La nuit du 18 septembre qui a tout changé
Dans les couloirs froids du 26 Federal Plaza à Manhattan, l’air s’était épaissi d’une tension insoutenable. Soixante et onze personnes arrêtées en une seule journée. Parmi elles, des élues démocrates qui avaient osé franchir la ligne rouge tracée par l’administration Trump. Le contrôleur de la ville Brad Lander, les sénateurs d’État Gustavo Rivera et Julia Salazar… tous menottés, tous embarqués pour avoir voulu observer l’inobservable. Car derrière ces portes blindées du dixième étage se cachait ce que l’Amérique refuse de voir : des familles entières détenues dans des conditions que même un juge fédéral avait qualifiées d’« inconstitutionnelles et inhumaines ».
L’escalade était prévisible. Depuis que Donald Trump a repris les rênes du pouvoir en janvier 2025, sa machine de déportation massive a expulsé plus de deux millions de personnes en moins de 250 jours. Une cadence industrielle qui transforme l’Amérique en laboratoire de l’autoritarisme. Mais ce soir-là, quelque chose a basculé. Des femmes et des hommes élus ont dit « non » — et pour la première fois depuis des décennies, le pouvoir leur a répondu par les menottes.
Quand l’État criminalise ses propres élus
Le département de la Justice d’Emil Bove ne s’embarrasse plus de nuances. Dans un mémorandum glacial diffusé dès janvier, l’administration Trump a menacé de poursuites criminelles tout élu local ou d’État qui oserait entraver ses opérations d’immigration. « La loi fédérale interdit aux acteurs étatiques et locaux de résister, d’obstruer ou de ne pas se conformer aux commandements et demandes légitimes liés à l’immigration », martèle le texte. Une phrase qui sonne comme un ultimatum à la démocratie elle-même.
Cette menace n’était pas vaine. Elle s’est matérialisée dans les arrestations de septembre, mais aussi dans la liste noire publiée par la Maison Blanche le 26 septembre. Près de trente élus démocrates y sont épinglés, accusés d’avoir « incité à la violence » contre les agents d’ICE. Tim Walz, Gavin Newsom, JB Pritzker… des gouverneurs entiers sont désormais dans le collimateur d’un président qui transforme l’opposition politique en crime fédéral. L’Amérique glisse vers un précipice dont elle ne mesure pas encore la profondeur.
La résistance qui refuse de plier
Pourtant, ils continuent. Malgré les menaces, malgré les arrestations, malgré cette campagne de terreur administrative qui vise à briser toute velléité d’opposition. À New York, à Chicago, à Los Angeles, des élus risquent leur liberté pour défendre celle des autres. Ils se font gazer, molester, humilier par des agents fédéraux qui agissent désormais en territoire conquis. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une occupation, d’une prise de contrôle systématique des institutions démocratiques par une machine répressive qui ne tolère plus aucune dissidence.
La machine répressive : anatomie d'un système de terreur

170 milliards de dollars pour broyer les corps
Les chiffres donnent le vertige. 170 milliards de dollars alloués à la répression anti-immigrée par le « One Big Beautiful Bill Act » signé le 4 juillet 2025. Une somme qui quadruple le budget annuel de détention d’ICE et transforme l’Amérique en archipel carcéral d’une ampleur inédite. Quarante-cinq milliards rien que pour enfermer des familles entières, y compris des enfants, dans des conditions que les experts médicaux qualifient de « traumatisantes » et génératrices de « risques psychologiques à long terme ».
Cette manne financière ne tombe pas dans le vide : elle enrichit directement les compagnies de prisons privées dont les dirigeants « expriment leur joie » face à l’agenda de déportation massive de Trump. Un business de la souffrance humaine qui transforme chaque famille détruite en dividende, chaque enfant séparé en profit. Le système est rodé, efficace, implacable. En cent jours, ICE a arrêté 66 463 « étrangers illégaux » et en a expulsé 65 682. Trois arrestations sur quatre concernent des « criminels », mais cette étiquette recouvre désormais des infractions routières et des délits mineurs.
Guantanamo, nouveau camp de concentration américain
Le 29 janvier 2025, Donald Trump a franchi un nouveau seuil dans l’ignominie : il a ordonné la préparation de la base de Guantanamo Bay pour y entasser des dizaines de milliers de migrants. Cette prison synonyme de torture et de déni des droits humains devient le symbole d’une Amérique qui assume désormais sa transformation en État policier. Guantanamo, où des hommes croupissent depuis plus de vingt ans sans procès, va accueillir des familles fuyant la misère et la violence.
L’ironie est cruelle : ce même pays qui donnait des leçons de démocratie au monde entier recycling ses instruments de guerre contre sa propre population civile. Car derrière chaque « illégal » se cache un être humain, souvent un travailleur essentiel à l’économie américaine, parfois un étudiant brillant comme Ximena Arias-Cristobal, cette jeune « dreamer » de 19 ans arrachée à sa vie géorgienne par un policier local devenu supplétif d’ICE.
L’armée contre le peuple : quand la Garde nationale tire sur les citoyens
L’escalade autoritaire ne s’arrête pas aux frontières. Trump a déployé la Garde nationale de Californie sans l’accord de son gouverneur, retournant l’armée contre des citoyens américains engagés dans des manifestations « largement pacifiques » contre la politique d’immigration. Cette militarisation de la répression intérieure brise un tabou fondamental de la démocratie américaine : l’interdiction d’utiliser les forces armées contre la population civile.
Parallèlement, le FBI et ses cellules antiterroristes sont détournés de leur mission originelle pour coordonner les opérations d’immigration avec le département de la Sécurité intérieure. Les mêmes agents qui traquaient les terroristes sont désormais chargés de pourchasser des mères de famille et des étudiants. Cette perversion des institutions sécuritaires transforme chaque immigrant en ennemi intérieur potentiel, justifiant une surveillance de masse qui gangrène l’ensemble de la société.
Les élues en première ligne : portraits de la résistance

Brad Lander, le comptable qui décompte les libertés perdues
Il y a quelque chose de symbolique dans le fait que ce soit Brad Lander, contrôleur de la ville de New York, qui soit devenu l’une des figures de proue de cette résistance désespérée. Cet homme habitué à scruter les budgets municipaux se retrouve à compter les corps dans les cellules d’ICE. Arrêté une première fois en juin, puis de nouveau le 18 septembre, Lander refuse de plier face à l’intimidation fédérale. « Il y a des lois fédérales et locales qui sont violées derrière ces portes », criait-il aux agents qui gardaient les installations. « Nos voisins sont détenus illégalement plus longtemps qu’ils ne sont autorisés à l’être, et nous sommes ici pour observer. »
Mais observer est devenu un crime. Dans l’Amérique de Trump, témoigner c’est déjà résister. Et résister, c’est mériter les menottes. Lander et ses collègues ont frappé pendant vingt minutes à la porte des cellules du dixième étage, écoutant les agents de l’autre côté sceller l’accès avec du ruban adhésif. Une scène kafkaïenne où des élus démocratiquement choisis supplient qu’on les laisse constater l’application de la loi dans leur propre pays.
Gustavo Rivera et Julia Salazar : quand le Sénat new-yorkais défie Washington
Les sénateurs d’État Gustavo Rivera et Julia Salazar incarnent cette génération d’élus qui refuse l’intimidation. Tous deux arrêtés le 18 septembre, ils représentent des circonscriptions à forte population immigrée qui vivent au quotidien la terreur des rafles d’ICE. Rivera, qui siège au Sénat de l’État de New York depuis 2010, a vu sa communauté du Bronx se transformer en zone de guerre civile où chaque contrôle d’identité peut déboucher sur une déportation.
Julia Salazar, plus jeune, incarne la radicalité d’une génération qui a grandi dans l’Amérique post-11 septembre et refuse que le pays sombre davantage dans l’autoritarisme. Quand elle a tenté d’accéder aux cellules de détention avec ses collègues, elle savait qu’elle risquait l’arrestation. Mais elle savait aussi que le silence équivaut à la complicité. Dans un État où les élus locaux n’ont théoriquement aucun pouvoir d’inspection sur les installations fédérales, leur simple présence devient un acte de désobéissance civile.
Jumaane Williams : l’avocat du peuple face aux nouveaux maîtres
Jumaane Williams, avocat public de la ville de New York, était dehors quand ses collègues se faisaient arrêter à l’intérieur du bâtiment. Mais son tour est venu lors de la manifestation extérieure, où il a rejoint les centaines de protestataires qui scandaient « ICE out of New York ! ». Williams, qui a consacré sa carrière à défendre les droits des plus vulnérables, se retrouve désormais dans le viseur d’un système qui criminalise l’empathie et pénalise la solidarité.
Son arrestation illustre parfaitement la stratégie de Trump : briser les solidarités locales en s’attaquant directement aux élus qui osent protéger leurs administrés. Car Williams n’est pas qu’un symbole : il est l’homme qui, dans ses fonctions, peut concrètement aider les familles d’immigrés à naviguer dans le labyrinthe bureaucratique new-yorkais. L’arrêter, c’est envoyer un message clair à tous ceux qui pourraient être tentés de faire preuve d’humanité.
La stratégie de la terreur : comment Trump brise les résistances locales

La liste noire : quand l’État nomme ses ennemis
Le 26 septembre 2025 restera comme une date charnière dans la dérive autoritaire américaine. Ce jour-là, la Maison Blanche a publié une liste de près de trente élus démocrates accusés d’avoir « incité à la violence » contre les agents d’ICE. Tim Walz, gouverneur du Minnesota. Gavin Newsom, gouverneur de Californie. JB Pritzker, gouverneur de l’Illinois. Des responsables politiques de premier plan soudainement transformés en « agitateurs de la gauche radicale » par un communiqué présidentiel qui puise dans le vocabulaire des dictatures du XXe siècle.
Cette publication intervient dans un contexte lourd : trois jours après qu’un homme armé ait ouvert le feu sur un bureau d’ICE à Dallas, tuant un détenu et en blessant gravement deux autres. Joshua Jahn, 29 ans, s’était donné la mort après son attaque, laissant derrière lui des munitions marquées « ANTI-ICE ». Trump instrumentalise immédiatement ce drame pour justifier sa chasse aux sorcières, accusant les démocrates d’avoir « passé des années à diaboliser ICE en les traitant de ‘fascistes’, de ‘Gestapo’ et de ‘patrouilles d’esclaves' ».
Le chantage fédéral : Washington contre les villes-sanctuaires
La stratégie est aussi simple qu’efficace : étrangler financièrement les juridictions récalcitrantes. Le département de la Sécurité intérieure a officiellement mis en demeure la Californie, New York et l’Illinois pour leur « échec à honorer les mandats de détention d’étrangers criminels illégaux ». Cette mise en demeure n’est que le prélude à des sanctions qui peuvent aller jusqu’à la suppression pure et simple des subventions fédérales.
Pour comprendre l’ampleur du chantage, il faut mesurer la dépendance des États et villes américaines aux financements fédéraux. New York reçoit des milliards de dollars de Washington pour ses programmes sociaux, ses infrastructures, ses forces de police. Couper ces robinets équivaut à asphyxier économiquement des millions d’habitants pour forcer leurs dirigeants à la soumission. C’est exactement ce que fait Trump, transformant le fédéralisme en arme de guerre contre ses opposants politiques.
Washington DC sous tutelle : l’annexion de la capitale
L’exemple le plus frappant de cette dérive autoritaire reste le sort réservé à Washington DC. En septembre, Trump a menacé de refédéraliser la police de la capitale après que la maire Muriel Bowser ait refusé de coopérer avec ICE. « Si la coopération sur l’application de l’immigration cesse, j’appellerai une urgence nationale et fédéraliserai si nécessaire !!! » a tweeté le président, ponctant sa menace de trois points d’exclamation qui trahissent sa rage.
Cette menace fait suite à un précédent inquiétant : en début d’année, Trump avait déjà placé la police de Washington sous contrôle fédéral via un ordre d’urgence qui a expiré la semaine dernière. Reprendre le contrôle de la capitale équivaut à faire de Washington une ville occupée, où les forces de l’ordre obéissent directement au président plutôt qu’aux élus locaux. Une situation digne des pires dictatures, où le pouvoir central ne tolère aucune dissidence, même symbolique.
Les prisons de l'ombre : voyage au cœur du système carcéral migratoire

Le dixième étage de l’horreur : 26 Federal Plaza sous la loupe
Il faut imaginer ces cellules improvisées au cœur de Manhattan. Le dixième étage du 26 Federal Plaza, officiellement un simple « bureau de terrain d’ICE », s’est transformé en centre de détention de facto où s’entassent des familles entières dans des conditions que le juge fédéral Lewis A. Kaplan a qualifiées d’inconstitutionnelles. Surpeuplement, manque d’hygiène, absence de matelas… Les vidéos qui ont filtré montrent des scènes dignes des camps de rétention du siècle dernier.
Quand les élus ont tenté d’accéder à ces cellules le 18 septembre, ils cherchaient à vérifier l’application d’une injonction judiciaire ordonnant à ICE de limiter le nombre de détenus et d’améliorer les conditions de détention. Mais les agents ont scellé les portes avec du ruban adhésif, empêchant tout regard extérieur sur leurs pratiques. Cette obstination à cacher témoigne d’une culpabilité évidente : que cachent-ils de si terrible qu’ils préfèrent arrêter des élus plutôt que de laisser entrevoir la réalité ?
Les enfants dans la machine : quand l’innocence devient crime
Le « One Big Beautiful Bill Act » autorise explicitement la détention indéfinie d’enfants et de familles, violant ouvertement l’accord de règlement Flores qui protégeait jusqu’alors les mineurs migrants. Cette autorisation légale de torturer des enfants constitue une rupture anthropologique majeure : l’Amérique assume désormais que l’origine ethnique justifie la suspension des droits humains les plus élémentaires.
Les experts médicaux et psychiatriques sont unanimes : la détention familiale, même de courte durée, provoque des « traumatismes psychologiques et des risques de santé mentale à long terme » chez les enfants. Mais Trump s’en moque éperdument. Pour lui, ces enfants ne sont que des variables d’ajustement dans sa politique de dissuasion massive. Chaque famille brisée devient un signal envoyé aux suivantes : « N’essayez même pas de venir. »
CECOT Salvador : l’externalisation de la torture
L’administration Trump a trouvé une solution « élégante » pour contourner les contraintes légales américaines : sous-traiter la torture. Des centaines d’hommes vénézuéliens ont été envoyés au CECOT, une prison salvadorienne surnommée « trou noir » et connue pour ses conditions inhumaines. Ces transferts se basent sur des « allégations secrètes, fragiles et incontestables » d’appartenance à des gangs, permettant de se débarrasser d’individus gênants sans procès ni possibilité d’appel.
Cette externalisation de la répression permet à Trump de préserver l’image de l’Amérique tout en appliquant ses méthodes les plus brutales. Officiellement, les États-Unis respectent les droits humains sur leur territoire. Officieusement, ils exportent leurs prisonniers vers des pays où la torture est banalisée. Une hypocrisie parfaite qui permet de concilier rhétorique démocratique et pratiques totalitaires.
Violence d'État : quand l'uniforme devient instrument de terreur

L’agent masqué : symbole d’une Amérique défigurée
L’image a fait le tour du monde : un agent fédéral en tenue de camouflage, masque intégral, lunettes de soleil et casque, projetant violemment au sol une femme hystérique qui s’inquiétait pour l’arrestation d’un proche. Cette scène, filmée le 26 septembre devant le 26 Federal Plaza, cristallise toute la violence d’un système qui a déshumanisé ses propres agents. « Adios », répète l’homme masqué à la femme effondrée, transformant une langue en arme de mépris racial.
Cet agent, depuis « relevé de ses fonctions actuelles » selon ICE, incarne parfaitement la dérive d’une institution qui recrute désormais sur critères de brutalité et d’insensibilité. Formés pour voir chaque immigrant comme un ennemi potentiel, ces hommes en uniforme appliquent des méthodes de guerre contre des populations civiles. Le masque intégral n’est pas qu’un équipement de protection : c’est un symbole d’anonymat qui permet tous les excès en déresponsabilisant leurs auteurs.
Chicago sous les gaz : quand la répression devient spectacle
Le 19 septembre, devant l’installation d’ICE de Broadview dans la banlieue de Chicago, la violence d’État s’est encore déchaînée. Des manifestants pacifistes brandissant des pancartes ont été gazés aux lacrymogènes par des agents fédéraux lourdement armés. Parmi eux, un maire démocrate candidat au Congrès et une ancienne journaliste elle aussi en campagne. Tous deux ont été projetés au sol par des hommes qui semblaient prendre plaisir à leur besogne.
Katbughaleh, l’ex-journaliste agressée, témoigne avec lucidité : « Nous, manifestants non armés tenant des pancartes, avons été confrontés à des agents fédéraux tirant des balles de poivre à nos pieds. » Cette disproportion des moyens révèle la vraie nature du régime Trump : un système qui ne supporte plus la moindre dissidence et réprime par la force brutale toute velléité de contestation pacifique.
Les 287(g) : quand la police locale devient supplétive fédérale
L’une des stratégies les plus perverses de l’administration Trump consiste à transformer les policiers locaux en agents d’ICE. Via les accords 287(g), des milliers d’officiers de police municipale et de shérifs de comté se voient conférer le pouvoir d’arrêter et de détenir des immigrants. En six mois, le nombre de ces accords a été multiplié par six, créant un maillage répressif d’une densité inédite.
Cette stratégie explique l’arrestation de Ximena Arias-Cristobal, cette « dreamer » de 19 ans, star de l’athlétisme, qui a fini en détention après un simple contrôle routier en Géorgie. Le policier local qui l’a arrêtée avait été « autorisé et encouragé » par les accords de Trump à transformer un délit mineur en procédure d’expulsion. Cette perversion du maintien de l’ordre local détruit la confiance entre les communautés et leurs forces de police, créant un climat de terreur permanente.
Résistances et solidarités : les derniers îlots de liberté

New York : une ville sanctuaire assiégée
Malgré la répression, New York refuse de plier. La plus grande « ville sanctuaire » du pays continue d’organiser des manifestations quotidiennes devant le 26 Federal Plaza, transformant ce bâtiment fédéral en symbole de la résistance américaine. Chaque jour, des centaines de personnes se rassemblent pour crier « ICE out of New York ! », bravant les arrestations et les violences policières. Cette mobilisation permanente témoigne d’une solidarité populaire que Trump n’arrive pas à briser.
Les syndicats, les organisations confessionnelles, les collectifs d’avocats… toute une nébuleuse associative s’est organisée pour contourner la répression fédérale. Des réseaux d’entraide permettent aux familles menacées de trouver des refuges temporaires, tandis que des avocats bénévoles prodiguent des conseils juridiques gratuits. Cette solidarité de terrain compense partiellement la défaillance des institutions officielles, créant une société civile de résistance qui maintient l’espoir.
Les juges fédéraux : derniers remparts constitutionnels
Paradoxalement, c’est parfois du système judiciaire fédéral que viennent les seules bonnes nouvelles. Le juge Lewis A. Kaplan, en ordonnant l’amélioration des conditions de détention au 26 Federal Plaza, a rappelé que la Constitution s’applique encore en théorie. Son injonction préliminaire obligeant ICE à limiter le nombre de détenus et à fournir des matelas constitue une victoire symbolique importante, même si son application reste aléatoire.
Mais ces résistances judiciaires restent fragiles. Trump a déjà attaqué « la légitimité de la branche judiciaire et les motivations des juges individuels » quand leurs décisions contrariaient ses plans. Cette guerre ouverte contre le pouvoir judiciaire fait partie intégrante de sa stratégie autoritaire : délégitimer tous les contre-pouvoirs pour justifier leur neutralisation future. Les juges qui osent encore défendre la Constitution savent qu’ils risquent leur carrière, voire leur sécurité personnelle.
Les villes-sanctuaires : laboratoires de désobéissance civile
De la Californie au Massachusetts, des dizaines de juridictions locales maintiennent leurs politiques de non-coopération avec ICE malgré les menaces fédérales. Ces « villes sanctuaires » ne protègent pas les criminels, contrairement à la propagande trumpiste : elles refusent simplement que leur police locale soit instrumentalisée par l’administration fédérale. Cette résistance institutionnelle permet à des millions d’immigrants de continuer à vivre sans terreur constante.
Los Angeles a été poursuivie par le département de la Justice pour ses politiques d’immigration adoptées après la réélection de Trump. Mais la ville tient bon, sachant que céder équivaudrait à trahir ses propres habitants. Cette bataille juridique entre le fédéral et le local déterminera l’avenir du fédéralisme américain : Trump réussira-t-il à transformer les États-Unis en État centralisé où Washington dicte sa loi jusqu’au niveau municipal ?
Conclusion : l'Amérique au bord du gouffre démocratique

Le basculement irréversible
Nous assistons à la mort programmée de la démocratie américaine. Ce qui se joue aujourd’hui autour de l’immigration dépasse largement cette seule question : c’est l’architecture même du système politique américain qui s’effondre sous les coups de boutoir d’un président qui ne supporte plus aucune limite à son pouvoir. Quand des élus démocratiquement choisis finissent en cellule pour avoir voulu observer l’application de la loi, quand l’armée tire sur des citoyens manifestant pacifiquement, quand la police locale devient supplétive d’une répression fédérale… nous ne sommes plus en démocratie.
Cette dérive autoritaire ne s’arrêtera pas aux immigrés. Elle s’étendra mécaniquement à tous ceux qui oseront contester l’ordre trumpiste : syndicalistes, journalistes, défenseurs des droits humains, opposants politiques. Car tel est le propre du fascisme : commencer par s’attaquer aux plus vulnérables pour tester les résistances, puis élargir progressivement le cercle de la répression jusqu’à soumettre l’ensemble de la société. L’Amérique de 2025 ressemble tragiquement à l’Allemagne de 1933.
L’international complice
Le plus glaçant dans cette tragédie, c’est l’indifférence du monde. Où sont les condamnations internationales ? Où sont les sanctions contre un régime qui détient des enfants dans des conditions inhumaines et exporte ses prisonniers vers des pays tortionnaires ? L’Amérique de Trump bénéficie d’une impunité géopolitique qui lui permet de bafouer tous les traités internationaux sans conséquence. Cette complaisance internationale légitime et encourage l’escalade répressive.
Pendant que les élues américaines croupissent en cellule pour avoir défendu les droits humains, les chancelleries européennes et canadiennes continuent leurs affaires comme si de rien n’était. Cette lâcheté diplomatique fait de nous tous les complices d’un système qui transforme l’exception américaine en cauchemar planétaire. Car qui peut croire que cette dérive s’arrêtera aux frontières des États-Unis ? Le fascisme est contagieux, et l’Amérique trumpiste constitue déjà un modèle pour tous les autocrates de la planète.
L’appel désespéré des derniers résistants
Il nous reste peut-être quelques mois, quelques semaines avant que ne se referme définitivement le piège totalitaire. Ces élues qui risquent leur liberté, ces manifestants qui bravent les gaz lacrymogènes, ces juges qui défendent encore la Constitution… tous nous lancent un appel au secours que nous ne pouvons plus ignorer. Leur courage nous renvoie à nos propres lâchetés, à notre propre silence complice face à l’inacceptable.
L’histoire jugera sévèrement ceux qui, en 2025, ont regardé passivement l’Amérique sombrer dans la barbarie. Elle jugera tout aussi sévèrement ceux qui, en France, au Canada, en Europe, ont fermé les yeux sur cette dérive par calcul politique ou par confort intellectuel. Car nous le savons désormais : quand la première puissance mondiale devient fasciste, c’est l’humanité entière qui bascule dans l’obscurité. Il est minuit moins une, et nous continuons à faire comme si le soleil allait se lever.