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Saviez-vous que le Québec abrite les plus vieilles roches terrestres jamais identifiées ? Cette découverte, qui bouleverse notre compréhension de l’histoire de la planète, a été confirmée récemment par une équipe de chercheurs canadiens et français. Dans les paysages glacés du Nunavik, au nord du Québec, une ceinture rocheuse recèle les ultimes témoins de la Terre primitive, formés il y a plus de 4,16 milliards d’années : la ceinture de Nuvvuagittuq. Ces roches, vestiges de l’Hadéen, la période la plus ancienne de l’histoire géologique, nous offrent une fenêtre inédite sur les premiers instants de notre monde. Mais comment ces fragments du passé ont-ils survécu à l’érosion, aux bouleversements tectoniques, à la violence du temps ? Pourquoi le Québec, et pas ailleurs ? Et surtout, que nous disent ces pierres silencieuses sur l’émergence de la vie et la formation des continents ? Plongeons ensemble dans ce récit fascinant où la géologie devient une quête existentielle, un dialogue entre la matière et le temps, entre la science et l’imaginaire.

Un trésor enfoui sous les glaces du nunavik

Dans le grand nord québécois, loin des routes, des villes et du tumulte, s’étend une région que peu de gens connaissent : le Nunavik. C’est là, à proximité de la petite communauté inuite d’Inukjuak, que des chercheurs ont prélevé en 2017 des échantillons qui allaient bouleverser la géologie mondiale. La ceinture de Nuvvuagittuq n’est pas spectaculaire à première vue : un paysage de roches sombres, striées, parfois teintées de vert ou de rose, battues par les vents arctiques. Pourtant, sous cette apparence banale, se cache un secret vieux de plusieurs milliards d’années. Les analyses menées à l’Université d’Ottawa et à l’Université Carleton ont révélé que ces roches volcaniques datent de 4,16 milliards d’années, soit à peine 400 millions d’années après la formation de la Terre elle-même. Ce chiffre, vertigineux, place la ceinture de Nuvvuagittuq comme le seul endroit connu sur Terre où subsistent des roches formées pendant l’Hadéen, cette ère où la planète n’était qu’un enfer de feu et de chaos.

Pourtant, cette découverte n’a pas été immédiate. Dès 2008, le professeur Jonathan O’Neil et son équipe avaient proposé un âge de 4,28 milliards d’années pour ces roches, mais la communauté scientifique restait sceptique. Les méthodes de datation, complexes, donnaient des résultats contradictoires : certains voyaient dans ces pierres un mélange de matériaux plus jeunes et plus anciens, d’autres pointaient la possible contamination des échantillons. Il a fallu quinze ans de débats, d’analyses croisées, de nouvelles techniques pour qu’un consensus émerge enfin. Ce n’est pas la roche volcanique elle-même qui a été datée, mais une intrusion magmatique – une veine de magma solidifiée venue la traverser plus tard – dont l’âge, déterminé par deux méthodes radiométriques indépendantes, s’est avéré identique : 4,16 milliards d’années.

Mais pourquoi ces roches ont-elles survécu ? La Terre renouvelle sans cesse sa croûte par la tectonique, le volcanisme, l’érosion. La plupart des roches formées à l’aube du monde ont été détruites, recyclées, fondues. La ceinture de Nuvvuagittuq, enfouie sous les glaces, isolée des grands mouvements géologiques, a échappé à ce destin. C’est un miracle géologique, un vestige fossilisé du passé, qui nous permet aujourd’hui de remonter le fil du temps jusqu’aux origines de notre planète.

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