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Le jour où tout bascule

Mardi dernier. Une date qui restera gravée dans l’histoire de la Californie et peut-être de l’Amérique tout entière. Le comté de Los Angeles — dix millions d’habitants, cœur battant de la côte Ouest — a déclaré l’état d’urgence. Pas pour un tremblement de terre. Pas pour un incendie. Non… pour des raids d’immigration. Pour les opérations de l’ICE, cette agence fédérale qui traque, arrête, déporte. Par un vote de quatre voix contre une, le conseil des superviseurs a franchi un cap que personne n’aurait imaginé il y a encore quelques mois. Janice Hahn, membre du conseil, l’a dit sans détour : « Nous avons des familles entières qui sont démunies parce que leurs pères ou leurs mères ont été arrachés de leur lieu de travail. » Arrachés. Le mot claque comme une gifle. Et il résume tout : la brutalité d’une politique, la terreur d’une communauté, l’effondrement d’un équilibre social. Depuis mai, les raids se sont intensifiés. Plus de cinq mille arrestations fin août. Des agents masqués, lourdement armés, qui débarquent dans les lavages auto, les chantiers de construction, les exploitations agricoles. Même des citoyens américains ont été embarqués par erreur — ou pas par erreur, on ne sait plus trop.

Quand la peur paralyse une ville

L’état d’urgence. Normalement, on le déclare pour des catastrophes naturelles. Tremblements de terre. Inondations. Incendies. Des événements qu’on ne peut pas contrôler. Mais là ? Là, c’est différent. C’est une catastrophe humaine. Une catastrophe politique. Le comté affirme que les raids de l’ICE ont créé un « climat de peur généralisée » qui perturbe la vie quotidienne. Les gens n’osent plus sortir de chez eux. Ils ne vont plus travailler. Les enfants manquent l’école. Les commerces ferment. Les hôpitaux voient leurs effectifs diminuer — parce que beaucoup d’employés, d’infirmières, de techniciens… sont des immigrés. Et ils ont peur. Une peur viscérale. Parce qu’ils savent que n’importe quel jour, n’importe où, ils peuvent être arrêtés. Emmenés. Séparés de leurs enfants, de leurs familles. Pour Los Angeles, qui compte plus de trois millions d’immigrés sur ses dix millions d’habitants, c’est un séisme. Un séisme silencieux, mais dévastateur. Les superviseurs Lindsey Horvath et Janice Hahn ont porté cette déclaration. Elles disent que c’est une question de survie pour la communauté. Que sans action immédiate, des milliers de familles vont sombrer dans la précarité absolue. Déjà, les demandes d’aide sociale explosent. Les associations caritatives débordent. Et ce n’est que le début.

Un bras de fer sans précédent

Cette déclaration d’urgence, c’est aussi un gigantesque bras de fer avec l’administration Trump. Le président a promis des déportations massives. Il a mobilisé la Garde nationale et même les Marines en juin pour soutenir les opérations de l’ICE à Los Angeles. Les manifestations qui ont suivi ont été violentes. Des affrontements, des arrestations. Mais Trump ne recule pas. Au contraire. Il menace maintenant d’utiliser l’état d’urgence fédéral pour envoyer encore plus de forces dans les villes démocrates qui résistent. C’est une guerre ouverte entre deux visions de l’Amérique. D’un côté, une administration fédérale qui considère que l’immigration illégale est une menace existentielle. De l’autre, des autorités locales qui estiment que les raids détruisent le tissu social et économique de leurs communautés. Kathryn Barger, la seule superviseure à avoir voté contre la déclaration d’urgence, a prévenu : « Le gouvernement fédéral a l’autorité exclusive pour faire appliquer la loi fédérale sur l’immigration. Nous risquons des conséquences juridiques. » Elle a raison. Les poursuites judiciaires vont pleuvoir. Mais pour Horvath et Hahn, il n’y a pas le choix. « Ce qui se passe dans nos communautés est une urgence — et le comté de Los Angeles la traite comme telle », a déclaré Horvath. Le ton est donné. C’est la guerre.

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