Des quotas qui favorisent l’Est
Les mesures annoncées par Mark Carney en novembre 2025 sont présentées comme une réponse nécessaire aux tarifs américains et comme un moyen de renforcer l’industrie sidérurgique canadienne. Le gouvernement fédéral a resserré ses importations de produits d’acier provenant de pays avec lesquels le Canada n’a pas d’accord de libre-échange, les réduisant de cinquante pour cent à vingt pour cent des niveaux de 2024. Les importations en provenance des pays ayant conclu un accord de libre-échange ont également été réduites, passant de cent pour cent à soixante-quinze pour cent. Tout acier importé au-delà de ces seuils sera soumis à une surtaxe de cinquante pour cent. Le Canada impose également des tarifs douaniers généraux de vingt-cinq pour cent sur certains produits dérivés de l’acier, comme les tours éoliennes, les bâtiments préfabriqués, les attaches et les fils métalliques. L’ensemble de ces mesures devrait générer une demande intérieure estimée à huit cent cinquante-quatre millions de dollars, selon les estimations du gouvernement. Sur le papier, ces chiffres semblent impressionnants. Dans la réalité, ils cachent une vérité beaucoup moins reluisante — ces mesures bénéficient principalement aux producteurs d’acier de l’Ontario et du Québec, au détriment des consommateurs et des industries de l’Ouest canadien.
Pour comprendre pourquoi ces mesures sont si problématiques pour l’Ouest, il faut examiner la structure de l’industrie sidérurgique canadienne. La production d’acier au Canada est fortement concentrée dans le centre du pays, particulièrement en Ontario où se trouvent les grandes aciéries comme celles de Hamilton et de Sault Sainte-Marie. Le Québec abrite également plusieurs producteurs importants. En revanche, l’Alberta et la Saskatchewan ont très peu de capacité de production d’acier — elles sont essentiellement des consommatrices nettes d’acier, qu’elles utilisent pour leurs projets d’infrastructure, leurs pipelines, leurs installations pétrolières et gazières. Avant les quotas, ces provinces pouvaient s’approvisionner en acier auprès de divers fournisseurs internationaux, bénéficiant ainsi de prix compétitifs et d’une disponibilité constante. Maintenant, avec les quotas drastiquement réduits et les surtaxes punitives, elles sont forcées de se tourner vers les producteurs canadiens — qui peuvent désormais augmenter leurs prix en toute impunité, sachant que la concurrence étrangère est artificiellement limitée. C’est un transfert de richesse déguisé, une subvention cachée aux producteurs de l’Est financée par les consommateurs de l’Ouest. Et personne à Ottawa ne semble trouver cela problématique.
Appelons les choses par leur nom : c’est du protectionnisme régional déguisé en politique nationale. C’est une redistribution forcée de la richesse de l’Ouest vers l’Est. C’est une trahison des principes mêmes du fédéralisme canadien. Et le plus révoltant, c’est l’hypocrisie avec laquelle tout cela est présenté. On nous parle d’unité nationale, de solidarité canadienne, de protection de nos industries. Mais en réalité, on protège certaines industries dans certaines régions, au détriment d’autres industries dans d’autres régions. C’est du favoritisme institutionnalisé, et c’est inacceptable.
L’industrie pétrolière prise en otage
L’impact des quotas sur l’acier est particulièrement dévastateur pour l’industrie pétrolière et gazière de l’Alberta et de la Saskatchewan. Cette industrie, qui représente trente pour cent des émissions de gaz à effet de serre du Canada mais aussi une part massive de son produit intérieur brut, dépend énormément de l’acier pour ses opérations quotidiennes. Les pipelines, les plateformes de forage, les installations de traitement, les réservoirs de stockage — tout cela nécessite d’énormes quantités d’acier de haute qualité. Avant les quotas, les compagnies pétrolières pouvaient s’approvisionner auprès de fournisseurs internationaux offrant des prix compétitifs et des délais de livraison raisonnables. Maintenant, elles sont coincées. Les quotas ont créé une pénurie artificielle d’acier sur le marché canadien, faisant grimper les prix de manière vertigineuse. Les délais de livraison se sont allongés de manière dramatique, retardant des projets cruciaux et augmentant les coûts de manière exponentielle. Pour une industrie déjà sous pression en raison des tarifs américains, des réglementations environnementales de plus en plus strictes et de la volatilité des prix du pétrole, ces contraintes supplémentaires sont presque insupportables.
Mais ce qui rend la situation encore plus frustrante, c’est le timing. Au moment même où Ottawa impose ces quotas sur l’acier, le gouvernement Carney négocie avec l’Alberta pour faciliter la construction d’un nouvel oléoduc vers la Colombie-Britannique. En novembre 2025, Mark Carney et la première ministre albertaine Danielle Smith ont signé un protocole d’entente visant à favoriser la construction de cet oléoduc, qui transporterait au moins un million de barils de pétrole par jour vers les marchés asiatiques. Pour obtenir l’accord de l’Alberta, Ottawa a accepté d’abandonner plusieurs politiques climatiques, notamment le plafond sur les émissions du secteur pétrolier et gazier et certaines dispositions du Règlement sur l’électricité propre. C’est un revirement spectaculaire de la part d’un gouvernement qui, il y a quelques mois encore, faisait de la lutte contre les changements climatiques sa priorité absolue. Mais voilà le paradoxe : comment peut-on faciliter la construction d’un oléoduc tout en rendant l’acier nécessaire à sa construction plus cher et plus difficile à obtenir ? Comment peut-on prétendre soutenir l’industrie pétrolière albertaine tout en imposant des mesures qui augmentent ses coûts de production ? C’est une incohérence flagrante qui révèle soit une incompétence profonde, soit une mauvaise foi délibérée.
Je ne sais pas ce qui est pire — l’incompétence ou la mauvaise foi. L’incompétence, au moins, peut être corrigée. On peut apprendre, s’améliorer, faire mieux la prochaine fois. Mais la mauvaise foi, elle, est corrosive. Elle détruit la confiance, empoisonne les relations, rend impossible toute collaboration future. Et quand je regarde les actions d’Ottawa, je ne peux m’empêcher de pencher vers la deuxième hypothèse. Parce qu’il est difficile de croire qu’un gouvernement puisse être aussi aveugle aux conséquences de ses propres politiques. Il est plus facile de croire qu’il s’en fiche simplement.
L'Alberta et la Saskatchewan : des provinces en colère
Danielle Smith et la bataille pour l’autonomie
La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, est devenue la figure de proue de la résistance de l’Ouest face aux politiques fédérales. Depuis son élection, elle a fait de la défense de l’industrie pétrolière albertaine et de l’autonomie provinciale ses priorités absolues. Elle a constamment dénoncé ce qu’elle appelle les neuf mauvaises lois fédérales liées aux évaluations environnementales et à la lutte contre les changements climatiques, qu’elle accuse de nuire aux investissements dans l’industrie pétrolière. Pour elle, la construction d’un nouvel oléoduc vers l’ouest n’est pas simplement une question économique — c’est une question d’unité nationale, de reconnaissance, de respect. Et elle a réussi à obtenir des concessions importantes d’Ottawa, notamment l’abandon du plafond sur les émissions du secteur pétrolier et gazier et l’exemption de l’Alberta du Règlement sur l’électricité propre. Mais ces victoires ont un goût amer quand on les met en perspective avec les quotas sur l’acier. Danielle Smith a peut-être obtenu le feu vert pour son oléoduc, mais à quel prix ? L’acier nécessaire à sa construction coûtera désormais beaucoup plus cher, les délais seront plus longs, et les risques de dépassement de budget sont énormes. C’est une victoire à la Pyrrhus — on gagne la bataille mais on perd la guerre.
La frustration de Danielle Smith est palpable dans ses déclarations publiques. Lors de la signature du protocole d’entente avec Mark Carney en novembre 2025, elle a déclaré que c’était une grande journée pour les Albertains et un nouveau départ dans la relation entre sa province et le gouvernement fédéral. Mais derrière ces mots diplomatiques se cache une réalité beaucoup plus complexe. L’Alberta se sent toujours ignorée, toujours marginalisée, toujours traitée comme une province de seconde zone. Les quotas sur l’acier ne sont qu’un exemple parmi tant d’autres de cette dynamique. Il y a aussi la taxe carbone, que l’Alberta a combattue pendant des années avant de finalement accepter un compromis. Il y a les réglementations environnementales de plus en plus strictes qui rendent l’exploitation des sables bitumineux de plus en plus difficile. Il y a le moratoire sur les pétroliers le long de la côte ouest de la Colombie-Britannique, qui limite les options d’exportation de l’Alberta. Tout cela crée un sentiment d’assiègement, une impression que le reste du Canada est ligué contre l’Alberta. Et les quotas sur l’acier ne font que renforcer ce sentiment. Pour Danielle Smith et pour beaucoup d’Albertains, c’est la preuve ultime qu’Ottawa ne comprend pas l’Ouest, ne respecte pas l’Ouest, et ne se soucie pas vraiment de l’Ouest.
Il y a une limite à ce qu’on peut demander à une province d’endurer. Une limite à la patience, à la compréhension, à la bonne volonté. Et je crains que l’Alberta n’ait atteint cette limite. Quand une province se sent constamment attaquée, constamment ignorée, constamment trahie, elle finit par se replier sur elle-même. Elle finit par regarder ailleurs, par chercher d’autres alliances, d’autres solutions. Et c’est exactement ce qui est en train de se passer. L’Alberta regarde de plus en plus vers le sud, vers les États-Unis, plutôt que vers l’est, vers Ottawa. Et qui peut l’en blâmer ?
La Saskatchewan dans l’ombre de l’Alberta
Si l’Alberta attire toute l’attention médiatique, la Saskatchewan souffre en silence. Cette province des Prairies, souvent oubliée dans les débats nationaux, est pourtant tout aussi affectée par les quotas sur l’acier. Comme l’Alberta, la Saskatchewan est une grande consommatrice d’acier pour son industrie pétrolière et gazière, son agriculture, et ses projets d’infrastructure. Et comme l’Alberta, elle se retrouve maintenant coincée entre des prix plus élevés et une disponibilité réduite. Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a exprimé son soutien au projet d’oléoduc de l’Alberta et a même proposé que le pipeline traverse sa province pour atteindre la Colombie-Britannique. Mais lui aussi est frustré par les politiques fédérales qui semblent ignorer les besoins de l’Ouest. La Saskatchewan a ses propres griefs contre Ottawa — la taxe carbone, les réglementations sur les émissions de méthane, les restrictions sur l’utilisation des terres agricoles. Et maintenant, les quotas sur l’acier viennent s’ajouter à cette longue liste de doléances. Pour une province qui se sent déjà marginalisée dans la fédération canadienne, c’est une insulte de plus.
La Saskatchewan a une économie diversifiée, mais elle reste fortement dépendante de ses ressources naturelles — le pétrole, le gaz naturel, la potasse, l’uranium, les céréales. Toutes ces industries nécessitent de l’acier en quantités importantes. Les quotas fédéraux sur l’acier augmentent les coûts de production pour toutes ces industries, réduisant leur compétitivité sur les marchés internationaux. Et contrairement à l’Ontario ou au Québec, la Saskatchewan ne peut pas compter sur une industrie sidérurgique locale pour compenser ces augmentations de coûts. Elle est entièrement dépendante de l’acier importé ou de l’acier produit dans d’autres provinces canadiennes. C’est une situation de vulnérabilité extrême, et Ottawa ne semble pas s’en préoccuper. Le gouvernement fédéral parle de solidarité nationale, de protection de nos industries, de renforcement de notre économie. Mais pour la Saskatchewan, ces mots sonnent creux. La solidarité nationale, c’est à sens unique — l’Ouest doit toujours faire des sacrifices pour le bien du pays, mais le pays ne fait jamais de sacrifices pour le bien de l’Ouest. C’est une dynamique insoutenable qui ne peut que mener à plus de ressentiment, plus de division, plus de fracture.
La Saskatchewan mérite mieux que d’être une note de bas de page dans l’histoire canadienne. Cette province a contribué énormément à la prospérité du Canada — ses céréales nourrissent le monde, sa potasse fertilise les champs de la planète, son uranium alimente les centrales nucléaires. Mais quand vient le temps de prendre des décisions qui affectent son avenir, elle est ignorée. C’est une injustice qui crie vengeance. Et un jour, cette injustice aura des conséquences que personne ne pourra ignorer.
Les travailleurs de l'acier : entre espoir et désillusion
La manifestation de juin 2025
En juin 2025, des centaines de travailleurs canadiens de l’acier ont envahi la Colline du Parlement, apportant directement leurs frustrations aux législateurs. Cette manifestation, organisée par le Syndicat des travailleurs de l’acier, marquait un moment crucial pour le secteur sidérurgique canadien. Les travailleurs venaient de Hamilton, de Sault Sainte-Marie, de Montréal, de partout au pays. Ils portaient des pancartes dénonçant les tarifs américains et exigeant qu’Ottawa prenne des mesures plus fermes. Michelle Turner, présidente du Syndicat des travailleurs de l’acier section locale 6213, a déclaré qu’il ne s’agissait plus seulement de profits et de marges, mais de la survie de communautés entières. Quand Washington fait de la politique avec les tarifs douaniers, ce sont les familles canadiennes qui en subissent les conséquences, a-t-elle affirmé. La manifestation a obtenu un soutien inhabituel de tous les partis, avec des députés conservateurs et néo-démocrates qui se sont adressés à la foule. Plusieurs députés libéraux d’arrière-ban des régions productrices d’acier ont également exprimé en privé leur frustration face à l’approche prudente de leur gouvernement.
Les travailleurs de l’acier avaient trois demandes spécifiques : la mise en œuvre immédiate des tarifs de représailles reportés contre les États-Unis, la création d’un fonds de soutien de cinq cents millions de dollars pour les travailleurs de l’acier, et l’initiation formelle d’un processus de règlement des différends dans le cadre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique. Ces demandes étaient raisonnables, mesurées, pragmatiques. Elles ne demandaient pas la lune — juste un peu de reconnaissance, un peu de soutien, un peu d’espoir. Mais la réponse d’Ottawa a été tiède au mieux, indifférente au pire. Le gouvernement Carney a bien annoncé quelques mesures en novembre 2025, mais elles sont arrivées trop tard et sont largement insuffisantes. Les quotas sur l’acier, présentés comme une solution, créent en réalité plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Ils protègent les producteurs d’acier de l’Ontario et du Québec, certes, mais au prix d’une augmentation des coûts pour tous les consommateurs d’acier au Canada. Et pour les travailleurs de l’acier de l’Ouest canadien — ceux qui travaillent dans les industries qui consomment de l’acier plutôt que dans celles qui le produisent — ces mesures sont une catastrophe.
Je pense à ces travailleurs qui ont pris le temps de se rendre à Ottawa, qui ont quitté leurs familles, qui ont dépensé leur argent durement gagné pour faire entendre leur voix. Et je me demande ce qu’ils ont ressenti quand ils ont réalisé que personne n’écoutait vraiment. Que leurs demandes seraient notées, archivées, oubliées. Que les décisions avaient déjà été prises, dans des bureaux fermés, par des gens qui ne connaîtront jamais l’angoisse de perdre son emploi, de ne pas pouvoir payer son hypothèque, de devoir expliquer à ses enfants pourquoi on ne peut plus leur offrir ce qu’on leur avait promis. Cette indifférence, cette distance, cette froideur bureaucratique — c’est ça qui tue l’espoir.
Les pertes d’emplois et leurs conséquences
Depuis janvier 2025, l’industrie de l’acier a perdu près de trois mille deux cents emplois, avec une production en baisse de dix-sept pour cent par rapport à l’année précédente. Ces chiffres, fournis par Statistique Canada, ne racontent qu’une partie de l’histoire. Derrière chaque emploi perdu se cache une famille en difficulté, une communauté fragilisée, un avenir incertain. Les pertes économiques sont estimées à près de un milliard deux cents millions de dollars dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de l’acier, avec des impacts particulièrement dévastateurs dans le cœur manufacturier de l’Ontario. Mais ces pertes ne se limitent pas à l’Ontario. L’Ouest canadien souffre également, même si ses souffrances sont moins visibles, moins médiatisées, moins reconnues. Les industries qui dépendent de l’acier — la construction, le pétrole et le gaz, l’agriculture, les transports — toutes sont affectées par les quotas et les augmentations de prix qui en découlent. Les projets sont retardés, les investissements sont annulés, les emplois disparaissent. Et personne ne semble s’en préoccuper.
Les communautés sidérurgiques de l’Ontario, comme Hamilton et Sault Sainte-Marie, ont une longue histoire de résilience face aux crises économiques. Elles ont survécu à la désindustrialisation des années quatre-vingt, à la récession de 2008, à la pandémie de COVID-19. Mais cette fois, c’est différent. Cette fois, la crise n’est pas causée par des forces du marché ou par des événements imprévisibles. Elle est causée par des décisions politiques délibérées — les tarifs de Trump d’un côté, les quotas de Carney de l’autre. Et quand la crise est causée par des décisions politiques, les gens ont le droit d’exiger que ces décisions soient changées. C’est exactement ce que font les travailleurs de l’acier. Ils manifestent, ils protestent, ils font pression sur leurs élus. Mais jusqu’à présent, leurs efforts n’ont produit que des résultats limités. Le gouvernement Carney a bien annoncé quelques mesures de soutien, mais elles sont largement insuffisantes pour compenser les pertes massives subies par l’industrie. Et pour l’Ouest canadien, ces mesures sont carrément contre-productives, puisqu’elles augmentent les coûts sans offrir aucun bénéfice en retour.
Trois mille deux cents emplois perdus. Trois mille deux cents familles en crise. Trois mille deux cents histoires de désespoir, de lutte, de survie. Mais pour Ottawa, ce ne sont que des statistiques. Des chiffres dans un rapport. Des données à analyser. Il n’y a pas de visages, pas de noms, pas d’histoires. Juste des nombres. Et c’est ça le problème — quand on réduit les gens à des statistiques, on perd toute empathie, toute compassion, toute humanité. On prend des décisions froides, calculées, rationnelles. Mais la vie n’est pas rationnelle. La vie est chaotique, émotionnelle, imprévisible. Et les décisions qui affectent la vie des gens devraient refléter cette réalité.
Mark Carney : entre pragmatisme et opportunisme
Un premier ministre sous pression
Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, est devenu premier ministre du Canada dans des circonstances extraordinaires. Élu à la tête du Parti libéral après la démission de son prédécesseur, il a promis d’apporter une approche pragmatique et économiquement rationnelle à la gouvernance du pays. Mais depuis son arrivée au pouvoir, il fait face à des défis immenses — une guerre commerciale avec les États-Unis, des tensions régionales croissantes, une économie en difficulté, et maintenant, la crise de l’acier. Sa réponse à ces défis a été mitigée au mieux. D’un côté, il a montré une volonté de négocier avec les provinces de l’Ouest, comme en témoigne le protocole d’entente signé avec Danielle Smith en novembre 2025. D’un autre côté, ses politiques sur l’acier semblent conçues principalement pour protéger les intérêts de l’Ontario et du Québec, au détriment de l’Ouest. Cette contradiction révèle soit une incohérence dans sa vision, soit une stratégie délibérée de jouer les régions les unes contre les autres. Dans les deux cas, c’est problématique.
Le protocole d’entente avec l’Alberta est particulièrement révélateur. Pour obtenir l’accord de Danielle Smith sur d’autres dossiers, Carney a accepté d’abandonner plusieurs politiques climatiques chères à son prédécesseur — le plafond sur les émissions du secteur pétrolier et gazier, certaines dispositions du Règlement sur l’électricité propre, et même l’ouverture de la porte à la levée du moratoire sur les pétroliers le long de la côte ouest de la Colombie-Britannique. Ces concessions ont provoqué la démission de Steven Guilbeault, l’ancien ministre de l’Environnement, qui a accusé Carney de trahir les engagements climatiques du Canada. Mais pour Carney, ces concessions étaient nécessaires pour maintenir l’unité nationale et pour faciliter la construction d’un oléoduc qui pourrait diversifier les exportations canadiennes de pétrole. C’est une approche pragmatique, certes, mais qui soulève des questions profondes sur les priorités du gouvernement. Si Carney est prêt à abandonner des politiques climatiques pour obtenir l’accord de l’Alberta, pourquoi n’est-il pas prêt à reconsidérer les quotas sur l’acier qui nuisent à l’Ouest ? La réponse, malheureusement, semble être que l’Ontario et le Québec ont plus de poids politique que l’Alberta et la Saskatchewan.
Mark Carney se présente comme un pragmatique, un homme rationnel qui prend des décisions basées sur les faits et les données. Mais le pragmatisme sans principes n’est que de l’opportunisme. Et l’opportunisme, c’est exactement ce que je vois dans ses actions. Il fait des concessions à l’Alberta quand c’est politiquement nécessaire, mais il refuse de toucher aux quotas sur l’acier parce que cela déplairait à l’Ontario et au Québec. C’est du calcul politique pur et simple. Et c’est exactement le genre de politique qui détruit la confiance et creuse les divisions.
Les contradictions d’une politique incohérente
La politique de Mark Carney sur l’acier est pleine de contradictions. D’un côté, il impose des quotas stricts sur les importations d’acier pour protéger les producteurs canadiens. D’un autre côté, il négocie avec l’Alberta pour faciliter la construction d’un oléoduc qui nécessitera d’énormes quantités d’acier. Comment ces deux objectifs peuvent-ils être compatibles ? Si l’acier devient plus cher et plus difficile à obtenir à cause des quotas, comment l’oléoduc pourra-t-il être construit dans des délais et des budgets raisonnables ? Carney n’a jamais vraiment répondu à cette question. Lors de la conférence de presse annonçant le protocole d’entente avec l’Alberta, il a simplement déclaré que s’il n’y a pas un acteur du secteur privé pour le pipeline, il n’y aura pas de pipeline. C’est évident, a-t-il ajouté. Mais cette réponse élude la question fondamentale — comment peut-on attirer des investisseurs privés pour un projet dont les coûts de construction vont exploser à cause des quotas sur l’acier ? C’est comme si Carney voulait avoir le beurre et l’argent du beurre — protéger les producteurs d’acier de l’Est tout en facilitant les projets d’infrastructure de l’Ouest. Mais dans le monde réel, on ne peut pas avoir les deux.
Une autre contradiction majeure concerne les politiques climatiques. Carney a abandonné le plafond sur les émissions du secteur pétrolier et gazier pour obtenir l’accord de l’Alberta sur l’oléoduc. Mais en même temps, il maintient des politiques qui rendent l’exploitation des sables bitumineux plus coûteuse et plus difficile. Les quotas sur l’acier, par exemple, augmentent les coûts de production pour l’industrie pétrolière, réduisant sa compétitivité. Les réglementations sur les émissions de méthane, même assouplies, imposent encore des contraintes importantes. Le Règlement sur l’électricité propre, même avec l’exemption accordée à l’Alberta, continue d’affecter les autres provinces. Tout cela crée un environnement d’incertitude et de confusion qui décourage les investissements. Les compagnies pétrolières ne savent plus à quoi s’attendre — un jour, Ottawa leur tend la main, le lendemain, il leur met des bâtons dans les roues. Cette incohérence est toxique pour l’économie et pour la confiance des investisseurs. Et elle révèle un gouvernement qui ne sait pas vraiment ce qu’il veut — protéger l’environnement ou soutenir l’industrie pétrolière, protéger les producteurs d’acier ou faciliter les projets d’infrastructure. On ne peut pas faire les deux en même temps, et Carney devra bientôt faire un choix.
Les contradictions de Carney ne sont pas simplement des erreurs de jugement ou des maladresses politiques. Elles révèlent quelque chose de plus profond — une absence de vision cohérente pour le pays. Un gouvernement qui ne sait pas où il va finit toujours par se perdre. Et un pays dirigé par un tel gouvernement finit par se fracturer. C’est exactement ce qui est en train de se passer. Le Canada se fracture, région par région, province par province, communauté par communauté. Et Mark Carney, avec ses politiques incohérentes et ses compromis opportunistes, accélère cette fracture au lieu de la guérir.
La Colombie-Britannique : le troisième acteur oublié
David Eby et le refus du pipeline
Pendant que l’Alberta et Ottawa négocient la construction d’un nouvel oléoduc vers l’ouest, la Colombie-Britannique observe avec inquiétude. Le premier ministre britanno-colombien, David Eby, s’oppose fermement à ce qu’un oléoduc traverse sa province et à la levée du moratoire sur les pétroliers le long de la côte ouest. Sa position est claire : le moratoire sur les pétroliers doit être maintenu parce que s’il y avait un déversement, les communautés autochtones perdraient leur mode de vie et la province perdrait un milliard sept cents millions de dollars d’activités économiques sur la côte. Cette position n’est pas nouvelle — la Colombie-Britannique s’oppose aux oléoducs depuis 1977, et cette opposition est profondément ancrée dans la culture politique de la province. Mais elle crée un problème majeur pour l’Alberta et pour Ottawa. Comment peut-on construire un oléoduc vers l’ouest si la Colombie-Britannique refuse de le laisser passer ? Danielle Smith a déclaré que le protocole d’entente n’accorde aucun droit de veto à la Colombie-Britannique et qu’elle est confiante de pouvoir convaincre la province voisine du bien-fondé du projet. Mais cette confiance semble mal placée.
La Colombie-Britannique a ses propres priorités et ses propres préoccupations. La province a une économie diversifiée qui dépend fortement du tourisme, de la pêche, et des industries forestières — toutes des industries qui seraient menacées par un déversement de pétrole. Les communautés autochtones de la côte, qui ont des droits constitutionnels sur leurs territoires traditionnels, s’opposent également au pipeline. Elles ont déjà bloqué plusieurs projets d’oléoducs dans le passé, et elles sont prêtes à le faire à nouveau. Pour David Eby, céder aux pressions de l’Alberta et d’Ottawa serait un suicide politique. Sa base électorale, concentrée dans les zones urbaines de Vancouver et de Victoria, est fortement opposée aux oléoducs et aux pétroliers. S’il acceptait le projet, il perdrait probablement les prochaines élections. Donc, malgré les promesses de partage des bénéfices économiques et de consultation des Premières Nations, il est peu probable que la Colombie-Britannique change de position. Et sans l’accord de la Colombie-Britannique, l’oléoduc ne se fera pas. C’est aussi simple que cela.
La Colombie-Britannique est prise entre deux feux — les pressions de l’Alberta et d’Ottawa d’un côté, les préoccupations environnementales et les droits autochtones de l’autre. C’est une position impossible, et David Eby le sait. Mais au lieu de reconnaître cette réalité, Ottawa et l’Alberta continuent de faire comme si la Colombie-Britannique allait finir par céder. C’est de l’aveuglement volontaire. Et cet aveuglement ne fait que retarder l’inévitable — l’échec du projet d’oléoduc et l’aggravation des tensions régionales.
Les communautés autochtones et leurs droits
Les communautés autochtones de la côte ouest de la Colombie-Britannique jouent un rôle crucial dans le débat sur l’oléoduc. Ces communautés ont des droits constitutionnels sur leurs territoires traditionnels, et tout projet qui traverse ces territoires nécessite leur consentement. Le protocole d’entente entre Ottawa et l’Alberta reconnaît cette réalité et stipule que les Premières Nations touchées doivent être consultées en amont et que celles qui le souhaitent peuvent devenir copropriétaires de l’oléoduc. C’est un pas dans la bonne direction, mais il est loin d’être suffisant. Les communautés autochtones ne veulent pas simplement être consultées — elles veulent avoir un véritable pouvoir de décision. Elles veulent pouvoir dire non si elles estiment que le projet menace leur mode de vie, leur environnement, ou leurs droits. Et jusqu’à présent, elles ont dit non à presque tous les projets d’oléoducs proposés. Il n’y a aucune raison de croire que cette fois sera différente, surtout si le projet implique la levée du moratoire sur les pétroliers, qui est considéré comme une protection essentielle par de nombreuses communautés autochtones.
Le gouvernement fédéral a une obligation constitutionnelle de consulter les peuples autochtones et de tenir compte de leurs préoccupations. Mais trop souvent, cette consultation est superficielle, une simple formalité pour cocher une case avant de procéder avec le projet de toute façon. Les communautés autochtones en ont assez de ce genre de consultation bidon. Elles veulent un véritable partenariat, une véritable reconnaissance de leurs droits, une véritable participation aux décisions qui affectent leurs territoires. Le protocole d’entente entre Ottawa et l’Alberta mentionne la possibilité pour les Premières Nations de devenir copropriétaires de l’oléoduc, mais les détails sont vagues. Combien de parts ? À quel prix ? Avec quel pouvoir de décision ? Sans réponses claires à ces questions, l’offre de copropriété ressemble davantage à un geste symbolique qu’à une véritable opportunité. Et les communautés autochtones ne se laisseront pas acheter avec des gestes symboliques. Elles veulent du concret, du tangible, du réel. Et si elles ne l’obtiennent pas, elles bloqueront le projet, comme elles l’ont fait dans le passé.
Les droits autochtones ne sont pas négociables. Ce ne sont pas des obstacles à contourner ou des problèmes à résoudre. Ce sont des droits fondamentaux, reconnus par la Constitution canadienne et par le droit international. Et pourtant, trop souvent, ils sont traités comme des inconvénients, des complications, des retards. Cette attitude est non seulement moralement répréhensible, elle est aussi juridiquement intenable. Les tribunaux ont clairement établi que les gouvernements doivent obtenir le consentement des peuples autochtones pour les projets qui affectent leurs territoires. Ignorer cette réalité, c’est se condamner à l’échec.
Les États-Unis : l'éléphant dans la pièce
Trump et sa guerre commerciale
Rien de tout cela ne serait arrivé sans Donald Trump. C’est lui qui a déclenché cette guerre commerciale en imposant des tarifs de vingt-cinq pour cent sur l’acier et l’aluminium canadiens en mars 2025. C’est lui qui a refusé de négocier de bonne foi, mettant fin brusquement aux pourparlers en octobre 2025 sous un prétexte futile. C’est lui qui continue de menacer le Canada avec de nouveaux tarifs, créant un climat d’incertitude permanent qui paralyse les investissements et les décisions économiques. Trump voit le commerce international comme un jeu à somme nulle — si le Canada gagne, les États-Unis perdent, et vice versa. Cette vision est profondément erronée. Le commerce entre le Canada et les États-Unis est mutuellement bénéfique. L’acier canadien rend l’industrie américaine plus compétitive. Le pétrole canadien assure la sécurité énergétique américaine. Les chaînes d’approvisionnement intégrées créent des emplois des deux côtés de la frontière. Mais Trump ne voit pas les choses ainsi. Pour lui, les tarifs sont un outil de pouvoir, un moyen de forcer les autres pays à se plier à sa volonté. Et jusqu’à présent, cette stratégie a fonctionné — le Canada a été forcé d’imposer ses propres tarifs de représailles, créant une spirale d’escalade qui ne profite à personne.
La réponse du Canada aux tarifs de Trump a été mesurée mais ferme. Ottawa a imposé des tarifs de vingt-cinq pour cent sur une liste de produits américains valant près de trente milliards de dollars, suivant une approche dollar pour dollar. Cette stratégie vise à infliger suffisamment de douleur économique aux États-Unis pour les forcer à revenir à la table des négociations. Mais jusqu’à présent, Trump n’a pas bougé. Il semble convaincu que les États-Unis peuvent gagner cette guerre commerciale, et il est prêt à accepter les coûts économiques à court terme pour obtenir ce qu’il considère comme une victoire à long terme. Cette intransigeance met le Canada dans une position impossible. D’un côté, Ottawa ne peut pas simplement accepter les tarifs américains sans réagir — cela enverrait un signal de faiblesse et encouragerait Trump à imposer encore plus de tarifs. D’un autre côté, les tarifs de représailles canadiens ont leurs propres coûts économiques, notamment pour les consommateurs canadiens qui doivent payer plus cher pour les produits américains. C’est une situation sans issue, et personne ne sait comment en sortir.
Trump est un destructeur. Il détruit les alliances, il détruit les institutions, il détruit la confiance. Et maintenant, il détruit le commerce international. Sa guerre commerciale avec le Canada n’a aucun sens économique — elle nuit aux deux pays, elle détruit des emplois des deux côtés de la frontière, elle crée de l’incertitude et de l’instabilité. Mais pour Trump, rien de tout cela n’a d’importance. Ce qui compte, c’est de gagner, de dominer, de montrer sa force. Et tant qu’il sera au pouvoir, cette guerre commerciale continuera, causant des dégâts irréparables à l’économie nord-américaine.
L’impasse des négociations
Les négociations entre le Canada et les États-Unis sur les tarifs sont au point mort depuis octobre 2025. Trump a mis fin aux pourparlers après avoir été prétendument offusqué par une campagne publicitaire anti-tarifs du gouvernement de l’Ontario. Cette excuse est ridicule — les campagnes publicitaires font partie du débat démocratique, et il est absurde de mettre fin à des négociations commerciales importantes à cause d’une publicité. Mais Trump n’a jamais eu besoin de bonnes raisons pour faire ce qu’il fait. Il agit sur l’impulsion, sur l’émotion, sur l’instinct. Et son instinct lui dit que le Canada finira par céder si on maintient suffisamment de pression. Mark Carney a essayé de relancer les négociations. Il a eu plusieurs conversations téléphoniques avec Trump, dont une en novembre 2025. Il a également prévu une rencontre en personne à Washington dans le cadre d’un événement lié à la Coupe du monde de soccer. Mais jusqu’à présent, ces efforts n’ont produit aucun résultat concret. Trump refuse de lever les tarifs, et Carney refuse de retirer les tarifs de représailles canadiens. C’est une impasse classique, et personne ne sait comment en sortir.
L’impasse des négociations a des conséquences dévastatrices pour l’économie canadienne. L’incertitude créée par les tarifs décourage les investissements, retarde les projets, et pousse les entreprises à chercher des alternatives en dehors de l’Amérique du Nord. Les travailleurs de l’acier perdent leurs emplois, les communautés sidérurgiques se vident, et l’industrie manufacturière canadienne perd sa compétitivité. Tout cela pourrait être évité si Trump acceptait simplement de négocier de bonne foi. Mais il ne le fera pas, parce que pour lui, négocier c’est montrer de la faiblesse. Il préfère maintenir les tarifs et laisser l’économie souffrir plutôt que d’admettre qu’il a eu tort. Cette attitude est non seulement irresponsable, elle est aussi profondément destructrice. Elle détruit des emplois, elle détruit des communautés, elle détruit des vies. Et pour quoi ? Pour satisfaire l’ego d’un homme qui ne se soucie pas des conséquences de ses actions. C’est tragique, et c’est inacceptable. Mais c’est la réalité dans laquelle nous vivons, et nous devons trouver un moyen de nous en sortir.
L’impasse avec Trump révèle les limites du pouvoir canadien. Nous sommes un pays de trente-huit millions d’habitants face à un géant de trois cent trente millions. Nous dépendons des États-Unis pour soixante-quinze pour cent de nos exportations. Nous n’avons pas le luxe de jouer les durs indéfiniment. Tôt ou tard, nous devrons trouver un compromis, même si ce compromis est douloureux, même s’il est injuste, même s’il est humiliant. Parce que l’alternative — une guerre commerciale prolongée qui détruit notre économie — est encore pire. C’est une pilule amère à avaler, mais c’est la réalité.
L'avenir incertain de l'industrie sidérurgique canadienne
Les défis structurels
Au-delà de la guerre commerciale avec les États-Unis et des tensions régionales au Canada, l’industrie sidérurgique canadienne fait face à des défis structurels profonds. La surcapacité mondiale de production d’acier, alimentée principalement par la Chine, exerce une pression constante sur les prix et rend difficile la rentabilité des producteurs canadiens. Les coûts de production au Canada sont plus élevés qu’ailleurs en raison des salaires plus élevés, des réglementations environnementales plus strictes, et des coûts énergétiques importants. La transition vers une économie à faibles émissions de carbone pose également des défis majeurs pour une industrie qui est intrinsèquement énergivore et émettrice de gaz à effet de serre. Les aciéries canadiennes doivent investir massivement dans de nouvelles technologies pour réduire leurs émissions, mais ces investissements sont coûteux et ne garantissent pas nécessairement un retour sur investissement. Tout cela crée un environnement extrêmement difficile pour l’industrie sidérurgique canadienne, même sans les complications supplémentaires des tarifs et des quotas.
Les quotas imposés par Ottawa sur les importations d’acier sont censés aider l’industrie sidérurgique canadienne en lui garantissant une part plus importante du marché intérieur. Mais cette protection artificielle a un coût. Elle réduit la pression concurrentielle sur les producteurs canadiens, ce qui peut les rendre moins efficaces et moins innovants à long terme. Elle augmente les coûts pour tous les consommateurs d’acier au Canada, réduisant la compétitivité des industries qui dépendent de l’acier. Et elle crée des distorsions dans l’économie qui peuvent avoir des conséquences imprévues. Par exemple, si les prix de l’acier au Canada deviennent trop élevés par rapport aux prix internationaux, les entreprises canadiennes pourraient être tentées de délocaliser leur production dans d’autres pays où l’acier est moins cher. Cela créerait une perte nette d’emplois au Canada, exactement le contraire de ce que les quotas sont censés accomplir. C’est le paradoxe du protectionnisme — en essayant de protéger une industrie, on peut finir par lui nuire à long terme.
Le protectionnisme est une drogue. Il procure un soulagement immédiat, mais il crée une dépendance qui est difficile à briser. Une fois qu’on commence à protéger une industrie avec des quotas et des tarifs, il devient politiquement impossible de les retirer, même quand ils ne fonctionnent plus. Les producteurs s’habituent à la protection, les travailleurs comptent sur elle, les politiciens en font une question de fierté nationale. Et pendant ce temps, l’industrie devient de moins en moins compétitive, de plus en plus dépendante de la protection gouvernementale. C’est un cercle vicieux qui ne mène nulle part.
Les opportunités manquées
Au lieu de se concentrer sur des quotas et des tarifs, le gouvernement canadien devrait investir dans l’innovation et la modernisation de l’industrie sidérurgique. Le Canada a une opportunité unique de devenir un leader mondial dans la production d’acier vert — de l’acier produit avec des émissions de carbone minimales ou nulles. Plusieurs technologies prometteuses sont en développement, notamment l’utilisation de l’hydrogène comme agent réducteur au lieu du coke, et l’électrification des processus de production. Ces technologies nécessitent des investissements massifs, mais elles pourraient transformer l’industrie sidérurgique canadienne et lui donner un avantage concurrentiel sur les marchés internationaux. Les consommateurs du monde entier sont de plus en plus préoccupés par l’empreinte carbone des produits qu’ils achètent, et ils sont prêts à payer une prime pour de l’acier vert. Le Canada, avec son électricité propre et ses ressources naturelles abondantes, est idéalement positionné pour saisir cette opportunité. Mais au lieu d’investir dans l’innovation, Ottawa gaspille son énergie et ses ressources sur des quotas et des tarifs qui ne résolvent rien.
Une autre opportunité manquée concerne la diversification des marchés d’exportation. Le Canada dépend trop des États-Unis pour ses exportations d’acier — environ soixante-quinze pour cent de l’acier canadien est exporté vers les États-Unis. Cette dépendance excessive rend le Canada vulnérable aux caprices de la politique commerciale américaine, comme nous le voyons actuellement avec les tarifs de Trump. Le Canada devrait activement chercher à diversifier ses marchés d’exportation, en ciblant l’Europe, l’Asie, et l’Amérique latine. Cela nécessiterait des investissements dans la logistique, le marketing, et les relations commerciales, mais cela réduirait la vulnérabilité du Canada face aux États-Unis. Le gouvernement Carney parle beaucoup de faire du Canada une superpuissance énergétique mondiale, mais il ne fait pas grand-chose pour diversifier réellement les marchés d’exportation. C’est une occasion manquée qui pourrait coûter cher au Canada à long terme. Si nous continuons à dépendre autant des États-Unis, nous continuerons à être à la merci de leurs décisions politiques, et nous continuerons à souffrir à chaque fois qu’ils décident d’imposer de nouveaux tarifs.
Les opportunités manquées sont les plus douloureuses. Parce qu’on sait qu’on aurait pu faire mieux, qu’on aurait dû faire mieux. Le Canada a tous les atouts pour réussir — des ressources naturelles abondantes, une main-d’œuvre qualifiée, une électricité propre, une stabilité politique. Mais nous gaspillons ces atouts avec des politiques à courte vue, des querelles régionales, et un manque de vision stratégique. Et pendant ce temps, d’autres pays nous dépassent, saisissent les opportunités que nous laissons passer, construisent l’avenir que nous aurions pu construire. C’est frustrant, c’est décourageant, c’est tragique.
Conclusion : vers une fracture irréversible ?
Le Canada à un tournant
Le durcissement des tarifs douaniers sur l’acier imposé par Ottawa n’est pas simplement une question de politique commerciale. C’est un symptôme d’un malaise beaucoup plus profond qui ronge le Canada — un malaise fait de tensions régionales, de ressentiments accumulés, de promesses non tenues, et de visions incompatibles de ce que devrait être le pays. L’Ouest canadien se sent abandonné, ignoré, trahi par un gouvernement fédéral qui semble ne se soucier que des intérêts de l’Ontario et du Québec. L’Alberta et la Saskatchewan regardent vers le sud, vers les États-Unis, plutôt que vers l’est, vers Ottawa. La Colombie-Britannique refuse de coopérer avec les projets de l’Alberta, créant une impasse qui semble impossible à résoudre. Les communautés autochtones exigent le respect de leurs droits, mais sont trop souvent ignorées ou marginalisées. Et pendant ce temps, l’industrie sidérurgique canadienne souffre, les travailleurs perdent leurs emplois, et l’économie stagne. Tout cela crée un sentiment de crise, une impression que le Canada est à un tournant et que les décisions prises maintenant détermineront l’avenir du pays pour les décennies à venir.
Mark Carney a une opportunité historique de changer de cap, de reconnaître les erreurs du passé, et de construire un nouveau consensus national basé sur le respect mutuel, la reconnaissance des différences régionales, et une vision partagée de l’avenir. Mais pour cela, il devra faire preuve de courage politique, de vision stratégique, et d’empathie humaine. Il devra écouter les préoccupations de l’Ouest sans pour autant ignorer celles de l’Est. Il devra trouver un équilibre entre la protection de l’environnement et le soutien à l’économie. Il devra respecter les droits autochtones tout en facilitant le développement économique. C’est un défi immense, peut-être même impossible. Mais c’est le défi auquel Carney fait face, et l’histoire jugera sa performance en fonction de sa capacité à le relever. Pour l’instant, les signes ne sont pas encourageants. Les quotas sur l’acier, le protocole d’entente avec l’Alberta, les concessions sur les politiques climatiques — tout cela suggère un gouvernement qui réagit aux crises au lieu de les anticiper, qui fait des compromis opportunistes au lieu de suivre une vision cohérente, qui divise au lieu d’unir.
Je veux croire que le Canada peut surmonter cette crise. Je veux croire que nous pouvons trouver un moyen de vivre ensemble, de respecter nos différences, de construire un avenir commun. Mais chaque jour qui passe, cette croyance s’affaiblit un peu plus. Chaque nouvelle décision d’Ottawa qui ignore l’Ouest, chaque nouveau conflit entre les provinces, chaque nouvelle impasse dans les négociations — tout cela érode la confiance, détruit l’espoir, creuse le fossé. Et je me demande combien de temps encore nous pourrons tenir avant que la fracture ne devienne irréversible.
Un appel à l’action
Il est encore temps d’agir. Il est encore temps de changer de cap, de reconnaître les erreurs, de construire des ponts au lieu de creuser des fossés. Mais le temps presse. Chaque jour qui passe sans action concrète est un jour de perdu, un jour où la fracture s’élargit, où le ressentiment s’approfondit, où l’espoir s’étiole. Ottawa doit reconsidérer ses quotas sur l’acier et reconnaître qu’ils nuisent à l’Ouest canadien. Le gouvernement Carney doit développer une vision cohérente qui équilibre les besoins de toutes les régions du pays, pas seulement celles qui ont le plus de poids politique. L’Alberta et la Saskatchewan doivent être entendues, leurs préoccupations doivent être prises au sérieux, leurs contributions à l’économie canadienne doivent être reconnues. La Colombie-Britannique doit être respectée dans ses choix, et les communautés autochtones doivent avoir un véritable pouvoir de décision sur les projets qui affectent leurs territoires. Tout cela nécessite du courage, de la vision, et de l’empathie — des qualités qui semblent cruellement absentes de la politique canadienne actuelle.
Les travailleurs de l’acier qui ont manifesté sur la Colline du Parlement en juin 2025 avaient raison de demander des actions concrètes. Ils avaient raison d’exiger qu’Ottawa prenne des mesures plus fermes contre les tarifs américains. Ils avaient raison de réclamer un fonds de soutien pour les travailleurs touchés par la crise. Mais leurs demandes sont restées largement sans réponse. Les mesures annoncées par Mark Carney en novembre 2025 sont insuffisantes, mal conçues, et créent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Il est temps d’écouter vraiment les travailleurs, de comprendre leurs préoccupations, de répondre à leurs besoins. Il est temps d’arrêter de traiter les gens comme des statistiques et de commencer à les traiter comme des êtres humains avec des vies, des familles, des espoirs, des rêves. Il est temps de construire une économie qui fonctionne pour tout le monde, pas seulement pour quelques régions privilégiées. Il est temps de construire un pays qui respecte toutes ses parties, qui valorise toutes ses contributions, qui reconnaît toutes ses différences. Il est temps d’agir. Avant qu’il ne soit trop tard.
Je termine cette chronique avec un mélange d’espoir et de désespoir. L’espoir que nous puissions encore changer les choses, que nous puissions encore construire un Canada meilleur, plus juste, plus uni. Le désespoir face à l’inaction, face à l’indifférence, face à l’aveuglement de ceux qui nous gouvernent. Mais je refuse d’abandonner. Je refuse de baisser les bras. Je refuse d’accepter que la fracture soit inévitable. Parce que le Canada vaut mieux que ça. Nous valons mieux que ça. Et nous devons nous battre pour le prouver.
Sources
Sources primaires
Gouvernement du Canada, Ministère des Finances. Canada responds to unjustified U.S. tariffs on Canadian steel and aluminum products. 12 mars 2025. https://www.canada.ca/en/department-finance/news/2025/03/canada-responds-to-unjustified-us-tariffs-on-canadian-steel-and-aluminum-products.html
Gouvernement du Canada, Ministère des Finances. Le ministre Ali annonce de nouvelles mesures pour protéger et transformer les industries canadiennes de l’acier et du bois d’œuvre. 26 novembre 2025. https://www.canada.ca/fr/secretariat-conseil-tresor/nouvelles/2025/12/le-ministre-ali-annonce-de-nouvelles-mesures-pour-proteger-et-transformer-les-industries-canadiennes-de-lacier-et-du-bois-duvre.html
Gazette du Canada. Décret imposant une surtaxe aux États-Unis (acier et aluminium, 2025). 26 mars 2025. https://gazette.gc.ca/rp-pr/p2/2025/2025-03-26/html/sor-dors95-fra.html
Bureau du Premier ministre du Canada. Le premier ministre Carney annonce de nouvelles mesures pour protéger et transformer les industries canadiennes de l’acier et du bois d’œuvre. 26 novembre 2025. https://www.pm.gc.ca/fr/nouvelles/discours/2025/11/26/premier-ministre-carney-annonce-de-nouvelles-mesures-proteger-et
Sources secondaires
CO24. Protestation contre les tarifs sur l’acier canadien en 2025 : Pression sur les députés pour une action sur les tarifs américains. 5 juin 2025. https://co24.ca/fr/protestation-tarifs-acier-canadien-pression-deputes/
Le Devoir. Mark Carney annonce de l’aide pour l’acier et le bois, faute d’entente. 26 novembre 2025. https://www.ledevoir.com/economie/936771/mark-carney-annonce-aide-secteur-acier-canada-guerre-commerciale
La Presse. Entente entre Ottawa et l’Alberta : Ottawa abandonne des politiques climatiques pour favoriser un projet d’oléoduc. 27 novembre 2025. https://www.lapresse.ca/affaires/2025-11-27/entente-entre-ottawa-et-l-alberta/ottawa-abandonne-des-politiques-climatiques-pour-favoriser-un-projet-d-oleoduc.php
Radio-Canada. Tarifs : les mesures pour l’acier et le bois d’œuvre coûteront plus de 500 millions. 26 novembre 2025. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2209964/tarifs-mesures-acier-bois-oeuvre-millions
PwC Canada. Point de vue fiscal : Tarifs douaniers des États-Unis sur l’acier et l’aluminium. Mars 2025. https://www.pwc.com/ca/fr/services/tax/publications/tax-insights/us-impose-tariffs-steel-aluminum-imports-2025.html
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