250 millions de dollars évaporés
Revenons aux faits. En septembre 2022, les procureurs fédéraux du Minnesota ont dévoilé ce qu’ils ont qualifié de « plus grande fraude pandémique aux États-Unis ». L’affaire tourne autour de Feeding Our Future, une organisation à but non lucratif qui participait au Programme fédéral de nutrition infantile. Pendant la pandémie de COVID-19, le Département de l’Agriculture américain (USDA) a assoupli les règles du programme pour permettre une distribution plus large de repas aux enfants. Les restaurants à but lucratif pouvaient participer. La distribution hors site était autorisée. Les contrôles ont été relâchés. Une aubaine pour les fraudeurs.
Aimee Bock, fondatrice et directrice exécutive de Feeding Our Future, a orchestré un système massif de fraude avec l’aide de complices, dont Salim Said, copropriétaire du restaurant Safari. Ensemble, ils ont créé plus de 250 sites alimentaires fictifs à travers le Minnesota. Ces sites prétendaient servir des milliers de repas par jour à des enfants, alors qu’en réalité, peu ou pas de nourriture n’était distribuée. Les fraudeurs fabriquaient de faux documents : listes de présence inventées, factures falsifiées, comptages de repas gonflés. Feeding Our Future soumettait ces demandes frauduleuses au Département de l’Éducation du Minnesota (MDE), qui transférait ensuite les fonds fédéraux. L’organisation empochait plus de 18 millions de dollars en frais administratifs auxquels elle n’avait pas droit.
Des chiffres qui défient l’entendement
Prenons l’exemple du Safari Restaurant de Salim Said. Avant la pandémie, ce restaurant déclarait environ 600 000 dollars de revenus annuels. En avril 2020, il s’inscrit au Programme fédéral de nutrition infantile sous le parrainage de Feeding Our Future. Trois mois plus tard, en juillet 2020, Said prétend servir 5 000 repas par jour, sept jours sur sept. Au total, entre avril 2020 et novembre 2021, Safari Restaurant aurait servi plus de 3,9 millions de repas à des enfants. Said affirmait également avoir fourni plus de 2,2 millions de repas à d’autres sites impliqués dans le réseau de fraude. Des chiffres absurdes pour un petit restaurant de quartier. Comment un établissement qui générait à peine 600 000 dollars par an pourrait-il soudainement nourrir des milliers d’enfants quotidiennement ? La logistique seule aurait été impossible. Où étaient stockés les aliments ? Qui préparait ces repas ? Comment étaient-ils distribués ? Aucune de ces questions n’a trouvé de réponse crédible, car la réalité est simple : ces repas n’ont jamais existé.
L’ampleur de la fraude est stupéfiante. Feeding Our Future est passé de 3,4 millions de dollars de fonds fédéraux reçus en 2019 à près de 200 millions de dollars en 2021. En tout, l’organisation a frauduleusement obtenu et distribué plus de 240 millions de dollars. Les accusés ont utilisé cet argent pour acheter des véhicules de luxe — Mercedes, BMW, Porsche — des propriétés résidentielles et commerciales au Minnesota, en Ohio, au Kentucky, mais aussi des biens immobiliers au Kenya et en Turquie. Ils ont financé des voyages internationaux, séjourné dans des hôtels cinq étoiles, acheté des bijoux coûteux. Certains ont même créé des sociétés écrans pour blanchir l’argent et dissimuler leurs gains illicites. Les documents judiciaires révèlent des transactions immobilières de plusieurs millions de dollars, des virements bancaires vers des comptes offshore, des achats en espèces pour éviter la détection. En mars 2025, un jury fédéral a reconnu Aimee Bock coupable de quatre chefs d’accusation de fraude électronique, un chef de conspiration pour fraude électronique, un chef de corruption et un chef de conspiration pour corruption de programmes fédéraux. Salim Said a été condamné pour conspiration, fraude, corruption et blanchiment d’argent. Les peines prononcées reflètent la gravité des crimes : certains accusés ont écopé de plus de 28 ans de prison, la peine la plus lourde jamais infligée dans une affaire de fraude pandémique.
Quand je lis ces chiffres, j’ai du mal à y croire. 3,9 millions de repas servis par un seul restaurant ? 5 000 repas par jour ? Comment est-ce possible qu’un tel mensonge ait pu passer inaperçu pendant si longtemps ? Où étaient les contrôles ? Où étaient les audits ? Où étaient les responsables censés surveiller l’utilisation de l’argent public ? Cette fraude n’est pas seulement un crime financier. C’est une insulte à tous ceux qui ont souffert pendant la pandémie, à tous ceux qui ont perdu leur emploi, leur logement, leur dignité. Pendant que des familles faisaient la queue aux banques alimentaires, des escrocs s’achetaient des villas au Kenya.
Le rôle controversé du gouverneur Tim Walz
Signaux d’alarme ignorés
Le gouverneur Tim Walz se retrouve dans l’œil du cyclone. Les républicains l’accusent de négligence, voire de complicité passive, dans cette affaire de fraude massive. Selon plusieurs rapports d’audit, le Département de l’Éducation du Minnesota avait reçu des avertissements dès 2020 concernant des irrégularités dans les demandes de Feeding Our Future. Des fonctionnaires ont signalé des augmentations suspectes dans le nombre de repas déclarés, des sites créés du jour au lendemain prétendant servir des milliers d’enfants, des documents douteux. Mais ces signaux d’alarme ont été largement ignorés. Le MDE a continué à approuver les demandes et à transférer les fonds.
En juin 2024, un audit du Bureau de l’auditeur législatif du Minnesota a critiqué la gestion de l’administration Walz dans cette affaire. Le rapport pointait du doigt des défaillances systémiques dans la surveillance des programmes d’aide sociale, un manque de coordination entre les agences gouvernementales, et une réponse tardive aux signaux d’alerte. Walz a répondu en proposant un plan anti-fraude de 39 millions de dollars, incluant la création de nouvelles unités d’enquête et le renforcement des contrôles. Mais pour ses détracteurs, c’est trop peu, trop tard. Les républicains affirment que Walz a privilégié les considérations politiques — notamment le soutien de la communauté somalienne, un électorat clé pour les démocrates au Minnesota — au détriment de la surveillance rigoureuse des fonds publics.
Walz contre-attaque
Le gouverneur Walz rejette ces accusations avec véhémence. Dans une interview diffusée sur NBC News en décembre 2025, il a déclaré : « Le Minnesota est un État généreux. Le Minnesota est un État prospère. Mais cela attire les criminels. Ces personnes vont en prison. » Walz insiste sur le fait que son administration a coopéré pleinement avec les enquêtes fédérales, que des dizaines de personnes ont été inculpées et condamnées, et que des réformes législatives ont été mises en place pour prévenir de futures fraudes. Il accuse également Trump de « diaboliser toute une communauté sur la base des actions de quelques individus », qualifiant cette approche de « paresseuse » et de « dangereuse ». Le gouverneur souligne que le Minnesota a l’un des taux de poursuites pour fraude les plus élevés du pays, preuve selon lui que l’État prend le problème au sérieux. Il rappelle que son administration a alloué des ressources supplémentaires aux enquêtes, renforcé la coopération avec les autorités fédérales, et mis en place des mécanismes de signalement pour détecter les activités suspectes plus rapidement.
Walz souligne que la majorité des accusés dans l’affaire Feeding Our Future sont des citoyens américains, et non des immigrants en situation irrégulière ou des bénéficiaires du statut de protection temporaire. Il rappelle que la fondatrice de Feeding Our Future, Aimee Bock, est une femme blanche, et que la fraude a impliqué des individus de diverses origines. Pour Walz, les attaques de Trump contre les Somaliens relèvent d’une stratégie politique visant à détourner l’attention des échecs de son administration sur d’autres fronts. « C’est ce qu’il fait pour changer de sujet », a déclaré Walz. Le gouverneur a également souligné que le Minnesota attire des criminels précisément parce que c’est un État prospère avec des programmes sociaux généreux — mais cela ne signifie pas que l’État est complice ou négligent. Au contraire, affirme-t-il, le Minnesota poursuit et condamne les fraudeurs plus agressivement que la plupart des autres États. Mais cette défense convainc-elle ? Pas vraiment. Les critiques persistent, et le gouverneur reste sous pression. Les républicains continuent de réclamer sa démission ou au minimum des excuses publiques pour les échecs de surveillance qui ont permis à cette fraude de prospérer pendant si longtemps.
Walz est dans une position impossible. S’il reconnaît les défaillances de son administration, il donne des munitions à ses adversaires politiques. S’il minimise le problème, il passe pour quelqu’un de déconnecté ou de complice. Mais voici ce que je pense : un leader doit assumer ses responsabilités. Oui, des erreurs ont été commises. Oui, des contrôles ont failli. Oui, des signaux ont été ignorés. Dire « nous avons fait de notre mieux » ne suffit pas quand 250 millions de dollars ont été volés sous votre nez. Les Minnesotains méritent mieux. Ils méritent des comptes clairs, des réformes concrètes, et surtout, ils méritent qu’on arrête de jouer à la politique avec leur argent.
Ilhan Omar : entre défense communautaire et maladresse politique
Des réponses qui ne convainquent pas
La représentante Ilhan Omar est au cœur de cette controverse, qu’elle le veuille ou non. Née en Somalie, arrivée aux États-Unis adolescente en tant que réfugiée, Omar est devenue une figure emblématique de la gauche progressiste américaine. Mais dans cette affaire, ses réponses ont été jugées insuffisantes, voire maladroites. Lors d’une interview sur Face the Nation le 7 décembre 2025, Omar a déclaré être « assez confiante » que les allégations de liens entre la fraude et le terrorisme sont fausses. Elle a ajouté : « Si de l’argent des contribuables américains est envoyé pour aider le terrorisme en Somalie, nous voulons le savoir. Et nous voulons que ces personnes soient poursuivies. »
Mais cette réponse a été perçue comme évasive. Omar affirme que si un lien avec al-Shabaab existait, ce serait « un échec du FBI » de ne pas l’avoir découvert lors des enquêtes et des procès. Elle souligne que plus de 75 personnes ont été inculpées, que des condamnations ont été prononcées, et qu’aucune accusation de financement du terrorisme n’a été portée. Pour Omar, les accusations actuelles relèvent d’une campagne de diabolisation orchestrée par la droite conservatrice et amplifiée par Trump. Elle qualifie les commentaires du président de « dégoûtants » et parle d’une « obsession malsaine » à son égard et envers la communauté somalienne.
Un passé qui la rattrape
Mais Omar a un problème : certains des fraudeurs condamnés dans l’affaire Feeding Our Future avaient fait des dons à sa campagne électorale. Le secrétaire au Trésor Scott Bessent a mentionné ce fait lors de son interview sur Face the Nation, affirmant que des individus inculpés avaient également donné de l’argent au gouverneur Walz et au procureur général du Minnesota, Keith Ellison. Omar a reconnu avoir reçu des dons de personnes impliquées dans la fraude, mais elle affirme avoir renvoyé cet argent « il y a quelques années ». Elle a également déclaré avoir été « l’une des premières membres du Congrès » à envoyer une lettre au secrétaire à l’Agriculture pour demander une enquête sur ce qu’elle considérait comme une « fraude répréhensible ». Cette lettre, datée de 2021, demandait au département de l’Agriculture d’examiner les allégations de fraude dans le programme de nutrition infantile et de renforcer les contrôles. Omar affirme que cette initiative prouve qu’elle a pris le problème au sérieux dès le début, contrairement à ce que suggèrent ses détracteurs.
Cependant, cette explication n’a pas suffi à éteindre la controverse. Les critiques soulignent qu’Omar a tardé à prendre position publiquement sur cette affaire, qu’elle a minimisé l’ampleur du problème, et qu’elle a parfois semblé plus préoccupée par la défense de sa communauté que par la condamnation sans équivoque de la fraude. Certains observateurs notent qu’Omar n’a commencé à parler ouvertement de la fraude qu’après que les inculpations aient été rendues publiques, et que ses déclarations initiales étaient prudentes et mesurées, évitant de critiquer directement les fraudeurs. Cette approche, disent les critiques, a donné l’impression qu’elle cherchait à protéger des membres de sa communauté plutôt qu’à défendre l’intégrité des programmes publics. Trump a qualifié Omar et ses « amis » de « déchets », affirmant qu’elle « ne devrait pas être autorisée à être membre du Congrès ». Omar a répondu en accusant Trump d’avoir une « obsession malsaine et effrayante » à son égard, et en appelant à la vigilance face à une rhétorique « haineuse » qui pourrait inciter à la violence. Elle a souligné que les attaques personnelles de Trump à son encontre sont devenues de plus en plus fréquentes et virulentes, et qu’elles créent un climat de peur et d’intimidation pour elle et sa famille.
Omar est dans une position délicate, je le reconnais. Comment défendre sa communauté sans paraître excuser les criminels ? Comment condamner la fraude sans alimenter les stéréotypes racistes ? C’est un équilibre difficile à trouver. Mais voici ce que je pense : la vérité doit primer sur la politique identitaire. Si des membres de la communauté somalienne ont commis des crimes, ils doivent être punis. Point final. Cela ne signifie pas que tous les Somaliens sont des fraudeurs. Cela ne signifie pas que la communauté entière doit être stigmatisée. Mais cela signifie qu’on ne peut pas fermer les yeux sur les faits par peur d’être accusé de racisme. Omar aurait dû être plus claire, plus ferme, plus courageuse dans sa condamnation de ces actes.
Scott Bessent et l'enquête du Trésor : une offensive politique ?
Le Trésor entre en scène
Le 1er décembre 2025, le secrétaire au Trésor Scott Bessent a annoncé sur X (anciennement Twitter) que le Département du Trésor enquêtait sur des allégations selon lesquelles des fonds publics du Minnesota auraient été détournés vers al-Shabaab, le groupe terroriste somalien. Bessent a écrit : « Sur ma directive, le Département du Trésor enquête sur des allégations selon lesquelles, sous la gestion incompétente de l’administration Biden et du gouverneur Tim Walz, l’argent des contribuables du Minnesota aurait pu être détourné vers l’organisation terroriste al-Shabaab. » Cette annonce a fait l’effet d’une bombe, relançant le débat sur la fraude au Minnesota et intensifiant la pression sur Walz et Omar.
Bessent affirme que « beaucoup d’argent a été transféré » par les individus impliqués dans la fraude, et que cet argent « est allé à l’étranger ». Il précise que le Trésor « suit la trace de cet argent vers le Moyen-Orient et la Somalie pour voir à quoi il a servi ». Bessent mentionne également que certains des accusés avaient fait des dons aux campagnes de Walz, Omar et Ellison, insinuant un possible lien entre contributions politiques et laxisme dans la surveillance. Pour Bessent, cette enquête s’inscrit dans un « nettoyage continu » des abus et de la mauvaise gestion de l’ère Biden. Mais est-ce vraiment une enquête légitime, ou une manœuvre politique visant à discréditer les démocrates ?
Des preuves ou de la rhétorique ?
Jusqu’à présent, aucune preuve concrète n’a été présentée publiquement pour étayer l’affirmation selon laquelle des fonds de la fraude Feeding Our Future auraient financé al-Shabaab. Les procureurs fédéraux, qui ont mené des enquêtes approfondies pendant des années, n’ont jamais porté d’accusations de financement du terrorisme. Le FBI, l’IRS et le Service d’inspection postale américain ont tous participé à l’enquête, et aucun n’a mentionné de lien avec al-Shabaab dans les actes d’accusation ou les déclarations publiques. Les fraudeurs ont été motivés par la cupidité, pas par l’idéologie, selon les procureurs.
Les fonds détournés ont été investis principalement au Kenya, pas en Somalie. Pourquoi le Kenya ? Parce que c’est un pays stable avec un système bancaire fonctionnel, contrairement à la Somalie qui est en proie à l’instabilité et au conflit. Les fraudeurs ont acheté des propriétés, des entreprises, des véhicules au Kenya, où il est plus difficile pour le gouvernement américain de récupérer les actifs. Certains fonds sont également allés en Turquie, en Ohio, au Kentucky. Mais aucune preuve n’a été présentée montrant que de l’argent a été transféré directement à al-Shabaab. Les critiques de Bessent affirment que son annonce relève davantage de la propagande politique que d’une enquête sérieuse.
Je veux croire que Bessent agit de bonne foi. Je veux croire que le Trésor enquête sérieusement sur ces allégations. Mais je ne peux m’empêcher de me demander : pourquoi maintenant ? Pourquoi cette annonce fracassante sur les réseaux sociaux ? Pourquoi cette rhétorique incendiaire ? Si des preuves existent, qu’elles soient présentées devant un tribunal. Si des accusations doivent être portées, qu’elles le soient. Mais utiliser des allégations non prouvées pour stigmatiser toute une communauté, c’est irresponsable. C’est dangereux. Et c’est indigne d’un secrétaire au Trésor.
Al-Shabaab et les transferts d'argent : mythe ou réalité ?
Le système hawala sous surveillance
Pour comprendre les allégations de financement du terrorisme, il faut d’abord comprendre comment les Somaliens envoient de l’argent à leurs familles restées au pays. La Somalie n’a pas de système bancaire formel fonctionnel depuis l’effondrement du gouvernement central dans les années 1990. Les Somaliens de la diaspora utilisent donc des réseaux hawala, un système informel de transfert d’argent basé sur la confiance. Les courtiers hawala collectent de l’argent dans un pays et le remettent à un correspondant dans un autre pays, sans que l’argent ne traverse physiquement les frontières. C’est légal, à condition que les courtiers déclarent les montants transportés et respectent les réglementations anti-blanchiment.
Le Département du Trésor américain autorise explicitement les envois de fonds vers la Somalie, tant que les transactions n’impliquent pas de parties figurant sur la liste des Personnes spécialement désignées et bloquées de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC). Al-Shabaab est une entité sanctionnée par l’OFAC, l’Union européenne et les Nations Unies. En mars 2024, le Trésor a imposé des sanctions à 16 entités et individus connus pour blanchir de l’argent au profit d’al-Shabaab. Envoyer de l’argent à al-Shabaab est donc illégal et passible de poursuites pénales. Mais cela signifie-t-il que les fraudeurs de Feeding Our Future ont financé le terrorisme ?
Des accusations recyclées
Les allégations selon lesquelles des fonds du Minnesota financeraient al-Shabaab ne sont pas nouvelles. En 2018, la chaîne locale Fox9 a diffusé un reportage affirmant que des millions de dollars en espèces quittaient l’aéroport de Minneapolis-Saint Paul (MSP) à destination de la Somalie, et que cet argent pourrait provenir de fraudes aux garderies et financer al-Shabaab. Le reportage citait un ancien employé du Département des services humains du Minnesota et un détective de police à la retraite de Seattle, Glenn Kerns. Mais le Bureau de l’auditeur législatif du Minnesota a mené une enquête et a conclu en 2018 : « Malgré la gravité des allégations, ni Stillman ni Fox9 n’ont présenté de preuves spécifiques pour étayer l’allégation. »
Les procureurs fédéraux n’ont jamais inculpé quiconque pour financement du terrorisme dans le cadre de ces fraudes. Pourtant, en novembre 2025, les conservateurs Christopher Rufo et Ryan Thorpe ont publié un article dans le City Journal affirmant que « le plus grand financier d’al-Shabaab est le contribuable du Minnesota ». L’article cite les mêmes sources que le reportage de Fox9 de 2018, notamment le détective Glenn Kerns. Rufo a ensuite lancé une campagne sur les réseaux sociaux, appelant Trump à révoquer le statut de protection temporaire pour les Somaliens. Quelques heures plus tard, Trump a annoncé la fin du TPS pour environ 700 Somaliens à l’échelle nationale, citant « une activité frauduleuse de blanchiment d’argent ».
Voilà comment fonctionne la machine à propagande. On recycle de vieilles allégations non prouvées. On les emballe dans un nouvel article sensationnaliste. On les amplifie sur les réseaux sociaux. Et hop, en quelques heures, une communauté entière est diabolisée, et des politiques publiques sont modifiées sur la base de… rien. Pas de preuves. Pas de condamnations. Juste de la rhétorique incendiaire et de la manipulation politique. C’est révoltant. Et c’est dangereux.
La communauté somalienne du Minnesota : entre stigmatisation et résilience
Une diaspora sous pression
La communauté somalienne du Minnesota compte environ 87 000 personnes, la plus grande concentration de Somaliens aux États-Unis. La plupart sont arrivés dans les années 1990 et 2000, fuyant la guerre civile en Somalie. Ils se sont installés principalement dans la région de Minneapolis-Saint Paul, où ils ont créé des entreprises, des mosquées, des centres communautaires. Beaucoup sont devenus citoyens américains, ont fondé des familles, contribué à l’économie locale. Mais aujourd’hui, cette communauté se retrouve au centre d’une tempête politique qui menace de tout balayer.
Les attaques de Trump contre les Somaliens ont été virulentes. Il les a qualifiés de « déchets », affirmant qu’ils « ne font que se plaindre » et qu’ils devraient « retourner d’où ils viennent ». Il a révoqué le statut de protection temporaire pour les Somaliens, citant la fraude comme justification. Mais comme l’a souligné Omar, la grande majorité des accusés dans l’affaire Feeding Our Future sont des citoyens américains, pas des bénéficiaires du TPS. La révocation du TPS affecte environ 700 personnes à l’échelle nationale, un chiffre dérisoire comparé à l’ampleur de la fraude. Pour les défenseurs de la communauté somalienne, cette mesure est purement symbolique, visant à stigmatiser et à punir collectivement une communauté entière pour les crimes de quelques individus.
Des voix qui s’élèvent
Des leaders communautaires, des élus locaux et des organisations de défense des droits civiques ont dénoncé la rhétorique anti-somalienne. Un sénateur républicain du Minnesota a même pris la parole pour défendre la communauté, déclarant que « les Somaliens sont tissés dans le tissu du Minnesota ». Ce sénateur, qui a demandé à rester anonyme par crainte de représailles politiques, a souligné que les Somaliens-Américains contribuent de manière significative à l’économie du Minnesota, qu’ils paient des impôts, créent des entreprises, et participent activement à la vie civique. Il a appelé Trump à modérer sa rhétorique et à reconnaître que la grande majorité des Somaliens sont des citoyens respectueux des lois. Des manifestations ont eu lieu à Minneapolis pour protester contre les attaques de Trump. Des centaines de personnes se sont rassemblées devant le Capitole de l’État, brandissant des pancartes proclamant « Nous sommes Américains » et « Pas de haine dans notre État ». Des Somaliens-Américains ont témoigné de leur frustration et de leur colère face à cette stigmatisation. Beaucoup soulignent qu’ils sont eux-mêmes victimes de la fraude, car l’argent détourné aurait pu bénéficier à des programmes dont ils auraient pu profiter. Des mères de famille ont raconté comment elles ont dû faire la queue aux banques alimentaires pendant la pandémie, pendant que des fraudeurs s’enrichissaient sur le dos de programmes censés les aider.
Kayseh Magan, un enquêteur américain d’origine somalienne qui a travaillé sur des affaires de fraude Medicaid pour le bureau du procureur général du Minnesota, a écrit dans le Minnesota Reformer : « La réalité de l’expérience somalienne-américaine est que nous sommes venus aux États-Unis à la recherche d’une vie meilleure. La grande majorité d’entre nous sont des citoyens honnêtes et respectueux des lois, et nous avons été consternés par ceux de notre communauté qui ont exploité des programmes créés pour aider les Minnesotains à faible revenu, y compris les Minnesotains somaliens. » Magan critique également le « journalisme vautour » de Rufo et Thorpe, affirmant que leur article « fournit une ouverture à ceux qui cherchent à rejeter le problème de la fraude au Minnesota comme de la démagogie de droite ». Il souligne que les Somaliens-Américains honnêtes sont pris en otage entre deux narratifs extrêmes : d’un côté, ceux qui les accusent collectivement d’être des fraudeurs et des terroristes ; de l’autre, ceux qui minimisent le problème de la fraude par peur d’alimenter le racisme. Magan appelle à une approche équilibrée : reconnaître que des crimes ont été commis, poursuivre les coupables sans pitié, mais refuser de stigmatiser toute une communauté pour les actions de quelques individus.
Je pense aux familles somaliennes qui vivent au Minnesota. Je pense à ces parents qui travaillent dur, qui paient leurs impôts, qui élèvent leurs enfants dans l’espoir d’un avenir meilleur. Et je pense à la douleur qu’ils doivent ressentir en entendant le président de leur pays les traiter de « déchets ». En les voyant montrés du doigt, stigmatisés, accusés collectivement pour les crimes de quelques-uns. C’est injuste. C’est cruel. Et c’est contraire aux valeurs américaines. Oui, des crimes ont été commis. Oui, des fraudeurs doivent être punis. Mais punir toute une communauté ? C’est inacceptable.
Le FBI et les condamnations : où en est l'enquête ?
Plus de 75 inculpations
L’enquête sur la fraude Feeding Our Future a été menée par le FBI, l’IRS Criminal Investigation et le Service d’inspection postale américain. À ce jour, plus de 78 personnes ont été inculpées dans le cadre de cette affaire. Des dizaines ont plaidé coupable. D’autres ont été jugées et condamnées. En mars 2025, un jury fédéral a reconnu Aimee Bock coupable de quatre chefs d’accusation de fraude électronique, un chef de conspiration pour fraude électronique, un chef de corruption et un chef de conspiration pour corruption de programmes fédéraux. Salim Said a été condamné pour conspiration, fraude, corruption et blanchiment d’argent. Les peines prononcées ont été sévères : certains accusés ont été condamnés à plus de 17 ans de prison.
Le directeur du FBI Kash Patel a décrit cette affaire comme « l’une des pires » de l’histoire du Minnesota. Il a déclaré : « Voler au gouvernement fédéral équivaut à voler au peuple américain — il n’y a pas de vérité plus simple. » L’agent spécial en charge du FBI à Minneapolis, Alvin Winston, a ajouté : « La fraude flagrante révélée dans l’affaire Feeding Our Future représente une trahison profonde de la confiance publique. Ces individus ont détourné des centaines de millions de dollars de fonds fédéraux destinés à nourrir des enfants vulnérables pendant une crise, redirigeant ces ressources vers des maisons de luxe, des voitures haut de gamme et des modes de vie extravagants pendant que des familles étaient en difficulté. »
Des enquêtes en cours
L’enquête n’est pas terminée. Les autorités fédérales affirment que d’autres inculpations sont attendues. Le FBI continue de traquer les fonds détournés, notamment ceux qui ont été transférés à l’étranger. Plus de 50 millions de dollars ont été saisis jusqu’à présent, mais c’est une fraction des 240 millions de dollars volés. Les procureurs tentent de récupérer des propriétés au Kenya, en Turquie et ailleurs, mais le processus est complexe et lent. Certains accusés ont fui le pays et sont toujours en fuite. D’autres ont tenté de dissimuler leurs actifs en utilisant des sociétés écrans et des prête-noms.
Mais voici ce qui est crucial : malgré des années d’enquête approfondie, aucune accusation de financement du terrorisme n’a été portée. Les procureurs ont déclaré à maintes reprises que les fraudeurs étaient motivés par la cupidité, pas par l’idéologie. Si le FBI ou l’IRS avaient trouvé des preuves que de l’argent avait été transféré à al-Shabaab, ils auraient porté des accusations. Le bureau du procureur américain du Minnesota a une longue histoire de poursuites contre des individus liés à al-Shabaab et à l’État islamique. Pourquoi se retiendraient-ils dans ce cas ? La réponse est simple : parce qu’il n’y a pas de preuves.
Les faits sont têtus. 78 inculpations. Des dizaines de condamnations. Des années d’enquête. Et aucune accusation de financement du terrorisme. Cela devrait clore le débat, non ? Mais non. Parce que dans le monde de la politique moderne, les faits n’ont plus d’importance. Ce qui compte, c’est le récit. Ce qui compte, c’est l’émotion. Ce qui compte, c’est de marquer des points contre l’adversaire. Et tant pis si une communauté entière est sacrifiée sur l’autel de la politique partisane.
Les réformes législatives : trop peu, trop tard ?
Le plan anti-fraude de Walz
En réponse aux critiques, le gouverneur Tim Walz a proposé un plan anti-fraude de 39 millions de dollars visant à renforcer la surveillance des programmes d’aide sociale au Minnesota. Le plan comprend la création de nouvelles unités d’enquête au sein du Département des services humains et du Département de l’Éducation, l’embauche d’enquêteurs supplémentaires, l’amélioration des systèmes informatiques pour détecter les anomalies, et la mise en place de contrôles plus stricts pour les organisations participant aux programmes fédéraux. Walz a également signé un décret ordonnant aux agences d’État de coopérer pleinement avec les enquêtes fédérales et de mettre en œuvre des recommandations d’audit.
La législature du Minnesota a adopté plusieurs réformes en 2024 et 2025. Les nouvelles lois exigent des vérifications plus rigoureuses des antécédents pour les organisations participant aux programmes d’aide, des audits plus fréquents, et des sanctions plus sévères pour les fraudeurs. Les agences d’État doivent désormais signaler immédiatement toute activité suspecte au bureau du procureur général et aux autorités fédérales. Des formations obligatoires sur la détection de la fraude ont été mises en place pour les employés des agences. Mais ces réformes sont-elles suffisantes ? Et surtout, pourquoi ont-elles pris si longtemps à être mises en œuvre ?
Des critiques persistantes
Les républicains du Minnesota affirment que ces réformes sont « trop peu, trop tard ». Ils soulignent que des avertissements avaient été émis dès 2020, mais que l’administration Walz n’a agi qu’après que le scandale ait éclaté publiquement. Certains accusent Walz d’avoir privilégié les considérations politiques — notamment le soutien de la communauté somalienne et d’autres groupes démocrates — au détriment de la surveillance rigoureuse. D’autres pointent du doigt une culture de complaisance au sein des agences d’État, où les employés hésitaient à signaler des irrégularités par peur de représailles ou d’accusations de racisme.
Des experts en gestion publique affirment que le problème va au-delà du Minnesota. La pandémie de COVID-19 a créé une situation d’urgence où les gouvernements ont dû distribuer des milliards de dollars rapidement, souvent en assouplissant les contrôles habituels. Cela a ouvert la porte à des fraudes massives à travers tout le pays. Le Government Accountability Office estime que des dizaines de milliards de dollars de fonds pandémiques ont été perdus à cause de la fraude, du gaspillage et des abus. Le Minnesota n’est pas une exception, mais l’ampleur de la fraude dans cet État est particulièrement choquante. Et les questions demeurent : comment cela a-t-il pu se produire ? Et comment peut-on s’assurer que cela ne se reproduira plus ?
Les réformes, c’est bien. Mais elles ne ramèneront pas les 240 millions de dollars volés. Elles ne répareront pas la confiance brisée. Elles ne compenseront pas les enfants qui auraient dû bénéficier de ces programmes. Ce qui me frustre, c’est que tout cela était évitable. Les signaux d’alarme étaient là. Les avertissements ont été émis. Mais personne n’a agi. Pourquoi ? Par incompétence ? Par complaisance ? Par calcul politique ? Peu importe la raison, le résultat est le même : un échec monumental de la gouvernance.
Trump et la révocation du statut de protection temporaire
Une décision symbolique
Le 22 novembre 2025, le président Donald Trump a annoncé la fin du statut de protection temporaire (TPS) pour les Somaliens vivant aux États-Unis. Dans un message sur Truth Social, Trump a écrit : « Les gangs somaliens terrorisent » les Américains, et il est temps que les Somaliens « retournent d’où ils viennent ». Cette décision accélère la fin d’un programme qui avait été mis en place en 1991 sous un autre président républicain, George H.W. Bush, en réponse à la guerre civile en Somalie. L’administration Biden avait prolongé l’éligibilité pour les Somaliens jusqu’au 17 mars 2026. Trump a révoqué cette extension, citant « une activité frauduleuse de blanchiment d’argent » au Minnesota.
Mais voici le problème : le TPS n’affecte qu’environ 700 Somaliens à l’échelle nationale, selon un rapport du Congressional Research Service. La grande majorité des Minnesotains d’origine somalienne sont des citoyens américains, pas des bénéficiaires du TPS. Les accusés dans l’affaire Feeding Our Future sont presque tous des citoyens américains. La révocation du TPS n’aura donc aucun impact sur la fraude ou sur les poursuites en cours. C’est une mesure purement symbolique, visant à envoyer un message politique : les Somaliens ne sont pas les bienvenus. Pour les défenseurs des droits des immigrants, cette décision est cruelle, injuste et basée sur des mensonges.
Une rhétorique dangereuse
Les commentaires de Trump sur les Somaliens ont été particulièrement virulents. Il les a qualifiés de « déchets », affirmant qu’ils « ne font que se plaindre » et qu’ils sont une « charge » pour les contribuables américains. Il a suggéré que la représentante Ilhan Omar « ne devrait pas être autorisée à être membre du Congrès ». Ces déclarations ont été largement condamnées par les démocrates, les organisations de défense des droits civiques et même certains républicains. Le sénateur républicain du Minnesota a déclaré que « les Somaliens sont tissés dans le tissu du Minnesota » et a appelé à une approche plus nuancée.
Omar a répondu en qualifiant les commentaires de Trump de « dégoûtants » et en parlant d’une « obsession malsaine » à son égard. Elle a averti que ce type de rhétorique « haineuse » et « déshumanisante » pourrait inciter à la violence contre les Somaliens-Américains. Des leaders communautaires ont exprimé des craintes similaires, soulignant que les attaques verbales de Trump pourraient encourager des actes de haine et de discrimination. Des incidents de harcèlement et d’intimidation contre des Somaliens ont été signalés dans plusieurs villes du Minnesota depuis les déclarations de Trump.
Il y a une ligne à ne pas franchir. On peut débattre des politiques d’immigration. On peut discuter de la fraude et de la surveillance. Mais traiter des êtres humains de « déchets » ? Suggérer qu’ils devraient « retourner d’où ils viennent » ? C’est inacceptable. C’est indigne d’un président. Et c’est dangereux. Parce que les mots ont des conséquences. Les mots incitent à l’action. Et quand le président des États-Unis déshumanise une communauté entière, il donne le feu vert à ceux qui veulent leur faire du mal.
Le Congrès s'en mêle : enquêtes et auditions
Le Comité de surveillance de la Chambre
Le Comité de surveillance et de responsabilité de la Chambre des représentants, contrôlé par les républicains, a lancé sa propre enquête sur la fraude au Minnesota. Le 3 décembre 2025, le président du comité, James Comer, a envoyé une lettre au gouverneur Tim Walz exigeant la production de documents liés à la gestion de l’affaire Feeding Our Future et d’autres scandales de fraude. La lettre demande des communications internes, des rapports d’audit, des mémos sur les signaux d’alarme ignorés, et des informations sur les mesures prises (ou non prises) par l’administration Walz pour prévenir la fraude.
Comer affirme que « les preuves dans les affaires de fraude au Minnesota sont accablantes » et que le comité a le devoir de déterminer si des fonds fédéraux ont été détournés vers des organisations terroristes. Il cite des témoignages d’enquêteurs et des rapports médiatiques suggérant que de l’argent aurait pu être transféré à al-Shabaab. Comer demande également des informations sur les dons de campagne reçus par Walz, Omar et d’autres élus démocrates de la part d’individus impliqués dans la fraude. Pour Comer, cette enquête vise à « rétablir la responsabilité » et à « protéger les contribuables américains ».
Des auditions à venir ?
Le comité envisage d’organiser des auditions publiques sur la fraude au Minnesota, avec des témoignages de responsables de l’État, d’enquêteurs fédéraux, de victimes et de membres de la communauté somalienne. Les républicains espèrent utiliser ces auditions pour mettre en lumière ce qu’ils considèrent comme des échecs de l’administration Biden et des gouvernements démocrates au niveau des États. Ils veulent également explorer les liens potentiels entre la fraude et le financement du terrorisme, malgré l’absence de preuves concrètes. Les démocrates du comité ont critiqué cette approche, affirmant qu’elle relève de la « chasse aux sorcières » et qu’elle vise à stigmatiser la communauté somalienne à des fins politiques.
Le bureau de Walz a déclaré qu’il coopérerait avec l’enquête du Congrès, tout en soulignant que l’administration a déjà fourni des milliers de documents aux enquêteurs fédéraux et a mis en œuvre des réformes pour prévenir de futures fraudes. Walz a également critiqué le comité pour avoir « politisé » une affaire criminelle et pour avoir « diabolisé » une communauté entière. Il a appelé les républicains à se concentrer sur des solutions constructives plutôt que sur des attaques partisanes. Mais cette défense convaincra-t-elle ? Le débat est loin d’être terminé.
Les enquêtes du Congrès peuvent être utiles. Elles peuvent révéler des vérités, exposer des abus, forcer des réformes. Mais elles peuvent aussi être des cirques politiques, des plateformes pour des discours partisans, des outils pour marquer des points électoraux. J’espère que le Comité de surveillance agira de bonne foi. J’espère qu’il cherchera la vérité, pas la vengeance. Mais j’ai mes doutes. Parce que dans le climat politique actuel, la vérité est souvent la première victime.
Les enjeux financiers : où est passé l'argent ?
La traque des fonds détournés
Retracer l’argent volé dans l’affaire Feeding Our Future s’est révélé être un défi monumental pour les autorités fédérales. Sur les 240 millions de dollars frauduleusement obtenus, seulement 50 millions ont été récupérés jusqu’à présent. Le reste ? Dispersé aux quatre coins du monde, investi dans des actifs difficiles à saisir, ou tout simplement dépensé. Les enquêteurs du FBI, de l’IRS et du Service d’inspection postale ont suivi la piste de l’argent à travers un labyrinthe de transactions bancaires, de sociétés écrans, de transferts internationaux et d’achats en espèces. Certains fraudeurs ont acheté des propriétés au Kenya, où le système juridique rend la saisie d’actifs extrêmement compliquée pour les autorités américaines. D’autres ont investi en Turquie, dans l’immobilier commercial et résidentiel.
Les documents judiciaires révèlent des schémas sophistiqués de blanchiment d’argent. Les fraudeurs créaient des sociétés écrans avec des noms anodins, ouvraient des comptes bancaires multiples, effectuaient des virements en cascade pour brouiller les pistes. Certains utilisaient des prête-noms — des amis, des membres de la famille, des complices — pour acheter des biens immobiliers et des véhicules. D’autres convertissaient l’argent en espèces et le transportaient physiquement hors du pays, profitant des failles dans les contrôles douaniers. Les procureurs ont documenté des achats de Mercedes-Benz, de BMW, de Porsche, de bijoux de luxe, de montres Rolex. Un accusé a acheté une propriété de plusieurs millions de dollars à Nairobi. Un autre a financé la construction d’un complexe commercial à Istanbul. Les autorités tentent toujours de récupérer ces actifs, mais le processus est lent et complexe, impliquant des négociations avec des gouvernements étrangers et des batailles juridiques interminables.
L’impact sur les programmes sociaux
Au-delà des chiffres, cette fraude a eu des conséquences dévastatrices sur les programmes sociaux du Minnesota. L’argent volé aurait pu nourrir des milliers d’enfants réellement dans le besoin. Il aurait pu financer des programmes éducatifs, des services de garde d’enfants, des initiatives communautaires. Au lieu de cela, il a enrichi des criminels. Pire encore, cette fraude a érodé la confiance du public dans les programmes d’aide sociale. Les contribuables se demandent maintenant si leur argent est bien utilisé. Les législateurs hésitent à financer de nouveaux programmes par peur d’abus similaires. Les organisations à but non lucratif légitimes font face à une surveillance accrue et à des exigences bureaucratiques plus lourdes, ce qui complique leur travail.
Le Programme fédéral de nutrition infantile lui-même a été réformé au niveau national suite à ce scandale. Le Département de l’Agriculture a rétabli de nombreuses exigences qui avaient été assouplies pendant la pandémie. Les contrôles ont été renforcés. Les audits sont plus fréquents. Mais ces mesures ont également un coût : elles ralentissent la distribution de l’aide, compliquent les procédures pour les organisations légitimes, et peuvent décourager la participation au programme. C’est l’un des effets pervers de la fraude : elle ne nuit pas seulement aux finances publiques, elle nuit aussi à ceux qui ont vraiment besoin d’aide. Les enfants pauvres du Minnesota, qu’ils soient somaliens, blancs, noirs ou hispaniques, sont les véritables victimes de cette affaire. Ils ont été trahis par des fraudeurs sans scrupules, mais aussi par un système qui a failli à les protéger.
Quand je pense à ces 240 millions de dollars, je ne vois pas des chiffres abstraits. Je vois des repas qui n’ont jamais été servis. Je vois des enfants qui ont eu faim. Je vois des familles qui ont lutté. Et je vois des criminels qui ont profité de leur souffrance. C’est ça, la vraie tragédie de cette histoire. Pas les débats politiques. Pas les accusations mutuelles. Mais le fait que des gens vulnérables ont été trahis par ceux qui prétendaient les aider.
Les médias et la propagande : qui dit la vérité ?
Le rôle des médias conservateurs
L’affaire de la fraude au Minnesota a été largement couverte par les médias conservateurs, notamment Fox News, le New York Post et le City Journal. Ces médias ont mis l’accent sur l’ampleur de la fraude, les liens présumés avec le terrorisme, et les échecs de l’administration Walz. Ils ont également critiqué Ilhan Omar pour ses réponses jugées insuffisantes et pour avoir reçu des dons de campagne de la part d’individus impliqués dans la fraude. Pour ces médias, l’affaire illustre les dangers de la « politique identitaire », de la « complaisance démocrate » et de l' »immigration incontrôlée ».
Christopher Rufo, activiste conservateur et contributeur au City Journal, a joué un rôle clé dans l’amplification de cette affaire. Son article de novembre 2025, co-écrit avec Ryan Thorpe, affirmait que « le plus grand financier d’al-Shabaab est le contribuable du Minnesota ». Rufo a ensuite lancé une campagne sur les réseaux sociaux, appelant Trump à révoquer le statut de protection temporaire pour les Somaliens. Quelques heures après la publication de l’article, Trump a annoncé la fin du TPS. Rufo a célébré cette décision, écrivant : « Nous avons révélé l’histoire de la fraude somalienne et appelé le président Trump à révoquer le TPS pour tous les Somaliens. Maintenant, le président a livré. C’est comme ça qu’on gagne. »
Les critiques de la gauche
Les médias progressistes et les organisations de défense des droits civiques ont critiqué la couverture conservatrice de l’affaire, la qualifiant de « propagande » et de « désinformation ». Ils soulignent que l’article de Rufo et Thorpe repose sur des sources anonymes, des allégations non prouvées et des insinuations sans fondement. Le Minnesota Reformer, un média progressiste, a publié un article de Kayseh Magan, un enquêteur américain d’origine somalienne, qui démonte les affirmations de Rufo et Thorpe. Magan écrit : « Je ne peux pas prouver un négatif, mais l’histoire, surtout dans tout son sensationnalisme, semble être peu plus qu’un effort de la machine de propagande de droite pour attiser la haine contre les Américains somaliens. »
Magan souligne que les procureurs fédéraux n’ont jamais porté d’accusations de financement du terrorisme, que l’argent détourné est allé principalement au Kenya (pas en Somalie), et que les allégations de liens avec al-Shabaab sont recyclées depuis 2018 sans jamais avoir été prouvées. Il critique également la rhétorique de Rufo, qui a qualifié les Somaliens de « pirates de l’aide sociale » et a suggéré que « toutes les cultures ne sont pas égales ». Pour Magan et d’autres critiques, cette couverture médiatique relève du « journalisme vautour », visant à stigmatiser une communauté entière pour des gains politiques.
Nous vivons dans une ère de désinformation. Les médias ne cherchent plus la vérité, ils cherchent les clics, les vues, l’engagement. Ils amplifient les scandales, exagèrent les menaces, diabolisent les adversaires. Et nous, le public, nous sommes pris au piège. Comment savoir qui dit la vérité ? Comment distinguer les faits de la propagande ? C’est épuisant. C’est déprimant. Et c’est dangereux pour notre démocratie.
Conclusion : une affaire qui révèle les fractures américaines
Au-delà de la fraude
L’affaire de la fraude au Minnesota n’est pas seulement une histoire de criminalité financière. C’est un miroir qui reflète les fractures profondes de la société américaine. Fractures raciales, avec une communauté somalienne stigmatisée et diabolisée. Fractures politiques, avec des démocrates et des républicains s’accusant mutuellement d’incompétence ou de démagogie. Fractures médiatiques, avec des récits contradictoires et des vérités contestées. Et fractures institutionnelles, avec des agences gouvernementales qui ont failli à leur mission de surveillance et de protection des fonds publics. Cette affaire pose des questions fondamentales : comment pouvons-nous prévenir la fraude sans stigmatiser des communautés entières ? Comment pouvons-nous tenir les responsables politiques accountables sans tomber dans la partisanerie ? Comment pouvons-nous restaurer la confiance dans nos institutions ?
Les chiffres sont accablants. 250 millions de dollars volés. Plus de 78 personnes inculpées. Des dizaines de condamnations. Mais au-delà des chiffres, il y a des vies brisées, des communautés divisées, une confiance érodée. Les fraudeurs ont trahi la confiance publique, mais les responsables politiques ont également failli. Les signaux d’alarme ont été ignorés. Les contrôles ont été insuffisants. Les réformes ont été tardives. Et maintenant, une communauté entière paie le prix de ces échecs. Les Somaliens-Américains du Minnesota se retrouvent pris entre deux feux : accusés collectivement pour les crimes de quelques-uns, et défendus maladroitement par des élus qui semblent plus préoccupés par la politique que par la justice.
Vers où allons-nous ?
L’enquête du Département du Trésor se poursuit. Le Congrès mène ses propres investigations. Les procureurs fédéraux continuent de traquer les fonds détournés et de poursuivre les fraudeurs. Mais les questions demeurent : y a-t-il vraiment un lien avec al-Shabaab ? Ou s’agit-il d’une accusation politique sans fondement ? Les réformes mises en place au Minnesota seront-elles suffisantes pour prévenir de futures fraudes ? Et surtout, comment pouvons-nous réparer les dommages causés à la communauté somalienne, qui se retrouve stigmatisée et diabolisée ? Ces questions n’ont pas de réponses faciles. Mais une chose est claire : nous devons faire mieux. Nous devons exiger plus de nos élus, de nos institutions, de nos médias. Nous devons chercher la vérité, pas les récits qui confirment nos préjugés. Nous devons défendre la justice, pas les intérêts partisans.
Je termine cet article avec un sentiment de frustration et de tristesse. Frustration parce que cette affaire aurait pu être évitée. Tristesse parce que des innocents paient le prix des crimes d’autres. Mais aussi avec un peu d’espoir. Espoir que nous puissions apprendre de ces erreurs. Espoir que nous puissions construire des systèmes plus robustes, plus justes, plus transparents. Espoir que nous puissions dépasser nos divisions et travailler ensemble pour le bien commun. Parce qu’au fond, c’est ça l’Amérique. Pas un pays parfait, mais un pays qui aspire à l’être. Pas un pays sans problèmes, mais un pays qui cherche des solutions. Et si nous perdons cet espoir, alors nous avons vraiment tout perdu.
Sources
Sources primaires
Département de la Justice des États-Unis, Bureau du procureur américain, District du Minnesota – « Federal Jury Finds Feeding Our Future Mastermind and Co-Defendant Guilty in $250 Million Pandemic Fraud Scheme » (19 mars 2025). Reuters – « Treasury investigating tax fraud allegations in Minnesota, Bessent says » (1er décembre 2025). CBS News – « Rep. Ilhan Omar: Any link between alleged Somali fraud and terrorism would be a ‘failure of the FBI' » (7 décembre 2025). Fox News – « What to know about Minnesota’s ‘Feeding Our Future’ fraud at the center of Trump’s latest crackdown » (4 décembre 2025). Comité de surveillance et de responsabilité de la Chambre des représentants – Lettre au gouverneur Tim Walz (3 décembre 2025).
Sources secondaires
Minnesota Reformer – « Right-wing reporting on Somali money going to al-Shabaab is not new, still misses the mark » par Kayseh Magan (25 novembre 2025). MPR News – « Gov. Walz responds to audit critical of administration’s handling of Feeding Our Future fraud » (17 juin 2024). New York Post – « Treasury, House panel launch probes into Tim Walz’s handling of $1B food aid fraud » (1er décembre 2025). City Journal – « Minnesota Welfare Fraud: Some Funds Went to Al-Shabaab » par Ryan Thorpe et Christopher Rufo (novembre 2025). The Hill – « Treasury probing Minnesota over tax fund misuse linked to terrorist group » (décembre 2025).
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