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Un gouvernement fantôme qui meurt avant de naître

Sébastien Lecornu vient d’entrer dans l’Histoire par la petite porte — celle des records d’humiliation politique. Quatorze heures et vingt-six minutes. C’est tout ce qu’aura duré son gouvernement, du dimanche soir 5 octobre au lundi matin 6 octobre 2025. Un gouvernement-éclair qui n’aura même pas eu le temps de tenir son premier Conseil des ministres. Plus éphémère que le second gouvernement Queuille de 1949 qui avait, lui, tenu deux jours entiers. La Ve République, cette construction gaulliste supposée inébranlable, vient de produire le gouvernement le plus bref de toute l’histoire de France, tous régimes confondus.

Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur reconduit, s’insurge publiquement contre une équipe qui « ne reflète pas la rupture promise ». Les Républicains convoquent une réunion d’urgence. Le retour controversé de Bruno Le Maire, tenu pour responsable du marasme budgétaire, achève d’enflammer une situation déjà explosive. Et pendant ce temps, la machine institutionnelle française se disloque sous nos yeux, incapable de produire la moindre stabilité gouvernementale depuis plus d’un an.

L’arithmétique de l’impossible

L’Assemblée nationale fragmentée en trois blocs irréductibles — gauche, centre-droit, extrême droite — refuse tout compromis. Aucune majorité ne se dessine. Le Nouveau Front Populaire reste arc-bouté sur ses positions, exigeant un Premier ministre de gauche et la suspension immédiate de la réforme des retraites. Marine Le Pen et Jordan Bardella promettent de censurer « tout » gouvernement qui ne plierait pas devant leurs conditions. Au centre, les macronistes se divisent : Gabriel Attal refuse une présidentielle anticipée quand Édouard Philippe l’appelle de ses vœux.

Cette paralysie institutionnelle n’est pas qu’un jeu politique parisien. Elle étouffe littéralement la capacité d’action de l’État. Pas de budget 2026 en vue — alors que le déficit public dépasse déjà 5,4% du PIB et que Fitch vient d’abaisser la note de la France. Pas de réformes possibles sur l’industrialisation, le numérique, la cybersécurité, le narcotrafic. Pas de textes votés jusqu’en septembre 2027, dans l’hypothèse optimiste d’une nouvelle assemblée alignée sur le gouvernement.

Les tentatives désespérées de survie

Depuis la démission-surprise de lundi matin, Sébastien Lecornu multiplie les consultations d’urgence. Mardi et mercredi, il reçoit socialistes, écologistes, communistes dans une course contre la montre. L’objectif affiché : trouver un accord minimal sur le budget 2026 pour « éloigner les perspectives d’une dissolution » de l’Assemblée nationale. Tous semblent s’accorder sur une cible de déficit public « en dessous de 5% », entre 4,7 et 5% pour 2026. Mais les concessions réciproques restent à définir, et chaque camp campe sur ses positions maximalistes.

 

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