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La naissance d’un amendement révolutionnaire

Pour comprendre pourquoi le décret de Trump est si controversé, il faut remonter aux origines du 14ème Amendement. Après la Guerre de Sécession, les États-Unis se trouvaient face à une question existentielle : quel serait le statut des quatre millions d’esclaves nouvellement libérés ? Le 13ème Amendement, ratifié en 1865, avait aboli l’esclavage. Mais il n’avait pas résolu la question de la citoyenneté. Les États du Sud adoptaient rapidement des « codes noirs » qui limitaient sévèrement les droits des Noirs libérés. Ces lois les empêchaient de voter, de posséder des terres, de témoigner contre des Blancs devant les tribunaux. Les Républicains radicaux au Congrès savaient qu’une action constitutionnelle forte était nécessaire. Le 14ème Amendement a été proposé en 1866 et ratifié en 1868. Sa clause de citoyenneté était révolutionnaire. Pour la première fois, la Constitution définissait explicitement qui était citoyen américain. Et elle le faisait de la manière la plus inclusive possible : toute personne née sur le sol américain, quelle que soit sa race, sa couleur ou l’origine de ses parents. C’était une rupture radicale avec le passé. Avant le 14ème Amendement, la citoyenneté était définie par les États individuels, ce qui créait un patchwork incohérent de règles différentes.

Les débats au Congrès lors de l’adoption du 14ème Amendement révèlent clairement l’intention des rédacteurs. Le sénateur Jacob Howard du Michigan, qui a présenté l’amendement au Sénat, a expliqué que la clause de citoyenneté « s’appliquera à toute personne qui se trouvera sur notre territoire, de quelque race ou couleur qu’elle soit ». Il a précisé que les seules exceptions concernaient « les personnes nées aux États-Unis qui sont des étrangers, des étrangers qui appartiennent aux familles d’ambassadeurs ou de ministres étrangers ». Le sénateur Lyman Trumbull de l’Illinois, président de la commission judiciaire du Sénat, a confirmé cette interprétation. Il a déclaré que « soumis à la juridiction » signifiait simplement « soumis aux lois » des États-Unis. Selon Trumbull, cela excluait uniquement les diplomates étrangers et les membres de tribus indiennes souveraines, car ces groupes bénéficiaient d’une immunité diplomatique ou d’un statut de nation souveraine. Rien dans ces débats ne suggère que les rédacteurs voulaient exclure les enfants de parents sans statut légal ou en visite temporaire. Au contraire, l’objectif était de créer une règle simple et universelle qui ne pourrait pas être manipulée pour exclure des groupes indésirables.

Dred Scott : la décision qui a tout changé

Pour saisir toute l’importance du 14ème Amendement, il faut comprendre l’horreur de la décision qu’il visait à renverser. En 1857, la Cour suprême a rendu sa décision dans Dred Scott v. Sandford, un cas qui concernait un homme noir qui avait vécu dans des territoires libres et réclamait sa liberté. Le juge en chef Roger Taney a écrit pour la majorité que les Noirs, qu’ils soient esclaves ou libres, ne pouvaient jamais être citoyens américains. Taney a affirmé que les rédacteurs de la Constitution considéraient les Noirs comme « des êtres d’un ordre inférieur et totalement inaptes à s’associer avec la race blanche, que ce soit dans les relations sociales ou politiques ». Selon Taney, les Noirs « n’avaient aucun droit que l’homme blanc soit tenu de respecter ». Cette décision a été un désastre moral et juridique. Elle a effectivement nationalisé l’esclavage en déclarant que le Congrès ne pouvait pas interdire l’esclavage dans les territoires. Elle a contribué à précipiter la Guerre de Sécession en rendant impossible tout compromis sur la question de l’esclavage. Et elle a créé une hiérarchie raciale constitutionnelle qui niait l’humanité même des personnes d’ascendance africaine.

Le 14ème Amendement a été conçu comme un rejet total et absolu de Dred Scott. Les rédacteurs voulaient s’assurer qu’aucune Cour suprême future ne pourrait jamais à nouveau déclarer qu’un groupe entier de personnes était exclu de la citoyenneté en raison de leur race ou de leur origine. C’est pourquoi la clause de citoyenneté est si large et si inclusive. Elle ne dit pas « certaines personnes nées aux États-Unis » ou « les personnes nées de parents légalement présents ». Elle dit « toutes les personnes nées aux États-Unis et soumises à sa juridiction ». Le mot « toutes » n’est pas accidentel. C’est un choix délibéré pour empêcher toute exclusion future basée sur des critères discriminatoires. Lorsque Trump et son administration tentent maintenant de créer de nouvelles catégories d’exclusion basées sur le statut d’immigration des parents, ils répètent essentiellement l’erreur de Dred Scott. Ils créent une hiérarchie de citoyenneté où certains bébés nés sur le sol américain sont jugés dignes de la citoyenneté et d’autres non, en fonction de facteurs totalement hors de leur contrôle. C’est exactement ce que le 14ème Amendement visait à empêcher.

Dred Scott me hante. Cette décision me hante parce qu’elle montre jusqu’où peut aller la déshumanisation quand elle est sanctionnée par la loi. Quand les juges les plus puissants du pays peuvent déclarer qu’un groupe entier d’êtres humains n’a « aucun droit que l’homme blanc soit tenu de respecter », on touche le fond de l’abîme moral. Et maintenant, on voit Trump essayer de créer une nouvelle catégorie de sous-citoyens. Pas sur la base de la race cette fois, mais sur la base du statut d’immigration des parents. Comme si c’était mieux. Comme si c’était moins cruel de dire à un bébé : tu n’es pas américain parce que tes parents n’avaient pas les bons papiers.

Sources

Sources primaires

Décret exécutif 14160 « Protecting The Meaning And Value Of American Citizenship », Maison Blanche, 20 janvier 2025. United States v. Wong Kim Ark, 169 U.S. 649, Cour suprême des États-Unis, 1898. Dred Scott v. Sandford, 60 U.S. 393, Cour suprême des États-Unis, 1857. 14ème Amendement de la Constitution des États-Unis, ratifié le 9 juillet 1868. Immigration and Nationality Act de 1952, 8 U.S.C. 1401. Trump v. Barbara, Cour de district des États-Unis pour le district du New Hampshire, 2025. State of Washington v. Trump, Cour d’appel des États-Unis pour le 9ème circuit, 2025.

Sources secondaires

Amy Howe, « Supreme Court agrees to hear Trump’s challenge to birthright citizenship », SCOTUSblog, 5 décembre 2025. « La Cour suprême américaine va examiner le décret de Donald Trump revenant sur le droit du sol », Ouest-France, 6 décembre 2025. « Birthright Citizenship Under the U.S. Constitution », Brennan Center for Justice, 2025. « Trump’s Birthright Citizenship Executive Order FAQ: Know Your Rights », NAACP Legal Defense Fund, 2025. « Countries with Birthright Citizenship 2025 », World Population Review, 2025. « Views of Trump’s birthright citizenship order », Pew Research Center, février 2025. « Can Trump revoke birthright citizenship? », BBC News, 2025. « Birthright Citizenship in the United States », American Immigration Council, 2025.

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