Un pays déchiré par des violences multiformes
Le Nigeria est confronté depuis des années à des problèmes de sécurité profondément enracinés, alimentés par une multitude de facteurs qui vont bien au-delà des simples motivations religieuses. Ce pays de plus de deux cent trente millions d’habitants, divisé approximativement à parts égales entre chrétiens au sud et musulmans au nord, subit une violence endémique dont les origines sont aussi diverses que complexes. L’État de Sokoto, situé à l’extrême nord-ouest du pays et frontalier du Niger, abrite quatre millions de personnes dont la majorité écrasante est musulmane. La violence dans le nord-ouest du Nigeria est principalement alimentée par des groupes de bandits criminels, selon les analystes, mais les liens croissants avec des djihadistes affiliés à l’État islamique ont créé une menace hybride mêlant criminalité et terrorisme. Cette fusion entre banditisme et extrémisme religieux rend la situation particulièrement volatile et difficile à résoudre.
Oluwole Ojewale, analyste de sécurité africaine basé à Dakar, a expliqué à CNN que la région où la frappe a eu lieu est dominée par des bandits criminels qui tourmentent les villages et villes rurales avec une certaine présence de l’ISWAP, un groupe dissident de Boko Haram connu sous le nom d’État islamique en Afrique de l’Ouest, mais pas spécifiquement à Sokoto. En deux mille douze, le groupe islamiste Boko Haram a lancé un ultimatum ordonnant aux chrétiens de la région nord de partir tout en appelant les musulmans du sud à revenir dans le nord. La plupart des meurtres ciblés ces dernières années ont eu lieu dans le nord. Les analystes de sécurité suggèrent que Lakurawa, un groupe moins connu mais de plus en plus actif dans les États du nord-ouest, pourrait avoir été la cible des frappes de jeudi. Lakurawa, une ramification de Boko Haram, est devenu de plus en plus meurtrier cette année, ciblant souvent des communautés isolées et des forces de sécurité, se cachant dans les forêts entre les États. En janvier, les autorités nigérianes ont déclaré ce groupe organisation terroriste et interdit ses activités sur tout le territoire national.
Les multiples visages de la terreur au Nigeria
Ansaru, un groupe djihadiste aligné sur Al-Qaïda qui s’est également séparé de Boko Haram, opère dans les régions nord-ouest et centre-nord du pays et est connu pour ses enlèvements, ses attaques contre des civils et sa coopération avec des acteurs djihadistes transnationaux. Les observateurs soulignent que d’autres conflits violents découlent de tensions communautaires et ethniques, ainsi que de disputes entre agriculteurs et éleveurs concernant l’accès limité aux terres et à l’eau. Ces conflits pour les ressources naturelles, exacerbés par le changement climatique et la croissance démographique, alimentent une violence qui n’a rien à voir avec la religion mais qui est souvent présentée à tort comme telle. Le Nigeria n’a pas nommé d’organisation spécifique qui aurait été ciblée jeudi, ce qui ajoute une couche supplémentaire d’opacité à cette opération militaire. L’analyste militaire de CNN et colonel retraité de l’armée de l’air américaine Cedric Leighton a déclaré que la frappe américaine pourrait perturber les opérations de l’État islamique à court terme, mais que les problèmes à long terme qui entourent la violence au Nigeria sont extrêmement complexes, pointant notamment les facteurs économiques en jeu.
Leighton a souligné un point crucial que l’administration Trump semble ignorer complètement : la façon dont la plupart de ces frappes fonctionnent, c’est qu’elles doivent faire partie d’une campagne plus large, et ce que nous ne voyons pas ici, c’est cette campagne plus large. En effet, les États-Unis ont bombardé plusieurs pays en deux mille vingt-cinq, lançant plus de mille frappes contre les Houthis au Yémen, plus d’une centaine en Somalie ciblant principalement al-Shabab, des dizaines contre l’État islamique en Syrie, vingt-neuf et plus contre des trafiquants de drogue présumés dans les Caraïbes et le Pacifique oriental, plus quelques frappes visant le programme nucléaire de l’Iran. Tous ces efforts ont tué des gens et endommagé des infrastructures, mais aucun ne semble avoir accompli quoi que ce soit de durable. Ces frappes au Nigeria sont différentes cependant, car elles ont eu lieu dans un pays qui est un partenaire américain en matière de lutte contre le terrorisme. Le ministère nigérian des Affaires étrangères a publié une déclaration reconnaissant les attaques américaines et le partenariat de sécurité nigéro-américain en cours, mais rien dans la déclaration n’indique que le Nigeria ait demandé aux États-Unis de frapper.
Voilà ce qui me hante dans cette histoire. L’absence totale de stratégie cohérente, l’improvisation meurtrière déguisée en leadership fort. Trump bombarde le Nigeria sans plan à long terme, sans vision d’ensemble, sans même une compréhension basique des dynamiques qui alimentent la violence dans ce pays. C’est du théâtre militaire, rien de plus. Un spectacle sanglant destiné à impressionner une audience qui ne se soucie pas des détails, qui ne veut pas comprendre la complexité, qui préfère la simplicité rassurante d’un récit de bons contre méchants. Et pendant ce temps, les vrais problèmes du Nigeria, la pauvreté, les inégalités, les tensions ethniques, la corruption, restent intacts, ignorés, aggravés même par cette intervention étrangère maladroite.
Les chrétiens nigérians : victimes réelles d'un récit manipulé
Des massacres bien réels mais instrumentalisés
Il serait malhonnête et dangereux de nier que des chrétiens nigérians ont effectivement été victimes d’attaques meurtrières. John Joseph Hayab, un pasteur qui dirige l’Association chrétienne du Nigeria dans la région nord du pays, confirme l’existence de meurtres systématiques de chrétiens dans cette zone. L’ampleur de ces tueries a diminué au cours des deux dernières années, précise-t-il, mais cette année a connu une série d’attaques très médiatisées dans des poches à prédominance chrétienne du nord, attirant l’attention et la condamnation internationales. En avril, des hommes armés présumés être des éleveurs musulmans ont tué au moins quarante personnes dans un village agricole majoritairement chrétien. Deux mois plus tard, plus de cent personnes ont été massacrées à Yelwata, une communauté largement chrétienne dans l’État de Benue au sud-est, selon Amnesty International. Ces massacres sont réels, horribles, inexcusables. Ils méritent notre attention, notre compassion, notre action.
Ces tueries ont été saisies par certaines franges de la droite évangélique américaine qui affirment de manière inexacte qu’un génocide chrétien se déroule au Nigeria. En août, le sénateur Ted Cruz du Texas a présenté un projet de loi appelant à des sanctions contre le Nigeria pour violations présumées de la liberté religieuse. En novembre, Trump a averti que si le gouvernement nigérian continuait à permettre le meurtre de chrétiens, les États-Unis cesseraient immédiatement toute aide et assistance au Nigeria, et pourraient très bien entrer dans ce pays désormais déshonoré, toutes armes dehors. Cette préoccupation affichée pour les chrétiens persécutés semble cependant absurde dans le contexte des politiques de l’administration Trump. Par exemple, le département de la Sécurité intérieure des États-Unis a récemment annoncé la fin du statut de protection temporaire pour près de quatre mille personnes du Myanmar, dont beaucoup sont des chrétiens persécutés. À partir de janvier deux mille vingt-six, le gouvernement américain les expulsera vers un pays dirigé par une junte militaire qui bombarde des églises et traite les chrétiens comme l’un de ses ennemis intérieurs.
L’hypocrisie flagrante de l’administration Trump
Pendant ce temps, sous la direction de Trump, l’ICE et la patrouille frontalière ont harcelé, emprisonné et expulsé de nombreux chrétiens latinos aux États-Unis, souvent sans procédure régulière. Cette hypocrisie criante révèle que la préoccupation de Trump pour les chrétiens persécutés n’est pas universelle mais sélective, guidée non par des principes moraux cohérents mais par des calculs politiques cyniques. Les chrétiens du Myanmar ne votent pas aux élections américaines, les chrétiens latinos sont perçus comme une menace par la base électorale de Trump, mais les chrétiens nigérians peuvent être utilisés comme justification pour une démonstration de force militaire qui plaît aux évangéliques blancs américains. Le Nigeria a été confronté aux attaques du groupe djihadiste régional Boko Haram depuis deux mille neuf et aux djihadistes mondiaux de l’État islamique depuis deux mille quinze. Les groupes terroristes se sont parfois associés mais se sont également fragmentés, et les années de combats multiples impliquant ces groupes, divers autres acteurs et le gouvernement nigérian ont causé des milliers de morts.
Les États-Unis tirant une douzaine de missiles environ contre l’État islamique au Nigeria ne résoudront rien, et il n’y a aucun plan apparent pour une campagne soutenue, encore moins le type d’opérations qui seraient nécessaires pour les affaiblir de manière durable. Mais bombarder le jour de Noël a donné à Donald Trump l’occasion de dire à sa base qu’il défend le christianisme, même si lui et beaucoup de ses partisans chrétiens, en contraste direct avec les enseignements de Jésus, défendent ouvertement la violence, l’argent et la cruauté envers les étrangers. Cette contradiction fondamentale entre le message du Christ et les actions de ceux qui prétendent agir en son nom devrait choquer davantage de consciences. Jésus a prêché l’amour des ennemis, le pardon, la compassion pour les plus vulnérables. Trump bombarde des pays étrangers le jour de Noël et se vante d’avoir décimé des camps entiers. Ces deux visions du monde sont irréconciliables, pourtant des millions d’évangéliques américains ne semblent voir aucune contradiction.
Comment en sommes-nous arrivés là. Comment une religion fondée sur l’amour et le sacrifice peut-elle être détournée pour justifier la violence et l’exclusion. Je pense à ces chrétiens nigérians qui ont réellement perdu des proches dans des attaques terroristes, et je me demande ce qu’ils pensent de cette instrumentalisation de leur souffrance. Sont-ils reconnaissants que Trump bombarde leur pays. Ou se sentent-ils trahis, utilisés, réduits à des pions dans un jeu politique qui ne les concerne pas vraiment. Je pense aussi aux chrétiens du Myanmar que l’administration Trump renvoie vers une mort quasi certaine, et je me demande comment on peut prétendre défendre les chrétiens persécutés tout en en condamnant d’autres. Cette hypocrisie me déchire.
Les musulmans nigérians : les grandes victimes oubliées
Des massacres dans les mosquées ignorés par Trump
Les musulmans ont également été victimes d’attaques ciblées par des groupes islamistes cherchant à imposer leur interprétation extrême de la loi islamique. Au moins cinquante fidèles ont été tués en août lorsque des hommes armés ont attaqué une mosquée dans l’État de Katsina au nord-ouest, et de nombreuses attaques tout aussi brutales ont été menées dans des communautés musulmanes par Boko Haram et d’autres groupes armés dans le nord. Oui, ces groupes extrémistes ont tristement tué de nombreux chrétiens, mais ils ont également massacré des dizaines de milliers de musulmans, a déclaré Bulama Bukarti, un défenseur nigérian des droits humains spécialisé dans la sécurité et le développement. Il a ajouté que les attaques dans les espaces publics nuisent de manière disproportionnée aux musulmans, car ces groupes radicaux opèrent dans des États à prédominance musulmane. Le peu de données existantes ne soutient pas non plus les affirmations de Trump selon lesquelles les chrétiens sont ciblés de manière disproportionnée.
Sur plus de vingt mille quatre cents civils tués lors d’attaques entre janvier deux mille vingt et septembre deux mille vingt-cinq, trois cent dix-sept décès provenaient d’attaques ciblant des chrétiens tandis que quatre cent dix-sept provenaient d’attaques ciblant des musulmans, selon le groupe de surveillance des crises Armed Conflict Location and Event Data. L’organisation n’a pas inclus l’appartenance religieuse de la grande majorité des civils tués. Ces statistiques contredisent frontalement le récit que Trump et ses alliés évangéliques tentent de vendre au public américain. Les musulmans nigérians meurent en plus grand nombre que les chrétiens dans ces attaques terroristes, mais leur souffrance est invisible, ignorée, effacée du discours politique américain parce qu’elle ne sert pas l’agenda électoral de Trump. Ojewale a déclaré que le cadrage binaire de Trump présentant le problème comme des attaques ciblant les chrétiens ne correspond pas à la réalité sur le terrain. Le Nigeria est déjà divisé selon des lignes politiques et religieuses, a déclaré Ojewale, ajoutant que la rhétorique du président américain contribue grandement à ouvrir les lignes de faille de division qui existent déjà dans le pays.
Une rhétorique dangereuse qui attise les divisions
Cette rhétorique incendiaire de Trump ne se contente pas d’ignorer la réalité, elle l’aggrave activement. En présentant le conflit nigérian comme une guerre de religion où les chrétiens sont les seules victimes, Trump alimente les tensions sectaires, renforce les stéréotypes, et rend plus difficile toute réconciliation future entre les communautés. Les leaders religieux nigérians, tant chrétiens que musulmans, ont tenté de contrer ce récit simpliste. L’ancien sénateur Shehu Sani a écrit sur X que le récit selon lequel les terroristes malfaisants ne ciblent qu’une seule foi reste absolument faux et trompeur, avant d’ajouter que la sécurité et la paix ultimes dans notre pays résident en nous-mêmes et non avec les États-Unis ou toute puissance étrangère. Cette déclaration souligne un point crucial que l’administration Trump refuse d’accepter : les solutions aux problèmes du Nigeria doivent venir des Nigérians eux-mêmes, pas d’interventions militaires étrangères motivées par des considérations électorales américaines.
Le président nigérian Bola Tinubu n’a pas encore commenté publiquement la frappe de jeudi, mais plus tôt dans la journée, il avait partagé un message de Noël sur les réseaux sociaux. Je m’engage à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour consacrer la liberté religieuse au Nigeria et protéger les chrétiens, les musulmans et tous les Nigérians de la violence, a-t-il écrit. Cette déclaration contraste fortement avec la rhétorique de Trump, reconnaissant que tous les Nigérians, quelle que soit leur religion, méritent protection et sécurité. En novembre, Trump a désigné le Nigeria comme pays particulièrement préoccupant en vertu de la loi américaine sur la liberté religieuse internationale, suggérant que son administration a constaté que le Nigeria s’est engagé ou a toléré des violations systématiques, continues et flagrantes de la liberté religieuse. Mais le gouvernement nigérian a rejeté les affirmations selon lesquelles il n’en faisait pas assez pour protéger les chrétiens de la violence. À l’époque, le président Tinubu avait déclaré que la caractérisation du Nigeria comme religieusement intolérant ne reflète pas notre réalité nationale.
Cette manipulation cynique des divisions religieuses me révolte au plus profond de mon âme. Trump joue avec le feu, attisant des tensions qui pourraient embraser tout un pays. Il ne se soucie pas des conséquences de ses mots, de l’impact de sa rhétorique sur les communautés nigérianes qui doivent vivre ensemble après que les caméras américaines se soient détournées. Pour lui, le Nigeria n’est qu’un décor, un théâtre où il peut jouer le héros défenseur de la chrétienté devant son public évangélique. Mais pour les Nigérians, chrétiens et musulmans, c’est leur vie, leur pays, leur avenir qui sont en jeu. Et cette intervention américaine maladroite ne fait qu’aggraver leurs problèmes.
La base évangélique de Trump : le véritable public de ce spectacle
Un électorat captif et manipulé
Pour comprendre pourquoi Trump a bombardé le Nigeria le jour de Noël, il faut comprendre l’importance cruciale des évangéliques blancs dans sa coalition électorale. Ce groupe démographique représente environ un quart de l’électorat américain et vote massivement républicain, avec des taux de soutien à Trump dépassant régulièrement quatre-vingts pour cent. Ces électeurs sont particulièrement sensibles aux récits de persécution chrétienne à l’étranger, une préoccupation constamment alimentée par des organisations missionnaires, des médias évangéliques et des leaders religieux conservateurs. Pour ces électeurs, l’idée que des chrétiens sont massacrés quelque part dans le monde pendant que l’Amérique reste passive est insupportable. Ils veulent un président qui agit, qui défend leurs frères et sœurs dans la foi, qui n’hésite pas à utiliser la puissance militaire américaine pour protéger les chrétiens persécutés. Trump leur donne exactement ce qu’ils veulent, ou du moins l’illusion de ce qu’ils veulent.
Le choix du jour de Noël pour cette frappe n’était pas accidentel, c’était un coup de génie politique cynique. En bombardant le Nigeria le jour le plus sacré du calendrier chrétien, Trump créait un lien symbolique puissant entre la naissance du Christ et la défense militaire des chrétiens. Il transformait une opération militaire en acte de dévotion religieuse, en cadeau de Noël sanglant offert aux chrétiens persécutés et à leurs défenseurs américains. Cette manipulation des symboles religieux à des fins politiques devrait choquer davantage de consciences, mais elle fonctionne parce qu’elle s’inscrit dans une longue tradition américaine de mélange entre religion et nationalisme, entre foi chrétienne et puissance militaire. Les évangéliques américains ont été conditionnés pendant des décennies à voir l’Amérique comme une nation chrétienne avec une mission divine de défendre la foi à travers le monde. Trump exploite simplement cette vision du monde préexistante pour servir ses propres intérêts politiques.
Le rôle des médias évangéliques dans la propagande
Les médias évangéliques ont joué un rôle crucial dans la construction et la diffusion du récit de génocide chrétien au Nigeria. Des chaînes comme CBN News, des sites web comme Christian Post, et des personnalités influentes comme Franklin Graham ont régulièrement publié des articles et des reportages dramatisant la persécution des chrétiens nigérians tout en minimisant ou ignorant complètement les attaques contre les musulmans. Cette couverture médiale biaisée crée une bulle informationnelle où les évangéliques américains reçoivent une version déformée de la réalité nigériane, une version qui confirme leurs préjugés et justifie leur soutien à des interventions militaires. Ces médias ne mentent pas nécessairement sur les faits individuels, les massacres de chrétiens qu’ils rapportent sont réels, mais ils mentent par omission, en ne racontant qu’une partie de l’histoire, en créant une image trompeuse de la situation globale.
Cette désinformation systématique a des conséquences réelles et dangereuses. Elle pousse les évangéliques américains à soutenir des politiques qui aggravent la situation au Nigeria plutôt que de l’améliorer. Elle alimente l’islamophobie en présentant le conflit comme une guerre entre le christianisme et l’islam plutôt que comme un problème complexe impliquant de multiples facteurs économiques, politiques et sociaux. Elle détourne l’attention et les ressources de solutions réelles et durables vers des démonstrations de force militaire spectaculaires mais inefficaces. Et elle permet à des politiciens comme Trump d’exploiter la foi sincère de millions de chrétiens pour servir leurs propres ambitions politiques. Le sénateur Ted Cruz, lui-même évangélique fervent, a été particulièrement actif dans la promotion de ce récit. Son projet de loi contre la persécution des chrétiens nigérians, bien qu’apparemment bien intentionné, repose sur une compréhension fondamentalement erronée de la situation et risque de faire plus de mal que de bien.
Ce qui me brise le cœur dans tout cela, c’est la sincérité de tant d’évangéliques américains qui croient vraiment qu’ils aident les chrétiens persécutés en soutenant ces frappes. Ils ne sont pas méchants, ils ne veulent pas faire de mal. Ils veulent simplement protéger leurs frères et sœurs dans la foi. Mais ils sont manipulés, trompés, utilisés par des politiciens cyniques qui se moquent éperdument de la foi chrétienne mais qui savent comment l’exploiter pour gagner des votes. Et cette manipulation est d’autant plus efficace qu’elle s’habille du langage de la vertu, de la justice, de la défense des opprimés. Comment peut-on résister à un appel à protéger des innocents massacrés. Comment peut-on questionner des motivations présentées comme purement altruistes. C’est là toute la perversité de cette stratégie.
L'absence de stratégie cohérente : du théâtre militaire sans substance
Des frappes sans plan à long terme
L’analyste militaire Cedric Leighton a soulevé un point crucial que l’administration Trump semble incapable ou refuser de comprendre : les frappes militaires isolées ne résolvent rien sans une stratégie globale à long terme. La frappe américaine pourrait perturber les opérations de l’État islamique à court terme, mais les problèmes à long terme qui entourent la violence au Nigeria sont extrêmement complexes, a-t-il déclaré, pointant les facteurs économiques en jeu. La façon dont la plupart de ces frappes fonctionnent, c’est qu’elles doivent faire partie d’une campagne plus large, et ce que nous ne voyons pas ici, c’est cette campagne plus large. Cette observation met en lumière le caractère purement spectaculaire de l’opération du vingt-cinq décembre. Il ne s’agissait pas d’une étape dans une stratégie réfléchie visant à réduire durablement la violence au Nigeria, mais d’un coup d’éclat isolé conçu pour générer des gros titres et satisfaire la base électorale de Trump.
Les États-Unis ont une longue et troublante histoire d’interventions militaires mal conçues en Afrique et au Moyen-Orient. En deux mille vingt-cinq seulement, l’armée américaine a lancé plus de mille frappes contre les Houthis au Yémen, plus d’une centaine en Somalie, des dizaines en Syrie, et maintenant au Nigeria. Aucune de ces campagnes n’a produit de résultats durables. Les Houthis continuent de contrôler de vastes territoires au Yémen. Al-Shabab reste une menace majeure en Somalie. L’État islamique, bien qu’affaibli, n’a pas été éradiqué en Syrie. Et maintenant, Trump prétend qu’une douzaine de missiles au Nigeria vont changer la donne. C’est de l’arrogance, de l’ignorance, ou les deux. Le Nigeria a besoin d’aide pour lutter contre le terrorisme, mais cette aide doit prendre la forme de soutien au développement économique, de renforcement des institutions de sécurité locales, de programmes de déradicalisation, de médiation dans les conflits communautaires. Des missiles tirés depuis un navire américain ne résolvent aucun de ces problèmes fondamentaux.
Le contraste avec d’autres interventions américaines
Ce qui rend cette frappe au Nigeria particulièrement problématique, c’est qu’elle cible un pays qui est censé être un partenaire américain en matière de lutte contre le terrorisme. Les autres pays bombardés par les États-Unis en deux mille vingt-cinq, le Yémen, la Somalie, la Syrie, l’Iran, sont des États hostiles ou faillis où l’Amérique n’a pas de relations diplomatiques normales. Mais le Nigeria est différent. C’est une démocratie fonctionnelle, un allié régional important, un partenaire commercial significatif. Bombarder le Nigeria sans consultation approfondie et sans plan coordonné avec le gouvernement nigérian risque de compromettre cette relation importante. Le ministre nigérian des Affaires étrangères a beau affirmer que le président Tinubu a donné son feu vert, le fait que cette autorisation ait été obtenue dans la précipitation, sans débat public au Nigeria, sans consultation avec le parlement nigérian, soulève de sérieuses questions sur la légitimité démocratique de cette opération.
De plus, les frappes américaines au Nigeria créent un précédent dangereux. Si les États-Unis peuvent bombarder un pays allié sous prétexte de protéger une minorité religieuse, qu’est-ce qui empêche d’autres puissances de faire de même. La Chine pourrait-elle bombarder des pays où des musulmans ouïghours sont persécutés. La Russie pourrait-elle frapper des pays où des chrétiens orthodoxes sont menacés. La Turquie pourrait-elle attaquer des pays où des minorités turcophones sont opprimées. Cette logique d’intervention humanitaire unilatérale, sans mandat international, sans coordination avec les autorités locales, sans stratégie à long terme, ouvre la porte à un monde encore plus chaotique et violent. Les règles internationales qui régissent l’usage de la force existent pour de bonnes raisons. Elles ne sont pas parfaites, elles sont souvent violées, mais elles fournissent au moins un cadre de référence, une norme à laquelle les États peuvent être tenus responsables. Trump, avec son mépris caractéristique pour les institutions internationales et le droit international, sape ces normes et rend le monde plus dangereux pour tout le monde.
Je regarde cette absence totale de stratégie et je me sens désespéré. Pas seulement en colère, mais profondément, viscéralement désespéré. Parce que je sais que ces frappes ne changeront rien, que dans six mois, dans un an, la violence au Nigeria continuera, peut-être même aggravée par cette intervention maladroite. Et pendant ce temps, Trump aura obtenu ce qu’il voulait, les gros titres, les applaudissements de sa base, l’image du président fort qui n’hésite pas à utiliser la force militaire. Peu importe que cette force soit gaspillée, mal dirigée, contre-productive. Peu importe que des vies soient perdues pour rien. Ce qui compte, c’est le spectacle, l’apparence de l’action, l’illusion du leadership.
Les conséquences pour le Nigeria : une souveraineté bafouée
Une intervention qui divise la société nigériane
La réaction au Nigeria face aux frappes américaines a été mitigée et révélatrice des divisions profondes qui traversent la société nigériane. Certains leaders chrétiens ont salué l’intervention américaine comme un signe que le monde n’ignore pas leur souffrance. D’autres, tant chrétiens que musulmans, ont exprimé leur inquiétude face à cette violation de la souveraineté nigériane et à la rhétorique sectaire de Trump. L’ancien sénateur Shehu Sani a capturé ce sentiment dans sa déclaration sur X, soulignant que la sécurité ultime du Nigeria dépend des Nigérians eux-mêmes, pas de puissances étrangères. Cette division des opinions reflète la complexité de la situation nigériane et les dangers d’une intervention extérieure qui prétend défendre une communauté contre une autre. En présentant son action comme une défense des chrétiens contre les terroristes islamistes, Trump alimente les tensions sectaires au Nigeria, renforçant la perception que le conflit est fondamentalement religieux plutôt que multidimensionnel.
Les leaders religieux nigérians, conscients de ces dangers, ont tenté de promouvoir un message d’unité et de réconciliation. Le ministre des Affaires étrangères Yusuf Tuggar a insisté sur le fait que la lutte contre le terrorisme concerne tous les Nigérians, quelle que soit leur religion. Le président Tinubu, dans son message de Noël, a réaffirmé son engagement à protéger tous les Nigérians, chrétiens, musulmans et autres. Mais ces voix de modération risquent d’être noyées par la rhétorique incendiaire venant de Washington et amplifiée par certains médias locaux et internationaux. Le risque est réel que les frappes américaines, loin de réduire la violence, ne l’exacerbent en renforçant les narratifs extrémistes des deux côtés. Les groupes terroristes peuvent utiliser ces frappes comme preuve que l’Occident chrétien mène une guerre contre l’islam. Les extrémistes chrétiens peuvent se sentir encouragés à adopter des positions plus dures contre leurs voisins musulmans. Et les modérés des deux communautés, ceux qui travaillent pour la paix et la réconciliation, se retrouvent marginalisés.
L’impact sur la politique intérieure nigériane
Sur le plan politique intérieur, les frappes américaines placent le gouvernement nigérian dans une position extrêmement délicate. D’un côté, le président Tinubu ne peut pas se permettre d’apparaître comme opposé à une action contre les groupes terroristes qui menacent la sécurité de son pays. De l’autre, il ne peut pas non plus se permettre d’apparaître comme un pantin des États-Unis, autorisant des puissances étrangères à bombarder le territoire nigérian à volonté. Cette tension est visible dans les déclarations officielles du gouvernement nigérian, qui reconnaissent les frappes et le partenariat de sécurité avec les États-Unis tout en insistant sur le fait que la lutte contre le terrorisme concerne tous les Nigérians, pas seulement les chrétiens. Le gouvernement Tinubu fait face à une opposition politique significative, et ses adversaires ne manqueront pas d’exploiter cette situation pour le critiquer soit comme trop faible face aux États-Unis, soit comme insuffisamment protecteur des chrétiens nigérians, selon leur propre agenda politique.
De plus, les frappes soulèvent des questions juridiques et constitutionnelles importantes. Le parlement nigérian a-t-il été consulté avant que le président n’autorise ces frappes. Les procédures légales appropriées ont-elles été suivies. Quelle est la base juridique pour permettre à une puissance étrangère de mener des opérations militaires sur le territoire nigérian. Ces questions ne sont pas simplement techniques, elles touchent au cœur de la démocratie nigériane et de la souveraineté nationale. Si le président peut autoriser des frappes militaires étrangères sans débat parlementaire, sans transparence, sans responsabilité démocratique, cela établit un précédent dangereux qui pourrait être exploité à l’avenir. Le Nigeria a lutté pendant des décennies pour établir et consolider ses institutions démocratiques. Ces institutions sont fragiles et peuvent être facilement érodées par des décisions prises dans l’urgence, sans respect des procédures appropriées. Les frappes américaines, même si elles étaient bien intentionnées, risquent de contribuer à cette érosion démocratique.
Je pense aux Nigérians ordinaires, ceux qui ne font pas les gros titres, qui ne sont pas consultés par les présidents et les généraux, mais qui doivent vivre avec les conséquences de ces décisions prises loin d’eux. Je pense à la famille musulmane de Sokoto qui se réveille le matin du vingt-six décembre pour découvrir que des missiles américains sont tombés près de chez eux. Je pense à la famille chrétienne de Benue qui a perdu des proches dans un massacre et qui se demande si ces frappes vont vraiment changer quelque chose ou si elles ne vont pas simplement provoquer plus de violence. Je pense à tous ces Nigérians qui veulent simplement vivre en paix, élever leurs enfants, gagner leur vie, et qui se retrouvent pris au piège d’un jeu géopolitique qui les dépasse.
Le silence assourdissant de la communauté internationale
L’absence de réaction des organisations internationales
L’un des aspects les plus troublants de cette affaire est le silence relatif de la communauté internationale face aux frappes américaines au Nigeria. Les Nations Unies n’ont émis aucune déclaration officielle condamnant ou même questionnant la légalité de ces frappes. L’Union africaine, qui devrait normalement être la première à défendre la souveraineté d’un de ses États membres, est restée remarquablement silencieuse. Les puissances européennes, qui critiquent souvent les interventions militaires unilatérales, n’ont pas jugé bon de commenter publiquement cette opération. Ce silence est révélateur de plusieurs dynamiques troublantes dans les relations internationales contemporaines. D’abord, il suggère que la communauté internationale accepte tacitement l’idée que les États-Unis peuvent bombarder des pays alliés sous prétexte de lutte contre le terrorisme, établissant ainsi un précédent dangereux. Ensuite, il révèle le double standard persistant dans l’application du droit international, où les actions des grandes puissances sont jugées selon des critères différents de celles des États plus faibles.
Enfin, ce silence reflète peut-être une certaine lassitude face à la violence endémique en Afrique, une acceptation résignée que le continent est condamné à être le théâtre d’interventions militaires étrangères. Cette attitude est profondément problématique et néocoloniale. Elle traite les États africains comme des entités de seconde classe dont la souveraineté peut être violée sans conséquences majeures. Elle perpétue l’idée que les Africains sont incapables de résoudre leurs propres problèmes et ont besoin de l’intervention de puissances extérieures. Et elle ignore les efforts réels et significatifs que de nombreux États africains, y compris le Nigeria, déploient pour lutter contre le terrorisme et construire des sociétés plus stables et prospères. Le Nigeria n’est pas un État failli. C’est la plus grande économie d’Afrique, une démocratie fonctionnelle avec des institutions relativement solides, un acteur régional important. Il mérite d’être traité avec respect, pas comme un terrain de jeu pour les ambitions politiques de Donald Trump.
Le rôle ambigu des alliés traditionnels des États-Unis
Les alliés européens des États-Unis se trouvent dans une position particulièrement inconfortable face à ces frappes. D’un côté, ils partagent les préoccupations américaines concernant le terrorisme islamiste et reconnaissent la menace que représentent des groupes comme l’État islamique et Boko Haram. De l’autre, ils sont mal à l’aise avec l’approche unilatérale et la rhétorique sectaire de Trump. La France, qui a une présence militaire significative dans le Sahel et qui lutte elle-même contre les groupes terroristes dans la région, aurait pu être consultée avant ces frappes mais ne semble pas l’avoir été. Le Royaume-Uni, traditionnellement proche allié des États-Unis en matière de sécurité, n’a émis aucun commentaire public sur l’opération. L’Allemagne, qui a des programmes de développement importants au Nigeria, est restée silencieuse. Ce silence collectif des alliés européens est troublant car il suggère soit une acceptation tacite de l’action américaine, soit une impuissance à influencer la politique étrangère de Washington.
La Chine et la Russie, qui cherchent à étendre leur influence en Afrique et qui critiquent régulièrement l’interventionnisme occidental, auraient pu saisir cette occasion pour dénoncer les frappes américaines et se positionner comme défenseurs de la souveraineté africaine. Mais elles aussi sont restées remarquablement discrètes, peut-être parce qu’elles ne veulent pas établir un précédent qui pourrait être utilisé contre leurs propres interventions militaires dans d’autres régions. Cette hypocrisie généralisée, où toutes les grandes puissances appliquent des standards différents à leurs propres actions et à celles de leurs rivaux, mine la crédibilité du système international et rend plus difficile l’établissement de normes cohérentes régissant l’usage de la force. Le Nigeria, comme tant d’autres pays du Sud global, se retrouve pris au piège de ces jeux de pouvoir entre grandes puissances, sa souveraineté et ses intérêts propres étant traités comme secondaires par rapport aux calculs géopolitiques des acteurs majeurs.
Ce silence de la communauté internationale me glace le sang. Parce qu’il révèle à quel point le système international que nous prétendons défendre est creux, hypocrite, fondamentalement injuste. Nous parlons de règles, de normes, de droit international, mais ces principes ne s’appliquent que quand cela arrange les puissants. Quand les États-Unis bombardent un pays allié sans mandat international, sans stratégie claire, pour des raisons essentiellement électorales, le monde se tait. Mais imaginez si la Chine faisait la même chose, si la Russie bombardait un pays africain sous prétexte de protéger une minorité. L’indignation serait immédiate, universelle, assourdissante. Cette hypocrisie me dégoûte et me désespère en même temps.
Les leçons non apprises des interventions passées
L’échec répété de la guerre contre le terrorisme
Les frappes américaines au Nigeria s’inscrivent dans une longue histoire d’interventions militaires américaines au Moyen-Orient et en Afrique qui ont échoué à atteindre leurs objectifs déclarés. L’invasion de l’Irak en deux mille trois, justifiée par la lutte contre le terrorisme et la promotion de la démocratie, a déstabilisé toute la région et créé les conditions pour l’émergence de l’État islamique. L’intervention en Libye en deux mille onze a transformé ce pays en État failli et créé un vide sécuritaire qui a permis aux groupes terroristes de prospérer dans tout le Sahel. Les opérations de drones au Pakistan, au Yémen et en Somalie ont tué des milliers de personnes, dont de nombreux civils, sans éradiquer les groupes terroristes ciblés. La guerre en Afghanistan, la plus longue de l’histoire américaine, s’est terminée par un retrait chaotique et le retour au pouvoir des talibans. Malgré ces échecs répétés, l’establishment de sécurité nationale américain continue de croire que la force militaire peut résoudre des problèmes qui sont fondamentalement politiques, économiques et sociaux.
Cette amnésie institutionnelle est stupéfiante. Chaque nouvelle intervention est présentée comme différente des précédentes, plus ciblée, plus intelligente, plus susceptible de réussir. Mais les résultats sont invariablement les mêmes : des victimes civiles, une déstabilisation accrue, un renforcement des groupes extrémistes, et aucune solution durable aux problèmes sous-jacents. Le Nigeria risque de devenir le prochain chapitre de cette triste histoire. Les frappes du vingt-cinq décembre ne sont que le début. Si l’histoire nous enseigne quelque chose, c’est que ces interventions ont tendance à s’étendre, à s’approfondir, à devenir de plus en plus coûteuses en vies humaines et en ressources. Ce qui commence comme une opération limitée et ciblée se transforme progressivement en engagement à long terme dont il devient impossible de se retirer sans admettre l’échec. Et pendant ce temps, les problèmes réels du Nigeria, la pauvreté, les inégalités, la corruption, la faiblesse des institutions, restent non résolus.
L’alternative ignorée : le développement et la diplomatie
Il existe des alternatives à l’intervention militaire, mais elles nécessitent de la patience, des ressources soutenues, et une volonté de travailler avec les acteurs locaux plutôt que de leur imposer des solutions de l’extérieur. Le développement économique est crucial. Les groupes terroristes prospèrent dans les régions où les jeunes n’ont pas d’opportunités économiques, où la pauvreté est endémique, où l’État est absent ou dysfonctionnel. Investir dans l’éducation, la santé, les infrastructures, la création d’emplois, voilà ce qui peut réellement changer la donne à long terme. Mais ces investissements ne produisent pas de résultats spectaculaires immédiats. Ils ne génèrent pas de gros titres. Ils ne satisfont pas le désir de l’électorat américain de voir leur président agir de manière décisive. Alors ils sont négligés au profit de solutions militaires qui donnent l’illusion de l’action mais qui ne résolvent rien.
La diplomatie et la médiation sont également essentielles. De nombreux conflits au Nigeria ont des dimensions locales qui peuvent être résolues par le dialogue et la négociation. Les disputes entre agriculteurs et éleveurs, par exemple, nécessitent des mécanismes de résolution des conflits, des accords sur l’accès aux ressources, des institutions capables de faire respecter ces accords. Les tensions ethniques et religieuses peuvent être atténuées par des programmes de réconciliation, des initiatives de dialogue interreligieux, des efforts pour promouvoir une identité nationale inclusive. Mais tout cela demande du temps, de l’engagement, une compréhension nuancée des dynamiques locales. C’est beaucoup plus difficile que de tirer des missiles depuis un navire de guerre. Le renforcement des institutions de sécurité nigérianes est également crucial. Plutôt que de bombarder le pays, les États-Unis pourraient aider à former et équiper l’armée et la police nigérianes, à améliorer leur capacité à collecter des renseignements, à mener des opérations contre-terroristes efficaces tout en respectant les droits humains. Mais encore une fois, cela demande un engagement à long terme et ne produit pas de résultats immédiats visibles.
Je suis fatigué de voir les mêmes erreurs répétées encore et encore. Fatigué de voir des vies gaspillées, des pays déstabilisés, des problèmes aggravés, tout cela au nom de la lutte contre le terrorisme. Fatigué de voir des politiciens cyniques exploiter la peur et l’ignorance pour justifier des interventions militaires qui ne servent que leurs propres intérêts. Fatigué de voir la communauté internationale rester silencieuse face à ces abus. Mais je refuse de désespérer complètement. Parce que je sais qu’il existe des alternatives, que des solutions réelles sont possibles, que des gens travaillent chaque jour au Nigeria et ailleurs pour construire la paix, promouvoir le développement, réconcilier les communautés. Ces héros anonymes méritent notre soutien, notre attention, nos ressources. Pas les généraux et les politiciens qui ne savent que bombarder.
Trump et la perversion du christianisme américain
Un évangélisme dévoyé au service du pouvoir
L’un des aspects les plus troublants de cette affaire est la manière dont Trump et ses alliés évangéliques ont perverti le message chrétien pour justifier la violence et servir des intérêts politiques. Le christianisme enseigné par Jésus était une religion de paix, d’amour, de pardon, de compassion pour les plus vulnérables. Jésus a prêché d’aimer ses ennemis, de tendre l’autre joue, de ne pas juger. Il a passé son temps avec les marginaux, les pécheurs, les exclus. Il a défié les autorités religieuses et politiques de son époque. Il a été crucifié pour avoir refusé de se soumettre à l’empire romain. Comment cette religion de l’amour et du sacrifice a-t-elle pu être transformée en justification pour bombarder des pays étrangers, pour expulser des immigrants, pour accumuler des richesses obscènes, pour mépriser les pauvres et les étrangers. Cette perversion du christianisme n’est pas nouvelle, elle a une longue histoire qui remonte aux croisades, à l’Inquisition, à la colonisation des Amériques et de l’Afrique justifiée par la mission civilisatrice chrétienne.
Mais ce qui se passe aujourd’hui dans l’évangélisme américain est particulièrement flagrant et hypocrite. Des leaders religieux qui prétendent suivre Jésus soutiennent un président qui incarne tout ce que Jésus a condamné : l’orgueil, la cupidité, la cruauté, le mensonge, l’adultère, le mépris des pauvres. Ils justifient cette contradiction en affirmant que Trump, malgré ses défauts personnels, défend les valeurs chrétiennes et protège les chrétiens persécutés. Mais quelles valeurs chrétiennes exactement. La violence. L’exclusion. Le nationalisme. Le racisme à peine voilé. L’islamophobie. Rien de tout cela ne ressemble de près ou de loin aux enseignements de Jésus. Les évangéliques américains qui soutiennent Trump ont fait un pacte faustien, échangeant leur intégrité morale et leur fidélité aux enseignements du Christ contre du pouvoir politique et l’illusion que l’Amérique peut redevenir une nation chrétienne. Mais ce pouvoir est empoisonné, et cette illusion est dangereuse.
Les vraies victimes de cette hypocrisie
Les vraies victimes de cette hypocrisie ne sont pas seulement les Nigérians qui subissent les conséquences des frappes américaines, mais aussi les chrétiens sincères, aux États-Unis et ailleurs, qui voient leur foi détournée et pervertie. De nombreux chrétiens américains sont profondément mal à l’aise avec l’alliance entre l’évangélisme et le trumpisme. Ils reconnaissent la contradiction fondamentale entre les enseignements de Jésus et les politiques de Trump. Ils sont horrifiés par la manière dont leur foi est utilisée pour justifier la cruauté et la violence. Mais leurs voix sont souvent noyées par celles des leaders évangéliques médiatiques qui ont accès aux plateformes les plus importantes et qui parlent au nom de tous les chrétiens. Cette capture de la voix chrétienne par une minorité bruyante et politisée fait un tort immense au témoignage chrétien dans le monde. Comment les non-chrétiens peuvent-ils prendre au sérieux un message d’amour et de paix quand ceux qui le proclament le plus fort soutiennent la violence et l’exclusion.
Les chrétiens nigérians eux-mêmes sont divisés sur la question. Certains, comme le pasteur John Joseph Hayab, accueillent favorablement l’attention internationale portée à leur souffrance et voient les frappes américaines comme un signe que le monde ne les a pas oubliés. D’autres sont plus sceptiques, craignant que cette intervention ne fasse qu’aggraver les tensions sectaires et ne mette en danger les efforts de réconciliation entre chrétiens et musulmans. Beaucoup reconnaissent que la violence au Nigeria n’est pas simplement une question de persécution religieuse mais un problème complexe impliquant de multiples facteurs. Ils savent que leurs voisins musulmans souffrent également, que les groupes terroristes ne font pas de distinction entre les victimes, que la solution ne viendra pas de missiles américains mais d’un travail patient de construction de la paix, de développement économique, de renforcement des institutions. Ces voix nuancées et réfléchies méritent d’être entendues, mais elles sont souvent ignorées dans le bruit médiatique entourant les déclarations spectaculaires de Trump.
Je pense à Jésus chassant les marchands du temple, renversant leurs tables, les accusant d’avoir transformé la maison de son père en repaire de voleurs. Et je me demande ce qu’il dirait aujourd’hui en voyant son message transformé en justification pour la violence, son nom invoqué pour bénir des missiles, sa croix brandie comme un étendard de guerre. Je pense à tous ces chrétiens sincères, au Nigeria, aux États-Unis, partout dans le monde, qui essaient de vivre selon les enseignements de Jésus, d’aimer leur prochain, de pardonner à leurs ennemis, de servir les pauvres. Et je me sens triste pour eux, triste que leur foi soit ainsi détournée, triste qu’ils doivent porter le fardeau de cette hypocrisie qu’ils n’ont pas choisie.
Conclusion : un cadeau empoisonné qui ne résout rien
Le bilan désastreux d’une opération spectacle
Alors que la poussière retombe sur les camps bombardés dans l’État de Sokoto, il est temps de dresser un bilan honnête de cette opération militaire. Qu’a-t-elle accompli exactement. Quelques terroristes présumés ont été tués, peut-être. Les autorités américaines et nigérianes affirment que plusieurs membres de l’État islamique ont péri dans les frappes, mais aucun chiffre précis n’a été fourni, aucune preuve indépendante n’a été présentée. Même en acceptant ces affirmations au pied de la lettre, l’impact sur la capacité opérationnelle des groupes terroristes au Nigeria sera minimal et temporaire. Ces organisations ont démontré à maintes reprises leur résilience, leur capacité à se reconstituer après des frappes, à recruter de nouveaux membres, à adapter leurs tactiques. Tuer quelques dizaines de combattants ne change pas fondamentalement l’équation sécuritaire au Nigeria. Les causes profondes de la violence, la pauvreté, les inégalités, les tensions communautaires, la faiblesse des institutions, restent intactes.
En revanche, les coûts de cette opération sont déjà visibles et continueront de se manifester dans les mois et années à venir. Les tensions sectaires au Nigeria ont été exacerbées par la rhétorique de Trump présentant le conflit comme une guerre contre les chrétiens. Les efforts de réconciliation entre communautés ont été compliqués par cette intervention extérieure qui prend parti dans ce qui est présenté comme un conflit religieux. La souveraineté nigériane a été bafouée, établissant un précédent dangereux pour de futures interventions. Les relations entre le Nigeria et les États-Unis ont été mises sous tension, même si les deux gouvernements tentent de minimiser les frictions. Et surtout, une opportunité a été manquée. Les ressources, l’attention, l’énergie politique investies dans cette opération militaire spectaculaire auraient pu être consacrées à des solutions réelles et durables. Mais cela aurait demandé de la patience, de l’humilité, une volonté d’écouter les acteurs locaux plutôt que de leur imposer des solutions de l’extérieur. Cela n’aurait pas généré de gros titres immédiats ni satisfait la base électorale de Trump.
L’avenir incertain du Nigeria et de la région
Que nous réserve l’avenir. Si l’histoire nous enseigne quelque chose, c’est que ces interventions militaires ont tendance à s’étendre et à s’approfondir. Ce qui commence comme une opération limitée et ciblée se transforme progressivement en engagement à long terme. Trump a déjà menacé d’envoyer des troupes au sol au Nigeria. Le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a déclaré qu’il y aurait plus à venir. Il est tout à fait possible que nous assistions dans les prochains mois à une escalade de la présence militaire américaine au Nigeria, avec toutes les conséquences que cela implique. Plus de frappes, peut-être des opérations de forces spéciales, éventuellement des bases militaires permanentes. Le Nigeria pourrait devenir le prochain théâtre de la guerre contre le terrorisme, rejoignant la longue liste de pays où les États-Unis mènent des opérations militaires sans fin claire ni stratégie de sortie. Cette perspective devrait alarmer tous ceux qui se soucient de la paix, de la stabilité et du développement en Afrique.
Mais il existe aussi un autre scénario possible, plus optimiste. Les Nigérians, chrétiens et musulmans ensemble, pourraient rejeter cette tentative de diviser leur pays selon des lignes religieuses. Ils pourraient insister sur le fait que leur sécurité et leur avenir dépendent d’eux-mêmes, pas d’interventions étrangères. Ils pourraient exiger de leur gouvernement qu’il développe des stratégies locales pour lutter contre le terrorisme, qu’il investisse dans le développement économique des régions marginalisées, qu’il renforce les institutions de sécurité tout en respectant les droits humains, qu’il promeuve le dialogue et la réconciliation entre communautés. La société civile nigériane est dynamique et résiliente. De nombreuses organisations travaillent déjà sur ces questions, souvent avec peu de ressources et de reconnaissance. Si la communauté internationale voulait vraiment aider le Nigeria, elle soutiendrait ces efforts locaux plutôt que d’imposer des solutions militaires de l’extérieur. Mais cela demanderait un changement fondamental dans la manière dont les puissances occidentales conçoivent leur rôle en Afrique, un abandon de l’arrogance néocoloniale au profit d’un véritable partenariat basé sur le respect mutuel.
Je termine cet article avec un mélange de colère, de tristesse et d’espoir têtu. Colère face à la manipulation cynique de la souffrance humaine par Trump et ses alliés. Tristesse devant l’échec répété de la communauté internationale à apprendre des erreurs du passé. Mais aussi espoir, parce que je crois encore en la capacité des êtres humains à choisir la paix plutôt que la violence, le dialogue plutôt que la confrontation, la solidarité plutôt que la division. Je crois en la résilience du peuple nigérian, en sa capacité à surmonter ces défis malgré les obstacles. Je crois que la vérité finit toujours par émerger, même quand elle est enterrée sous des montagnes de propagande. Et je crois que nous avons tous, où que nous soyons, la responsabilité de résister aux récits simplistes, de questionner les motivations de nos leaders, de défendre la dignité et la souveraineté de tous les peuples. C’est cette conviction qui me pousse à écrire, à témoigner, à refuser le silence complice. Parce que le silence, face à l’injustice, est lui-même une forme de complicité.
Sources
Sources primaires
MS NOW Opinion, Trump sending bombs into Nigeria was a Christmas show for his evangelical base, Nicholas Grossman, vingt-six décembre deux mille vingt-cinq. CNN Politics, Trump says US military struck ISIS terrorists in Nigeria, Kevin Liptak et Kara Fox, vingt-six décembre deux mille vingt-cinq. The Washington Post, U.S. strikes ISIS in Nigeria after Trump warnings on Christian killings, Isaac Arnsdorf, Tara Copp, Rachel Chason et Frances Vinall, vingt-cinq décembre deux mille vingt-cinq. CNN World, Trump says violence in Nigeria targets Christians. The reality is more nuanced, Nimi Princewill, Jessie Yeung et Kara Fox, vingt-six décembre deux mille vingt-cinq. US Africa Command, US Africa Command Conducts Strike Against ISIS in Nigeria, communiqué de presse officiel, vingt-cinq décembre deux mille vingt-cinq.
Sources secondaires
BBC News, US launches strikes against Islamic State in Nigeria, vingt-cinq décembre deux mille vingt-cinq. Al Jazeera, US bombs target ISIL in Nigeria What’s really going on, vingt-six décembre deux mille vingt-cinq. The New York Times, U.S. Strikes ISIS in Nigeria After Trump Warned of Attacks on Christians, vingt-cinq décembre deux mille vingt-cinq. Reuters, US says it struck Islamic State militants in northwest Nigeria, vingt-cinq décembre deux mille vingt-cinq. The Guardian, Why has Trump ordered strikes in Nigeria and what has it achieved, vingt-six décembre deux mille vingt-cinq. Armed Conflict Location and Event Data Project, Nigeria Violence Data, septembre deux mille vingt-cinq. Amnesty International, Nigeria violence and widespread displacement leave Benue facing a humanitarian disaster, juillet deux mille vingt-cinq.
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