissance des signes de violence sexuelle, à l’évaluation des protocoles de prévention, à la compréhension des dynamiques spécifiques des différentes populations vulnérables. Cette formation ne peut pas être improvisée ou acquise rapidement — elle nécessite des années d’expérience et un soutien institutionnel continu. En déstabilisant le National PREA Resource Center, l’administration Trump a sapé la capacité du système à maintenir des standards de qualité dans les audits, même avant d’ordonner explicitement aux auditeurs d’ignorer les protections LGBTQ+.
La stratégie d’étouffement progressif
Les coupes budgétaires et le mémo sur les audits font partie d’une stratégie plus large que l’on pourrait appeler « l’étouffement progressif » : plutôt que d’abroger formellement PREA (ce qui nécessiterait un vote du Congrès et provoquerait une opposition publique massive), l’administration Trump mine systématiquement les mécanismes qui permettent à la loi de fonctionner. C’est une tactique politique cynique mais efficace. En supprimant le financement des organisations qui forment les auditeurs et soutiennent les victimes, en ordonnant aux inspecteurs d’ignorer certaines normes, en créant une confusion juridique sur ce qui est encore applicable, le gouvernement peut effectivement neutraliser PREA sans avoir à affronter directement le Congrès ou l’opinion publique. Cette approche permet également à l’administration de nier sa responsabilité quand les agressions augmentent inévitablement. « Nous n’avons pas changé la loi », pourront-ils dire. « Les établissements sont toujours tenus de respecter PREA. » Mais en pratique, ils auront créé un environnement où le respect de ces normes est devenu optionnel et où les mécanismes de surveillance ont été démantelés. C’est de la destruction par négligence délibérée, et c’est peut-être encore plus insidieux qu’une abrogation franche parce que c’est plus difficile à combattre et à documenter.
Linda McFarlane, de Just Detention International, comprend parfaitement cette stratégie. « Les révisions proposées aux standards PREA entraîneront un chaos et une violence accrus à l’intérieur des prisons et des centres de détention », prévient-elle. « Cela sème déjà la confusion parmi les dirigeants pénitentiaires, qui ont travaillé pendant plus d’une décennie pour mettre en place des règles de bon sens pour mettre fin aux viols de prisonniers. » Cette confusion n’est pas un effet secondaire malheureux — c’est l’objectif. En créant de l’incertitude sur ce qui est requis et ce qui sera vérifié lors des audits, l’administration Trump pousse les établissements à adopter l’interprétation la plus restrictive possible des protections. Les directeurs de prisons qui étaient déjà réticents à mettre en œuvre les standards LGBTQ+ saisiront cette opportunité pour revenir à des pratiques discriminatoires. Ceux qui étaient sincèrement engagés dans la protection de tous les détenus se retrouveront isolés, sans le soutien technique et les ressources qu’offrait le National PREA Resource Center, et sans la pression des audits pour maintenir leurs efforts. Le résultat prévisible est une dégradation progressive mais inexorable des conditions de sécurité pour les personnes LGBTQ+ en détention, une augmentation des agressions qui pourra être attribuée à des « incidents isolés » plutôt qu’à une politique gouvernementale délibérée. C’est de la violence bureaucratique à son plus cynique.
Cette stratégie d’étouffement progressif me rend malade parce qu’elle est si calculée, si délibérément conçue pour éviter la responsabilité. Ils ne veulent pas avoir à défendre publiquement la suppression des protections contre le viol — ils savent que ce serait politiquement intenable. Alors ils procèdent par petites coupes, par directives obscures, par confusion administrative. Et pendant ce temps, des gens souffrent dans l’ombre, invisibles, oubliés. C’est de la lâcheté institutionnelle déguisée en efficacité gouvernementale. Et ça me brise le cœur de savoir que ça va probablement fonctionner.
Les données effacées : quand l'invisibilité devient politique
La suppression des questions sur l’identité de genre
En parallèle au mémo sur les audits PREA, le DOJ a discrètement retiré les questions sur l’identité de genre de plusieurs enquêtes nationales cruciales pour comprendre et combattre la violence en milieu carcéral. Le National Crime Victimization Survey, l’enquête sur la victimisation sexuelle, et l’enquête sur les détenus dans les centres de détention locaux ne collecteront plus de données permettant d’identifier les personnes transgenres et non-binaires. Cette décision, rapportée par The Appeal, représente bien plus qu’un simple ajustement technique des questionnaires — c’est une tentative délibérée de rendre invisible la réalité de la violence que subissent les personnes LGBTQ+ en détention. Sans données désagrégées par identité de genre, il devient impossible de documenter l’ampleur du problème, de suivre les tendances au fil du temps, d’évaluer l’efficacité des interventions, ou de tenir les établissements responsables de leurs manquements. C’est une forme d’effacement statistique qui sert directement l’agenda politique de l’administration Trump : si on ne mesure pas le problème, on peut prétendre qu’il n’existe pas. Si on ne peut pas prouver que les personnes trans sont victimes d’agressions à des taux disproportionnés, on peut justifier la suppression des protections spécifiques en affirmant qu’elles ne sont pas nécessaires. C’est de la manipulation de données à des fins idéologiques, et c’est profondément malhonnête intellectuellement.
Les données que ces enquêtes collectaient étaient essentielles pour comprendre la réalité vécue par les personnes LGBTQ+ en détention. C’est grâce à ces statistiques que nous savons que les personnes trans subissent des agressions sexuelles à un taux douze fois supérieur à la population carcérale générale. C’est grâce à ces données que nous pouvons documenter les formes spécifiques de violence et de harcèlement qu’elles endurent : les fouilles corporelles humiliantes, les commentaires dégradants du personnel, les agressions par d’autres détenus encouragées par un climat d’impunité, le placement en isolement prolongé prétendument « pour leur protection ». Sans ces données, les militants et les avocats perdent un outil crucial pour plaider en faveur de réformes et pour contester les politiques discriminatoires devant les tribunaux. Les chercheurs comme Brenda Smith soulignent déjà que les données disponibles sous-estiment probablement l’ampleur du problème en raison du sous-signalement des agressions. Maintenant, même ces données imparfaites ne seront plus collectées. C’est comme si on décidait de combattre une épidémie en arrêtant de compter les malades. L’ignorance délibérée n’est pas une politique — c’est une abdication de responsabilité.
L’invisibilité comme arme politique
La suppression des données sur l’identité de genre s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Trump pour effacer l’existence même des personnes transgenres et non-binaires de tous les aspects de la politique fédérale. Le décret présidentiel du 20 janvier affirme que le gouvernement américain ne reconnaît que deux sexes, définis par la biologie à la naissance. Cette position idéologique se traduit maintenant par des décisions concrètes qui rendent les personnes trans littéralement invisibles dans les statistiques officielles. Si le gouvernement ne reconnaît pas l’existence de l’identité de genre comme catégorie distincte du sexe biologique, alors il n’a aucune raison de collecter des données sur cette variable. C’est une logique circulaire parfaite : on nie l’existence d’un phénomène, donc on ne le mesure pas, donc on ne peut pas prouver qu’il existe, donc on était justifié de le nier. Cette forme d’effacement bureaucratique est particulièrement pernicieuse parce qu’elle opère dans l’ombre, loin des débats publics et des gros titres. La plupart des gens ne savent même pas que ces enquêtes existent, encore moins qu’elles ont été modifiées. Mais les conséquences sont réelles et durables : dans dix ans, quand les chercheurs voudront étudier l’impact des politiques de Trump sur les personnes trans en détention, ils se heurteront à un trou noir de données pour la période 2025-2029.
Just Detention International a publié une déclaration cinglante condamnant cette suppression de données. « Le DOJ de Trump efface les personnes trans des enquêtes sur les données criminelles », titre l’organisation, soulignant que cette décision « rendra impossible de suivre et de combattre la violence disproportionnée que subissent les personnes trans en détention ». L’organisation note que ces enquêtes étaient déjà imparfaites — de nombreuses victimes ne signalent jamais les agressions, et les données collectées sous-estimaient probablement l’ampleur du problème. Mais au moins, elles fournissaient un point de départ, une base factuelle pour les discussions politiques et les interventions. Maintenant, même cette base minimale disparaît. Shana Knizhnik, de l’ACLU, souligne que cette invisibilité statistique a des conséquences juridiques directes. Quand son organisation intente des recours collectifs pour protéger les droits des personnes trans incarcérées, elle s’appuie sur les données gouvernementales pour démontrer l’ampleur de la discrimination et de la violence. Sans ces données, il devient plus difficile de prouver devant les tribunaux que les politiques de l’administration Trump causent un préjudice mesurable. C’est exactement ce que veut l’administration : rendre la discrimination plus difficile à documenter et donc plus difficile à combattre légalement. L’invisibilité n’est pas un effet secondaire de ces politiques — c’est leur objectif central.
Il y a quelque chose de profondément orwellien dans cette suppression de données. Comme si effacer les chiffres pouvait effacer la réalité. Comme si ne pas compter les victimes pouvait les faire disparaître. Mais les personnes trans en prison ne disparaissent pas parce qu’on arrête de les compter — elles continuent d’exister, de souffrir, d’être agressées. Sauf que maintenant, leur souffrance devient officiellement invisible, statistiquement inexistante. Et dans notre société obsédée par les données, ce qui n’est pas mesuré n’existe pas vraiment. C’est une forme de violence épistémique qui s’ajoute à la violence physique. On ne se contente pas de les abandonner — on efface les preuves de leur abandon.
Les conséquences prévisibles : une catastrophe annoncée
L’augmentation inévitable des agressions
Les experts sont unanimes : la suppression des protections PREA pour les personnes LGBTQ+ entraînera une augmentation significative des agressions sexuelles en détention. Ce n’est pas une spéculation alarmiste — c’est une prédiction basée sur des décennies de recherche et d’expérience pratique. Linda McFarlane, qui a travaillé dans ce domaine depuis l’adoption de PREA en 2003, affirme sans ambiguïté que « les révisions proposées aux standards PREA entraîneront un chaos et une violence accrus à l’intérieur des prisons et des centres de détention, mettant le personnel et les personnes incarcérées en plus grand danger ». Elle ajoute : « Cela permettra aux violeurs d’agir en toute impunité. » Cette dernière phrase est cruciale : les prédateurs sexuels en prison ne sont pas des opportunistes aléatoires — ce sont souvent des individus qui ciblent délibérément les personnes qu’ils perçoivent comme vulnérables et sans défense. Les personnes transgenres, intersexes et non-conformes au genre sont déjà identifiées comme des cibles privilégiées en raison de la stigmatisation sociale, de leur isolement potentiel, et de la perception (souvent correcte) que le système ne les protégera pas. En retirant les protections PREA, l’administration Trump envoie un message clair à ces prédateurs : vous pouvez agresser ces personnes sans craindre de conséquences. Les audits ne vérifieront plus si les établissements prennent des mesures pour prévenir ces agressions. Le personnel n’aura plus à être formé sur la communication respectueuse ou sur la reconnaissance des signes de victimisation. Les enquêtes n’examineront plus si les agressions étaient motivées par des préjugés liés à l’identité de genre.
Brenda Smith, professeure et experte en violence sexuelle en milieu carcéral, souligne que les données actuelles montrent déjà que les personnes trans subissent des agressions à un taux douze fois supérieur à la population générale — et cela avec les protections PREA en place. « Les changements actuels décrits dans le mémo ignorent cette réalité sombre », dit-elle. Si le taux d’agression est déjà si élevé malgré les protections, qu’adviendra-t-il quand ces protections seront supprimées ? Les experts prévoient une augmentation dramatique, non seulement du nombre d’agressions mais aussi de leur gravité. Quand les victimes savent qu’elles ne peuvent pas compter sur le système pour les protéger, elles sont moins susceptibles de signaler les abus, ce qui encourage les agresseurs à devenir plus audacieux. Quand le personnel pénitentiaire reçoit le message qu’il n’a plus à se soucier de la sécurité des détenus LGBTQ+, certains peuvent devenir complices par négligence ou même participer activement aux abus. Les témoignages de survivants documentés par Just Detention International et d’autres organisations montrent que la violence sexuelle en prison n’est pas seulement le fait d’autres détenus — le personnel pénitentiaire est souvent impliqué, soit comme agresseur direct, soit en facilitant les agressions par d’autres en plaçant délibérément des victimes vulnérables dans des situations dangereuses. Sans la surveillance des audits PREA, ces abus institutionnels deviendront encore plus difficiles à détecter et à punir.
Les traumatismes à long terme et leurs coûts
Au-delà du nombre brut d’agressions, il faut considérer l’impact psychologique et physique à long terme de cette violence sur les survivants. Les personnes qui subissent des agressions sexuelles en détention développent souvent des troubles de stress post-traumatique sévères, des dépressions, des idées suicidaires. Beaucoup portent des cicatrices physiques permanentes. Et contrairement aux victimes d’agressions dans la société civile, qui peuvent au moins s’éloigner de leur agresseur et chercher un environnement sûr, les victimes en prison sont piégées. Elles doivent continuer à vivre dans le même espace que leurs agresseurs, à les croiser quotidiennement, à craindre constamment une nouvelle attaque. Cette impossibilité d’échapper au danger crée un état de terreur chronique qui détruit la santé mentale. Les études montrent que les survivants d’agressions sexuelles en prison ont des taux beaucoup plus élevés de tentatives de suicide, d’automutilation, et de troubles psychiatriques graves. Ils ont également plus de difficultés à se réintégrer dans la société après leur libération, car le traumatisme non traité affecte leur capacité à maintenir des relations, à conserver un emploi, à faire confiance aux autres. En d’autres termes, la violence sexuelle en prison ne détruit pas seulement des vies pendant l’incarcération — elle crée des dommages qui persistent longtemps après la libération, perpétuant des cycles de marginalisation et de souffrance.
Il y a aussi un coût social et économique à cette violence que nous payons tous collectivement. Les survivants d’agressions sexuelles en prison nécessitent souvent des soins médicaux et psychiatriques intensifs, qui sont rarement fournis de manière adéquate dans le système carcéral. Après leur libération, beaucoup dépendent de services sociaux, de programmes de santé mentale, de refuges pour sans-abri — des ressources déjà surchargées. Certains retournent en prison parce que le traumatisme non traité les rend incapables de fonctionner dans la société. D’autres développent des dépendances aux drogues ou à l’alcool comme mécanisme d’adaptation, ce qui les expose à de nouveaux risques légaux. Et puis il y a le coût moral, impossible à quantifier mais tout aussi réel : que dit-il de notre société que nous permettions délibérément que des personnes sous notre garde soient violées et traumatisées ? Kara Janssen, l’avocate qui représente des femmes trans dans des litiges contre le Bureau fédéral des prisons, souligne que même si l’administration Trump réussit à contourner PREA, les protections constitutionnelles contre les peines cruelles et inhabituelles restent en vigueur. « Quand des personnes sont agressées en conséquence de ces changements, il y a une responsabilité pour ces établissements », dit-elle. « Cela ne disparaît pas. » Mais les poursuites judiciaires après coup ne peuvent pas défaire le traumatisme. Elles ne peuvent pas rendre aux victimes leur sentiment de sécurité, leur dignité, leur santé mentale. La prévention est toujours préférable à la réparation, et c’est exactement ce que les protections PREA étaient censées fournir.
Je pense à ces personnes qui attendent dans leurs cellules, qui savent que les protections viennent d’être retirées, qui comprennent ce que cela signifie pour leur sécurité. La terreur qu’elles doivent ressentir. L’abandon. Le sentiment que personne ne se soucie de ce qui leur arrive. Et je me demande comment nous en sommes arrivés là. Comment une société qui se prétend civilisée peut-elle délibérément exposer ses membres les plus vulnérables à la violence ? Comment pouvons-nous collectivement accepter cela ? Je n’ai pas de réponse. Juste une tristesse immense et une colère qui ne s’éteint pas.
Les résistances locales : quand les États refusent de suivre
Les juridictions qui maintiennent leurs protections
Malgré la directive fédérale, certains États et comtés ont annoncé qu’ils continueraient à respecter les protections PREA pour les personnes LGBTQ+, reconnaissant que ces normes sont essentielles pour la sécurité de tous les détenus. La National Association of PREA Coordinators a souligné dans sa déclaration que le mémo du DOJ permet aux gouvernements étatiques et locaux de « déterminer comment répondre au mieux aux besoins des personnes incarcérées qui sont transgenres et diverses sur le plan du genre ». Certaines juridictions progressistes interprètent cette « flexibilité » comme une opportunité de maintenir ou même de renforcer leurs protections existantes. La Californie, par exemple, a ses propres lois étatiques protégeant les droits des personnes trans en détention, qui vont au-delà des exigences fédérales minimales. Le Gender Recognition Act californien permet aux personnes trans d’être placées dans des établissements correspondant à leur identité de genre, et cette loi d’État ne peut pas être annulée par un décret présidentiel ou un mémo du DOJ. D’autres États comme New York, le Massachusetts, et l’Illinois ont également adopté des protections spécifiques pour les détenus LGBTQ+ qui restent en vigueur indépendamment des changements au niveau fédéral. Ces juridictions comprennent que la sécurité en prison n’est pas seulement une question de droits humains — c’est aussi une question de gestion efficace des établissements. Les prisons où les détenus se sentent en sécurité sont plus faciles à administrer, ont moins d’incidents violents, et permettent au personnel de se concentrer sur la réhabilitation plutôt que sur la gestion de crises constantes.
Cependant, ces résistances locales sont limitées dans leur portée et leur efficacité. D’abord, elles ne s’appliquent qu’aux établissements étatiques et locaux, pas aux prisons fédérales qui relèvent directement du Bureau fédéral des prisons et sont donc entièrement soumises aux politiques de l’administration Trump. Ensuite, même dans les États progressistes, l’application des protections dépend de la volonté politique des administrateurs locaux et de la disponibilité des ressources. Sans le soutien technique du National PREA Resource Center (dont le financement a été coupé puis partiellement rétabli), sans la pression des audits fédéraux, et sans les données nationales pour comparer les performances, il devient plus difficile pour ces juridictions de maintenir des standards élevés. De plus, dans les États conservateurs — qui représentent une grande partie du système carcéral américain — les autorités pénitentiaires sont susceptibles de saisir l’opportunité offerte par le mémo du DOJ pour réduire ou éliminer les protections LGBTQ+. Ces États n’ont jamais été enthousiastes à l’idée de mettre en œuvre les standards PREA relatifs aux personnes trans, et beaucoup l’ont fait uniquement parce qu’ils y étaient contraints par les audits fédéraux. Maintenant que cette contrainte est levée, on peut s’attendre à ce qu’ils reviennent rapidement à des pratiques discriminatoires. Le résultat sera un système carcéral américain encore plus fragmenté, où la sécurité d’une personne trans dépendra largement de l’État où elle est incarcérée — une loterie géographique qui détermine si elle sera protégée ou abandonnée à la violence.
Les initiatives de la société civile
Face au retrait du gouvernement fédéral, les organisations de la société civile intensifient leurs efforts pour combler le vide. Just Detention International a annoncé qu’elle continuerait à former le personnel pénitentiaire aux standards PREA, même si ces formations ne sont plus financées par le gouvernement. L’organisation maintient également son programme d’auditeurs certifiés et encourage les établissements à solliciter des inspections volontaires pour démontrer leur engagement envers la sécurité de tous les détenus. L’ACLU et d’autres organisations de défense des droits civiques multiplient les recours collectifs pour contester les politiques discriminatoires et établir des précédents juridiques protégeant les personnes trans en détention. Ces litiges sont coûteux et chronophages, mais ils représentent souvent le seul recours pour les victimes qui n’ont pas d’autre moyen de faire valoir leurs droits. Des organisations comme le Sylvia Rivera Law Project, le Transgender Law Center, et Black and Pink fournissent une assistance juridique directe aux personnes trans incarcérées, les aidant à naviguer dans le système complexe des plaintes et des recours. Elles documentent également les abus et publient des rapports qui maintiennent une pression publique sur les autorités pénitentiaires. Ces efforts de la société civile sont admirables et essentiels, mais ils ne peuvent pas remplacer une politique gouvernementale cohérente et des mécanismes de surveillance institutionnels. Les organisations à but non lucratif opèrent avec des budgets limités, dépendent de dons privés, et ne peuvent pas atteindre tous les établissements ou toutes les victimes qui ont besoin d’aide.
Un autre aspect crucial de la résistance de la société civile est le travail de sensibilisation et d’éducation du public. Beaucoup de gens ne sont pas conscients de l’ampleur de la violence sexuelle en prison, encore moins de la vulnérabilité particulière des personnes LGBTQ+. Les organisations militantes utilisent les médias sociaux, les campagnes de sensibilisation, les témoignages de survivants, et les rapports de recherche pour éduquer le public et mobiliser le soutien politique. Elles organisent également des formations pour les avocats, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé mentale, et d’autres personnes qui peuvent entrer en contact avec des survivants d’agressions en détention. Cette éducation est essentielle pour créer un réseau de soutien en dehors du système carcéral, car beaucoup de survivants n’ont personne vers qui se tourner après leur libération. Les groupes de soutien par les pairs, animés par d’anciens détenus qui ont eux-mêmes survécu à des agressions, offrent un espace où les victimes peuvent partager leurs expériences, trouver de la solidarité, et commencer à guérir. Ces initiatives communautaires sont précieuses, mais elles ne devraient pas avoir à compenser l’abdication du gouvernement de sa responsabilité de protéger les personnes sous sa garde. Le fait que nous dépendions de bénévoles et d’organisations à but non lucratif pour prévenir les viols en prison est un échec moral collectif.
Je suis profondément ému par le courage et la détermination de ces militants qui refusent d’abandonner malgré l’hostilité du gouvernement. Linda McFarlane qui continue à former le personnel pénitentiaire sans financement fédéral. Shana Knizhnik qui intente procès après procès pour protéger ses clientes. Les bénévoles de Black and Pink qui écrivent des lettres aux détenus isolés pour leur rappeler qu’ils ne sont pas oubliés. Ces gens sont des héros ordinaires qui font un travail extraordinaire dans des circonstances impossibles. Mais ils ne devraient pas avoir à porter ce fardeau seuls. Nous devrions tous être révoltés. Nous devrions tous exiger mieux de notre gouvernement.
Les précédents historiques : ce que l'histoire nous enseigne
Les leçons de l’ère pré-PREA
Pour comprendre où nous allons, il est utile de se rappeler d’où nous venons. Avant l’adoption de PREA en 2003, la violence sexuelle en prison était un secret de polichinelle — tout le monde savait qu’elle existait, mais personne n’en parlait publiquement et encore moins ne faisait quoi que ce soit pour l’arrêter. Les blagues sur le « savon dans la douche » et les références culturelles aux viols en prison étaient omniprésentes, traitant la violence sexuelle comme une partie normale et même acceptable de la punition carcérale. Cette attitude reflétait une vision profondément tordue de la justice : l’idée que les personnes condamnées pour des crimes méritaient non seulement d’être privées de liberté, mais aussi d’être soumises à des violences sexuelles comme une forme de châtiment extra-judiciaire. Cette mentalité était particulièrement dangereuse pour les personnes LGBTQ+, qui étaient déjà marginalisées et stigmatisées dans la société en général. En prison, elles devenaient des cibles privilégiées, perçues comme « méritant » les abus en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Le rapport de Human Rights Watch de 2001 qui a catalysé l’adoption de PREA documentait des horreurs systématiques : des hommes violés à répétition par d’autres détenus ou par le personnel, forcés à devenir des « esclaves sexuels », infectés par le VIH, traumatisés à vie. Les victimes qui osaient se plaindre étaient souvent punies — placées en isolement, transférées vers des établissements encore plus dangereux, ou simplement ignorées par un système qui considérait leur souffrance comme sans importance.
L’adoption unanime de PREA par le Congrès en 2003 représentait un tournant moral significatif. Pour la première fois, le gouvernement fédéral reconnaissait officiellement que la violence sexuelle en prison n’était pas acceptable, qu’elle violait les droits humains fondamentaux, et qu’elle devait être activement prévenue et punie. La loi imposait aux établissements de mettre en place des protocoles de prévention, des mécanismes de signalement confidentiels, des enquêtes rigoureuses, et surtout, une reconnaissance que certaines populations — notamment les personnes LGBTQ+ — nécessitaient des protections spécifiques en raison de leur vulnérabilité disproportionnée. Les années qui ont suivi ont vu des progrès réels, bien qu’imparfaits. Les établissements ont commencé à former leur personnel, à installer des caméras de surveillance, à créer des unités de logement protégées pour les détenus vulnérables, à prendre au sérieux les plaintes d’agression. Les audits PREA ont créé une pression pour l’amélioration continue et ont permis d’identifier les établissements qui échouaient à protéger leurs détenus. Ce n’était pas parfait — loin de là. Les agressions continuaient, les victimes étaient souvent mal traitées, et de nombreux établissements ne respectaient les normes que superficiellement. Mais au moins, il y avait un cadre, une reconnaissance que le problème existait et devait être combattu. Maintenant, avec le mémo du DOJ, nous risquons de revenir à l’ère pré-PREA, où la violence sexuelle en prison était considérée comme inévitable et où les victimes les plus vulnérables étaient abandonnées à leur sort.
Les parallèles avec d’autres reculs de droits
Le démantèlement des protections PREA pour les personnes LGBTQ+ s’inscrit dans un schéma plus large de reculs des droits civiques que nous avons observés à différentes périodes de l’histoire américaine. Chaque fois qu’une population marginalisée gagne des protections légales, il y a une réaction politique qui cherche à les annuler. Nous l’avons vu avec les droits civiques des Afro-Américains après la Reconstruction, quand les lois Jim Crow ont systématiquement démantelé les progrès de l’ère post-guerre civile. Nous l’avons vu avec les droits des femmes, où chaque avancée vers l’égalité a été suivie d’une contre-offensive conservatrice. Et nous le voyons maintenant avec les droits des personnes LGBTQ+, où les gains durement acquis de la dernière décennie — le mariage égalitaire, les protections contre la discrimination dans l’emploi, la reconnaissance de l’identité de genre — sont attaqués de toutes parts. Ce qui rend le cas des personnes trans en prison particulièrement vulnérable, c’est qu’elles se trouvent à l’intersection de multiples formes de marginalisation : elles sont trans, elles sont incarcérées, et elles sont souvent pauvres et issues de minorités raciales. Cette intersection les rend presque invisibles politiquement — peu de gens se soucient du sort des prisonniers, encore moins des prisonniers trans. C’est exactement pourquoi l’administration Trump a choisi de commencer par là : c’est une population qu’elle peut attaquer avec un minimum de résistance politique.
L’histoire nous enseigne également que ces reculs ne sont jamais permanents si nous refusons de les accepter. Les mouvements de droits civiques ont toujours été caractérisés par des avancées, des reculs, et de nouvelles avancées. La lutte pour la justice est un processus continu, pas un événement ponctuel. Les protections que nous avons aujourd’hui ont été gagnées par des générations de militants qui ont refusé d’abandonner face à l’adversité. Les protections PREA pour les personnes LGBTQ+ n’ont pas été accordées par générosité gouvernementale — elles ont été arrachées par des années de plaidoyer, de litiges, de documentation des abus, de témoignages de survivants qui ont eu le courage de raconter leurs histoires. Si ces protections sont maintenant attaquées, c’est à nous de les défendre avec la même détermination. L’histoire nous montre aussi que les périodes de recul peuvent paradoxalement galvaniser les mouvements de résistance. Quand les droits sont menacés, les gens qui étaient passifs deviennent actifs. Les organisations se mobilisent, les alliances se forment, la solidarité se renforce. Le mémo du DOJ est révoltant et dangereux, mais il a aussi le potentiel de réveiller une conscience collective et de mobiliser une opposition qui pourrait finalement conduire à des protections encore plus fortes. C’est du moins ce que l’histoire nous permet d’espérer.
L’histoire se répète, encore et encore. Les mêmes schémas de marginalisation, de déshumanisation, de violence institutionnelle. Et pourtant, l’histoire nous montre aussi que le progrès est possible, que les gens peuvent changer, que les systèmes peuvent être réformés. Je m’accroche à cet espoir même quand tout semble sombre. Parce que l’alternative — accepter que la cruauté est inévitable, que certaines vies ne comptent pas — est insupportable. Nous devons croire que nous pouvons faire mieux. Nous devons continuer à nous battre.
Les implications internationales : le regard du monde
Les standards internationaux des droits humains
La décision de l’administration Trump de démanteler les protections PREA pour les personnes LGBTQ+ ne viole pas seulement les normes américaines — elle contrevient également aux standards internationaux des droits humains établis par les Nations Unies et d’autres organismes internationaux. Les Règles Nelson Mandela, adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU en 2015, établissent des normes minimales pour le traitement des détenus, incluant explicitement la protection contre la violence sexuelle et la discrimination basée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Ces règles stipulent que les autorités pénitentiaires doivent prendre des mesures pour protéger les détenus vulnérables, évaluer individuellement les risques de victimisation, et garantir que les fouilles corporelles sont effectuées de manière respectueuse de la dignité humaine. Le Comité contre la torture de l’ONU a également souligné à plusieurs reprises que permettre ou faciliter la violence sexuelle en détention constitue une forme de traitement cruel, inhumain et dégradant qui viole la Convention contre la torture, que les États-Unis ont ratifiée. En retirant délibérément les protections pour les personnes trans en prison, l’administration Trump place les États-Unis en violation de leurs obligations internationales en matière de droits humains. Cela envoie un message terrible au reste du monde : que la première puissance mondiale considère acceptable d’exposer ses citoyens les plus vulnérables à la violence sexuelle pour des raisons idéologiques.
Les organisations internationales de droits humains ont déjà commencé à réagir. Amnesty International et Human Rights Watch ont publié des déclarations condamnant le mémo du DOJ et appelant l’administration Trump à revenir sur cette décision. Ces organisations documentent depuis des décennies les abus contre les personnes LGBTQ+ dans les systèmes carcéraux du monde entier, et elles reconnaissent que les protections PREA représentaient un modèle que d’autres pays commençaient à adopter. Le démantèlement de ces protections aux États-Unis risque d’avoir un effet domino, donnant aux régimes autoritaires une excuse pour ignorer leurs propres obligations de protéger les détenus LGBTQ+. « Si même les États-Unis ne protègent pas ces personnes, pourquoi devrions-nous le faire ? » pourront-ils argumenter. C’est particulièrement préoccupant dans les pays où les personnes LGBTQ+ font déjà face à une criminalisation et à une persécution généralisées. Les États-Unis ont longtemps prétendu être un leader mondial en matière de droits humains, utilisant cette position pour critiquer d’autres pays et justifier des interventions. Cette prétention devient de plus en plus difficile à maintenir quand le gouvernement américain lui-même viole ouvertement les standards internationaux qu’il prétend défendre. L’hypocrisie est flagrante et elle mine la crédibilité américaine sur la scène internationale.
Les réactions des alliés et des organisations internationales
Les alliés traditionnels des États-Unis ont exprimé leur inquiétude face à cette politique. Des parlementaires européens, canadiens, et d’autres démocraties ont publié des déclarations critiquant le démantèlement des protections pour les personnes trans en prison. L’Union européenne, qui a adopté ses propres directives strictes sur le traitement des détenus LGBTQ+, a souligné que les politiques de l’administration Trump sont incompatibles avec les valeurs démocratiques partagées. Le Conseil de l’Europe et son Comité pour la prévention de la torture ont également exprimé des préoccupations, notant que la protection des populations vulnérables en détention est un indicateur clé de la santé d’une démocratie. Ces réactions internationales sont importantes non seulement pour la pression diplomatique qu’elles exercent, mais aussi parce qu’elles offrent un soutien moral aux militants américains qui luttent contre ces politiques. Savoir que la communauté internationale est attentive et préoccupée peut donner de l’espoir et de l’énergie à ceux qui se sentent isolés dans leur combat. Les organisations internationales de défense des droits LGBTQ+ ont également intensifié leur solidarité avec les groupes américains, offrant un soutien financier, technique, et politique. Cette solidarité transnationale est essentielle dans un contexte où les mouvements réactionnaires sont eux-mêmes de plus en plus coordonnés au niveau international.
Cependant, il faut reconnaître que les réactions internationales ont leurs limites. Les États-Unis restent une superpuissance qui peut largement ignorer les critiques externes sans conséquences majeures. Les mécanismes internationaux de responsabilisation sont faibles et dépendent largement de la volonté des États de coopérer. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU peut critiquer les politiques américaines, mais il ne peut pas les changer. Les traités internationaux que les États-Unis ont ratifiés incluent rarement des mécanismes d’application contraignants. Et l’administration Trump a déjà montré qu’elle se soucie peu de l’opinion internationale, se retirant de multiples accords et institutions internationales. Néanmoins, la pression internationale a une valeur symbolique et peut influencer le débat domestique. Quand des organisations respectées comme Amnesty International et Human Rights Watch documentent les violations des droits humains aux États-Unis, cela rend plus difficile pour l’administration de prétendre que ses politiques sont justifiées ou normales. Cela fournit également des munitions aux groupes de défense des droits civiques américains dans leurs litiges et leurs campagnes de sensibilisation. L’attention internationale peut aussi encourager les juridictions locales et étatiques à maintenir leurs propres protections, sachant qu’elles sont alignées avec les standards mondiaux même si le gouvernement fédéral s’en écarte.
Il y a quelque chose de profondément humiliant dans le fait que les États-Unis, qui se présentent comme le champion de la démocratie et des droits humains, soient maintenant critiqués par la communauté internationale pour leurs violations des droits des personnes trans en prison. Nous sommes devenus ce que nous prétendions combattre. Et pourtant, je trouve aussi de l’espoir dans cette solidarité internationale, dans le fait que des gens partout dans le monde se soucient de ce qui arrive aux personnes trans américaines en détention. Cela me rappelle que l’humanité et la compassion transcendent les frontières, que nous sommes tous connectés dans notre lutte pour la dignité et la justice.
Les voix des survivants : témoignages et résilience
Les histoires qu’on ne peut pas ignorer
Derrière les statistiques et les analyses politiques se trouvent des êtres humains réels avec des noms, des histoires, des rêves brisés par la violence. Bien que cet article ne puisse pas inclure de témoignages directs spécifiques (conformément aux directives éditoriales), il est crucial de reconnaître que chaque chiffre représente une personne qui a vécu l’horreur d’être agressée dans un lieu où elle ne pouvait pas s’échapper. Les rapports de Just Detention International, de Black and Pink, et d’autres organisations documentent des récits déchirants de personnes transgenres qui ont été violées à répétition, forcées à devenir des « propriétés » d’autres détenus, infectées par le VIH, traumatisées au point de tenter de se suicider. Ces histoires partagent des thèmes communs : l’isolement, la peur constante, l’impossibilité de trouver de l’aide, le sentiment d’avoir été abandonnées par un système qui était censé les protéger. Beaucoup de survivants décrivent comment ils ont essayé de signaler les agressions au personnel pénitentiaire, seulement pour être ignorés, ridiculisés, ou même punis pour avoir « causé des problèmes ». Certains ont été placés en isolement prolongé prétendument « pour leur protection », une pratique qui équivaut à une torture psychologique et qui aggrave souvent le traumatisme plutôt que de le soulager. D’autres ont été transférés vers des établissements encore plus dangereux, où les abus se sont poursuivis ou intensifiés.
Ce qui ressort de ces témoignages, c’est non seulement l’horreur de la violence elle-même, mais aussi le sentiment d’abandon et de déshumanisation. Les survivants décrivent comment ils ont été traités non comme des êtres humains dignes de protection, mais comme des objets, des problèmes administratifs, des statistiques sans importance. Ils parlent de la façon dont le personnel pénitentiaire utilisait des pronoms incorrects délibérément, faisait des commentaires dégradants sur leur identité de genre, ou suggérait qu’ils « méritaient » ce qui leur arrivait. Cette violence verbale et psychologique s’ajoutait à la violence physique, créant un environnement de déshumanisation totale. Beaucoup de survivants expriment également de la culpabilité et de la honte, intériorisant les messages sociaux selon lesquels ils sont en quelque sorte responsables de leur propre victimisation. Cette culpabilité est particulièrement toxique et peut empêcher les victimes de chercher de l’aide ou de guérir. Les organisations de soutien par les pairs jouent un rôle crucial en aidant les survivants à comprendre que la violence qu’ils ont subie n’était pas de leur faute, qu’ils méritent compassion et justice, et qu’il est possible de reconstruire sa vie après un tel traumatisme. Mais ce processus de guérison est long et difficile, et beaucoup de survivants portent les cicatrices — physiques et psychologiques — pour le reste de leur vie.
La résilience face à l’adversité
Malgré l’horreur de leurs expériences, beaucoup de survivants d’agressions sexuelles en prison font preuve d’une résilience remarquable. Certains deviennent des militants, utilisant leurs histoires pour éduquer le public et plaider en faveur de réformes. Ils témoignent devant les législateurs, participent à des documentaires, écrivent des mémoires, et travaillent avec des organisations de défense des droits pour prévenir que d’autres ne subissent ce qu’ils ont enduré. Cette transformation du traumatisme en action politique est un acte de courage extraordinaire. Cela nécessite de revivre constamment les pires moments de sa vie, de s’exposer au jugement et au scepticisme du public, de risquer des représailles de la part de ceux qui préféreraient que ces histoires restent cachées. Mais ces survivants-militants comprennent que leur voix est puissante, que leurs témoignages peuvent changer les cœurs et les esprits d’une manière que les statistiques et les arguments juridiques ne peuvent pas. Ils incarnent la réalité humaine derrière les politiques abstraites, rendant impossible d’ignorer ou de minimiser l’impact de la violence sexuelle en prison. Des organisations comme Black and Pink sont dirigées en grande partie par d’anciens détenus LGBTQ+ qui utilisent leur expérience vécue pour guider leur travail de plaidoyer et de soutien. Cette approche centrée sur les survivants garantit que les solutions proposées sont ancrées dans la réalité du terrain plutôt que dans des théories abstraites.
La résilience des survivants se manifeste également dans les petits actes quotidiens de résistance et de survie. Continuer à vivre malgré le traumatisme. Refuser de laisser la violence définir son identité. Trouver des moments de joie et de connexion même dans les circonstances les plus sombres. Maintenir son humanité face à un système qui cherche à la nier. Ces actes peuvent sembler insignifiants comparés aux grandes batailles juridiques et politiques, mais ils sont tout aussi importants. Ils représentent le refus fondamental d’être brisé, la détermination à survivre et même à prospérer malgré tout. Les groupes de soutien par les pairs, où les survivants peuvent partager leurs expériences dans un espace sûr et sans jugement, jouent un rôle crucial dans ce processus de guérison. Ces espaces permettent aux survivants de réaliser qu’ils ne sont pas seuls, que d’autres ont vécu des expériences similaires et ont trouvé des moyens de continuer. La solidarité qui émerge de ces connexions est puissante — elle transforme l’isolement en communauté, la honte en fierté, le désespoir en espoir. C’est cette résilience collective qui donne aux militants l’énergie de continuer à se battre même quand les obstacles semblent insurmontables. Et c’est cette résilience qui nous rappelle que même dans les moments les plus sombres, l’esprit humain peut trouver la force de résister et de persévérer.
Je suis profondément humilié par le courage de ces survivants. Leur capacité à transformer leur douleur en action, à utiliser leurs histoires pour protéger les autres, à refuser d’être réduits au silence. Ils me rappellent que même face à la cruauté institutionnelle la plus brutale, l’humanité peut persister. Leur résilience n’excuse pas la violence qu’ils ont subie — rien ne peut l’excuser. Mais elle nous montre qu’il est possible de survivre, de guérir, de continuer à se battre. Et ça, c’est quelque chose de sacré.
Les alternatives possibles : ce qui pourrait être fait
Les réformes que nous devrions exiger
Plutôt que de démanteler les protections PREA, l’administration Trump pourrait — devrait — les renforcer et les étendre. Les experts en justice pénale et en droits humains ont identifié de nombreuses façons d’améliorer la prévention de la violence sexuelle en prison. D’abord, augmenter le financement et les ressources pour les programmes de prévention plutôt que de les couper. Le National PREA Resource Center devrait recevoir un soutien accru pour former plus d’auditeurs, développer de meilleures ressources, et fournir une assistance technique continue aux établissements. Ensuite, renforcer les mécanismes de responsabilisation en imposant des sanctions réelles aux établissements qui échouent à protéger leurs détenus. Actuellement, même quand les audits PREA révèlent des violations graves, les conséquences sont souvent minimes. Les établissements devraient perdre leur financement fédéral s’ils ne respectent pas les standards, et les administrateurs responsables de négligence grave devraient faire face à des poursuites pénales. Il faut également améliorer les mécanismes de signalement en créant des lignes d’assistance téléphonique indépendantes, gérées par des organisations externes plutôt que par le personnel pénitentiaire, pour que les victimes puissent signaler les agressions sans craindre de représailles. Les enquêtes sur les allégations d’abus devraient être menées par des enquêteurs externes formés spécifiquement à travailler avec des victimes traumatisées, plutôt que par le personnel de l’établissement où l’agression s’est produite.
Pour les personnes LGBTQ+ spécifiquement, les réformes devraient inclure la création d’unités de logement protégées qui ne sont pas des formes d’isolement mais des environnements communautaires sûrs où les détenus vulnérables peuvent vivre sans craindre constamment pour leur sécurité. Ces unités devraient offrir un accès complet aux programmes éducatifs, professionnels, et récréatifs, pas seulement une protection minimale. Il faut également garantir l’accès aux soins d’affirmation de genre pour les personnes trans, reconnaissant que ces soins ne sont pas un luxe mais une nécessité médicale. Les études montrent que les personnes trans qui ont accès aux hormones et à d’autres traitements d’affirmation de genre ont de meilleurs résultats en matière de santé mentale et sont moins susceptibles de tenter de se suicider. Le personnel pénitentiaire devrait recevoir une formation obligatoire et continue sur les questions LGBTQ+, incluant non seulement des informations factuelles mais aussi des exercices de sensibilisation conçus pour réduire les préjugés et améliorer les attitudes. Cette formation devrait être développée en consultation avec des organisations LGBTQ+ et des survivants d’agressions, pas imposée d’en haut par des bureaucrates qui n’ont aucune expérience vécue. Enfin, il faut investir massivement dans les services de soutien post-agression : counseling traumatologique, groupes de soutien par les pairs, assistance juridique, soins médicaux complets incluant la prophylaxie post-exposition au VIH et le traitement des blessures physiques.
Les modèles internationaux à suivre
D’autres pays ont développé des approches innovantes pour protéger les personnes LGBTQ+ en détention dont les États-Unis pourraient s’inspirer. Le Canada, par exemple, a adopté des politiques permettant aux personnes trans d’être placées dans des établissements correspondant à leur identité de genre après une évaluation individuelle approfondie. Le Service correctionnel du Canada reconnaît explicitement que forcer les personnes trans à être détenues selon leur sexe assigné à la naissance les expose à des risques inacceptables. Le pays a également mis en place des programmes de formation obligatoire pour tout le personnel pénitentiaire sur les questions de diversité sexuelle et de genre, et a créé des postes de conseillers spécialisés dans les questions LGBTQ+ dans chaque région correctionnelle. L’Écosse a développé un système où les personnes trans peuvent demander à être placées dans l’établissement de leur choix, et ces demandes sont évaluées par un comité multidisciplinaire incluant des professionnels de la santé mentale, des experts en sécurité, et des représentants de la communauté trans. Cette approche reconnaît que les personnes trans elles-mêmes sont les mieux placées pour évaluer où elles se sentiront le plus en sécurité, tout en permettant une évaluation des risques pour les autres détenus. Les Pays-Bas ont créé des unités spécialisées pour les détenus LGBTQ+ qui offrent un environnement sûr et affirmatif, avec un personnel formé et des programmes adaptés aux besoins spécifiques de cette population.
Ces modèles internationaux ne sont pas parfaits — tous font face à des défis de mise en œuvre et à des critiques de diverses parties. Mais ils démontrent qu’il est possible de protéger les personnes LGBTQ+ en détention sans compromettre la sécurité des autres détenus ou du personnel. Ils montrent également que les approches centrées sur l’évaluation individuelle et le respect de l’identité de genre produisent de meilleurs résultats que les politiques rigides basées uniquement sur le sexe biologique. Les États-Unis pourraient apprendre de ces expériences internationales, adapter ce qui fonctionne au contexte américain, et développer leurs propres innovations. Mais cela nécessiterait une volonté politique de prioriser la sécurité et la dignité de tous les détenus, y compris les plus marginalisés. Cela nécessiterait de reconnaître que les personnes trans sont des êtres humains qui méritent protection et respect, pas des problèmes idéologiques à résoudre par la force. Malheureusement, l’administration Trump actuelle semble déterminée à aller dans la direction opposée, démantélant les protections existantes plutôt que de les améliorer, et s’inspirant des pires pratiques plutôt que des meilleures. C’est un choix politique délibéré qui aura des conséquences tragiques et prévisibles. Et c’est un choix que nous devons collectivement rejeter et combattre.
Ces alternatives existent. Ces solutions sont possibles. D’autres pays les mettent en œuvre avec succès. Nous savons ce qui fonctionne. Nous savons comment protéger les personnes vulnérables sans compromettre la sécurité. Alors pourquoi ne le faisons-nous pas ? Pourquoi choisissons-nous délibérément la cruauté plutôt que la compassion ? Je n’ai pas de réponse satisfaisante. Juste une rage impuissante face à ce gaspillage de potentiel humain, cette destruction gratuite de vies qui pourraient être sauvées si seulement nous choisissions de nous soucier.
Conclusion : l'urgence d'agir maintenant
Ce qui est en jeu
Nous sommes à un moment charnière. Le mémo du DOJ du 2 décembre 2025 n’est pas encore une politique finalisée — c’est une directive temporaire pendant que le processus de révision réglementaire est en cours. Cela signifie qu’il y a encore une fenêtre d’opportunité pour inverser cette décision, pour mobiliser l’opposition publique, pour intenter des recours judiciaires, pour faire pression sur les législateurs. Mais cette fenêtre se ferme rapidement. Une fois que les révisions aux standards PREA seront officiellement adoptées, il sera beaucoup plus difficile de les contester. Les établissements pénitentiaires qui auront déjà abandonné les protections LGBTQ+ seront réticents à les rétablir. Les agressions qui se produiront dans l’intervalle laisseront des cicatrices permanentes sur les victimes. Chaque jour que nous attendons, chaque jour que nous restons silencieux, des personnes réelles sont en danger. Ce n’est pas une exagération — c’est la réalité documentée par des décennies de recherche et de témoignages de survivants. Les personnes transgenres en prison subissent déjà des violences sexuelles à un taux douze fois supérieur à la population générale. Retirer les protections qui existaient ne fera qu’aggraver cette crise. Linda McFarlane, de Just Detention International, le dit sans détour : « Cela permettra aux violeurs d’agir en toute impunité. » Ce n’est pas de la rhétorique politique — c’est une prédiction basée sur des preuves empiriques et une compréhension profonde du système carcéral. Nous savons ce qui va se passer. La seule question est de savoir si nous allons le permettre.
Ce qui est en jeu dépasse même la question spécifique des protections PREA. C’est une question de quel genre de société nous voulons être. Sommes-nous une nation qui protège ses membres les plus vulnérables, ou une nation qui les abandonne à la violence quand c’est politiquement commode ? Croyons-nous vraiment aux droits humains universels, ou seulement aux droits de ceux qui nous ressemblent et que nous jugeons dignes ? Le traitement des personnes incarcérées est souvent considéré comme un test moral pour une société — comment nous traitons ceux qui n’ont aucun pouvoir révèle qui nous sommes vraiment. Et en ce moment, nous échouons à ce test de manière spectaculaire. L’administration Trump justifie ses politiques en prétendant « protéger les femmes » et « restaurer la vérité biologique », mais ces euphémismes masquent à peine la réalité : c’est une attaque idéologique contre l’existence même des personnes trans, menée avec une cruauté calculée qui expose délibérément des êtres humains vulnérables à la violence. Il n’y a aucune justification morale pour cette politique. Aucune. Les données sont claires, les experts sont unanimes, les conséquences sont prévisibles. C’est un choix conscient de causer du tort, et nous devons le nommer pour ce qu’il est : une violence d’État contre une population marginalisée qui ne peut pas se défendre. Et nous devons y résister avec toute la force dont nous disposons.
L’appel à l’action collective
Alors que pouvons-nous faire ? D’abord, nous informer et informer les autres. La plupart des gens ne sont pas conscients de cette politique ou de ses implications. Partagez cet article, partagez les déclarations des organisations de défense des droits humains, partagez les témoignages de survivants (avec leur consentement). Rendez visible ce que l’administration Trump préférerait garder caché. Ensuite, soutenez les organisations qui luttent sur le terrain. Just Detention International, l’ACLU, le Transgender Law Center, Black and Pink, et d’autres groupes ont besoin de ressources financières pour continuer leur travail de plaidoyer, de litiges, et de soutien direct aux victimes. Même de petits dons peuvent faire une différence. Si vous avez des compétences professionnelles — juridiques, médicales, de communication — envisagez de faire du bénévolat pour ces organisations. Contactez vos représentants élus au niveau fédéral, étatique, et local. Exigez qu’ils s’opposent publiquement au démantèlement des protections PREA et qu’ils soutiennent une législation pour renforcer ces protections. Les législateurs répondent à la pression publique — mais seulement si cette pression existe. Si vous travaillez dans le système de justice pénale ou dans un domaine connexe, utilisez votre position pour plaider en faveur de politiques plus humaines. Refusez de participer à des pratiques discriminatoires même si elles sont techniquement permises par le nouveau mémo. Documentez les abus et signalez-les aux autorités appropriées et aux organisations de défense des droits.
Pour ceux qui ont une plateforme publique — journalistes, universitaires, leaders religieux, artistes, influenceurs — utilisez votre voix pour amplifier ce problème. Les médias grand public ont largement ignoré cette histoire, la reléguant aux publications spécialisées et aux médias LGBTQ+. Cela doit changer. Cette histoire mérite d’être en première page, d’être discutée dans les émissions d’information, d’être le sujet de documentaires et d’œuvres d’art qui touchent les cœurs et changent les esprits. Les leaders religieux de toutes les traditions devraient parler de la dimension morale de cette question — comment pouvons-nous prétendre valoriser la vie humaine tout en permettant que des personnes sous notre garde soient violées ? Les universitaires devraient continuer à documenter les impacts de ces politiques, à publier des recherches qui rendent impossible d’ignorer la réalité. Et tous, nous devons voter. Les élections ont des conséquences, et les politiques que nous voyons maintenant sont le résultat direct de choix électoraux. Si nous voulons un gouvernement qui protège plutôt que de persécuter les personnes vulnérables, nous devons élire des représentants qui partagent ces valeurs. Enfin, et peut-être le plus important, nous devons maintenir notre humanité et notre compassion face à la déshumanisation. Refusez d’accepter que certaines vies comptent moins que d’autres. Refusez de vous habituer à la cruauté. Continuez à vous indigner, à vous soucier, à agir. C’est épuisant, je sais. Mais c’est nécessaire. Parce que si nous abandonnons, qui restera pour se battre ?
Je termine cet article avec le cœur lourd mais pas sans espoir. Oui, la situation est sombre. Oui, les forces contre lesquelles nous luttons sont puissantes. Mais l’histoire nous montre que le changement est possible quand les gens refusent d’accepter l’inacceptable. Les protections PREA n’ont pas été accordées par générosité — elles ont été arrachées par des années de lutte acharnée. Si elles sont maintenant menacées, c’est à nous de les défendre avec la même détermination. Je pense aux personnes trans qui attendent dans leurs cellules en ce moment même, qui se demandent si quelqu’un se soucie de ce qui leur arrive. Je veux qu’elles sachent que oui, nous nous soucions. Que nous voyons leur humanité. Que nous n’abandonnerons pas. Que nous continuerons à nous battre jusqu’à ce qu’elles soient en sécurité. C’est une promesse que je fais, pas seulement en tant que chroniqueur, mais en tant qu’être humain qui refuse d’accepter que la cruauté soit inévitable. Nous pouvons faire mieux. Nous devons faire mieux. Et nous le ferons.
Sources
Sources primaires
The Guardian, « DoJ moves to eliminate sexual abuse protections for LGBTQ+ people in prisons », Sam Levin, 5 décembre 2025. NPR, « DOJ orders prison inspectors to stop considering LGBTQ safety standards », Jaclyn Diaz, 4 décembre 2025. The 19th News, « Trump administration plans to end prison rape protections for trans and intersex people, memo says », Adam Rhodes pour Prism, 5 décembre 2025. Mémo interne du Bureau d’assistance judiciaire du Département de la Justice américain, signé par Tammie M. Gregg, 2 décembre 2025. Décret présidentiel « Defending Women from Gender Ideology Extremism and Restoring Biological Truth to the Federal Government », Donald Trump, 20 janvier 2025.
Sources secondaires
Bureau of Justice Statistics, « Sexual Victimization in Adult Correctional Facilities Reported by Inmates », 2020. Black and Pink, « Coming Out of Concrete Closets: A Report on Black and Pink’s National LGBTQ Prisoner Survey », octobre 2015. Williams Institute UCLA, « Incarcerated Transgender People in the United States », données 2016. Vera Institute of Justice et Black and Pink National, « Advancing Transgender Justice », février 2024. Human Rights Watch, « No Escape: Male Rape in U.S. Prisons », 2001. Just Detention International, déclarations publiques et rapports, décembre 2025. American Civil Liberties Union, documents de litiges et déclarations publiques, 2025. National Association of PREA Coordinators, déclaration officielle, décembre 2025.
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