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Le démantèlement méthodique des garde-fous

Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut remonter aux premiers jours du second mandat de Trump. Dès son retour au pouvoir, l’administration a lancé une offensive méthodique contre tous les mécanismes de contrôle et de surveillance des agences fédérales. Le Bureau des droits civils et des libertés civiles (CRCL), créé par le Congrès après le 11 septembre 2001, était l’un des rares organes capables d’enquêter sur les abus commis par les agents du DHS. Composé principalement de juristes, ce bureau traitait des milliers de plaintes chaque année — 3000 rien qu’en 2023. Allégations de viol, fouilles illégales, manque d’accès aux soins médicaux, agressions sexuelles dans les centres de détention. Le CRCL enquêtait, documentait, transmettait les cas les plus graves au Département de la Justice. Il retardait des expulsions précipitées, garantissait l’accès des détenus aux téléphones et aux avocats. Certes, ses pouvoirs étaient limités. Mais il existait. Il fonctionnait. Il protégeait, tant bien que mal, les droits fondamentaux. Environ 600 plaintes étaient en cours d’examen quand le travail a été brutalement suspendu.

L’administration Trump a vidé le bureau de sa substance. Licenciements massifs. Réorganisation. Mise au placard. Ce qu’il en reste a été confié, pendant un temps, à un jeune homme de 29 ans nommé par la Maison Blanche, un contributeur du Projet 2025, ce plan directeur de l’extrême droite qui appelle ouvertement à la restriction de l’application des droits civils. Le message est clair : la surveillance, c’est fini. Les garde-fous, terminés. Les enquêtes sur les abus, oubliées. Kristi Noem, la secrétaire à la Sécurité intérieure choisie par Trump, a justifié cette purge en affirmant que le CRCL fonctionnait « comme des adversaires internes qui ralentissaient les opérations ». Ralentir les opérations. Autrement dit, empêcher les abus. Garantir le respect de la loi. Protéger les droits humains. Voilà ce qui est désormais considéré comme un obstacle à éliminer. Trump a également supprimé le Bureau du médiateur du département des services de citoyenneté et d’immigration, chargé de signaler les conditions inhumaines dans les centres de détention de l’ICE. Ce bureau a été rétabli suite à une action en justice, mais il ne dispose que de très peu de personnel. Symbolique, mais impuissant.

L’explosion des moyens sans contrôle

Pendant que les mécanismes de surveillance sont démantelés, l’ICE bénéficie d’une manne financière sans précédent. Le budget annuel de fonctionnement de l’agence s’élève déjà à 10 milliards de dollars. Mais ce n’est pas suffisant pour Trump. La loi dite « One Big Beautiful Bill » a ajouté 7,5 milliards de dollars supplémentaires par an pour les quatre prochaines années, uniquement pour le recrutement et la fidélisation du personnel. Dans le cadre de cette campagne de recrutement éclair, l’ICE a abandonné les critères d’âge, de formation et d’éducation. Les primes à la signature peuvent atteindre 50 000 dollars. Le Centre fédéral de formation des forces de l’ordre se prépare à accueillir 11 000 nouvelles recrues d’ici le début de l’année prochaine. La formation a été « rationalisée et améliorée grâce à la technologie », selon la porte-parole du DHS, Tricia McLaughlin. Rationalisée. Autrement dit, raccourcie. Simplifiée. Allégée. On recrute en masse, on forme vite, on déploie immédiatement. Peu importe la qualité. Peu importe l’expérience. Peu importe la formation aux droits civils. L’objectif, c’est le nombre. La quantité. La force de frappe.

Un ancien haut fonctionnaire du DHS, s’exprimant sous couvert d’anonymat par crainte de représailles, résume la situation avec une clarté glaçante : « On booste cette agence chargée de l’application de la loi et en même temps, on en supprime le contrôle. C’est terriblement effrayant. » Michelle Brané, avocate spécialisée dans les droits humains qui a dirigé le bureau du médiateur du DHS sous l’administration Biden, va plus loin : « L’adhésion de Trump à un modèle autoritaire n’est même pas subtile. L’ICE, qui est leur police secrète, est leur outil. Une fois qu’ils ont ce pouvoir, ce qui est le cas aujourd’hui, il n’y a plus rien qui puisse les empêcher de s’en servir à l’encontre des citoyens. » Des citoyens. Pas seulement des immigrés sans papiers. Des citoyens américains. Parce que oui, l’ICE a déjà arrêté des citoyens américains par erreur. Parce que oui, des élus ont été menottés. Parce que oui, la ligne entre application de la loi sur l’immigration et répression politique devient de plus en plus floue. Et c’est précisément ce qui terrifie les experts de l’autoritarisme.

Vous voulez savoir ce qui me fait vraiment peur ? Ce n’est pas tant ce qui se passe aujourd’hui. C’est ce qui pourrait se passer demain. Parce qu’une fois qu’on a créé une force de police fédérale sans contrôle, sans surveillance, sans comptes à rendre, on peut l’utiliser contre n’importe qui. Aujourd’hui, ce sont les immigrés. Demain ? Les manifestants ? Les journalistes ? Les opposants politiques ? L’histoire nous a appris, encore et encore, que les régimes autoritaires commencent toujours par cibler un groupe marginalisé. Et puis, progressivement, inexorablement, le cercle s’élargit. Jusqu’à ce que personne ne soit plus en sécurité. Jusqu’à ce que la peur devienne la norme. Jusqu’à ce que l’arbitraire remplace l’État de droit. C’est ça, le vrai danger. Pas juste les raids d’aujourd’hui. Mais la machine qui est en train de se mettre en place. Une machine qui pourra être utilisée contre n’importe qui, n’importe quand, pour n’importe quelle raison.

Sources

Sources primaires

ProPublica – « How Trump is Building a Violent, Shadowy Federal Police Force » par J. David McSwane et Hannah Allam, publié le 18 octobre 2025. Article d’investigation détaillé basé sur des enregistrements d’appels d’urgence, des interviews de responsables actuels et anciens du DHS, et des témoignages de victimes et de témoins des raids de l’ICE.

Les Crises – « Trump met en place une police fédérale violente, opaque et intouchable », traduction de l’article de ProPublica publiée le 22 novembre 2025. Source de référence pour la version française de l’enquête.

Sources secondaires

Human Rights Watch – « US: ICE Abuses in Los Angeles Set Stage for Other Cities », rapport publié le 4 novembre 2025 documentant les abus de l’ICE à Los Angeles et leur expansion vers d’autres villes américaines.

NPR – « Masked and unmarked: The quiet rise of concealed immigration raids », article du 9 juillet 2025 analysant l’utilisation croissante d’agents masqués et de véhicules non identifiés lors des opérations de l’ICE.

The Guardian – « Gutting of key US watchdog could pave way for grave immigration abuses », article du 30 novembre 2025 sur le démantèlement du Bureau des droits civils et des libertés civiles du DHS.

Courthouse News Service – Décision du juge William G. Young concernant l’utilisation d’agents masqués, rendue en 2025, critiquant fermement cette pratique comme contraire aux idéaux américains.

Reuters – « Trump set to expand immigration crackdown in 2026 despite brewing backlash », article du 21 décembre 2025 sur les plans d’expansion des opérations de l’ICE pour l’année à venir.

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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