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Portrait d’un pétrolier hors-la-loi

L’Hyperion n’est pas n’importe quel navire. C’est un pétrolier chimique de 183 mètres de long, construit en 2006, battant pavillon gambien et immatriculé sous le numéro IMO 9322968. Sur le papier, il appartient à une société de gestion maritime basée aux Émirats arabes unis, Fornax Ship Management FZCO, elle-même sanctionnée par le Trésor américain pour avoir aidé la compagnie russe Sovcomflot à contourner les sanctions. C’est un écheveau complexe de propriétaires écrans, de sociétés offshore et de montages juridiques opaques qui rendent presque impossible de déterminer qui contrôle réellement ce navire. Ce qui est certain, c’est que l’Hyperion a été sanctionné le 10 janvier 2025 dans le cadre d’une vaste opération du département du Trésor américain visant à réduire les revenus russes provenant de l’énergie. Le navire avait transporté du pétrole russe, violant ainsi les sanctions imposées à Moscou après l’invasion de l’Ukraine. En le sanctionnant, Washington espérait le mettre hors d’état de nuire, le couper des circuits financiers internationaux et l’empêcher de continuer ses activités. Mais l’Hyperion a continué à naviguer. Il a continué à transporter du pétrole. Et maintenant, il se trouve dans les eaux vénézuéliennes, défiant ouvertement le blocus américain.

Les données de suivi maritime montrent que l’Hyperion a été repéré le 19 décembre 2025 près de la raffinerie de la baie d’Amuay, sur la côte nord-ouest du Venezuela. Cette raffinerie fait partie du complexe pétrolier de Paraguaná, l’un des plus grands centres de raffinage d’Amérique latine avec une capacité de traitement de près de 950 000 barils par jour. Le navire avait traversé la mer des Caraïbes sans être intercepté par les forces américaines, malgré la présence massive de navires de guerre dans la région. Comment a-t-il réussi cet exploit ? Plusieurs hypothèses circulent parmi les experts maritimes. Certains suggèrent que l’Hyperion a pu éteindre son système d’identification automatique, rendant sa localisation difficile à suivre. D’autres pensent qu’il a bénéficié d’une escorte de la marine vénézuélienne, comme le rapportait le New York Times quelques jours plus tôt concernant d’autres navires. Une troisième possibilité est que les États-Unis ont simplement choisi de ne pas l’intercepter, préférant éviter une confrontation directe qui pourrait dégénérer en incident militaire. Quelle que soit la vérité, le résultat est le même : l’Hyperion a réussi à passer, et le blocus de Trump ressemble de plus en plus à un tigre de papier.

La flotte fantôme qui défie les sanctions

L’Hyperion n’est pas seul. Il fait partie d’un réseau beaucoup plus vaste de navires qui opèrent dans l’ombre du commerce international, transportant du pétrole russe, iranien et vénézuélien malgré les sanctions occidentales. Cette flotte fantôme, comme l’appellent les analystes, compte des centaines de pétroliers qui ont adopté des pratiques opaques pour échapper à la surveillance. Ils changent fréquemment de nom, de pavillon et de propriétaire apparent. Ils éteignent leurs transpondeurs pendant des jours ou des semaines. Ils effectuent des transferts de cargaison en pleine mer, loin des regards indiscrets. Et ils s’appuient sur des réseaux financiers complexes basés dans des paradis fiscaux pour blanchir l’argent du pétrole. Le 10 janvier 2025, le département du Trésor américain a sanctionné 183 navires dans le cadre de sa campagne contre le pétrole russe, dont beaucoup faisaient partie de cette flotte fantôme. Parmi eux, quatre navires gérés par Fornax Ship Management, dont l’Hyperion. Mais ces sanctions n’ont pas eu l’effet escompté. Les navires continuent de naviguer, simplement en changeant de gestionnaire ou en trouvant de nouveaux acheteurs prêts à prendre le risque.

Le Venezuela est devenu un acteur majeur de ce commerce parallèle depuis que les États-Unis ont imposé des sanctions énergétiques en 2019. Depuis lors, les traders et les raffineurs qui achètent du pétrole vénézuélien ont recours à cette flotte fantôme pour contourner les interdictions. Selon les données de TankerTrackers.com, plus de 30 des 80 navires présents dans les eaux vénézuéliennes ou en approche du pays étaient sous sanctions américaines la semaine dernière. C’est un système qui fonctionne parce qu’il exploite les failles du droit maritime international et les limites de la capacité de surveillance américaine. Les États-Unis ne peuvent pas être partout à la fois. Ils ne peuvent pas contrôler tous les océans. Et surtout, ils ne peuvent pas empêcher des pays comme la Chine, l’Inde ou la Turquie d’acheter du pétrole vénézuélien s’ils le souhaitent. La Chine, en particulier, est devenue le plus grand acheteur de brut vénézuélien, avec des expéditions qui atteignaient en décembre 2025 plus de 600 000 barils par jour. Pour Pékin, c’est une opportunité d’acheter du pétrole à prix réduit tout en affaiblissant l’influence américaine en Amérique latine. Pour Caracas, c’est une bouée de sauvetage qui permet au régime de Maduro de survivre malgré les sanctions.

Cette flotte fantôme me fascine autant qu’elle m’inquiète. C’est un monde parallèle, une économie souterraine qui échappe à toute régulation. Des navires qui naviguent dans l’ombre, des transactions qui se font en liquide ou en cryptomonnaie, des propriétaires invisibles qui tirent les ficelles depuis des bureaux anonymes. C’est le Far West des mers, où les règles n’existent plus et où seul compte le profit. Mais derrière cette réalité sordide, il y a aussi une vérité dérangeante : ces navires existent parce que les sanctions américaines ont créé un vide que d’autres se sont empressés de combler. En voulant isoler le Venezuela, les États-Unis ont simplement poussé Caracas dans les bras de la Chine et de la Russie. En sanctionnant des centaines de navires, ils ont créé une industrie parallèle qui prospère dans l’illégalité. C’est l’effet boomerang des sanctions, et personne ne semble avoir de solution.

Sources

Sources primaires

CNN – Sanctioned tanker enters Venezuelan waters, tracking data shows, testing Trump’s blockade – 19 décembre 2025 – https://www.cnn.com/2025/12/19/americas/sanctioned-tanker-venezuela-intl-latam

Reuters – Trump orders blockade of sanctioned oil tankers leaving, entering Venezuela – 16 décembre 2025 – https://www.reuters.com/world/americas/trump-orders-blockade-sanctioned-oil-tankers-leaving-entering-venezuela-2025-12-16/

U.S. Department of the Treasury – Treasury Intensifies Sanctions Against Russia by Targeting Russia’s Oil Production and Exports – 10 janvier 2025 – https://home.treasury.gov/news/press-releases/jy2777

Bloomberg – Sanctioned Ship Hyperion May Test Trump’s Venezuela Blockade – 19 décembre 2025 – https://www.bloomberg.com/news/articles/2025-12-19/sanctioned-tanker-hyperion-to-test-trump-s-blockade-of-venezuela

Sources secondaires

ABC News – Venezuela to continue oil trade, Maduro says, after Trump’s blockade announcement – 17 décembre 2025 – https://abcnews.go.com/International/trump-announces-total-complete-blockade-sanctioned-venezuelan-oil/story?id=128470561

NPR – Trump orders ban on sanctioned oil tankers traveling to and from Venezuela – 18 décembre 2025 – https://www.npr.org/2025/12/18/nx-s1-5647804/trump-orders-ban-on-sanctioned-oil-tankers-traveling-to-and-from-venezuela

The New York Times – Venezuelan Navy Escorts Vessels in Defiance of Trump’s Blockade – 17 décembre 2025 – https://www.nytimes.com/2025/12/17/us/politics/venezuela-blockade-military-escort-trump.html

Al Jazeera – Five killed as US military destroys two more vessels in Pacific Ocean – 19 décembre 2025 – https://www.aljazeera.com/news/2025/12/19/five-killed-as-us-military-destroys-two-more-vessels-in-pacific-ocean

PBS NewsHour – Trump’s blockade of sanctioned Venezuelan oil raises new questions about legality – 18 décembre 2025 – https://www.pbs.org/newshour/world/trumps-blockade-of-sanctioned-venezuelan-oil-raises-new-questions-about-legality

The Atlantic Council – What Trump’s Venezuela oil blockade means for Maduro and the world – 18 décembre 2025 – https://www.atlanticcouncil.org/dispatches/what-trumps-venezuela-oil-blockade-means-for-maduro-and-the-world/

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