Septembre 2025, le point de bascule
Tout a commencé par un déploiement naval massif. En août 2025, les États-Unis ont envoyé des navires de guerre et du personnel militaire dans les Caraïbes, officiellement pour combattre les cartels de la drogue. L’opération, baptisée plus tard Operation Southern Spear, a été présentée comme une réponse nécessaire à la crise du fentanyl qui ravage les villes américaines. Trump et son administration ont martelé le même message : les cartels sont des terroristes, et les terroristes doivent être éliminés. Le deux septembre, Trump a annoncé la première frappe. Un bateau vénézuélien détruit. Onze morts. Aucun survivant. La vidéo de l’attaque a fait le tour du monde, suscitant autant d’applaudissements que d’indignation.
Mais ce qui a choqué de nombreux observateurs, c’est la manière dont cette frappe a été menée. Selon des sources anonymes citées par le Washington Post en novembre, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth aurait donné un ordre verbal à la SEAL Team Six de ne laisser aucun survivant. Deux hommes qui avaient survécu à la première explosion auraient été tués dans une seconde frappe, une pratique connue sous le nom de « double tap » et largement considérée comme illégale en droit international. Hegseth a nié ces allégations, les qualifiant de « fausses nouvelles » destinées à discréditer les militaires américains. Mais le mal était fait. Les questions sur la légalité et la moralité de ces opérations ont commencé à se multiplier.
Il y a quelque chose de profondément troublant dans cette histoire de « double tap ». Si c’est vrai — et les sources sont multiples, crédibles — alors nous ne parlons plus de guerre contre la drogue. Nous parlons d’exécutions. De meurtres prémédités. Et ce qui me glace encore plus, c’est le silence assourdissant qui a suivi. Où sont les enquêtes indépendantes ? Où sont les commissions d’éthique ? Où est la justice internationale ? On nous dit que ces hommes étaient des narcotrafiquants, donc leur mort est justifiée. Mais depuis quand avons-nous abandonné le principe du procès équitable ? Depuis quand la présomption d’innocence ne s’applique-t-elle plus dès qu’on franchit certaines frontières ?
Une escalade programmée
Les frappes se sont ensuite succédé à un rythme soutenu. Le quinze septembre, trois hommes tués. Le dix-neuf septembre, trois autres. Le trois octobre, quatre morts. Le quatorze octobre, six victimes. Et ainsi de suite, jusqu’à atteindre au moins vingt-neuf frappes distinctes sur trente embarcations, faisant cent cinq morts confirmés et un disparu présumé mort. Certaines de ces opérations ont eu lieu dans les Caraïbes, d’autres dans le Pacifique oriental, au large des côtes colombiennes. L’administration Trump a affirmé que ces bateaux étaient opérés par des organisations terroristes désignées, notamment le gang vénézuélien Tren de Aragua et le groupe de guérilla colombien Armée de libération nationale. Mais aucune preuve publique n’a été fournie pour étayer ces allégations.
Le premier octobre 2025, Trump a formellement notifié le Congrès américain que les États-Unis étaient engagés dans un « conflit armé non international » avec des « combattants illégaux » liés aux cartels de la drogue dans les Caraïbes. Cette déclaration a changé la donne juridique. Dans un conflit armé, un pays peut légalement tuer des combattants ennemis même lorsqu’ils ne représentent aucune menace immédiate. Mais de nombreux experts en droit international ont contesté cette qualification, arguant que le trafic de drogue, aussi grave soit-il, ne constitue pas un conflit armé au sens du droit international humanitaire. Pour eux, ces frappes restent des exécutions extrajudiciaires, pures et simples.
La frappe sur l'installation : un nouveau cap franchi
Les détails d’une opération mystérieuse
Revenons à cette frappe sur l’installation côtière. Trump l’a d’abord mentionnée vendredi vingt-sept décembre lors d’un appel téléphonique impromptu à l’animateur radio John Catsimatidis sur WABC. « Je ne sais pas si vous avez lu ou vu, ils ont une grande usine ou une grande installation d’où partent les navires », a déclaré Trump. « Il y a deux nuits, nous l’avons détruite. Donc, nous les avons frappés très fort. » Aucun détail supplémentaire n’a été fourni lors de cet appel. Puis, lundi, lors de sa rencontre avec Netanyahu, Trump a précisé que l’installation se trouvait « le long de la côte » et servait de point de chargement pour les bateaux de drogue. « C’est la zone de mise en œuvre. C’est là qu’ils mettent en œuvre. Et cela n’existe plus », a-t-il déclaré.
Le Pentagone n’a publié aucune annonce officielle sur cette frappe, contrairement à sa pratique habituelle de communiquer sur les réseaux sociaux après chaque attaque contre un bateau. Le secrétaire à la Défense Pete Hegseth ou les comptes de médias sociaux de l’armée américaine avaient jusqu’à présent toujours annoncé chaque frappe sur un bateau dans un message sur X. Mais cette fois, silence radio. Aucun communiqué. Aucune vidéo. Aucune confirmation officielle. Lorsque des journalistes ont interrogé le Pentagone, celui-ci a renvoyé les questions à la Maison-Blanche, qui n’a pas immédiatement répondu. Le gouvernement vénézuélien, de son côté, n’a pas non plus commenté la déclaration de Trump.
Terre ou mer, la ligne rouge est franchie
Ce qui rend cette frappe particulièrement significative, c’est qu’elle marque potentiellement le passage des opérations maritimes aux opérations terrestres. Jusqu’à présent, toutes les frappes américaines avaient visé des embarcations en eaux internationales. Attaquer une installation fixe sur la côte — ou pire, sur le territoire d’un pays souverain — constitue une escalade majeure. Cela pourrait être interprété comme un acte de guerre. Trump a refusé de confirmer si la frappe a eu lieu au Venezuela, mais il a laissé entendre qu’il savait exactement qui l’avait menée. « Je sais exactement qui c’était, mais je ne veux pas dire qui c’était. Mais vous savez que c’était le long de la côte », a-t-il déclaré.
Cette ambiguïté délibérée soulève de nombreuses questions. Si l’installation se trouvait en territoire vénézuélien, cela signifierait que les États-Unis ont mené une frappe militaire sur le sol d’un pays souverain sans déclaration de guerre formelle. Si elle se trouvait dans les eaux territoriales d’un autre pays, cela violerait également le droit international. Et si elle se trouvait en eaux internationales, comment une « installation » fixe pourrait-elle s’y trouver ? Les experts en droit maritime sont perplexes. Certains suggèrent qu’il pourrait s’agir d’une plateforme flottante ou d’une structure temporaire, mais Trump a clairement parlé d’un « dock » et d’une « zone portuaire », ce qui implique une infrastructure permanente.
Cette ambiguïté me met mal à l’aise. Profondément. Parce qu’elle n’est pas accidentelle. Elle est calculée. Trump sait exactement ce qu’il fait en restant vague. Il envoie un message à Maduro : « Nous pouvons vous frapper n’importe où, n’importe quand, et nous ne vous dirons même pas comment. » C’est une forme de guerre psychologique. Mais c’est aussi une manière d’éviter la responsabilité. Si les détails restent flous, il est plus difficile de contester la légalité de l’opération. Plus difficile de demander des comptes. Plus difficile de mobiliser l’opinion publique internationale. Et pendant ce temps, des installations sont détruites, des vies sont perdues, et nous sommes censés applaudir parce que c’est pour « notre sécurité ».
Le contexte géopolitique : Venezuela dans le viseur
Maduro, l’ennemi désigné
Pour comprendre cette escalade, il faut replacer les choses dans leur contexte géopolitique. Les relations entre les États-Unis et le Venezuela sont au plus bas depuis des années. Trump a fait du renversement de Nicolás Maduro une priorité de sa politique étrangère. Dès son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, il a intensifié les sanctions économiques contre Caracas, saisi des pétroliers vénézuéliens et doublé la récompense offerte pour l’arrestation de Maduro, la portant à cent millions de dollars. L’administration Trump accuse le gouvernement vénézuélien de faciliter le trafic de drogue, affirmant que le palais présidentiel lui-même est impliqué dans le commerce de la cocaïne. Mais comme pour les frappes sur les bateaux, aucune preuve publique n’a été présentée.
Maduro, de son côté, dénonce une campagne de changement de régime déguisée en lutte antidrogue. Il affirme que les États-Unis utilisent le prétexte du narcotrafic pour justifier une intervention militaire visant à le renverser. Et il n’est pas le seul à le penser. De nombreux analystes indépendants et gouvernements latino-américains partagent cette analyse. Le président colombien Gustavo Petro a accusé les États-Unis de meurtre après qu’une frappe a tué un pêcheur colombien. Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a comparé ces frappes à des « exécutions sans procès ». Même des alliés traditionnels des États-Unis, comme le Canada et le Royaume-Uni, auraient suspendu le partage de renseignements sur le trafic de drogue par crainte d’être complices d’opérations illégales.
Une stratégie de pression maximale
L’administration Trump ne cache pas son objectif ultime. Susie Wiles, la cheffe de cabinet de la Maison-Blanche, a déclaré dans une interview au magazine Vanity Fair que Trump « veut continuer à faire exploser des bateaux jusqu’à ce que Maduro crie oncle ». Cette déclaration est révélatrice. Il ne s’agit pas seulement de lutter contre le trafic de drogue. Il s’agit d’exercer une pression maximale sur le gouvernement vénézuélien jusqu’à ce qu’il cède ou s’effondre. Le vingt-deux décembre, Trump a déclaré : « Bientôt, nous commencerons le même programme sur terre. » Cette phrase a envoyé des ondes de choc dans toute l’Amérique latine. Elle suggère que les frappes sur les bateaux et les installations côtières ne sont que le début. Que des opérations terrestres à grande échelle pourraient suivre.
Le Wall Street Journal a rapporté le trente octobre 2025 que des responsables américains avaient identifié des « cibles qui se situent au carrefour des gangs de la drogue et du régime de Maduro », notamment des installations telles que des ports et des pistes d’atterrissage que l’armée vénézuélienne utiliserait prétendument pour le trafic de drogue. Ces révélations ont alimenté les craintes d’une intervention militaire américaine au Venezuela. Certains experts parlent déjà d’une « guerre non déclarée ». D’autres évoquent un retour aux pires excès de la politique étrangère américaine en Amérique latine, rappelant les interventions au Panama, au Nicaragua, au Guatemala et ailleurs pendant la guerre froide.
Les victimes : entre narcotrafiquants et civils
Qui sont vraiment les morts ?
L’administration Trump affirme que toutes les personnes tuées dans ces frappes étaient des narcotrafiquants ou des membres de cartels. Mais les témoignages sur le terrain racontent une histoire plus nuancée, plus complexe, plus troublante. Des familles de victimes ont affirmé que leurs proches étaient de simples pêcheurs, des chauffeurs de taxi-moto, des ouvriers qui avaient accepté un travail ponctuel sans savoir qu’il impliquait du trafic de drogue. La journaliste Regina Garcia Cano de l’Associated Press s’est rendue dans la péninsule de Paria, dans l’État de Sucre au Venezuela, d’où provenait le premier bateau frappé le premier septembre. Elle a interviewé des dizaines de personnes et découvert que certains des morts « avaient effectivement transporté de la drogue mais n’étaient pas des narcoterroristes… ou des chefs de cartel ou de gang ».
Parmi les victimes identifiées publiquement figurent deux Colombiens, un Équatorien, deux hommes de Trinité-et-Tobago et neuf Vénézuéliens. Mais des dizaines d’autres n’ont jamais été identifiés. Leurs corps ont disparu en mer ou se sont échoués sur des plages, méconnaissables après les explosions. Les familles ont peur de parler. Au Venezuela, le gouvernement de Maduro a réprimé toute information sur les frappes, coupant l’électricité dans certains villages et menaçant ceux qui parlaient aux journalistes. À Trinité-et-Tobago, des familles ont identifié des corps échoués sur les plages, reconnaissant leurs proches à leurs montres ou à leurs tatouages. L’un d’eux était décrit par les habitants comme un « patron du crime local de longue date » qui gagnait sa vie en trafiquant de la drogue et des êtres humains. Mais était-ce suffisant pour justifier son exécution sans procès ?
Ces histoires me hantent. Parce qu’elles révèlent la complexité que les discours officiels effacent. Oui, certaines de ces personnes étaient impliquées dans le trafic de drogue. Oui, certaines avaient des casiers judiciaires. Mais d’autres étaient juste désespérées, cherchant à nourrir leurs familles dans des régions ravagées par la pauvreté et l’effondrement économique. Et même pour ceux qui étaient coupables, même pour les vrais criminels, la question demeure : depuis quand avons-nous le droit de les tuer sans procès ? Depuis quand la peine de mort sans jugement est-elle devenue acceptable ? Je pense à ces familles qui pleurent en silence, terrorisées à l’idée de parler. Je pense à ces corps échoués sur les plages, réduits à des morceaux de chair calcinée. Et je me demande : est-ce vraiment ça, la justice ?
Le cas Alejandro Carranza
L’histoire d’Alejandro Andrés Carranza Medina, surnommé « Coroncoro », illustre parfaitement cette ambiguïté. Selon sa famille, Carranza était un pêcheur colombien qui ne trafiquait pas de drogue. Mais selon les médias colombiens, il avait un casier judiciaire pour vol d’armes en collusion avec des gangs. En 2015, il aurait été impliqué dans le vol de deux cent soixante-quatre armes au commissariat métropolitain de Santa Marta. Il aurait accepté les charges de complot, détournement de fonds, falsification de documents publics et vol aggravé. Alors, qui était vraiment Carranza ? Un pêcheur innocent pris dans le mauvais endroit au mauvais moment ? Ou un criminel endurci impliqué dans le trafic d’armes et de drogue ? La vérité se situe probablement quelque part entre les deux. Mais nous ne le saurons jamais avec certitude, car Carranza est mort dans une frappe américaine le quinze septembre 2025, sans avoir eu droit à un procès.
Le président colombien Gustavo Petro a porté plainte auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme au nom de la famille de Carranza, accusant le secrétaire à la Défense Pete Hegseth de violations des droits humains. L’avocat personnel de Petro, Dan Kovalik, a déposé une plainte accusant « les États-Unis de violer les droits à la vie, à l’égalité devant la loi, à la reconnaissance de la personnalité juridique, à un procès équitable et à une procédure régulière ». Cette affaire pourrait créer un précédent important. Si la Commission interaméricaine des droits de l’homme décide d’enquêter, cela pourrait ouvrir la voie à des poursuites contre des responsables américains pour crimes contre l’humanité.
La question de la légalité : un débat explosif
Le droit international bafoué
Les experts en droit international sont quasi unanimes : ces frappes violent le droit international. La professeure de droit Mary Ellen O’Connell a déclaré que la frappe du deux septembre « violait les principes fondamentaux du droit international ». Luke Moffett de l’Université Queen’s de Belfast a affirmé que frapper le navire sans motif de légitime défense pourrait constituer un meurtre extrajudiciaire. Geoffrey Corn, ancien conseiller principal sur le droit de la guerre pour l’armée américaine, a déclaré : « Je ne pense pas qu’il y ait un moyen de caractériser légitimement un navire de drogue se dirigeant du Venezuela, sans doute vers Trinité, comme une attaque armée réelle ou imminente contre les États-Unis, justifiant cette réponse militaire. »
Même des figures juridiques de l’administration Bush, comme John Yoo, ont remis en question la légalité des frappes, arguant qu' »il doit y avoir une ligne entre le crime et la guerre ». Harold Hongju Koh, figure juridique de l’ère Obama, a qualifié les frappes de « sans loi, dangereuses et imprudentes ». L’ancien avocat en chef de l’éthique de la Maison-Blanche, Richard Painter, a qualifié les frappes de violation du droit international et fédéral. Un groupe d’experts des droits humains de l’ONU a déclaré le vingt et un octobre 2025 que l’utilisation de la force létale en eaux internationales sans base juridique appropriée constitue des « exécutions extrajudiciaires », et que toute action militaire secrète ou directe contre un autre État souverain représenterait « une violation encore plus grave de la Charte des Nations Unies ».
Les États-Unis se défendent
L’administration Trump, elle, maintient que ces opérations sont parfaitement légales. Le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a déclaré : « Nous avons l’autorité absolue et complète », citant « la défense du peuple américain seule. Cent mille Américains ont été tués chaque année sous l’administration précédente à cause d’une frontière ouverte et d’un flux de trafic de drogue ouvert. C’est une agression contre le peuple américain. » Mais ce chiffre est faux. Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, les décès par surdose de drogue aux États-Unis en 2024 étaient d’environ quatre-vingt mille, soit une baisse de vingt-cinq pour cent par rapport aux cent douze mille neuf cent dix décès de l’année précédente. Trump a même gonflé ce chiffre à trois cents millions lors d’une déclaration impromptu aux journalistes le quatorze septembre.
Le ministère de la Justice américain a soutenu avant le début des frappes que « le président est légalement autorisé à autoriser des frappes létales contre vingt-quatre cartels et organisations criminelles en légitime défense, car les groupes représentent une menace imminente pour les Américains ». Mais de nombreux experts contestent cette interprétation. Ils arguent que le trafic de drogue, aussi grave soit-il, ne constitue pas une « menace imminente » au sens du droit international, qui exige généralement une attaque armée réelle ou imminente pour justifier l’usage de la force. Le premier octobre 2025, Trump a formellement notifié le Congrès que les États-Unis étaient engagés dans un « conflit armé non international » avec des « combattants illégaux » liés aux cartels de la drogue. Mais cette déclaration elle-même est contestée, car elle semble étendre la définition de « conflit armé » bien au-delà de ce que le droit international humanitaire reconnaît.
Ce qui me frappe dans ce débat juridique, c’est à quel point il révèle une fracture profonde dans notre conception de la justice et de la légalité. D’un côté, vous avez des experts du monde entier qui disent : « C’est illégal, c’est du meurtre, c’est une violation flagrante du droit international. » De l’autre, vous avez une administration qui dit : « Nous avons l’autorité absolue et complète. » Pas d’arguments juridiques détaillés. Pas de références à des traités ou des précédents. Juste une affirmation brute de pouvoir. Et ce qui est terrifiant, c’est que cette affirmation semble suffire. Parce qu’au final, qui va arrêter les États-Unis ? Qui va les traduire en justice ? La Cour pénale internationale ? Les États-Unis ne reconnaissent même pas sa juridiction. L’ONU ? Le Conseil de sécurité est paralysé. Alors on se retrouve dans une situation où le droit international existe sur le papier, mais n’a aucune force contraignante face à la puissance militaire américaine.
Les réactions internationales : un monde divisé
L’Amérique latine entre indignation et soutien
Les réactions en Amérique latine ont été profondément divisées, reflétant les clivages idéologiques de la région. Les dirigeants de gauche de la Colombie, du Mexique et du Brésil ont été les critiques les plus virulents des frappes. Le président colombien Gustavo Petro a accusé les États-Unis de meurtre et a annoncé en novembre qu’il suspendrait le partage de renseignements avec Washington tant que les frappes se poursuivraient. Le président brésilien Lula da Silva a comparé l’utilisation de la force létale dans des situations qui ne constituent pas un conflit armé à « l’exécution de personnes sans procès » lors d’un discours à l’Assemblée générale des Nations Unies. La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a déclaré en octobre : « Nous ne sommes pas d’accord avec ces attaques, avec la manière dont elles sont menées. »
En revanche, les pays dirigés par des gouvernements de droite — comme le Paraguay, l’Argentine et l’Équateur — se sont généralement alignés sur l’approche de l’administration Trump en matière de trafic de drogue et de Maduro. La Première ministre de Trinité-et-Tobago, Kamla Persad-Bissessar, a même salué l’attaque américaine et encouragé davantage d’opérations contre les trafiquants de drogue, déclarant : « La douleur et la souffrance que les cartels ont infligées à notre nation sont immenses. Je n’ai aucune sympathie pour les trafiquants ; l’armée américaine devrait tous les tuer violemment. » Cette déclaration a suscité la controverse, notamment parce que des corps de victimes présumées des frappes se sont échoués sur les plages de Trinité-et-Tobago, et que les familles accusent Trump de « tuer des pauvres ».
Les alliés occidentaux prennent leurs distances
Plus surprenant encore, certains alliés traditionnels des États-Unis ont pris leurs distances avec ces opérations. CNN a rapporté le onze novembre que le Royaume-Uni aurait suspendu le partage de renseignements avec les États-Unis concernant les navires suspects de trafic de drogue, par crainte d’être complice de frappes qu’il considère comme illégales. Bien que les responsables britanniques aient refusé de commenter directement ce rapport, le porte-parole du Premier ministre Keir Starmer a déclaré que « les États-Unis sont notre partenaire le plus proche en matière de défense, de sécurité et de renseignement », tout en refusant de commenter les questions de renseignement. Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a nié le rapport de CNN, le qualifiant de « fausse histoire ». Mais le doute persiste.
Le Canada a également pris ses distances. Des sources parlant à CNN ont déclaré que le Canada ne voulait pas que ses renseignements soient utilisés pour les frappes, mais qu’il avait l’intention de poursuivre son partenariat avec la Garde côtière américaine dans le cadre de l’opération Caribbe. Un porte-parole du ministère de la Défense nationale a déclaré que « les activités des Forces armées canadiennes dans le cadre de l’opération Caribbe, menées en coordination avec la Garde côtière des États-Unis, sont séparées et distinctes », faisant référence aux frappes sur les bateaux suspects de drogue. La ministre des Affaires étrangères Anita Anand a ajouté : « Les États-Unis ont clairement indiqué qu’ils utilisent leurs propres renseignements. Nous n’avons aucune implication dans les opérations auxquelles vous faisiez référence. »
L'impact humanitaire : des communautés dévastées
San Juan de Unare, un village en deuil
Pour comprendre l’impact humain de ces frappes, il faut se rendre à San Juan de Unare, un petit village de pêcheurs sur la péninsule de Paria, dans l’État de Sucre au Venezuela. C’est de là que provenait le premier bateau frappé le premier septembre 2025. Huit des onze victimes venaient de ce village, les trois autres d’une ville voisine, Güiria. Autrefois un simple village de pêcheurs, San Juan de Unare a été pris en charge comme plaque tournante logistique pour le trafic international de drogue et d’êtres humains depuis 2018. Le gang Tren de Aragua utilisait la côte de Sucre pour transporter de la drogue finalement destinée aux États-Unis via les îles des Caraïbes. Mais pour les habitants, c’était avant tout un moyen de survie dans une région ravagée par la crise économique vénézuélienne.
Dès le trois septembre, des hommages contenant des photos, des vidéos et des noms des défunts ont commencé à apparaître sur les réseaux sociaux. Le village était en deuil. Mais très vite, les autorités vénézuéliennes sont descendues sur San Juan de Unare, ont coupé l’électricité et ont clairement fait comprendre que les déclarations publiques sur les attaques n’étaient pas les bienvenues. La journaliste Regina Garcia Cano de l’Associated Press a écrit sur « les peurs très réelles des sources d’être punies — en particulier par le gouvernement vénézuélien — pour avoir parlé aux journalistes ». Elle a réussi à obtenir des informations sur neuf individus, dont les noms de quatre des personnes tuées, et a découvert que certains « des hommes morts avaient effectivement transporté de la drogue mais n’étaient pas des narcoterroristes… ou des chefs de cartel ou de gang ».
Ces villages me brisent le cœur. Parce qu’ils révèlent la tragédie humaine derrière les statistiques. Cent cinq morts, ce n’est pas juste un chiffre. Ce sont cent cinq familles détruites. Cent cinq enfants qui ont perdu un père. Cent cinq mères qui pleurent un fils. Et ces familles vivent dans la peur. Peur du gouvernement vénézuélien qui les menace de représailles si elles parlent. Peur des gangs qui contrôlent leurs villages. Peur des États-Unis qui pourraient frapper à nouveau à tout moment. Elles sont prises au piège dans un conflit qui les dépasse, dans une guerre qu’elles n’ont pas choisie. Et pendant ce temps, les politiciens à Washington et à Caracas se renvoient la balle, chacun accusant l’autre d’être responsable de cette tragédie. Mais les vrais responsables, ce sont tous ceux qui ont laissé ces communautés sombrer dans une telle pauvreté et un tel désespoir qu’elles n’ont eu d’autre choix que de se tourner vers le trafic pour survivre.
Les survivants, des témoins gênants
Deux hommes ont survécu à l’une des frappes, celle du seize octobre 2025 sur un semi-submersible dans les Caraïbes. Ils ont été secourus et détenus sur un navire de la marine américaine. Mais leur sort a posé un problème juridique épineux pour l’administration Trump. Si les États-Unis les gardaient en détention, ils devraient soit les traduire devant un tribunal civil — ce qui nécessiterait des preuves de leur implication dans le trafic de drogue — soit devant un tribunal militaire — ce qui nécessiterait de prouver qu’ils étaient des combattants illégaux engagés dans un conflit armé. Aucune de ces options n’était attrayante pour l’administration. Alors, le dix-neuf octobre, les deux survivants ont été rapatriés dans leurs pays d’origine respectifs, la Colombie et l’Équateur.
Le survivant équatorien, selon sa sœur, ne savait rien de l’implication présumée de son frère dans le trafic de drogue et le décrivait plutôt comme un père désespéré essayant de subvenir aux besoins de ses six enfants. Mais CNN a révélé qu’il avait été condamné et expulsé des États-Unis en 2020 pour trafic de drogue. Le bureau du procureur général équatorien a déclaré qu’aucune plainte pénale n’avait été déposée contre lui auprès de leur institution, donc en l’absence de preuves pour le détenir, le sujet a été libéré. Le survivant colombien a été hospitalisé à son arrivée avec des blessures modérées, dont une fracture du crâne. Le président Petro et Armando Benedetti, ministre colombien de l’Intérieur, ont déclaré au moment de son rapatriement que le survivant serait « poursuivi conformément à la loi, car il est prétendument un criminel qui trafiquait de la drogue ». Mais parce que l’incident s’est produit en eaux internationales, en dehors du territoire colombien, il ne serait poursuivi que s’il parlait volontairement et s’incriminait. Il a été libéré le six novembre sans inculpation.
Operation Southern Spear : la formalisation de la guerre
Une opération militaire à grande échelle
Le treize novembre 2025, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a officiellement dévoilé l’opération Southern Spear, dirigée par la Joint Task Force Southern Spear et utilisant une flotte dotée de robotique et de systèmes autonomes pour cibler le trafic de drogue en Amérique latine. Décrite par un responsable américain comme « une dénomination d’opération formelle pour ce que la Joint Task Force Southern Spear… et Southcom font déjà sur le théâtre », la « campagne de lutte contre le narcoterrorisme » comprenait les frappes aériennes sur les navires. Cette formalisation a marqué un tournant. Ce qui avait commencé comme des opérations ponctuelles était désormais une campagne militaire à part entière, avec une structure de commandement dédiée, des ressources importantes et un mandat à long terme.
L’opération Southern Spear utilise des technologies de pointe, notamment des drones, des systèmes de surveillance par satellite et des navires autonomes. L’objectif déclaré est de perturber les routes de trafic de drogue dans les Caraïbes et le Pacifique oriental. Mais pour de nombreux observateurs, l’opération ressemble davantage à une préparation à une intervention militaire plus large au Venezuela. Le déploiement massif de forces navales, l’identification de cibles terrestres, les frappes sur des installations côtières — tout cela suggère que l’administration Trump se prépare à franchir le Rubicon. Et la déclaration de Trump le vingt-deux décembre — « Bientôt, nous commencerons le même programme sur terre » — ne fait que renforcer ces craintes.
Le Congrès américain divisé
Au Congrès américain, les réactions ont été mitigées. Les républicains ont largement soutenu les frappes, les qualifiant de mesures nécessaires pour protéger les Américains du fléau de la drogue. Le sénateur Lindsey Graham a salué la première frappe, déclarant qu’elle avait « sauvé des vies américaines ». Le sénateur Bernie Moreno a déclaré : « Couler le bateau a sauvé des vies américaines. » Mais les démocrates ont été plus critiques. Le sénateur Mark Warner, membre du Gang of Eight et du Comité sénatorial du renseignement, a déclaré qu’il s’inquiétait de mettre les marins américains « en danger en violant le droit international », et a révélé que ni lui ni le comité n’avaient été informés avant l’opération.
Deux résolutions visant à limiter l’autorité de Trump de poursuivre des actions militaires contre le Venezuela ou des frappes aériennes contre des navires présumés de drogue ont été rejetées par le Sénat contrôlé par les républicains. Le huit octobre 2025, une résolution parrainée par les sénateurs Adam Schiff de Californie et Tim Kaine de Virginie pour empêcher l’administration de lancer d’autres frappes sans l’approbation du Congrès a échoué au Sénat par cinquante et un voix contre quarante-huit. Le six novembre, une autre résolution qui aurait exigé l’approbation du Congrès pour toute action militaire supplémentaire dirigée contre le Venezuela a également été rejetée. Ces votes ont donné carte blanche à Trump pour poursuivre et intensifier ses opérations militaires dans la région.
Les questions éthiques : où tracer la ligne ?
La fin justifie-t-elle les moyens ?
Au cœur de cette controverse se trouve une question éthique fondamentale : la fin justifie-t-elle les moyens ? L’administration Trump soutient que oui. Que la crise du fentanyl est si grave, que les cartels sont si dangereux, que les vies américaines sont si précieuses, que toute mesure est justifiée pour les protéger. Pete Hegseth a déclaré : « Cent mille Américains ont été tués chaque année sous l’administration précédente à cause d’une frontière ouverte et d’un flux de trafic de drogue ouvert. C’est une agression contre le peuple américain. » Mais ce raisonnement pose de sérieux problèmes. D’abord, les chiffres sont faux, comme nous l’avons vu. Ensuite, même si les chiffres étaient exacts, cela justifierait-il des exécutions extrajudiciaires ? Cela justifierait-il de tuer des gens sans procès, sans preuve, sans possibilité de se défendre ?
De nombreux experts en éthique et en droits humains répondent par un non catégorique. Ils arguent que le respect des droits humains et de l’État de droit n’est pas négociable, même face à des menaces graves. Que dès que nous commençons à faire des exceptions — « oui, mais dans ce cas, c’est différent » — nous ouvrons la porte à tous les abus. Que l’histoire est remplie d’exemples de gouvernements qui ont justifié des atrocités au nom de la sécurité nationale. Et que les États-Unis, en tant que démocratie et défenseur autoproclamé des droits humains, ont une responsabilité particulière de montrer l’exemple. Amnesty International USA a décrit une frappe comme un meurtre. Le procureur Reed Brody a comparé les actions des États-Unis aux actions pour lesquelles Rodrigo Duterte est jugé à la Cour pénale internationale, affirmant que les deux pays avaient approuvé le meurtre de trafiquants de drogue présumés sans procès.
Cette question de la fin et des moyens me hante. Parce que je comprends la frustration. Je comprends la colère face à la crise des opioïdes. J’ai vu des communautés dévastées par le fentanyl. J’ai vu des familles détruites. J’ai vu des vies gâchées. Et je comprends l’envie de dire : « Assez, il faut agir, il faut frapper fort. » Mais voilà le problème : une fois qu’on abandonne les principes, une fois qu’on dit « dans ce cas, c’est différent », on ne peut plus les récupérer. On ne peut plus dire « mais là, c’est trop loin ». Parce qu’il y aura toujours une nouvelle menace, une nouvelle urgence, une nouvelle raison de faire une exception. Et avant qu’on s’en rende compte, les exceptions deviennent la règle. Et on se retrouve dans un monde où le pouvoir fait la loi, où la force prime sur le droit, où les puissants peuvent tuer les faibles en toute impunité. Est-ce vraiment le monde dans lequel nous voulons vivre ?
Le précédent dangereux
Au-delà des questions éthiques immédiates, ces frappes créent un précédent extrêmement dangereux. Si les États-Unis peuvent tuer des trafiquants de drogue présumés en eaux internationales sans procès, qu’est-ce qui empêche d’autres pays de faire de même ? Qu’est-ce qui empêche la Chine de frapper des navires qu’elle accuse de trafic de drogue en mer de Chine méridionale ? Qu’est-ce qui empêche la Russie de frapper des navires dans la mer Noire ? Qu’est-ce qui empêche n’importe quel pays doté d’une marine puissante de devenir juge, jury et bourreau en haute mer ? Le professeur de droit Gabor Rona a écrit dans un article de Lawfare que, bien qu’il soit d’accord avec d’autres analystes sur le fait que les frappes sont illégales, elles reflètent un dépassement prévisible qui a suivi les précédents établis par les administrations Bush, Obama et Biden après les attentats du onze septembre.
Ce point est crucial. Les frappes de Trump ne sortent pas de nulle part. Elles s’inscrivent dans une longue histoire d’expansion du pouvoir exécutif américain en matière de sécurité nationale. Depuis le onze septembre 2001, chaque administration américaine a élargi la définition de ce qui constitue une menace pour la sécurité nationale et de ce qui justifie l’usage de la force militaire. L’autorisation d’utilisation de la force militaire de 2001, initialement destinée à poursuivre les responsables des attentats du onze septembre, a été utilisée pour justifier des opérations militaires dans des dizaines de pays à travers le monde. Trump pousse simplement cette logique un cran plus loin, en l’appliquant aux cartels de la drogue. Mais où cela s’arrête-t-il ? Quelles seront les prochaines « menaces » qui justifieront des frappes militaires sans déclaration de guerre ?
L'avenir : vers une guerre totale ?
Les signaux d’une escalade imminente
Tous les signaux pointent vers une escalade majeure dans les mois à venir. La déclaration de Trump le vingt-deux décembre — « Bientôt, nous commencerons le même programme sur terre » — n’était pas une menace en l’air. C’était un avertissement. Le Wall Street Journal a rapporté que des responsables américains avaient identifié des cibles terrestres au Venezuela, notamment des ports et des pistes d’atterrissage. L’opération Southern Spear a été conçue comme une campagne à long terme, pas comme une série d’opérations ponctuelles. Le déploiement naval massif dans les Caraïbes se poursuit. Les sanctions économiques contre le Venezuela s’intensifient. La rhétorique de l’administration Trump devient de plus en plus belliqueuse. Tout suggère que nous nous dirigeons vers une confrontation militaire directe entre les États-Unis et le Venezuela.
Mais une telle confrontation aurait des conséquences catastrophiques. D’abord, elle déstabiliserait toute la région. Le Venezuela est un pays de près de trente millions d’habitants, avec une armée importante et des alliés puissants, notamment la Russie et la Chine. Une intervention militaire américaine pourrait déclencher un conflit régional, voire mondial. Ensuite, elle créerait une crise humanitaire massive. Des millions de Vénézuéliens pourraient être déplacés, cherchant refuge dans les pays voisins déjà submergés par les réfugiés. Enfin, elle ne résoudrait probablement pas le problème du trafic de drogue. L’histoire montre que les interventions militaires dans la « guerre contre la drogue » ont rarement réussi à réduire durablement le trafic. Elles déplacent simplement les routes de trafic vers d’autres régions.
Les alternatives ignorées
Ce qui est frustrant dans cette escalade, c’est qu’il existe des alternatives. Des alternatives qui ont fait leurs preuves dans d’autres contextes. Des alternatives qui s’attaquent aux causes profondes du trafic de drogue plutôt qu’à ses symptômes. Par exemple, investir dans le développement économique des régions productrices de drogue, pour offrir aux populations locales des moyens de subsistance légaux. Renforcer les systèmes judiciaires et les forces de l’ordre dans les pays d’Amérique latine, pour qu’ils puissent poursuivre les trafiquants de manière légale et efficace. Traiter la consommation de drogue comme un problème de santé publique plutôt que comme un problème criminel, en investissant dans la prévention et le traitement plutôt que dans la répression. Légaliser et réguler certaines drogues pour couper l’herbe sous le pied des cartels.
Mais ces alternatives nécessitent de la patience, de l’investissement à long terme et une volonté de remettre en question des décennies de politiques antidrogue inefficaces. Elles ne produisent pas de résultats spectaculaires qu’on peut annoncer lors d’une conférence de presse. Elles ne permettent pas de publier des vidéos de bateaux explosant sur les réseaux sociaux. Elles ne satisfont pas le désir de vengeance et de punition qui anime une partie de l’opinion publique américaine. Alors, elles sont ignorées. Et à la place, nous avons des frappes militaires, des morts, des familles détruites, et un cycle de violence qui ne fait que s’intensifier.
Ce qui me désespère le plus dans cette histoire, c’est le gâchis. Le gâchis de vies humaines, bien sûr. Mais aussi le gâchis d’opportunités. Parce que nous savons ce qui fonctionne. Nous avons des décennies de recherche sur les politiques antidrogue efficaces. Nous savons que la répression seule ne marche pas. Nous savons que la militarisation du problème ne fait que l’aggraver. Nous savons que les solutions durables passent par le développement économique, l’éducation, la santé publique. Mais nous choisissons quand même la voie de la violence. Pourquoi ? Parce que c’est plus facile politiquement. Parce que ça donne l’impression de faire quelque chose. Parce que ça satisfait notre soif de justice immédiate. Mais au final, ça ne résout rien. Ça ne fait que créer plus de souffrance, plus de ressentiment, plus de violence. Et le cycle continue.
Conclusion : le prix de la guerre
Un bilan accablant
Faisons le bilan. Depuis septembre 2025, les États-Unis ont mené au moins vingt-neuf frappes aériennes sur trente embarcations dans les Caraïbes et le Pacifique oriental, tuant au moins cent cinq personnes. Ils ont maintenant frappé une installation côtière, franchissant une ligne rouge en passant des opérations maritimes aux opérations terrestres. Ils ont déclaré être en « conflit armé » avec les cartels de la drogue, une qualification juridique contestée par la plupart des experts en droit international. Ils ont été accusés par l’ONU, par des organisations de droits humains, par des gouvernements latino-américains et même par certains de leurs propres alliés de commettre des exécutions extrajudiciaires et de violer le droit international. Et tout cela au nom de la lutte contre le trafic de drogue.
Mais qu’ont-ils accompli ? Ont-ils réduit le flux de drogue vers les États-Unis ? Aucune donnée ne le suggère. Ont-ils démantelé des cartels majeurs ? Non. Ont-ils capturé des chefs de cartel importants ? Non. Ont-ils même prouvé que toutes les personnes tuées étaient effectivement des narcotrafiquants ? Non. Ce qu’ils ont accompli, c’est de tuer plus de cent personnes, dont beaucoup étaient probablement de simples exécutants ou même des civils pris dans le feu croisé. Ils ont créé une crise diplomatique majeure avec plusieurs pays d’Amérique latine. Ils ont érodé la confiance de leurs alliés. Ils ont établi un précédent dangereux qui pourrait être utilisé par d’autres pays pour justifier leurs propres violations du droit international. Et ils ont préparé le terrain pour une escalade militaire qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques.
Une question de choix
Nous sommes à un carrefour. D’un côté, il y a la voie de la violence, de l’escalade militaire, de la guerre totale contre les cartels. C’est la voie que l’administration Trump a choisie. C’est une voie qui promet des résultats rapides, des victoires spectaculaires, des vidéos virales de bateaux explosant. Mais c’est aussi une voie qui mène à plus de morts, plus de souffrance, plus d’instabilité. De l’autre côté, il y a la voie de la patience, de l’investissement à long terme, des solutions structurelles. C’est une voie moins glamour, moins satisfaisante émotionnellement, moins susceptible de produire des gros titres. Mais c’est une voie qui a une chance réelle de résoudre le problème à long terme.
Le choix que nous faisons maintenant déterminera non seulement l’avenir de la lutte antidrogue, mais aussi l’avenir de l’ordre international basé sur des règles. Si nous acceptons que les États-Unis puissent tuer des gens en eaux internationales sans procès, sans preuve, sans responsabilité, alors nous acceptons un monde où la force prime sur le droit. Un monde où les puissants peuvent faire ce qu’ils veulent aux faibles. Un monde où les principes que nous prétendons défendre — les droits humains, l’État de droit, la justice — ne sont que des mots vides de sens. Est-ce vraiment le monde que nous voulons léguer aux générations futures ?
Je termine cet article avec un sentiment de profonde tristesse. Tristesse pour les cent cinq personnes tuées, dont nous ne connaîtrons probablement jamais toutes les histoires. Tristesse pour leurs familles, qui pleurent en silence, terrorisées à l’idée de parler. Tristesse pour les communautés dévastées, prises entre les gangs, les gouvernements corrompus et les frappes militaires. Tristesse pour l’état du monde, où nous avons normalisé la violence à un point tel qu’on peut annoncer la destruction d’une installation et la mort de dizaines de personnes comme on commenterait la météo. Mais au-delà de la tristesse, il y a aussi de la colère. Colère contre ceux qui ont choisi cette voie. Colère contre ceux qui applaudissent ces frappes sans se poser de questions. Colère contre notre propre complaisance collective face à cette escalade. Parce qu’au final, nous sommes tous responsables. Chaque fois que nous restons silencieux face à l’injustice, chaque fois que nous acceptons la violence comme solution, chaque fois que nous fermons les yeux sur les violations des droits humains, nous devenons complices. Et je refuse d’être complice. Je refuse d’accepter que c’est comme ça que les choses doivent être. Je refuse de croire que nous ne pouvons pas faire mieux. Nous le pouvons. Nous le devons. Pour les cent cinq morts. Pour leurs familles. Pour nous-mêmes.
Sources
Sources primaires
Associated Press, « Trump says the US ‘hit’ a facility along shore where he says alleged drug boats ‘load up' », 29 décembre 2025. Associated Press, « FACT FOCUS: There’s no proof each strike on alleged drug boats saves 25,000 lives, as Trump claims », 29 décembre 2025. Wikipedia, « 2025 United States military strikes on alleged drug traffickers », consulté le 29 décembre 2025.
Sources secondaires
ABC News, « Trump says US ‘knocked out’ a ‘big facility’ in Venezuela », 29 décembre 2025. CBS News, « Trump says U.S. ‘knocked out’ a ‘big facility’ linked to alleged drug boats », 29 décembre 2025. CNN, « Trump says US knocked out ‘big facility’ as part of Venezuela campaign », 29 décembre 2025. The Guardian, « Trump claims US destroyed facility in Venezuela drug campaign », 29 décembre 2025. Reuters, « US hit drug boat loading facility in Venezuela, Trump says », 29 décembre 2025. The Washington Post, « Hegseth ordered ‘no survivors’ in first boat strike, sources say », 28 novembre 2025. The New York Times, « Timeline of Trump’s strikes on alleged drug boats », décembre 2025.
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