L’ultimatum du chaos
Ils l’ont dit. Ils l’ont assumé. Maintenant, ils l’appliquent avec une détermination qui glace le sang. Le Rassemblement National et ses alliés de l’Union des droites ont franchi un seuil ce 6 octobre 2025 : celui du blocage institutionnel total. Plus question de négocier, plus question de temporiser. Leur stratégie est désormais limpide comme une sentence de mort politique — censurer systématiquement tout gouvernement jusqu’à obtenir cette dissolution qui leur tend les bras depuis des mois. Marine Le Pen et Jordan Bardella viennent de déclarer la guerre à la République elle-même, transformant l’Assemblée nationale en instrument de destruction massive de nos institutions.
Le gouvernement Lecornu n’aura tenu que quatorze heures. Quatorze heures ! Un record historique qui témoigne de la brutalité de cette offensive calculée. Derrière les mots choisis et les déclarations mesurées se cache une réalité terrifiante : le parti d’extrême droite a décidé de paralyser la France jusqu’à ce qu’elle capitule devant ses exigences. Cette fois, ils ne s’embarrassent plus de justifications idéologiques ou programmatiques. C’est du pur chantage institutionnel, une prise d’otage de 67 millions de Français qui assistent, impuissants, à cette mise à mort de la démocratie parlementaire.
La mécanique du naufrage
Sébastien Lecornu pensait pouvoir naviguer entre les écueils. Il avait tort. Dès l’annonce de la composition de son équipe gouvernementale dimanche soir, les réactions ont fusé avec une violence inouïe. Jordan Bardella n’a pas attendu une seconde pour dégainer sa métaphore du « radeau de la Méduse », cette image saisissante qui résume à elle seule le mépris affiché pour un exécutif qu’il considère déjà comme mort et enterré. Marine Le Pen, elle, a lâché ce simple constat : « Les bras nous en tombent… » Une phrase qui sonne comme une oraison funèbre.
Mais le plus révélateur, c’est cette décision prise lors de la réunion du groupe RN : censurer tout gouvernement a priori. Plus besoin d’examiner les programmes, plus besoin d’écouter les discours de politique générale. La sentence est déjà rendue, l’exécution programmée. Eric Ciotti, le chef de l’Union des droites et ancien transfuge des Républicains, a été encore plus explicite : « Tous les prochains gouvernements devront être censurés. » Une déclaration qui fait froid dans le dos et qui révèle l’ampleur du tsunami politique qui se prépare.
L’engrenage fatal
Ce n’est plus de la politique, c’est de la destruction programmée. Le RN a compris qu’il tenait là l’arme absolue : avec 123 députés, additionné aux voix de l’Union des droites et aux soutiens ponctuels de la gauche radicale, il dispose d’une capacité de nuisance institutionnelle sans précédent sous la Cinquième République. Chaque gouvernement qui se présente devant l’Assemblée nationale devient une cible désignée, condamnée avant même d’avoir pu présenter sa feuille de route.
Emmanuel Macron se retrouve dans une position intenable. Dissoudre l’Assemblée nationale ? C’est exactement ce qu’espère le RN, persuadé de pouvoir capitaliser sur le chaos ambiant pour conquérir Matignon. Ne pas dissoudre ? C’est accepter de voir se succéder des gouvernements fantômes, incapables de gouverner, de voter un budget, de prendre les décisions urgentes que réclame l’état du pays. L’étau se resserre autour du président de la République, et Marine Le Pen le sait. Elle l’a dit sans ambages : « Il n’y a pas de solution, il n’y en aura pas demain. »
L'anatomie d'une stratégie destructrice

Le « plan Matignon 2 » dévoilé
Ils appellent cela le « plan Matignon 2 ». Un nom de code qui révèle l’ampleur de leurs ambitions et la minutie de leur préparation. Depuis septembre, le RN peaufine sa stratégie pour corriger les « imperfections » et les « couacs » de leur première tentative d’accession au gouvernement après la dissolution de l’été 2024. Marine Le Pen l’a martelé devant son état-major : « notre devoir, c’est d’être prêt » à une nouvelle dissolution, qu’elle survienne « aujourd’hui, ou dans trois mois ».
Cette préparation révèle une organisation redoutable. Des « bureaux de campagne des élections législatives » ont été mis en place dès septembre, transformant le siège du parti en véritable QG de guerre. L’objectif est clair : être en mesure de capitaliser immédiatement sur chaque crise gouvernementale pour renforcer leur position dans l’opinion publique. Chaque chute de gouvernement devient une victoire politique, chaque paralysie institutionnelle une preuve de leur influence grandissante.
L’ultimatum de la rupture
Le chantage exercé par le RN repose sur un concept simple mais redoutable : la « rupture ou la censure ». Cette formule, répétée comme un mantra par Marine Le Pen et Jordan Bardella, résume à elle seule leur vision binaire de la politique française. Soit les gouvernements successifs acceptent intégralement leur programme — durcissement radical de la politique migratoire, réduction drastique de la contribution française à l’Union européenne, refus de toute augmentation d’impôts pour « la France qui travaille » — soit ils sont impitoyablement abattus.
Cette stratégie du tout ou rien révèle une méconnaissance profonde — ou un mépris assumé — des mécanismes démocratiques. Dans une démocratie parlementaire, le compromis n’est pas une faiblesse, c’est un art. Mais le RN a choisi de transformer l’Assemblée nationale en tribunal révolutionnaire, où chaque gouvernement comparaît non pour être jugé sur ses actes, mais pour être exécuté selon des critères idéologiques préétablis.
La mécanique de l’étranglement
L’efficacité de cette stratégie repose sur un calcul arithmétique implacable. Avec leurs 123 députés, les élus RN constituent le premier groupe d’opposition à l’Assemblée nationale. Ajoutés aux voix de l’Union des droites d’Eric Ciotti et aux soutiens ponctuels de La France insoumise — qui partage avec eux l’objectif de faire tomber Emmanuel Macron — ils disposent d’une majorité de blocage redoutable.
Cette alliance objective entre les extrêmes révèle l’un des paradoxes les plus saisissants de la crise politique actuelle. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen peuvent bien s’opposer sur tout le reste, ils convergent sur l’essentiel : détruire le système en place. L’un réclame la destitution du président, l’autre exige sa démission. Les moyens diffèrent, l’objectif reste le même : faire table rase des institutions actuelles pour imposer leur vision respective de la France.
Le naufrage du gouvernement Lecornu

Quatorze heures de vie
Quatorze heures. C’est le record historique de brièveté qu’aura établi le gouvernement de Sébastien Lecornu. Quatorze heures entre l’annonce de sa composition dimanche soir et la remise de sa démission lundi matin. Un record qui en dit long sur l’état de décomposition avancée de nos institutions politiques. Jamais sous la Cinquième République un gouvernement n’aura eu une existence aussi éphémère, et cette performance funeste illustre à elle seule l’impossible équation politique dans laquelle se débat Emmanuel Macron.
Le Premier ministre pensait avoir trouvé la formule magique en reconduisant l’essentiel de l’équipe Bayrou tout en y apportant quelques ajustements. Il avait même renoncé à l’usage de l’article 49.3, espérant amadouer une opposition de plus en plus radicale. Erreur fatale. Le RN ne cherchait pas des gages de bonne volonté, il voulait du sang politique. La nomination de Bruno Le Maire au ministère des Armées a été perçue comme une provocation de trop, le symbole même de cette continuité macroniste que les extrêmes rejettent en bloc.
L’hallali des oppositions
La curée a commencé avant même que le gouvernement ne soit officiellement investi. Jordan Bardella n’a pas attendu minuit pour dégainer sa métaphore assassine : « les derniers macronistes agrippés au radeau de la Méduse ». Une image d’une violence saisissante qui révèle le degré de mépris affiché par l’extrême droite pour un pouvoir qu’elle considère comme déjà mort. Marine Le Pen, elle, s’est contentée d’un simple constat, plus cruel encore dans sa sobriété : « Les bras nous en tombent… »
À gauche, la violence verbale a été tout aussi implacable. Jean-Luc Mélenchon a fustigé ce « cortège de revenants à 80 % de LR et anciens LR », annonçant que « le compte à rebours pour les chasser tous est commencé ». Mathilde Panot a été plus directe encore : « Lecornu doit être censuré. Macron doit être destitué. » Une symétrie parfaite avec les exigences du RN, révélant cette alliance de fait entre les extrêmes pour dynamiter le système.
La trahison des alliés
Mais le coup de grâce est venu d’où on l’attendait le moins : des rangs mêmes de la majorité présidentielle élargie. Bruno Retailleau, président des Républicains et pilier de la droite gouvernementale, a claqué la porte avec un fracas retentissant. Sa colère était palpable : « problème de confiance », dénonciation d’une « déconnexion » totale, critique virulente de la reconduction de Bruno Le Maire qu’il accuse d’être « associé aux 1.000 milliards de dette ».
Cette défection des Républicains révèle l’une des failles les plus béantes de la stratégie macroniste. En tentant de constituer une majorité de coalition incluant la droite traditionnelle, Emmanuel Macron s’est exposé aux caprices et aux revirements d’alliés de circonstance. Bruno Retailleau et ses troupes n’ont jamais vraiment digéré leur alliance avec un président qu’ils combattaient hier encore. Au premier désaccord sérieux, ils n’ont pas hésité à faire exploser l’édifice gouvernemental, offrant sur un plateau d’argent la victoire politique que réclamaient les extrêmes.
L'appel à la dissolution : une stratégie de fuite en avant

Le piège de la dissolution
Ils l’exigent tous, chacun pour ses propres raisons. Marine Le Pen y voit l’occasion de conquérir enfin Matignon après des années d’opposition. Jordan Bardella clame haut et fort que « le Rassemblement national se tiendra évidemment prêt à gouverner ». Jean-Luc Mélenchon espère capitaliser sur le chaos pour imposer son programme de rupture. Eric Ciotti rêve de jouer les faiseurs de rois dans un paysage politique recomposé. Tous appellent à la dissolution, mais pour des motifs diamétralement opposés. Cette cacophonie révèle l’impasse dans laquelle s’est fourvoyée la classe politique française.
Emmanuel Macron se trouve face à un dilemme cornélien. Dissoudre l’Assemblée nationale, c’est prendre le risque de voir le RN remporter une victoire écrasante sur fond de ras-le-bol généralisé. Les sondages sont formels : le parti de Marine Le Pen capitalise sur chaque crise, sur chaque dysfonctionnement, sur chaque preuve d’impuissance des institutions. Une dissolution dans le contexte actuel pourrait bien sonner le glas de la République telle que nous la connaissons.
L’illusion du retour aux urnes
Mais ne pas dissoudre, c’est accepter de subir indéfiniment ce chantage institutionnel que lui impose une opposition radicalisée. C’est condamner la France à une paralysie gouvernementale permanente, incapable de voter un budget, de prendre les réformes structurelles qu’impose l’état de nos finances publiques, de répondre aux défis stratégiques du moment. Le président de la République se trouve pris au piège de sa propre stratégie : en multipliant les dissolutions et les recompositions, il a fini par décrédibiliser l’institution parlementaire elle-même.
L’appel au « retour aux urnes » qui résonne dans toutes les travées de l’opposition masque mal une réalité dérangeante : les Français sont épuisés par cette instabilité chronique. Trois gouvernements en un an, des crises à répétition, des institutions qui donnent l’impression de tourner à vide… Cette fébrilité politique contraste cruellement avec l’immobilisme sur les dossiers de fond. Pendant que les partis s’écharpent sur les questions de personnes et de postes, les vraies urgences — dette publique, désindustrialisation, fractures territoriales — restent en souffrance.
Le pari risqué de Marine Le Pen
Marine Le Pen joue sa carrière politique sur cette stratégie du chaos contrôlé. Elle parie sur la lassitude des électeurs face à cette instabilité permanente pour s’imposer comme l’alternative crédible à un système à bout de souffle. Son calcul est simple : plus la crise institutionnelle s’aggrave, plus les Français se tourneront vers elle pour sortir de l’impasse. C’est le pari de la terre brûlée, celui qui consiste à détruire l’existant pour mieux s’imposer ensuite comme le recours nécessaire.
Mais cette stratégie comporte un risque majeur que la présidente du groupe RN semble sous-estimer. En s’érigeant en fossoyeuse de la stabilité gouvernementale, elle prend le risque d’apparaître aux yeux des Français comme l’artisan principal du chaos qu’elle prétend vouloir résoudre. L’électorat français a certes montré sa capacité à sanctionner les sortants, mais il peut aussi se retourner contre ceux qu’il perçoit comme les responsables de l’instabilité chronique. Le pari de Marine Le Pen n’est pas sans danger pour elle-même.
Les Républicains dans la tourmente

La grande trahison de Bruno Retailleau
Bruno Retailleau aura été l’homme du coup de poignard final. Le président des Républicains, qui incarnait jusqu’alors la respectabilité de la droite gouvernementale, a choisi le moment le plus critique pour faire exploser sa propre coalition. Sa justification ? Un « problème de confiance » avec Sébastien Lecornu, accusé de lui avoir « caché » la nomination de Bruno Le Maire au gouvernement. Une explication qui masque mal l’ampleur du calcul politique derrière cette défection spectaculaire.
En réalité, Bruno Retailleau et son parti n’ont jamais vraiment assumé leur alliance avec Emmanuel Macron. Contraints et forcés par les circonstances, ils ont accepté de participer aux gouvernements successifs tout en gardant un pied dehors, prêts à claquer la porte au premier prétexte venu. La nomination de Bruno Le Maire — l’homme qui symbolise plus que tout autre la politique économique macroniste — leur a fourni l’excuse rêvée pour sortir de cette alliance contre-nature qui ne cessait de les affaiblir dans leur propre camp.
LR ou l’art de l’autodestruction
Cette défection révèle surtout l’état de décomposition avancée dans lequel se trouve Les Républicains. Écartelé entre une base militante qui se radicalise vers l’extrême droite et une direction qui tente de maintenir une ligne républicaine classique, le parti de la droite française n’arrive plus à définir une stratégie cohérente. Eric Ciotti l’a bien compris, lui qui a franchi le Rubicon en s’alliant ouvertement avec le RN au sein de son Union des droites.
Agnès Evren, porte-parole du parti, a beau dénoncer le « casting » qui a « sonné comme une douche froide » et critiquer « le sommet de l’État » qui « n’entend et n’écoute rien », elle ne peut masquer la réalité : Les Républicains ont choisi de sacrifier la stabilité gouvernementale sur l’autel de leurs querelles internes. En agissant ainsi, ils offrent une victoire inespérée aux extrêmes et participent activement à la déstabilisation des institutions.
Le réveil difficile de la droite
Bruno Retailleau tente de se justifier en invoquant la nécessité d’une « rupture franche » avec les politiques menées jusqu’alors. « Il y a rupture, ou il n’y a pas rupture », martèle-t-il, refusant de « cautionner un gouvernement et un Premier ministre de gauche ». Cette rhétorique de la rupture, étrangement similaire à celle du RN, révèle à quel point la droite traditionnelle a intériorisé les codes de l’opposition radicale.
Mais derrière ces grands mots se cache une réalité plus prosaïque : Les Républicains sont prisonniers de leur propre stratégie. En s’alliant avec Emmanuel Macron, ils espéraient retrouver une influence politique qu’ils avaient perdue. En rompant avec lui, ils espèrent récupérer une crédibilité qu’ils estiment avoir sacrifiée. Ce double jeu permanent les condamne à l’impuissance et fait d’eux les supplétifs objectifs de la stratégie de chaos orchestrée par les extrêmes.
L'impasse institutionnelle

La paralysie du système
Nous y voici. L’impasse absolue. Trois gouvernements en un an, tous renversés par la même alliance de circonstance entre extrêmes de droite et de gauche. Le système institutionnel de la Cinquième République, pourtant conçu pour garantir la stabilité gouvernementale, s’enraye face à une fragmentation politique sans précédent. Emmanuel Macron se retrouve dans la situation inédite d’un président élu au suffrage universel mais incapable de faire fonctionner les institutions dont il est le garant.
Le mal est profond et dépasse largement les questions de personnes ou de tactique politique. C’est la légitimité même du système qui est remise en cause. Quand une majorité de députés refuse par principe de laisser gouverner, quand l’opposition préfère le chaos à l’alternance démocratique, quand les partis modérés se déchirent au lieu de s’unir face aux extrêmes, c’est l’ensemble de l’édifice républicain qui vacille sur ses bases.
L’impossible équation démocratique
Jean-Luc Mélenchon a trouvé les mots justes pour décrire cette crise : « le symptôme de l’impasse dans laquelle plonge inéluctablement la Ve République dès lors qu’il y a une contradiction entre la légitimité de l’élection présidentielle et celle des élections législatives« . Pour une fois, le leader de La France insoumise met le doigt sur le vrai problème : comment gouverner quand le pays a élu un président centriste mais une assemblée dominée par les extrêmes ?
Cette contradiction n’est pas conjoncturelle, elle structure désormais durablement le paysage politique français. L’élection présidentielle, par son mode de scrutin majoritaire à deux tours, tend à favoriser les candidats du « front républicain » capables de rassembler au-delà de leur camp d’origine. Les élections législatives, elles, fragmentent la représentation politique et donnent aux forces centrifuges un poids disproportionné. Cette mécanique institutionnelle nous condamne à l’instabilité chronique.
La responsabilité d’Emmanuel Macron
Le président de la République ne peut échapper à sa part de responsabilité dans cette dérive. En multipliant les dissolutions et les recompositions politiques, il a contribué à banaliser l’instabilité gouvernementale. Sa stratégie du « en même temps », qui consistait à puiser des ministres dans tous les camps, s’est révélée être un facteur supplémentaire de fragilité plutôt qu’un gage de stabilité.
Emmanuel Macron paie aujourd’hui le prix de ses contradictions. Élu sur une promesse de renouveau politique, il a fini par reconstituer les vieilles coalitions de la Quatrième République, avec leur cortège d’instabilité et de compromissions. En refusant de trancher clairement entre droite et gauche, il a créé les conditions de cette paralysie institutionnelle qui frappe aujourd’hui de plein fouet son propre pouvoir.
Les conséquences pour la France

Un pays sans gouvernement
Pendant que les partis politiques s’entre-déchirent, la France continue de tourner au ralenti. Pas de budget voté pour 2026, pas de réformes structurelles engagées, pas de cap défini pour sortir de l’ornière économique dans laquelle s’enlise le pays. Cette paralysie gouvernementale a des conséquences concrètes sur la vie quotidienne des Français : retard dans les investissements publics, reports de décisions urgentes, incertitude généralisée qui pèse sur la confiance des entreprises et des ménages.
L’administration continue de fonctionner, certes, mais en mode dégradé. Les grands dossiers — réforme des retraites, transition énergétique, réindustrialisation, lutte contre l’insécurité — restent en suspens faute de légitimité politique pour les porter. Cette situation de flottement institutionnel nourrit un sentiment d’abandon chez les Français qui attendent des réponses concrètes à leurs préoccupations quotidiennes.
L’image internationale ternie
Sur la scène internationale, cette instabilité chronique commence à peser lourd sur l’image de la France. Comment être pris au sérieux par ses partenaires européens quand on change de gouvernement tous les quatre mois ? Comment porter une vision stratégique à long terme quand l’exécutif est en permanence fragilisé par des crises de légitimité ? Cette faiblesse institutionnelle affecte directement la capacité de la France à peser dans les grands dossiers européens et internationaux.
Nos concurrents ne s’y trompent pas. L’Allemagne, malgré ses propres difficultés, conserve une stabilité gouvernementale qui lui permet de maintenir son influence. L’Italie elle-même, pourtant coutumière des crises politiques, bénéficie aujourd’hui d’un gouvernement stable qui lui donne une crédibilité retrouvée. La France, jadis moteur de la construction européenne, risque de se retrouver marginalisée par sa propre instabilité politique.
Le coût économique du chaos
Cette crise politique a un coût économique direct que les marchés financiers ne tardent pas à sanctionner. L’incertitude politique pèse sur les investissements, décourage les entrepreneurs, fragilise la compétitivité des entreprises françaises. La dette publique continue de se creuser sans que personne ne soit en mesure de présenter un plan crédible de redressement des finances publiques.
Plus grave encore : cette instabilité chronique nourrit un cercle vicieux de défiance qui affecte l’ensemble de l’économie française. Les ménages reportent leurs projets d’investissement, les entreprises hésitent à embaucher, les investisseurs étrangers regardent ailleurs. Cette spirale de la méfiance pourrait bien coûter plus cher à la France que toutes les réformes que les gouvernements successifs ont échoué à mettre en œuvre.
Conclusion

Le réveil nécessaire
Le Rassemblement National et ses alliés viennent de franchir une ligne rouge en assumant ouvertement leur stratégie de blocage systématique des institutions. Cette escalade dans la violence politique — car c’est bien de cela qu’il s’agit — marque un tournant dans l’histoire de notre démocratie. Plus question de faire semblant : les forces extrémistes ont choisi le chaos comme mode de conquête du pouvoir, et elles l’assument avec un cynisme qui glace le sang.
Face à cette offensive, les forces républicaines semblent tétanisées, incapables de s’unir pour défendre les institutions qu’elles prétendent servir. Les Républicains préfèrent leurs querelles intestines à la stabilité du pays. Les socialistes hésitent entre opposition constructive et alliance avec les extrêmes. Le centre macroniste s’enlise dans ses contradictions. Cette désunion des modérés fait le jeu des radicaux et précipite le pays vers l’abîme institutionnel.
Il est urgent que la classe politique française reprenne ses esprits. L’enjeu n’est plus de savoir qui gouvernera demain, mais de préserver ce qui peut encore l’être de nos institutions démocratiques. Cette crise révèle au grand jour les failles béantes de notre système politique : fragmentation extrême, irresponsabilité généralisée, absence de culture du compromis. Si rien ne change, c’est la démocratie elle-même qui risque de sombrer dans le chaos que ses ennemis lui préparent avec tant de méthode.
La France mérite mieux que cette comédie tragique qui se joue actuellement dans les couloirs du pouvoir. Elle mérite des dirigeants capables de dépasser leurs intérêts partisans pour servir l’intérêt général. Elle mérite des institutions qui fonctionnent, un gouvernement qui gouverne, une opposition qui s’oppose sans détruire. Le réveil viendra-t-il avant qu’il ne soit trop tard ? L’avenir de notre République en dépend, et cet avenir se joue aujourd’hui, maintenant, sous nos yeux.