La naissance d’un amendement révolutionnaire
Pour comprendre pourquoi le décret de Trump est si controversé, il faut remonter aux origines du 14ème Amendement. Après la Guerre de Sécession, les États-Unis se trouvaient face à une question existentielle : quel serait le statut des quatre millions d’esclaves nouvellement libérés ? Le 13ème Amendement, ratifié en 1865, avait aboli l’esclavage. Mais il n’avait pas résolu la question de la citoyenneté. Les États du Sud adoptaient rapidement des « codes noirs » qui limitaient sévèrement les droits des Noirs libérés. Ces lois les empêchaient de voter, de posséder des terres, de témoigner contre des Blancs devant les tribunaux. Les Républicains radicaux au Congrès savaient qu’une action constitutionnelle forte était nécessaire. Le 14ème Amendement a été proposé en 1866 et ratifié en 1868. Sa clause de citoyenneté était révolutionnaire. Pour la première fois, la Constitution définissait explicitement qui était citoyen américain. Et elle le faisait de la manière la plus inclusive possible : toute personne née sur le sol américain, quelle que soit sa race, sa couleur ou l’origine de ses parents. C’était une rupture radicale avec le passé. Avant le 14ème Amendement, la citoyenneté était définie par les États individuels, ce qui créait un patchwork incohérent de règles différentes.
Les débats au Congrès lors de l’adoption du 14ème Amendement révèlent clairement l’intention des rédacteurs. Le sénateur Jacob Howard du Michigan, qui a présenté l’amendement au Sénat, a expliqué que la clause de citoyenneté « s’appliquera à toute personne qui se trouvera sur notre territoire, de quelque race ou couleur qu’elle soit ». Il a précisé que les seules exceptions concernaient « les personnes nées aux États-Unis qui sont des étrangers, des étrangers qui appartiennent aux familles d’ambassadeurs ou de ministres étrangers ». Le sénateur Lyman Trumbull de l’Illinois, président de la commission judiciaire du Sénat, a confirmé cette interprétation. Il a déclaré que « soumis à la juridiction » signifiait simplement « soumis aux lois » des États-Unis. Selon Trumbull, cela excluait uniquement les diplomates étrangers et les membres de tribus indiennes souveraines, car ces groupes bénéficiaient d’une immunité diplomatique ou d’un statut de nation souveraine. Rien dans ces débats ne suggère que les rédacteurs voulaient exclure les enfants de parents sans statut légal ou en visite temporaire. Au contraire, l’objectif était de créer une règle simple et universelle qui ne pourrait pas être manipulée pour exclure des groupes indésirables.
Dred Scott : la décision qui a tout changé
Pour saisir toute l’importance du 14ème Amendement, il faut comprendre l’horreur de la décision qu’il visait à renverser. En 1857, la Cour suprême a rendu sa décision dans Dred Scott v. Sandford, un cas qui concernait un homme noir qui avait vécu dans des territoires libres et réclamait sa liberté. Le juge en chef Roger Taney a écrit pour la majorité que les Noirs, qu’ils soient esclaves ou libres, ne pouvaient jamais être citoyens américains. Taney a affirmé que les rédacteurs de la Constitution considéraient les Noirs comme « des êtres d’un ordre inférieur et totalement inaptes à s’associer avec la race blanche, que ce soit dans les relations sociales ou politiques ». Selon Taney, les Noirs « n’avaient aucun droit que l’homme blanc soit tenu de respecter ». Cette décision a été un désastre moral et juridique. Elle a effectivement nationalisé l’esclavage en déclarant que le Congrès ne pouvait pas interdire l’esclavage dans les territoires. Elle a contribué à précipiter la Guerre de Sécession en rendant impossible tout compromis sur la question de l’esclavage. Et elle a créé une hiérarchie raciale constitutionnelle qui niait l’humanité même des personnes d’ascendance africaine.
Le 14ème Amendement a été conçu comme un rejet total et absolu de Dred Scott. Les rédacteurs voulaient s’assurer qu’aucune Cour suprême future ne pourrait jamais à nouveau déclarer qu’un groupe entier de personnes était exclu de la citoyenneté en raison de leur race ou de leur origine. C’est pourquoi la clause de citoyenneté est si large et si inclusive. Elle ne dit pas « certaines personnes nées aux États-Unis » ou « les personnes nées de parents légalement présents ». Elle dit « toutes les personnes nées aux États-Unis et soumises à sa juridiction ». Le mot « toutes » n’est pas accidentel. C’est un choix délibéré pour empêcher toute exclusion future basée sur des critères discriminatoires. Lorsque Trump et son administration tentent maintenant de créer de nouvelles catégories d’exclusion basées sur le statut d’immigration des parents, ils répètent essentiellement l’erreur de Dred Scott. Ils créent une hiérarchie de citoyenneté où certains bébés nés sur le sol américain sont jugés dignes de la citoyenneté et d’autres non, en fonction de facteurs totalement hors de leur contrôle. C’est exactement ce que le 14ème Amendement visait à empêcher.
Dred Scott me hante. Cette décision me hante parce qu’elle montre jusqu’où peut aller la déshumanisation quand elle est sanctionnée par la loi. Quand les juges les plus puissants du pays peuvent déclarer qu’un groupe entier d’êtres humains n’a « aucun droit que l’homme blanc soit tenu de respecter », on touche le fond de l’abîme moral. Et maintenant, on voit Trump essayer de créer une nouvelle catégorie de sous-citoyens. Pas sur la base de la race cette fois, mais sur la base du statut d’immigration des parents. Comme si c’était mieux. Comme si c’était moins cruel de dire à un bébé : tu n’es pas américain parce que tes parents n’avaient pas les bons papiers.
Section 3 : Wong Kim Ark, le précédent qui tient toujours
L’histoire d’un homme qui a changé l’Amérique
Wong Kim Ark est né à San Francisco en 1873. Ses parents étaient des immigrants chinois qui tenaient un petit commerce. À l’époque, les lois américaines interdisaient explicitement aux personnes d’origine chinoise de devenir citoyennes naturalisées. Le Chinese Exclusion Act de 1882 avait fermé la porte à l’immigration chinoise et créé un système de discrimination légale contre les Chinois déjà présents aux États-Unis. En 1894, Wong Kim Ark, alors âgé de 21 ans, se rendit en Chine pour rendre visite à ses parents qui étaient retournés dans leur pays natal. Lorsqu’il tenta de revenir aux États-Unis en 1895, les autorités de l’immigration lui refusèrent l’entrée. Leur argument était simple : puisque ses parents ne pouvaient pas devenir citoyens américains en raison de leur race, lui non plus n’était pas citoyen, malgré sa naissance sur le sol américain. Wong Kim Ark décida de se battre. Son cas remonta jusqu’à la Cour suprême, qui rendit sa décision en 1898. Par un vote de 6 contre 2, la Cour déclara que Wong Kim Ark était bel et bien citoyen américain en vertu du 14ème Amendement. Le juge Horace Gray écrivit pour la majorité que le 14ème Amendement « affirme la règle ancienne et fondamentale de la citoyenneté par la naissance sur le territoire ».
La décision Wong Kim Ark est remarquable par sa clarté et sa portée. Le juge Gray a examiné en détail l’histoire du droit de la citoyenneté, remontant au droit anglais médiéval et aux pratiques des colonies américaines. Il a conclu que la tradition de la common law avait toujours reconnu que les enfants nés sur le territoire étaient sujets du souverain, à l’exception des enfants de diplomates étrangers et d’ennemis en temps de guerre. Cette règle avait été adoptée par les États-Unis après l’indépendance et codifiée dans le 14ème Amendement. Gray a rejeté l’argument du gouvernement selon lequel les parents de Wong Kim Ark, en tant que sujets de l’empereur de Chine, ne pouvaient pas transmettre la citoyenneté américaine à leur fils. Il a écrit que « la citoyenneté américaine ne dépend pas de la citoyenneté ou de l’allégeance des parents ». Ce qui comptait, c’était le lieu de naissance et la soumission à la juridiction américaine. Et puisque Wong Kim Ark était né à San Francisco et avait toujours vécu sous les lois américaines, il était citoyen américain. La dissidence du juge en chef Melville Fuller est également instructive. Fuller a soutenu que Wong Kim Ark n’était pas « complètement soumis à la juridiction » des États-Unis parce que ses parents devaient allégeance à l’empereur de Chine. Mais cette position a été rejetée par la majorité et n’a jamais été adoptée par la Cour dans les décisions ultérieures.
Pourquoi Wong Kim Ark s’applique toujours aujourd’hui
L’administration Trump affirme que Wong Kim Ark ne s’applique pas aux enfants de parents en situation irrégulière ou en visite temporaire. Leur argument repose sur une distinction technique : les parents de Wong Kim Ark étaient des résidents permanents des États-Unis, même s’ils ne pouvaient pas devenir citoyens. Selon cette logique, la décision ne couvrirait que les enfants de résidents permanents, pas ceux de visiteurs temporaires ou de personnes sans statut légal. Mais cet argument ne tient pas face à un examen attentif. D’abord, la Cour suprême dans Wong Kim Ark n’a jamais fait de distinction entre différentes catégories de parents. Le juge Gray a écrit que le 14ème Amendement s’appliquait à « tous les enfants nés aux États-Unis de parents résidents étrangers ». Il n’a pas dit « résidents permanents » ou « résidents légaux ». Il a dit simplement « résidents », ce qui peut inclure toute personne vivant physiquement aux États-Unis, quel que soit son statut d’immigration. Deuxièmement, la logique de la décision repose sur le principe que la citoyenneté est déterminée par le lieu de naissance et la soumission à la juridiction, pas par le statut des parents. Gray a explicitement rejeté l’idée que l’allégeance ou la citoyenneté des parents devrait affecter la citoyenneté de l’enfant.
De plus, le Congrès lui-même a interprété Wong Kim Ark de manière large. En 1940, le Congrès a adopté la Nationality Act, qui codifiait la clause de citoyenneté du 14ème Amendement dans la loi fédérale. La loi stipule qu’une personne née aux États-Unis « et soumise à sa juridiction » est citoyenne américaine à la naissance. Cette formulation reprend exactement le langage du 14ème Amendement. En 1952, le Congrès a révisé la loi sur la nationalité dans l’Immigration and Nationality Act, conservant la même définition de la citoyenneté par naissance. Les débats au Congrès lors de l’adoption de ces lois montrent clairement que les législateurs comprenaient qu’ils codifiaient la règle établie dans Wong Kim Ark. Ils n’ont fait aucune distinction entre différentes catégories de parents. Le Département d’État et le Service de l’immigration ont appliqué cette interprétation de manière cohérente pendant plus de 70 ans. Jusqu’au décret de Trump, aucune administration n’avait jamais tenté de nier la citoyenneté aux enfants nés aux États-Unis de parents sans statut légal. Cette pratique administrative constante renforce l’interprétation selon laquelle Wong Kim Ark s’applique à tous les enfants nés sur le sol américain, quels que soient leurs parents.
Wong Kim Ark était un homme ordinaire qui a fait quelque chose d’extraordinaire. Il aurait pu accepter le rejet, rentrer en Chine, abandonner sa vie américaine. Mais il s’est battu. Et en se battant pour lui-même, il s’est battu pour des millions de personnes qui n’étaient même pas encore nées. C’est ça, l’héritage d’une décision de justice. Ce n’est pas juste un cas individuel résolu. C’est un principe établi qui protège des générations futures. Et maintenant, Trump veut détruire cet héritage. Il veut dire que Wong Kim Ark s’est battu pour rien, que sa victoire ne compte plus.
Section 4 : le décret exécutif, une attaque frontale
Les détails d’un texte controversé
Le décret exécutif 14160, intitulé « Protéger le sens et la valeur de la citoyenneté américaine », a été signé par Donald Trump le 20 janvier 2025, le jour même de son investiture pour un second mandat. Le texte commence par une affirmation audacieuse : « Le privilège de la citoyenneté américaine est un cadeau précieux et profond ». Il cite ensuite le 14ème Amendement avant de déclarer que cet amendement « n’a jamais été interprété comme étendant la citoyenneté universellement à toute personne née aux États-Unis ». C’est une affirmation historiquement fausse, mais elle pose les bases de ce qui suit. Le décret identifie ensuite deux catégories de personnes nées aux États-Unis qui, selon lui, ne seraient pas automatiquement citoyennes. Première catégorie : les enfants dont la mère était présente illégalement aux États-Unis et dont le père n’était ni citoyen américain ni résident permanent au moment de la naissance. Deuxième catégorie : les enfants dont la mère était présente légalement mais temporairement (comme avec un visa touristique, étudiant ou de travail) et dont le père n’était ni citoyen américain ni résident permanent. Le décret ordonne à tous les départements et agences fédéraux de ne pas délivrer de documents reconnaissant la citoyenneté américaine à ces enfants.
Le décret précise qu’il ne s’appliquera qu’aux personnes nées 30 jours après sa signature, soit à partir du 19 février 2025. Cette clause de non-rétroactivité était probablement destinée à éviter le chaos immédiat qui résulterait de la remise en question de la citoyenneté de millions de personnes déjà nées. Mais elle ne change rien au problème constitutionnel fondamental. Le décret définit également les termes « mère » et « père » comme signifiant « le progéniteur biologique féminin immédiat » et « le progéniteur biologique masculin immédiat ». Cette définition exclut explicitement les parents adoptifs et soulève des questions complexes sur les enfants nés par procréation assistée ou gestation pour autrui. Le décret ordonne au Secrétaire d’État, au Procureur général, au Secrétaire à la Sécurité intérieure et au Commissaire à la Sécurité sociale de prendre « toutes les mesures appropriées » pour s’assurer que leurs départements et agences respectifs appliquent cette nouvelle politique. Il leur donne 30 jours pour publier des directives sur la mise en œuvre. Cette formulation large donne aux agences fédérales une grande latitude pour interpréter et appliquer le décret, ce qui pourrait conduire à des pratiques incohérentes et discriminatoires.
Les implications pratiques du décret
Si le décret de Trump était appliqué, ses conséquences seraient dévastatrices. Chaque année, environ 250 000 à 300 000 bébés naissent aux États-Unis de parents sans statut légal ou en visite temporaire. Ces enfants se verraient refuser les certificats de naissance américains, les numéros de sécurité sociale et tous les documents qui reconnaissent leur citoyenneté. Ils deviendraient effectivement apatrides, sans nationalité reconnue par aucun pays. Les États-Unis ne les reconnaîtraient pas comme citoyens, et dans de nombreux cas, les pays d’origine de leurs parents ne les reconnaîtraient pas non plus, car ces pays pratiquent le jus sanguinis (droit du sang) plutôt que le jus soli. Ces enfants ne pourraient pas obtenir de passeports, ne pourraient pas voyager légalement, ne pourraient pas accéder aux services sociaux, à l’éducation publique ou aux soins de santé. Ils vivraient dans une zone grise juridique, présents physiquement aux États-Unis mais invisibles aux yeux de la loi. Les hôpitaux et les bureaux d’état civil seraient confrontés à un dilemme impossible. Devraient-ils délivrer des certificats de naissance à ces bébés ? Et si oui, que devraient indiquer ces certificats sur la citoyenneté ?
Le décret créerait également un système de surveillance et de vérification massif. Pour déterminer si un bébé a droit à la citoyenneté, les autorités devraient enquêter sur le statut d’immigration des deux parents au moment de la naissance. Cela nécessiterait de collecter et de vérifier des informations sur chaque naissance aux États-Unis, transformant les hôpitaux en agents de l’immigration. Les mères seraient interrogées sur leur statut d’immigration pendant qu’elles accouchent ou immédiatement après. Les pères devraient prouver leur citoyenneté ou leur statut de résident permanent. Ceux qui ne pourraient pas fournir de documentation adéquate verraient leurs enfants privés de citoyenneté. Ce système serait non seulement intrusif et humiliant, mais aussi sujet à des erreurs et à des abus. Que se passerait-il si une mère ne connaît pas le statut exact de son visa ? Que se passerait-il si le père est absent ou inconnu ? Que se passerait-il si les documents sont perdus ou détruits ? Dans tous ces cas, l’enfant paierait le prix de l’incertitude administrative. Le décret créerait également une incitation perverse pour les femmes enceintes sans statut légal à éviter les hôpitaux et les soins médicaux, de peur que leur statut ne soit découvert et que leur bébé ne soit privé de citoyenneté.
Imaginez être une mère en train d’accoucher et qu’on vous demande vos papiers d’immigration. Imaginez tenir votre bébé nouveau-né dans vos bras et qu’on vous dise qu’il n’est pas américain, qu’il n’appartient pas au pays où il vient de naître. Imaginez la terreur, l’humiliation, le désespoir. C’est ce que ce décret créerait. Des milliers de fois par an. Dans des hôpitaux à travers tout le pays. Et pour quoi ? Pour envoyer un message politique ? Pour satisfaire une base électorale qui veut des mesures dures contre l’immigration ? Le coût humain est incalculable.
Section 5 : la bataille judiciaire, un combat pour l'âme de l'Amérique
Les premières injonctions, un barrage contre l’arbitraire
Le décret de Trump n’a jamais été appliqué. Dès sa signature, plusieurs groupes de défense des droits civiques ont déposé des recours devant les tribunaux fédéraux. En quelques jours, des juges dans plusieurs États ont émis des injonctions préliminaires bloquant l’application du décret. À Seattle, un juge fédéral a déclaré que le décret violait clairement le 14ème Amendement et la jurisprudence établie dans Wong Kim Ark. Dans le Maryland, un autre juge a bloqué le décret en faveur de plusieurs femmes enceintes qui craignaient que leurs bébés à naître ne soient privés de citoyenneté. Ces décisions initiales étaient remarquablement unanimes dans leur rejet du décret. Les juges, qu’ils soient nommés par des présidents démocrates ou républicains, ont tous conclu que le décret était inconstitutionnel. Leur raisonnement était simple : le 14ème Amendement dit clairement que « toutes les personnes nées aux États-Unis et soumises à sa juridiction » sont citoyennes. Le président ne peut pas modifier la Constitution par décret exécutif. Seul un amendement constitutionnel, adopté par les deux tiers du Congrès et ratifié par trois quarts des États, pourrait changer cette règle.
L’administration Trump a réagi en faisant appel de ces décisions et en demandant à la Cour suprême d’intervenir. Mais dans un premier temps, l’administration n’a pas demandé à la Cour de se prononcer sur le fond du décret. Au lieu de cela, elle a contesté la capacité des juges fédéraux de district à émettre des injonctions nationales – des ordonnances qui bloquent l’application d’une loi ou d’une politique dans tout le pays, pas seulement dans la juridiction du juge. C’était une stratégie procédurale visant à limiter le pouvoir des tribunaux inférieurs. En juin 2025, la Cour suprême a rendu une décision sur cette question procédurale, statuant que les juges de district ne peuvent généralement pas émettre d’injonctions nationales. Ils doivent limiter leurs ordonnances aux parties devant eux ou, au maximum, à leur district géographique. Cette décision a été une victoire tactique pour l’administration Trump. Mais elle n’a pas résolu la question de fond : le décret est-il constitutionnel ? Les contestations ont continué dans les tribunaux inférieurs, et les juges ont continué à bloquer le décret, cette fois avec des injonctions plus limitées géographiquement mais tout aussi efficaces dans la pratique.
La Cour suprême accepte d’examiner le cas
Le 5 décembre 2025, la Cour suprême a annoncé qu’elle acceptait d’examiner le décret de Trump sur le droit du sol. Plus précisément, la Cour a accepté de revoir le cas Trump v. Barbara, une affaire du New Hampshire où un juge fédéral avait émis une injonction préliminaire protégeant une classe de bébés nés après le 20 février 2025 qui seraient privés de citoyenneté par le décret. La Cour n’a pas indiqué qu’elle accélérerait le cas, ce qui signifie que les audiences orales auront probablement lieu au printemps 2026, avec une décision attendue d’ici la fin juin ou début juillet 2026. Cette décision de la Cour suprême d’accepter le cas est significative. Elle signifie que les neuf juges considèrent la question comme suffisamment importante pour mériter leur attention. Mais elle ne préjuge en rien de la façon dont ils trancheront. La composition actuelle de la Cour est conservatrice, avec six juges nommés par des présidents républicains et trois par des présidents démocrates. Trois de ces juges conservateurs – Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett – ont été nommés par Trump lui-même. Cela a conduit certains observateurs à craindre que la Cour ne soit disposée à soutenir le décret de Trump.
Mais la question n’est pas aussi simple qu’une division partisane. Plusieurs des juges conservateurs de la Cour ont montré un profond respect pour le texte de la Constitution et pour les précédents établis de longue date. Le juge Clarence Thomas, par exemple, est connu pour son originalisme strict – une philosophie qui interprète la Constitution selon le sens que ses mots avaient au moment de leur adoption. Or, le sens original du 14ème Amendement est assez clair : il visait à établir une règle large et inclusive de citoyenneté par naissance. Le juge Neil Gorsuch a également montré un engagement envers l’originalisme et une méfiance envers le pouvoir exécutif non contrôlé. Dans plusieurs cas, il a voté contre les positions de l’administration Trump lorsqu’il estimait qu’elles outrepassaient l’autorité constitutionnelle du président. Le juge en chef John Roberts est connu pour sa préoccupation concernant la légitimité institutionnelle de la Cour. Il pourrait hésiter à soutenir un décret qui renverserait plus d’un siècle de jurisprudence établie et qui serait largement perçu comme politiquement motivé. Cela dit, la Cour a surpris les observateurs dans le passé, et rien n’est garanti.
La Cour suprême va décider du sort de milliers d’enfants. Neuf personnes, dans une salle à Washington, vont déterminer si ces bébés sont américains ou apatrides. C’est un pouvoir terrifiant. Et ce qui me terrifie encore plus, c’est que cette décision pourrait se résumer à des calculs politiques plutôt qu’à des principes constitutionnels. Combien de juges voteront selon leur lecture honnête de la Constitution ? Combien voteront selon leurs préférences politiques ou leur loyauté envers le président qui les a nommés ? Je veux croire en l’indépendance judiciaire. Je veux croire que la loi l’emportera sur la politique. Mais l’histoire me rend prudent.
Section 6 : les arguments de l'administration Trump
Une interprétation restrictive de « soumis à la juridiction »
L’argument central de l’administration Trump repose sur l’interprétation de la phrase « et soumis à sa juridiction » dans le 14ème Amendement. Selon le Solliciteur général D. John Sauer, cette phrase n’est pas simplement décorative. Elle crée une exception significative à la règle générale de citoyenneté par naissance. Sauer soutient que « soumis à la juridiction » signifie plus que simplement être physiquement présent aux États-Unis et soumis aux lois américaines. Cela signifierait être soumis à la juridiction « complète et exclusive » des États-Unis, sans allégeance concurrente à un gouvernement étranger. Selon cette interprétation, les enfants de parents en situation irrégulière ou en visite temporaire ne seraient pas « complètement » soumis à la juridiction américaine parce que leurs parents maintiennent une allégeance à leur pays d’origine. Cette théorie s’appuie en partie sur la dissidence du juge en chef Melville Fuller dans Wong Kim Ark. Fuller avait soutenu que Wong Kim Ark n’était pas complètement soumis à la juridiction américaine parce que ses parents devaient allégeance à l’empereur de Chine. Mais cette position a été explicitement rejetée par la majorité de la Cour en 1898, et elle n’a jamais été adoptée dans aucune décision ultérieure.
L’administration Trump fait également valoir que le 14ème Amendement a été adopté spécifiquement pour accorder la citoyenneté aux esclaves libérés et à leurs descendants, pas pour créer une règle universelle de citoyenneté par naissance. Selon cet argument, les rédacteurs de l’amendement n’avaient pas l’intention de couvrir les enfants de personnes qui n’étaient pas légalement présentes aux États-Unis ou qui n’y étaient que temporairement. Cette affirmation ignore le langage clair et universel de l’amendement. Les rédacteurs auraient pu limiter la citoyenneté aux « personnes d’ascendance africaine » ou aux « anciens esclaves » s’ils l’avaient voulu. Au lieu de cela, ils ont choisi le langage le plus large possible : « toutes les personnes ». De plus, les débats au Congrès montrent que les rédacteurs comprenaient qu’ils créaient une règle générale, pas une disposition limitée aux Noirs. Le sénateur Jacob Howard a explicitement déclaré que l’amendement s’appliquerait à « toute personne, de quelque race ou couleur que ce soit ». L’administration Trump cite également des exemples historiques de personnes qui n’ont pas reçu la citoyenneté malgré leur naissance aux États-Unis. Le plus notable est le cas des Amérindiens, qui n’ont pas été considérés comme citoyens américains jusqu’à l’adoption de l’Indian Citizenship Act de 1924.
Le précédent Wong Kim Ark serait limité
Un autre argument clé de l’administration Trump est que Wong Kim Ark ne s’applique pas aux enfants de parents en situation irrégulière ou en visite temporaire. Selon cet argument, Wong Kim Ark concernait spécifiquement un enfant de résidents permanents des États-Unis. Ses parents vivaient en Californie depuis des années et avaient l’intention d’y rester de façon permanente, même s’ils ne pouvaient pas devenir citoyens en raison des lois racistes de l’époque. Le décret de Trump, en revanche, cible les enfants de parents qui ne sont pas des résidents permanents – soit parce qu’ils sont présents illégalement, soit parce qu’ils sont présents temporairement avec un visa. L’administration soutient que cette distinction est cruciale. Les résidents permanents, même s’ils ne sont pas citoyens, ont un lien durable avec les États-Unis. Ils paient des impôts, participent à la vie communautaire, sont soumis à toutes les lois américaines. Les visiteurs temporaires et les personnes en situation irrégulière, selon cet argument, n’ont pas ce même niveau d’engagement et de soumission à la juridiction américaine. Mais cet argument ne résiste pas à un examen attentif. La décision Wong Kim Ark ne fait aucune distinction entre différents types de résidents. Le juge Gray a écrit que l’amendement s’appliquait à « tous les enfants nés aux États-Unis de parents résidents étrangers ».
De plus, la logique de Wong Kim Ark ne repose pas sur le statut permanent des parents. Elle repose sur deux principes fondamentaux. Premier principe : la citoyenneté est déterminée par le lieu de naissance, pas par le statut des parents. Deuxième principe : « soumis à la juridiction » signifie simplement être soumis aux lois américaines, pas avoir une allégeance exclusive aux États-Unis. Ces principes s’appliquent tout autant aux enfants de visiteurs temporaires ou de personnes en situation irrégulière qu’aux enfants de résidents permanents. Un bébé né à Los Angeles d’une mère avec un visa touristique est tout autant soumis aux lois californiennes et fédérales qu’un bébé né de résidents permanents. L’administration Trump tente également de s’appuyer sur des déclarations faites par certains sénateurs lors des débats sur le 14ème Amendement. Le sénateur Lyman Trumbull, par exemple, a déclaré que l’amendement ne s’appliquerait pas aux « étrangers qui appartiennent aux familles d’ambassadeurs ou de ministres étrangers ». Mais Trumbull a également précisé que « soumis à la juridiction » signifiait simplement « soumis aux lois » des États-Unis. Il n’a jamais suggéré que les enfants de visiteurs temporaires ou de personnes sans statut légal seraient exclus.
Les arguments de Trump sont des contorsions juridiques. Ce sont des tentatives désespérées de trouver des échappatoires dans un texte qui est remarquablement clair. « Toutes les personnes nées aux États-Unis et soumises à sa juridiction sont citoyennes. » Où est l’ambiguïté là-dedans ? Où est la place pour dire « sauf si vos parents n’ont pas les bons papiers » ? Ces arguments ne sont pas de bonne foi. Ce sont des rationalisations après coup pour justifier une politique qui a été décidée pour des raisons politiques, pas constitutionnelles.
Section 7 : les arguments des opposants au décret
Le texte clair de la Constitution
Les opposants au décret de Trump commencent par le texte même du 14ème Amendement. « Toutes les personnes nées ou naturalisées aux États-Unis, et soumises à sa juridiction, sont citoyennes des États-Unis et de l’État dans lequel elles résident. » Ce langage est remarquablement clair et sans ambiguïté. Le mot « toutes » ne laisse aucune place pour des exceptions basées sur le statut d’immigration des parents. Si les rédacteurs avaient voulu exclure certaines catégories de personnes, ils auraient pu le faire explicitement. Ils auraient pu écrire « toutes les personnes nées de parents légalement présents » ou « toutes les personnes nées de citoyens ou de résidents permanents ». Mais ils ne l’ont pas fait. Ils ont choisi le langage le plus inclusif possible. La seule exception mentionnée dans l’amendement est « soumises à sa juridiction ». Mais comme la Cour suprême l’a clarifié dans Wong Kim Ark, cette phrase exclut uniquement les enfants de diplomates étrangers (qui bénéficient d’une immunité diplomatique) et, historiquement, les membres de tribus indiennes souveraines (qui étaient considérés comme appartenant à des nations distinctes). Elle n’exclut pas les enfants de parents sans statut légal ou en visite temporaire, qui sont pleinement soumis aux lois américaines.
Les opposants soulignent également que l’interprétation de l’administration Trump créerait une hiérarchie de citoyenneté basée sur des facteurs totalement hors du contrôle de l’enfant. Un bébé né à New York d’une mère avec un visa touristique serait privé de citoyenneté, tandis qu’un bébé né le même jour dans le même hôpital d’une mère résidente permanente serait citoyen. Cette distinction arbitraire viole le principe fondamental d’égalité devant la loi. Elle crée une classe de personnes nées aux États-Unis mais considérées comme des étrangers dans leur propre pays de naissance. C’est exactement le type de discrimination que le 14ème Amendement visait à empêcher. Les opposants font également valoir que le décret de Trump viole la loi fédérale. Le Immigration and Nationality Act de 1952 codifie la clause de citoyenneté du 14ème Amendement, stipulant qu’une personne née aux États-Unis « et soumise à sa juridiction » est citoyenne américaine à la naissance. Cette loi a été adoptée par le Congrès avec une pleine connaissance de la décision Wong Kim Ark. Le Congrès savait qu’il codifiait une règle large de citoyenneté par naissance, et il l’a fait délibérément. Le président ne peut pas modifier une loi du Congrès par décret exécutif.
Le précédent Wong Kim Ark est contraignant
Les opposants au décret insistent sur le fait que Wong Kim Ark reste un précédent contraignant qui s’applique pleinement à la situation actuelle. La décision de 1898 a établi clairement que le 14ème Amendement accorde la citoyenneté à tous les enfants nés aux États-Unis, à l’exception des enfants de diplomates étrangers et de membres de tribus indiennes souveraines. Cette règle n’a jamais été remise en question ou limitée par la Cour suprême dans les 127 années qui ont suivi. Au contraire, elle a été réaffirmée et appliquée de manière cohérente. L’argument de l’administration Trump selon lequel Wong Kim Ark ne s’applique qu’aux enfants de résidents permanents est une distinction artificielle qui ne trouve aucun soutien dans le texte de la décision. Le juge Horace Gray n’a jamais limité sa décision aux résidents permanents. Il a écrit que le 14ème Amendement s’appliquait à « tous les enfants nés aux États-Unis de parents résidents étrangers », sans faire de distinction entre différents types de résidents. De plus, la logique de la décision repose sur le principe que la citoyenneté est déterminée par le lieu de naissance et la soumission à la juridiction, pas par le statut des parents.
Les opposants soulignent également que renverser Wong Kim Ark aurait des conséquences dévastatrices pour la stabilité du droit constitutionnel. La doctrine du stare decisis – le principe selon lequel les tribunaux doivent respecter les précédents établis – est fondamentale pour le système juridique américain. Elle assure la prévisibilité et la cohérence du droit. Renverser une décision vieille de plus d’un siècle, qui a été appliquée de manière cohérente et sur laquelle des millions de personnes ont compté, ébranlerait la confiance dans la Cour suprême et dans le système juridique dans son ensemble. Les opposants citent les propres mots de la Cour suprême dans des cas récents sur l’importance du stare decisis. Dans Planned Parenthood v. Casey (1992), la Cour a écrit que « la liberté ne trouve aucun refuge dans une jurisprudence de doute ». Dans Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization (2022), même en renversant Roe v. Wade, la Cour a reconnu que le stare decisis est « une doctrine d’une importance fondamentale pour l’État de droit ». Si la Cour peut renverser Wong Kim Ark après 127 ans, quel précédent est sûr ?
Wong Kim Ark n’est pas juste un cas juridique. C’est une promesse. Une promesse faite il y a plus d’un siècle que l’Amérique serait un pays où la naissance sur le sol américain signifie quelque chose. Où votre citoyenneté ne dépend pas de qui étaient vos parents ou d’où ils venaient. Renverser cette promesse, c’est trahir des générations d’Américains qui ont grandi en croyant que leur citoyenneté était incontestable. C’est dire que la Constitution peut être réinterprétée au gré des vents politiques. C’est détruire la confiance dans la permanence du droit.
Section 8 : les enjeux humains derrière les arguments juridiques
Des familles prises en otage
Derrière les arguments constitutionnels et les débats juridiques se trouvent des êtres humains réels dont les vies seraient bouleversées par le décret de Trump. Prenons l’exemple d’une famille hypothétique mais représentative. Maria est arrivée aux États-Unis il y a dix ans avec un visa touristique. Elle est restée après l’expiration de son visa, travaillant dans des restaurants et des hôtels pour subvenir à ses besoins. Elle a rencontré Juan, lui aussi sans papiers, et ils ont construit une vie ensemble. En 2025, Maria tombe enceinte. Si le décret de Trump était appliqué, leur bébé naîtrait apatride. Il ne serait pas citoyen américain, même s’il naît à Los Angeles et n’a jamais connu d’autre pays. Il ne serait probablement pas non plus citoyen du pays d’origine de Maria, car ce pays pratique le jus sanguinis et exige que les parents enregistrent la naissance auprès du consulat, une démarche que Maria ne peut pas faire sans révéler son statut irrégulier. Cet enfant grandirait sans nationalité, sans passeport, sans accès aux services de base. Il ne pourrait pas aller à l’école publique, ne pourrait pas recevoir de soins médicaux, ne pourrait pas obtenir de permis de conduire à l’âge adulte. Il vivrait dans l’ombre, invisible aux yeux de la loi.
Ou considérons le cas de Priya, une étudiante indienne qui étudie l’informatique dans une université américaine avec un visa F-1. Elle tombe enceinte pendant ses études. Son visa est légal et valide, mais il est temporaire. Si elle accouche aux États-Unis pendant ses études, son bébé serait-il citoyen américain ? Selon le décret de Trump, non. Même si Priya est présente légalement, son visa est temporaire, donc son enfant ne serait pas « soumis à la juridiction » des États-Unis. Mais l’Inde pratique le jus sanguinis, donc l’enfant serait citoyen indien. Dans ce cas, l’enfant ne serait pas apatride, mais il serait privé de la citoyenneté du pays où il est né et où il pourrait grandir. Si Priya obtient plus tard un emploi aux États-Unis et un visa de travail, puis une carte verte, son enfant resterait indien, même s’il a vécu toute sa vie en Amérique. Ces scénarios ne sont pas hypothétiques. Ils affecteraient des centaines de milliers de familles chaque année. Et les conséquences s’étendraient sur des générations. Un enfant privé de citoyenneté à la naissance porterait ce fardeau toute sa vie, incapable de participer pleinement à la société américaine, toujours vulnérable à l’expulsion vers un pays qu’il n’a jamais connu.
L’impact sur les communautés immigrées
Le décret de Trump créerait également un climat de peur et de méfiance dans les communautés immigrées. Les femmes enceintes sans papiers éviteraient les hôpitaux et les soins prénataux, de peur que leur statut ne soit découvert et que leur bébé ne soit privé de citoyenneté. Cela entraînerait une augmentation des accouchements à domicile non assistés, avec tous les risques que cela comporte pour la santé de la mère et de l’enfant. Les taux de mortalité maternelle et infantile augmenteraient dans les communautés immigrées. Les familles mixtes – où un parent est citoyen ou résident permanent et l’autre ne l’est pas – seraient déchirées par des questions sur le statut de leurs enfants. Un couple où la mère est citoyenne américaine et le père est sans papiers verrait son enfant recevoir la citoyenneté. Mais si les rôles sont inversés – père citoyen, mère sans papiers – l’enfant serait privé de citoyenneté selon le décret, car celui-ci se concentre sur le statut de la mère au moment de la naissance. Cette distinction basée sur le genre est non seulement arbitraire mais aussi potentiellement inconstitutionnelle en vertu de la clause d’égale protection du 14ème Amendement.
Le décret créerait également un système à deux vitesses où certains enfants nés aux États-Unis seraient citoyens et d’autres non, en fonction de facteurs totalement hors de leur contrôle. Deux bébés nés le même jour dans le même hôpital pourraient avoir des destins radicalement différents. L’un serait américain, avec tous les droits et privilèges que cela implique. L’autre serait apatride, condamné à une vie dans les marges de la société. Cette inégalité fondamentale violerait les principes les plus basiques de justice et d’équité. Elle créerait une sous-classe permanente de personnes nées aux États-Unis mais exclues de la communauté nationale. Et elle enverrait un message clair aux communautés immigrées : vous n’êtes pas les bienvenus ici, et vos enfants non plus. Ce message aurait des répercussions bien au-delà des personnes directement affectées par le décret. Il affecterait la façon dont les immigrants perçoivent l’Amérique, la façon dont ils s’intègrent dans la société américaine, la façon dont ils élèvent leurs enfants. Il créerait des divisions et des ressentiments qui dureraient des générations.
Quand je pense à ces familles, je ressens une douleur physique. Parce que ce ne sont pas des statistiques. Ce ne sont pas des « cas d’immigration ». Ce sont des mères qui tiennent leurs bébés et se demandent quel avenir ils auront. Ce sont des pères qui travaillent dur pour subvenir aux besoins de leur famille et qui ont peur que leurs enfants grandissent sans identité. Ce sont des enfants qui ne comprendront pas pourquoi ils sont différents, pourquoi ils ne peuvent pas faire ce que leurs camarades de classe peuvent faire. La cruauté de ce décret n’est pas abstraite. Elle est concrète, quotidienne, dévastatrice.
Section 9 : les implications internationales et comparatives
Le droit du sol dans le monde
Les États-Unis ne sont pas seuls à pratiquer le droit du sol, mais ils font partie d’une minorité de pays qui l’appliquent de manière quasi-inconditionnelle. Environ 30 pays dans le monde accordent automatiquement la citoyenneté à presque tous les enfants nés sur leur territoire. La plupart de ces pays se trouvent dans les Amériques. Le Canada pratique le droit du sol inconditionnel – tout enfant né au Canada est automatiquement citoyen canadien, quels que soient ses parents. Le Mexique fait de même, tout comme le Brésil, l’Argentine, le Chili, l’Uruguay et la plupart des autres pays d’Amérique latine. Cette tradition remonte aux mouvements d’indépendance du 19ème siècle, lorsque les nouvelles républiques américaines voulaient se distinguer des monarchies européennes qui pratiquaient le jus sanguinis (droit du sang). Le droit du sol était vu comme plus démocratique et égalitaire, reflétant l’idée que l’identité nationale se construit par l’appartenance à un territoire commun plutôt que par la descendance. En Europe, la situation est très différente. La plupart des pays européens ont abandonné le droit du sol pur au profit de systèmes mixtes ou du jus sanguinis pur.
La France offre un exemple intéressant de système mixte. Un enfant né en France de parents étrangers n’est pas automatiquement français à la naissance. Mais il peut devenir français de plusieurs façons : si au moins un de ses parents est également né en France (double jus soli), ou s’il réside en France de manière continue depuis l’âge de 11 ans et fait une demande entre 13 et 18 ans. Le Royaume-Uni a restreint son droit du sol en 1983. Avant cette date, tout enfant né au Royaume-Uni était automatiquement britannique. Depuis 1983, un enfant né au Royaume-Uni n’est britannique que si au moins un de ses parents est citoyen britannique ou résident permanent (settled status). L’Allemagne a introduit des éléments de droit du sol en 2000, mais avec des conditions strictes. Un enfant né en Allemagne de parents étrangers peut être allemand si au moins un parent réside légalement en Allemagne depuis au moins huit ans et possède un permis de séjour permanent. L’Australie a également restreint son droit du sol en 1986. Un enfant né en Australie n’est automatiquement australien que si au moins un parent est citoyen australien ou résident permanent. Ces restrictions ont généralement été motivées par des préoccupations concernant le « tourisme de naissance » – des femmes enceintes voyageant spécifiquement pour accoucher dans un pays et obtenir la citoyenneté pour leur enfant.
Les conséquences d’un changement américain
Si les États-Unis abandonnaient le droit du sol, cela aurait des répercussions bien au-delà de leurs frontières. D’abord, cela pourrait encourager d’autres pays des Amériques à suivre le même chemin. Le Canada et les pays d’Amérique latine qui pratiquent encore le droit du sol inconditionnel pourraient être tentés de le restreindre, arguant que si les États-Unis l’ont fait, ils peuvent le faire aussi. Cela créerait une tendance mondiale vers des régimes de citoyenneté plus restrictifs et exclusifs. Deuxièmement, cela augmenterait le nombre de personnes apatrides dans le monde. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), il y a actuellement environ 4,4 millions de personnes apatrides dans le monde – des personnes qui ne sont reconnues comme citoyennes par aucun pays. Ce nombre pourrait augmenter de manière significative si les États-Unis commençaient à refuser la citoyenneté aux enfants nés sur leur territoire. Beaucoup de ces enfants ne pourraient pas obtenir la citoyenneté du pays d’origine de leurs parents, soit parce que ces pays pratiquent le jus sanguinis avec des exigences strictes d’enregistrement, soit parce que les parents ne peuvent pas ou ne veulent pas enregistrer la naissance auprès de leur consulat.
Troisièmement, cela créerait des tensions diplomatiques avec d’autres pays. Imaginez un enfant né aux États-Unis de parents mexicains. Si les États-Unis refusent de reconnaître l’enfant comme citoyen américain, le Mexique serait-il obligé de le reconnaître comme citoyen mexicain ? Que se passerait-il si le Mexique refuse également, arguant que l’enfant est né aux États-Unis et devrait être américain ? Cela créerait des situations où des enfants seraient pris entre deux systèmes juridiques incompatibles, chacun refusant de les reconnaître. Quatrièmement, cela affaiblirait la position morale des États-Unis sur la scène internationale. Les États-Unis ont longtemps critiqué d’autres pays pour leurs politiques de citoyenneté restrictives et discriminatoires. Ils ont fait pression sur des pays comme la République dominicaine, qui a dénationalisé des centaines de milliers de personnes d’ascendance haïtienne en 2013, ou le Myanmar, qui refuse la citoyenneté aux Rohingyas. Si les États-Unis adoptent eux-mêmes des politiques qui créent des apatrides, ils perdront toute crédibilité pour critiquer les autres. Enfin, cela pourrait avoir des implications pour les traités internationaux sur les droits de l’homme. La Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies stipule que « l’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité ».
L’Amérique a toujours été un phare. Un modèle. Un pays où les principes d’égalité et d’inclusion n’étaient pas juste des mots, mais des réalités inscrites dans la Constitution. Abandonner le droit du sol, c’est éteindre ce phare. C’est dire au monde : nous aussi, nous choisissons l’exclusion plutôt que l’inclusion. Nous aussi, nous créons des sous-classes de personnes. Nous aussi, nous laissons des enfants sans nationalité. C’est une trahison de ce qui a fait l’Amérique grande. Et les conséquences se feront sentir bien au-delà des frontières américaines.
Section 10 : les précédents historiques et leurs leçons
Les Amérindiens et la citoyenneté refusée
L’histoire de la citoyenneté américaine n’est pas sans taches sombres. L’un des exemples les plus troublants concerne les Amérindiens. Pendant plus d’un siècle après l’adoption du 14ème Amendement, les membres de tribus indiennes nés aux États-Unis n’étaient pas considérés comme citoyens américains. Cette exclusion était basée sur l’idée que les tribus indiennes étaient des « nations domestiques dépendantes » avec une souveraineté limitée, et que leurs membres n’étaient donc pas « soumis à la juridiction » des États-Unis au sens du 14ème Amendement. Cette interprétation a été confirmée par la Cour suprême dans Elk v. Wilkins (1884), où la Cour a statué qu’un Amérindien né dans une tribu ne devenait pas automatiquement citoyen américain, même s’il quittait la tribu et vivait parmi la population générale. Ce n’est qu’en 1924, avec l’adoption de l’Indian Citizenship Act, que tous les Amérindiens nés aux États-Unis ont été reconnus comme citoyens américains. Cette histoire montre comment des interprétations restrictives de « soumis à la juridiction » peuvent être utilisées pour exclure des groupes entiers de personnes de la citoyenneté. Elle montre également comment ces exclusions peuvent persister pendant des décennies, créant des injustices durables.
Mais il y a une différence cruciale entre le cas des Amérindiens et celui des enfants d’immigrants sans papiers. Les tribus indiennes avaient (et ont toujours) un statut juridique unique en tant que nations souveraines avec leurs propres gouvernements et systèmes juridiques. Cette souveraineté, bien que limitée, justifiait l’argument selon lequel les membres de tribus n’étaient pas pleinement soumis à la juridiction américaine. Les immigrants sans papiers et les visiteurs temporaires, en revanche, n’ont aucune souveraineté. Ils sont pleinement soumis aux lois américaines. Ils paient des impôts, peuvent être poursuivis pour des crimes, peuvent être assignés en justice. Ils n’ont aucune immunité ou statut spécial qui les placerait en dehors de la juridiction américaine. L’analogie avec les Amérindiens est donc trompeuse. Elle tente de créer une équivalence là où il n’y en a pas. De plus, même dans le cas des Amérindiens, le Congrès a finalement reconnu que l’exclusion était injuste et l’a corrigée. L’Indian Citizenship Act de 1924 a été adopté précisément parce que les législateurs ont réalisé que refuser la citoyenneté aux Amérindiens nés aux États-Unis violait les principes fondamentaux d’égalité et de justice.
L’exclusion chinoise et ses échos contemporains
Un autre précédent historique troublant est le Chinese Exclusion Act de 1882 et les lois anti-asiatiques qui ont suivi. Ces lois interdisaient l’immigration chinoise et empêchaient les Chinois déjà présents aux États-Unis de devenir citoyens naturalisés. Elles créaient une classe permanente de résidents étrangers qui ne pourraient jamais devenir américains, quelle que soit la durée de leur séjour ou leur contribution à la société américaine. C’est dans ce contexte que Wong Kim Ark est né. Ses parents étaient des résidents permanents qui ne pouvaient pas devenir citoyens en raison de leur race. Le gouvernement américain a tenté d’étendre cette exclusion à leurs enfants nés aux États-Unis, arguant que si les parents ne pouvaient pas être citoyens, leurs enfants ne le pouvaient pas non plus. La Cour suprême a rejeté cet argument, affirmant que la citoyenneté par naissance ne dépendait pas de la citoyenneté ou de l’éligibilité à la citoyenneté des parents. Cette décision a été un rempart crucial contre l’extension de la discrimination raciale à la génération suivante. Elle a empêché la création d’une caste héréditaire de non-citoyens basée sur la race.
Les parallèles avec la situation actuelle sont frappants. Tout comme le Chinese Exclusion Act créait une classe de résidents permanents qui ne pouvaient jamais devenir citoyens, les lois d’immigration actuelles créent une classe de personnes sans papiers qui vivent aux États-Unis depuis des années, voire des décennies, mais qui ne peuvent pas régulariser leur statut. Et tout comme le gouvernement a tenté d’étendre l’exclusion aux enfants de résidents chinois, l’administration Trump tente maintenant d’étendre l’exclusion aux enfants de personnes sans papiers. La différence est que dans le cas de Wong Kim Ark, la discrimination était explicitement basée sur la race, ce qui est maintenant clairement inconstitutionnel. Dans le cas actuel, la discrimination est basée sur le statut d’immigration, ce qui est considéré comme plus acceptable politiquement. Mais le résultat est le même : la création d’une sous-classe de personnes nées aux États-Unis mais exclues de la citoyenneté. L’histoire du Chinese Exclusion Act nous enseigne également que les politiques d’exclusion, une fois adoptées, peuvent persister pendant des décennies. Le Chinese Exclusion Act n’a été abrogé qu’en 1943, après 61 ans. Les lois interdisant la naturalisation des Asiatiques n’ont été complètement éliminées qu’en 1952, après 70 ans.
L’histoire se répète. Pas exactement de la même manière, mais avec les mêmes schémas, les mêmes logiques d’exclusion. On a exclu les Amérindiens de la citoyenneté. On a exclu les Chinois. On a exclu les Noirs pendant des siècles. Et maintenant, on veut exclure les enfants d’immigrants sans papiers. Les justifications changent, mais le résultat est toujours le même : des êtres humains traités comme moins qu’humains, des enfants punis pour les circonstances de leur naissance. Quand est-ce qu’on apprendra ? Quand est-ce qu’on arrêtera de répéter les mêmes erreurs ?
Section 11 : les arguments économiques et sociaux
L’impact économique du droit du sol
Au-delà des arguments constitutionnels et moraux, le débat sur le droit du sol a également une dimension économique importante. Les partisans du décret de Trump affirment que le droit du sol crée des incitations perverses qui encouragent l’immigration illégale. Selon cet argument, les femmes enceintes viennent aux États-Unis spécifiquement pour accoucher et obtenir la citoyenneté américaine pour leurs enfants, un phénomène connu sous le nom de « tourisme de naissance » ou « bébés ancres ». Ces enfants, une fois adultes, pourraient parrainer leurs parents pour l’immigration légale, créant ainsi une chaîne migratoire. Cependant, cette préoccupation est largement exagérée. D’abord, le nombre de femmes qui viennent aux États-Unis spécifiquement pour accoucher est relativement faible. Une étude du Pew Research Center estime qu’environ 7 300 femmes par an viennent aux États-Unis avec des visas touristiques pour accoucher, soit moins de 0,2% de toutes les naissances aux États-Unis. De plus, un enfant né aux États-Unis ne peut parrainer ses parents pour l’immigration que lorsqu’il atteint l’âge de 21 ans et seulement s’il peut prouver qu’il peut subvenir financièrement à leurs besoins. Ce processus prend des décennies et n’offre aucun avantage immédiat aux parents.
En réalité, le droit du sol a des avantages économiques significatifs. Il crée une main-d’œuvre stable et intégrée. Les enfants nés aux États-Unis, même de parents sans papiers, grandissent en parlant anglais, en fréquentant les écoles américaines, en s’intégrant dans la société américaine. Ils deviennent des travailleurs productifs, des contribuables, des entrepreneurs. Priver ces enfants de citoyenneté créerait une sous-classe permanente de personnes sans statut légal, incapables de travailler légalement, de payer des impôts, de contribuer pleinement à l’économie. Cela créerait également des coûts administratifs énormes. Le gouvernement devrait mettre en place un système pour vérifier le statut d’immigration de tous les parents à chaque naissance, enquêter sur les cas douteux, gérer les contestations et les appels. Les hôpitaux et les bureaux d’état civil devraient embaucher du personnel supplémentaire pour gérer ces vérifications. Les tribunaux seraient submergés de litiges sur la citoyenneté. Ces coûts se chiffreraient en milliards de dollars par an. De plus, priver des enfants de citoyenneté augmenterait les coûts sociaux à long terme. Ces enfants auraient moins accès à l’éducation, aux soins de santé, aux services sociaux. Ils seraient plus susceptibles de vivre dans la pauvreté, de dépendre de l’aide caritative, de se retrouver dans le système de justice pénale.
L’intégration sociale et l’identité nationale
Le droit du sol joue également un rôle crucial dans l’intégration sociale et la construction de l’identité nationale. Il crée un lien immédiat entre un individu et le pays où il est né. Ce lien favorise un sentiment d’appartenance et d’engagement envers la communauté nationale. Les enfants qui grandissent en sachant qu’ils sont américains, quelles que soient les origines de leurs parents, sont plus susceptibles de s’identifier comme américains, de participer à la vie civique, de contribuer à la société. À l’inverse, priver des enfants de citoyenneté créerait une génération de jeunes qui grandissent en se sentant exclus et marginalisés. Ils vivraient aux États-Unis, parleraient anglais, fréquenteraient les écoles américaines, mais on leur dirait qu’ils ne sont pas américains. Cette exclusion créerait du ressentiment, de l’aliénation, un sentiment d’injustice. Elle minerait la cohésion sociale et créerait des divisions durables. L’histoire montre que les sociétés qui créent des sous-classes permanentes de personnes sans statut légal souffrent de tensions sociales accrues, de taux de criminalité plus élevés, de moindre confiance sociale. Les Pays-Bas, par exemple, ont connu des problèmes significatifs avec leur population de « sans-papiers » de deuxième et troisième génération – des personnes nées aux Pays-Bas mais sans citoyenneté néerlandaise.
Le droit du sol reflète également une conception particulière de l’identité nationale. C’est l’idée que l’identité américaine n’est pas basée sur l’ethnicité, la race ou la religion, mais sur l’adhésion à des valeurs communes et l’appartenance à un territoire commun. C’est ce qui a permis aux États-Unis d’intégrer des vagues successives d’immigrants de tous les coins du monde. Les Irlandais, les Italiens, les Polonais, les Chinois, les Mexicains – tous ont pu devenir américains parce que l’Amérique définit la citoyenneté par le lieu de naissance et l’allégeance, pas par l’ascendance. Abandonner le droit du sol signifierait adopter une conception plus ethnique et exclusive de l’identité nationale, plus proche du modèle européen du jus sanguinis. Cela changerait fondamentalement la nature de ce que signifie être américain. Au lieu d’être un pays d’immigrants où n’importe qui peut devenir américain, les États-Unis deviendraient un pays où la citoyenneté est héréditaire, transmise de génération en génération. Cette transformation aurait des conséquences profondes pour l’identité nationale américaine et pour la façon dont les États-Unis sont perçus dans le monde.
L’Amérique n’est pas un pays ethnique. Ce n’est pas un pays où la citoyenneté se transmet par le sang. C’est un pays d’idées, de principes, de valeurs. Et l’une de ces valeurs fondamentales est que si tu nais ici, tu es d’ici. Tu appartiens à ce pays autant que n’importe qui d’autre. Abandonner cette valeur, c’est abandonner une partie essentielle de ce qui fait l’Amérique unique. C’est devenir juste un autre pays parmi d’autres, avec ses frontières fermées et ses hiérarchies héréditaires. Ce n’est pas l’Amérique que je connais. Ce n’est pas l’Amérique que je veux.
Section 12 : les réactions politiques et l'opinion publique
Un pays divisé sur la question
Le décret de Trump sur le droit du sol a profondément divisé l’opinion publique américaine. Selon un sondage du Pew Research Center réalisé en février 2025, 42% des Américains approuvent le décret, tandis que 51% le désapprouvent. Cette division reflète des clivages plus larges sur l’immigration et l’identité nationale. Sans surprise, l’opinion est fortement polarisée selon les lignes partisanes. Parmi les républicains, 78% approuvent le décret, arguant qu’il est nécessaire pour contrôler l’immigration illégale et protéger la valeur de la citoyenneté américaine. Ils voient le droit du sol comme une « faille » dans le système d’immigration qui encourage les gens à venir illégalement aux États-Unis pour avoir des « bébés ancres ». Parmi les démocrates, en revanche, 82% désapprouvent le décret, le considérant comme inconstitutionnel, cruel et contraire aux valeurs américaines. Les indépendants sont plus divisés, avec 48% désapprouvant et 44% approuvant. Il y a également des divisions importantes selon l’âge, l’éducation et la race. Les jeunes Américains (18-29 ans) sont plus susceptibles de s’opposer au décret (62% de désapprobation) que les Américains plus âgés (65 ans et plus, 45% de désapprobation). Les Américains avec un diplôme universitaire sont plus susceptibles de s’opposer au décret (64% de désapprobation) que ceux sans diplôme universitaire (42% de désapprobation).
Les divisions raciales sont particulièrement marquées. Parmi les Américains blancs, 48% approuvent le décret et 46% le désapprouvent – une division presque égale. Parmi les Américains noirs, 72% désapprouvent le décret. Parmi les Hispaniques, 68% le désapprouvent. Parmi les Américains d’origine asiatique, 61% le désapprouvent. Ces divisions reflètent des expériences et des perspectives différentes sur l’immigration et la citoyenneté. Pour beaucoup d’Américains blancs, en particulier dans les zones rurales et les petites villes, l’immigration est perçue comme une menace pour leur mode de vie et leur identité culturelle. Pour les communautés de couleur, en particulier celles avec des liens récents avec l’immigration, le décret est perçu comme une attaque contre leurs communautés et contre le principe d’égalité. Les réactions politiques ont également été fortement divisées. Les républicains au Congrès ont largement soutenu le décret, beaucoup d’entre eux appelant à aller encore plus loin et à adopter une loi qui codifierait les restrictions sur le droit du sol. Le sénateur Tom Cotton de l’Arkansas a présenté un projet de loi qui limiterait la citoyenneté par naissance aux enfants d’au moins un parent citoyen ou résident permanent. Les démocrates, en revanche, ont unanimement condamné le décret, le qualifiant d’inconstitutionnel et de violation des droits humains fondamentaux.
Les voix des experts et des organisations
La communauté juridique a été presque unanime dans son opposition au décret de Trump. L’American Bar Association, la plus grande organisation professionnelle d’avocats aux États-Unis, a publié une déclaration affirmant que le décret « viole clairement le 14ème Amendement et plus d’un siècle de jurisprudence établie ». Plus de 150 professeurs de droit constitutionnel ont signé une lettre ouverte déclarant que le décret est « manifestement inconstitutionnel » et que « aucune interprétation raisonnable du 14ème Amendement ne peut soutenir cette politique ». Même certains juristes conservateurs, qui soutiennent généralement les politiques d’immigration restrictives, ont exprimé des doutes sur la constitutionnalité du décret. Le professeur John Yoo de l’Université de Californie à Berkeley, connu pour ses opinions conservatrices et son soutien à un pouvoir exécutif fort, a écrit que « le président ne peut pas modifier la Constitution par décret exécutif, quelle que soit l’urgence perçue ». Les organisations de défense des droits civiques ont été à l’avant-garde de la lutte contre le décret. L’American Civil Liberties Union (ACLU) a déposé plusieurs recours et a promis de se battre jusqu’à la Cour suprême. Le NAACP Legal Defense Fund a souligné les parallèles avec les luttes historiques pour les droits civiques et a averti que le décret créerait une nouvelle forme de discrimination systémique.
Les organisations religieuses ont également pris position. La Conférence des évêques catholiques des États-Unis a publié une déclaration condamnant le décret comme « contraire à la dignité humaine fondamentale » et appelant à sa révocation. Des groupes évangéliques, juifs, musulmans et d’autres confessions ont exprimé des préoccupations similaires, soulignant que toutes les grandes traditions religieuses enseignent l’égale dignité de tous les êtres humains. Les organisations d’immigrants ont mobilisé leurs communautés pour s’opposer au décret. Des manifestations ont eu lieu dans des dizaines de villes à travers le pays, avec des milliers de personnes descendant dans les rues pour protester. Les slogans incluaient « Tous les bébés sont américains », « Le 14ème Amendement n’est pas négociable » et « Nous sommes tous des enfants d’immigrants ». Ces manifestations ont réuni des coalitions diverses, incluant des immigrants de première et deuxième génération, des défenseurs des droits civiques, des étudiants, des leaders religieux et des citoyens ordinaires préoccupés par la direction que prend le pays. Le débat a également attiré l’attention internationale. Des organisations de droits humains comme Human Rights Watch et Amnesty International ont condamné le décret, avertissant qu’il pourrait créer des milliers d’apatrides et violer les obligations internationales des États-Unis en matière de droits humains.
Ce qui me frappe dans ce débat, c’est la clarté morale de ceux qui s’opposent au décret. Ce ne sont pas juste des avocats qui citent des précédents juridiques. Ce sont des gens ordinaires qui comprennent instinctivement que quelque chose ne va pas. Que priver un bébé de citoyenneté à cause du statut de ses parents est fondamentalement injuste. Cette clarté morale me donne de l’espoir. Elle me dit que malgré toutes les divisions, malgré toute la polarisation, il y a encore un sens commun de la justice qui transcende les lignes partisanes.
Section 13 : les scénarios possibles et l'avenir du droit du sol
Si la Cour suprême soutient le décret
Imaginons le pire scénario : la Cour suprême décide au printemps 2026 de soutenir le décret de Trump. Cette décision renverserait Wong Kim Ark et plus d’un siècle de jurisprudence établie. Les conséquences seraient immédiates et dévastatrices. Des centaines de milliers de bébés nés depuis février 2025 se verraient soudainement privés de leur citoyenneté américaine. Leurs certificats de naissance seraient invalidés, leurs numéros de sécurité sociale révoqués. Ils deviendraient apatrides du jour au lendemain. Les hôpitaux et les bureaux d’état civil seraient submergés de demandes de clarification et de contestations. Les tribunaux seraient inondés de litiges. Le chaos administratif serait sans précédent. Mais au-delà du chaos immédiat, les conséquences à long terme seraient encore plus graves. Une génération entière d’enfants grandirait sans citoyenneté, sans identité légale, sans avenir. Ils ne pourraient pas aller à l’école, ne pourraient pas travailler légalement, ne pourraient pas voyager. Ils vivraient dans l’ombre, invisibles aux yeux de la loi. Cette situation créerait une sous-classe permanente de personnes nées aux États-Unis mais exclues de la société américaine. Les tensions sociales augmenteraient. Les communautés immigrées se sentiraient attaquées et marginalisées. La confiance dans les institutions gouvernementales s’éroderait.
Une décision soutenant le décret ouvrirait également la porte à d’autres restrictions sur la citoyenneté. Si le président peut redéfinir « soumis à la juridiction » par décret exécutif, quelles autres catégories de personnes pourraient être exclues à l’avenir ? Les enfants de résidents permanents ? Les enfants de personnes avec des visas de travail ? Les enfants de demandeurs d’asile ? Une fois que le principe de citoyenneté universelle par naissance est abandonné, il n’y a plus de limite claire. Chaque administration pourrait redéfinir les critères selon ses préférences politiques. La citoyenneté deviendrait un privilège révocable plutôt qu’un droit constitutionnel. Sur le plan international, une telle décision ternirait gravement la réputation des États-Unis. Le pays qui s’est longtemps présenté comme un champion des droits humains et de l’égalité rejoindrait les rangs des nations qui créent délibérément des apatrides. Les États-Unis perdraient toute crédibilité morale pour critiquer d’autres pays pour leurs politiques de citoyenneté discriminatoires. Les alliés seraient consternés, les adversaires ravis. La décision pourrait également déclencher une réaction politique. Les démocrates, s’ils reprennent le pouvoir, pourraient tenter d’adopter une loi codifiant le droit du sol de manière explicite. Ils pourraient même proposer un nouvel amendement constitutionnel pour clarifier que tous les enfants nés aux États-Unis sont citoyens, sans exception.
Si la Cour suprême rejette le décret
Le scénario le plus probable, et le plus conforme à la Constitution et aux précédents, est que la Cour suprême rejette le décret de Trump. Une telle décision réaffirmerait le principe établi dans Wong Kim Ark que tous les enfants nés aux États-Unis, à l’exception des enfants de diplomates étrangers, sont citoyens américains en vertu du 14ème Amendement. Cette décision apporterait une clarté juridique et mettrait fin à l’incertitude qui a plané sur des centaines de milliers de familles depuis janvier 2025. Les bébés nés pendant la période où le décret était contesté recevraient confirmation de leur citoyenneté. Les hôpitaux et les bureaux d’état civil pourraient reprendre leurs opérations normales sans avoir à enquêter sur le statut d’immigration des parents. Une décision rejetant le décret enverrait également un message important sur les limites du pouvoir exécutif. Elle affirmerait que le président ne peut pas modifier la Constitution par décret exécutif, quelle que soit l’urgence perçue ou la popularité politique de la mesure. Elle rappellerait que certains principes constitutionnels sont si fondamentaux qu’ils ne peuvent pas être changés par une simple action administrative. Cela renforcerait l’État de droit et la séparation des pouvoirs. Cependant, même une décision rejetant le décret ne mettrait pas fin au débat sur le droit du sol. Les opposants au droit du sol continueraient à faire pression pour un amendement constitutionnel qui limiterait la citoyenneté par naissance.
Un tel amendement nécessiterait l’approbation des deux tiers de chaque chambre du Congrès et la ratification par trois quarts des États – un seuil très élevé qui rend peu probable son adoption dans un avenir proche. Mais le débat continuerait, alimenté par les préoccupations concernant l’immigration illégale et le « tourisme de naissance ». À plus long terme, l’avenir du droit du sol dépendra de l’évolution de l’opinion publique et de la composition politique du pays. Si les États-Unis continuent à devenir plus diversifiés, avec une proportion croissante de la population ayant des liens récents avec l’immigration, le soutien au droit du sol pourrait se renforcer. Les communautés immigrées et leurs alliés défendraient vigoureusement ce principe comme essentiel à l’identité américaine. D’un autre côté, si les préoccupations concernant l’immigration continuent à dominer le discours politique, la pression pour restreindre le droit du sol pourrait augmenter. Le débat sur le droit du sol est donc loin d’être terminé. C’est un débat qui touche aux questions les plus fondamentales sur l’identité nationale, l’appartenance et l’égalité. C’est un débat qui continuera à façonner la politique américaine pour les années à venir. Et c’est un débat où les enjeux ne pourraient pas être plus élevés – car il détermine qui est américain et qui ne l’est pas, qui appartient à la communauté nationale et qui en est exclu.
L’avenir du droit du sol est l’avenir de l’Amérique elle-même. C’est une question sur le type de pays que nous voulons être. Voulons-nous être un pays ouvert et inclusif, où n’importe qui peut devenir américain ? Ou voulons-nous être un pays fermé et exclusif, où la citoyenneté est un privilège héréditaire ? Cette question définira notre génération. Et la réponse que nous donnons déterminera le type de pays que nous laisserons à nos enfants.
Conclusion : un combat pour l'âme de l'Amérique
Plus qu’une question juridique
Le débat sur le décret de Trump concernant le droit du sol n’est pas simplement une question juridique technique sur l’interprétation du 14ème Amendement. C’est un combat pour l’âme de l’Amérique. C’est une question sur les valeurs fondamentales qui définissent ce pays et sur le type de société que nous voulons construire. D’un côté se trouvent ceux qui voient le droit du sol comme un principe sacré, inscrit dans la Constitution après la Guerre de Sécession pour garantir que plus jamais un groupe de personnes ne serait exclu de la citoyenneté en raison de leur race ou de leur origine. Pour eux, le droit du sol représente l’idée que l’Amérique est un pays d’immigrants, où l’identité nationale se construit par l’appartenance à un territoire commun plutôt que par la descendance. C’est ce qui a permis aux États-Unis d’intégrer des vagues successives d’immigrants et de devenir la nation diverse et dynamique qu’elle est aujourd’hui. De l’autre côté se trouvent ceux qui voient le droit du sol comme une « faille » dans le système d’immigration qui encourage l’immigration illégale et le « tourisme de naissance ». Pour eux, la citoyenneté américaine est un privilège précieux qui ne devrait pas être accordé automatiquement à tous ceux qui naissent sur le sol américain. Ils soutiennent que les enfants de personnes présentes illégalement ou temporairement ne devraient pas recevoir la citoyenneté, car leurs parents n’ont pas le droit d’être aux États-Unis.
Mais au-delà de ces arguments politiques se trouvent des êtres humains réels – des bébés qui n’ont rien demandé, qui n’ont commis aucun crime, qui ne peuvent même pas comprendre ce qu’on leur fait. Ces bébés méritent-ils d’être punis pour les circonstances de leur naissance ? Méritent-ils de grandir sans citoyenneté, sans identité, sans avenir ? La réponse à cette question révèle quelque chose de profond sur nos valeurs en tant que société. Si nous disons oui, que ces bébés ne méritent pas la citoyenneté, nous disons que nous sommes prêts à créer une sous-classe permanente de personnes nées aux États-Unis mais exclues de la communauté nationale. Nous disons que nous sommes prêts à sacrifier les principes d’égalité et de justice pour des objectifs politiques. Nous disons que certains enfants valent moins que d’autres en raison de facteurs totalement hors de leur contrôle. Si nous disons non, que tous les enfants nés aux États-Unis méritent la citoyenneté, nous réaffirmons les principes fondamentaux qui ont fait de l’Amérique ce qu’elle est. Nous disons que l’égalité devant la loi n’est pas négociable. Nous disons que la Constitution signifie ce qu’elle dit : « toutes les personnes nées aux États-Unis et soumises à sa juridiction sont citoyennes ». Nous disons que l’Amérique reste un pays où n’importe qui peut appartenir, où la citoyenneté n’est pas une question de sang ou d’héritage, mais de lieu et d’allégeance.
L’héritage que nous laisserons
Dans quelques mois, la Cour suprême rendra sa décision. Neuf juges détermineront le sort de centaines de milliers d’enfants et l’avenir du droit du sol aux États-Unis. Mais quelle que soit la décision de la Cour, le débat ne se terminera pas là. C’est un débat qui continuera à façonner la politique américaine pour les années à venir. C’est un débat qui forcera chaque Américain à réfléchir à ce que signifie être américain et à qui devrait appartenir à la communauté nationale. L’histoire jugera notre génération sur la façon dont nous répondons à cette question. Nos enfants et petits-enfants regarderont en arrière et se demanderont : qu’avons-nous fait face à cette tentative de priver des bébés de leur citoyenneté ? Avons-nous défendu les principes d’égalité et de justice ? Ou avons-nous laissé la peur et la politique l’emporter sur nos valeurs ? Le 14ème Amendement a été adopté il y a 157 ans pour corriger l’une des plus grandes injustices de l’histoire américaine – la décision Dred Scott qui déclarait que les Noirs n’avaient « aucun droit que l’homme blanc soit tenu de respecter ». Les rédacteurs de l’amendement voulaient s’assurer que plus jamais un groupe de personnes ne serait exclu de la citoyenneté en raison de leur race ou de leur origine. Ils ont choisi le langage le plus large et le plus inclusif possible : « toutes les personnes nées aux États-Unis et soumises à sa juridiction sont citoyennes ».
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une nouvelle tentative de créer des exclusions, de définir certaines personnes nées aux États-Unis comme n’étant pas vraiment américaines. Les justifications ont changé – ce n’est plus la race, mais le statut d’immigration des parents. Mais le résultat est le même : la création d’une hiérarchie de citoyenneté où certains enfants sont jugés dignes et d’autres non. C’est exactement ce que le 14ème Amendement visait à empêcher. Nous avons le choix. Nous pouvons choisir de défendre les principes inscrits dans la Constitution. Nous pouvons choisir de dire que tous les enfants nés aux États-Unis méritent la citoyenneté, quels que soient leurs parents. Nous pouvons choisir l’inclusion plutôt que l’exclusion, l’égalité plutôt que la hiérarchie, la justice plutôt que la politique. Ou nous pouvons choisir de trahir ces principes, de créer une nouvelle classe de sous-citoyens, de dire que certains bébés ne méritent pas d’appartenir au pays où ils sont nés. L’histoire nous regarde. Nos descendants nous jugeront. Quel héritage voulons-nous laisser ? C’est la question à laquelle nous devons tous répondre. Et la réponse que nous donnons définira qui nous sommes en tant que nation et en tant que peuple.
Je pense à ces bébés. À tous ces nouveau-nés qui ne savent rien de la politique, rien des débats constitutionnels, rien des divisions qui déchirent ce pays. Ils ouvrent les yeux pour la première fois et voient le monde. Ils respirent l’air américain. Ils entendent les voix américaines. Ils sont américains dans tous les sens qui comptent vraiment. Et on veut leur dire qu’ils ne le sont pas. On veut leur dire qu’ils n’appartiennent pas ici. Je ne peux pas accepter ça. Je refuse d’accepter ça. Ces bébés sont américains. Ils le sont par la Constitution. Ils le sont par l’histoire. Ils le sont par la justice. Et aucun décret, aucune décision de justice, aucune loi ne peut changer cette vérité fondamentale. Ils sont américains. Et ils le resteront.
Sources
Sources primaires
Décret exécutif 14160 « Protecting The Meaning And Value Of American Citizenship », Maison Blanche, 20 janvier 2025. United States v. Wong Kim Ark, 169 U.S. 649, Cour suprême des États-Unis, 1898. Dred Scott v. Sandford, 60 U.S. 393, Cour suprême des États-Unis, 1857. 14ème Amendement de la Constitution des États-Unis, ratifié le 9 juillet 1868. Immigration and Nationality Act de 1952, 8 U.S.C. 1401. Trump v. Barbara, Cour de district des États-Unis pour le district du New Hampshire, 2025. State of Washington v. Trump, Cour d’appel des États-Unis pour le 9ème circuit, 2025.
Sources secondaires
Amy Howe, « Supreme Court agrees to hear Trump’s challenge to birthright citizenship », SCOTUSblog, 5 décembre 2025. « La Cour suprême américaine va examiner le décret de Donald Trump revenant sur le droit du sol », Ouest-France, 6 décembre 2025. « Birthright Citizenship Under the U.S. Constitution », Brennan Center for Justice, 2025. « Trump’s Birthright Citizenship Executive Order FAQ: Know Your Rights », NAACP Legal Defense Fund, 2025. « Countries with Birthright Citizenship 2025 », World Population Review, 2025. « Views of Trump’s birthright citizenship order », Pew Research Center, février 2025. « Can Trump revoke birthright citizenship? », BBC News, 2025. « Birthright Citizenship in the United States », American Immigration Council, 2025.
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