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L’alternative qui n’en est pas une

Pour comprendre comment des femmes enceintes se retrouvent avec des montres de surveillance au poignet, il faut remonter à la source : le programme Alternative to Detention, ou ATD. Sur le papier, l’idée semble presque humanitaire. Plutôt que d’enfermer les immigrants dans des centres de détention surpeuplés en attendant leur comparution devant un juge, pourquoi ne pas les laisser vivre chez eux ? Pourquoi ne pas leur permettre de continuer leur vie, de travailler, de s’occuper de leurs enfants, tout en s’assurant qu’ils se présentent à leur audience ? L’ATD promet exactement cela : une alternative à la détention. Mais cette alternative a un prix. Un prix technologique. Un prix qui se paie en surveillance constante, en géolocalisation permanente, en contrôle numérique de chaque mouvement, de chaque déplacement. Les personnes inscrites au programme ATD — près de 200 000 actuellement — doivent accepter une supervision intensive. Certaines portent un bracelet électronique à la cheville. D’autres, une montre connectée au poignet. D’autres encore doivent effectuer des scans de reconnaissance faciale réguliers depuis leur domicile via une application mobile. Et certaines sont contraintes de se présenter physiquement dans des bureaux de l’ICE ou de BI Inc, l’entreprise privée qui gère le programme, pour des contrôles en personne.

Le programme ATD existe depuis 2004, mais il a connu une expansion massive sous l’administration Biden, atteignant un pic de 370 000 personnes surveillées. L’objectif affiché était de réduire le recours à la détention physique, jugée coûteuse et inhumaine. Mais la réalité du terrain raconte une autre histoire. Une histoire où la surveillance électronique remplace les barreaux, mais où la prison reste une prison. Une prison invisible, certes, mais une prison quand même. Car que se passe-t-il lorsque vous portez un bracelet GPS ou une montre de géolocalisation 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ? Vous ne pouvez plus vous déplacer librement sans que chaque mouvement soit enregistré, analysé, archivé. Vous ne pouvez plus oublier, ne serait-ce qu’un instant, que vous êtes surveillé. Vous vivez dans la peur constante qu’une alerte se déclenche, qu’un agent vous contacte, qu’une erreur technique se transforme en motif d’arrestation. Et sous l’administration Trump, cette peur s’est intensifiée. Plusieurs cas documentés montrent des personnes qui se sont présentées à un contrôle de routine, convaincues qu’elles continueraient dans le programme ATD, pour finalement être placées en détention et expulsées. La montre connectée n’est pas une alternative à la détention. C’est une détention déguisée. Une cage numérique. Une prison portative.

BI Inc et Geo Group : quand le business de la surveillance rapporte des milliards

Derrière ce système de surveillance massive se cache une entreprise : BI Inc, filiale du Geo Group. Si ce nom ne vous dit rien, sachez que Geo Group est l’un des plus grands opérateurs de prisons privées et de centres de détention aux États-Unis. Une entreprise qui a bâti son empire sur l’incarcération, et qui a trouvé dans la surveillance électronique un nouveau marché juteux. Depuis 2004, BI Inc détient le contrat exclusif avec le Department of Homeland Security pour gérer l’intégralité du programme ATD. Un monopole absolu. Aucune concurrence. Aucun appel d’offres ouvert. Juste BI Inc, encore et toujours. En septembre 2025, l’ICE a renouvelé ce contrat pour deux années supplémentaires. Les chiffres donnent le vertige. Sous l’administration Trump, le budget de l’ICE a été porté à 170 milliards de dollars. Une partie substantielle de cette somme alimente directement les caisses de Geo Group et de sa filiale BI Inc. Les dirigeants de l’entreprise ne cachent pas leurs ambitions : surveiller les 7,5 millions de personnes inscrites sur la liste des ressortissants étrangers non détenus mais susceptibles d’être expulsés. 7,5 millions de personnes. 7,5 millions de bracelets électroniques potentiels. 7,5 millions de montres connectées à vendre. 7,5 millions de contrats de surveillance à facturer.

Mais voilà le problème : l’administration Trump s’est davantage concentrée sur les expulsions massives et la détention physique que sur la surveillance électronique. Résultat, le nombre de personnes sous surveillance ATD est resté stable autour de 180 000, bien en deçà des espérances de Geo Group. Lors d’une conférence téléphonique avec les investisseurs en novembre 2025, George Zoley, fondateur et président exécutif de Geo Group, n’a pas caché sa déception : « Le nombre est resté assez stable, ce qui est un peu décevant, évidemment. » Un peu décevant. Voilà comment un dirigeant d’entreprise parle de l’échec à surveiller électroniquement des centaines de milliers de personnes supplémentaires. Pas de considération pour les vies humaines. Pas de réflexion sur l’éthique de la surveillance de masse. Juste une déception financière. Juste un manque à gagner. Et pour maximiser les profits, BI Inc et l’ICE ont fait un choix stratégique : privilégier les bracelets électroniques à la cheville, plus coûteux, plutôt que les outils moins chers comme l’application de reconnaissance faciale Smart Link. Plus de surveillance. Plus de contrôle. Plus de profits. Le business model est simple : transformer la répression migratoire en machine à cash. Et peu importe si, au passage, des femmes enceintes se retrouvent avec des montres inviolables au poignet dans des salles d’accouchement.

Il y a quelque chose de profondément obscène dans cette marchandisation de la surveillance. Une entreprise qui a commencé par surveiller du bétail — oui, BI Inc était à l’origine une société de monitoring d’animaux d’élevage — et qui applique maintenant les mêmes techniques aux êtres humains. Des immigrants traités comme du bétail. Des femmes enceintes équipées de dispositifs de traçage comme on marquerait des vaches. Et tout ça pour quoi ? Pour des profits. Pour des contrats juteux. Pour satisfaire des actionnaires qui ne verront jamais les larmes d’une femme terrorisée à l’idée qu’on lui arrache son bébé. C’est ça, le capitalisme de la surveillance. C’est ça, l’Amérique de Trump.

Sources primaires

The Guardian, « ICE is using smartwatches to track pregnant women, even during labor: ‘She was so afraid they would take her baby' », Johana Bhuiyan, 10 décembre 2025. BFM TV, « Jusqu’où peuvent-ils aller dans l’abus de pouvoir?: l’ICE utilise la géolocalisation de montres connectées pour pister les femmes enceintes, et instiller la terreur », Salomé Ferraris, 11 décembre 2025. U.S. Immigration and Customs Enforcement, « ICE begins testing wrist-worn GPS monitoring technology », communiqué de presse archivé, 2023. Department of Homeland Security, « Pregnant, Postpartum, and Lactating Individuals in Immigration Detention », rapport semestriel, mars 2024. The Geo Group, « The GEO Group Awarded Contract by U.S. Immigration and Customs Enforcement », communiqué de presse, septembre 2025. The Geo Group, conférence téléphonique avec les investisseurs, résultats du troisième trimestre 2025, novembre 2025.

Sources secondaires

TRAC Reports, « ICE Increases Use of GPS Monitoring for Immigrants in Alternatives to Detention Program », mars 2024. CBS News, « ICE to test smartwatch-like tracking devices for migrants facing deportation », 2024. The Nation, « The Carceral System Enters Its Smartwatch Era », 2024. CommunityHealth Chicago, rapport sur la baisse de fréquentation des services de santé, juin 2025. California Nurses Association, déclarations de Sandy Reding sur l’impact de la politique d’immigration sur la santé publique, 2025. American Civil Liberties Union, « Pregnant and Postpartum Women Face Neglect and Abuse in ICE Detention », 2025. Amica et American Friends Service Committee, pétitions judiciaires et rapports sur les abus dans le programme ATD, 2025. Senator John Hickenlooper et Senator Raphael Warnock, lettre au Department of Homeland Security concernant le traitement des femmes enceintes en détention, octobre 2025.

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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