C’est un moment de défiance absolue qui s’inscrit dans l’histoire récente de la politique américaine. Le vice-président JD Vance, ce jeune homme de 41 ans qui incarne désormais la voix la plus tranchante de l’administration Trump, vient de lancer aux démocrates un ultimatum qui résonne comme une gifle politique. « Grandissez », leur a-t-il intimé avec cette assurance glaciale qui caractérise désormais le pouvoir républicain. L’affaire ? Un groupe de discussion en ligne de jeunes conservateurs, où des propos racistes, antisémites et violents ont fuité — provoquant une tempête médiatique que Vance balaie d’un revers de main. Mais derrière cette controverse, se dessine une réalité bien plus inquiétante : celle d’une Amérique où les lignes politiques ne se négocient plus, elles s’imposent. Où la brutalité rhétorique remplace le compromis. Où le pouvoir refuse de fléchir face à l’indignation, préférant la confrontation à l’apaisement. Ce 16 octobre 2025, Vance n’a pas simplement répondu à une polémique — il a confirmé une doctrine : celle de la domination sans concession.
L'explosion d'une conversation privée

Des messages qui glacent le sang
Tout commence par une fuite. Des messages privés échangés sur Telegram entre de jeunes militants républicains, principalement basés à New York, se retrouvent exposés au grand jour grâce à une enquête de Politico. Le contenu ? Horrifiant. Des références à Adolf Hitler qualifiées d’affectueuses, des insultes raciales prononcées avec désinvolture, des blagues sur la Shoah traitées comme de simples plaisanteries de génération Z. L’un des participants évoque même « aller à la chambre à gaz » sur un ton qui se veut humoristique. Ces échanges ne sont pas le fait de marginaux isolés — ils impliquent des responsables actifs au sein du Parti républicain, des jeunes cadres prometteurs qui occupent déjà des fonctions officielles dans plusieurs États. La révélation provoque une onde de choc immédiate, ravivant les débats sur la montée de l’extrémisme au sein de la droite américaine, sur la normalisation de discours autrefois considérés comme inacceptables. Certains élus républicains locaux, identifiés parmi les auteurs de ces messages, perdent leur poste ou sont contraints à la démission sous la pression publique.
La réaction démocrate : indignation et appels à la responsabilité
Face à ces révélations, les démocrates montent au créneau avec une véhémence prévisible. Pour eux, ces messages ne sont pas de simples dérapages juvéniles — ils constituent le symptôme d’une dérive idéologique profonde au sein du mouvement conservateur américain. Les figures de l’opposition réclament des comptes, exigent que l’administration Trump condamne fermement ces propos, et dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une complaisance coupable envers les discours haineux. Le stratège démocrate James Carville, figure emblématique et toujours provocateur, se déchaîne publiquement contre la réponse tiède du vice-président. Sur les réseaux sociaux et dans les médias progressistes, l’affaire prend des proportions considérables — elle devient le symbole d’une bataille morale que les démocrates espèrent pouvoir exploiter électoralement. L’accusation est claire : l’administration Trump tolère, voire encourage tacitement, une culture de la transgression et de la provocation qui légitime l’antisémitisme et le racisme.
Vance contre-attaque avec une froideur calculée
Mais JD Vance ne se laisse pas impressionner par l’indignation adverse. Le 16 octobre, il prend la parole avec cette assurance tranchante qui fait sa marque politique. « Les enfants font des bêtises, surtout les jeunes garçons », déclare-t-il sans détour, qualifiant les messages de « blagues provocantes et offensantes ». Pour lui, cette affaire ne mérite pas l’hystérie collective dont elle fait l’objet. Surtout, il refuse catégoriquement de « se joindre au concert de vertu hypocrite » alors que des figures démocrates elles-mêmes sont impliquées dans des scandales autrement plus graves. Sa riposte est immédiate : il brandит l’exemple de Jay Jones, candidat démocrate au poste de procureur général de Virginie, dont des messages privés révèlent qu’il a souhaité la mort d’un élu républicain et de ses enfants. « Voilà quelque chose de bien pire que tout ce qui a été dit dans un groupe de discussion universitaire », assène Vance. « Et ce type pourrait devenir le procureur général de Virginie. Je refuse de m’indigner quand des gens puissants appellent à la violence politique. » Le message est limpide : les démocrates n’ont aucune autorité morale pour donner des leçons.
« Grandir » : l'injonction qui révèle une stratégie politique

Un langage de domination assumé
L’expression « grandissez » (grow up) n’est pas anodine. Elle porte en elle une dimension infantilisante, presque insultante. Vance ne s’adresse pas à ses adversaires comme à des égaux politiques — il leur parle comme un adulte réprimande des enfants capricieux. Cette posture linguistique traduit une conviction profonde : les démocrates ne méritent pas d’être pris au sérieux. Ils pleurent pour des futilités pendant que l’Amérique fait face à de vrais problèmes. Ils s’indignent pour des mots échangés en privé pendant que leurs propres membres appellent à la violence. Cette rhétorique du mépris, Trump l’a inaugurée — Vance la perfectionne. Il ne cherche pas à convaincre l’opposition, il cherche à la délégitimer aux yeux de l’opinion publique. Et cette stratégie, si brutale soit-elle, trouve un écho auprès d’une partie significative de l’électorat républicain qui en a assez de ce qu’elle perçoit comme une « culture du politiquement correct » où chaque mot est scruté, chaque blague est criminalisée.
Le refus systématique du compromis
Mais l’affaire des messages racistes n’est qu’un épisode dans une bataille bien plus vaste. Depuis des semaines, Vance multiplie les déclarations incendiaires contre les démocrates, les accusant d’obstruction systématique. Le 16 octobre également, il déclare que « toute l’obsession des démocrates se résume à ‘combattre Trump, avoir Trump, attaquer Trump’ ». Selon lui, l’administration souhaite collaborer sur des dossiers cruciaux comme la réforme de la santé, mais ne trouve aucune volonté de coopération de l’autre côté de l’hémicycle. Le gouvernement fédéral est d’ailleurs paralysé depuis douze jours par un shutdown — une fermeture administrative due à l’incapacité du Congrès à s’accorder sur un budget. Les démocrates exigent le maintien de crédits d’impôt pour l’assurance santé qui arrivent à expiration. Les républicains refusent de céder, qualifiant cette exigence de « prise d’otage ». Vance est catégorique : « Nous ne négocions pas avec quelqu’un qui prend en otage le gouvernement fédéral tout entier pour un désaccord de politique de santé. » Cette position inflexible traduit une vision politique où le rapport de force prime sur le consensus.
L’obsession comme stratégie d’accusation
Dans son discours du 16 octobre, Vance martèle une idée centrale : les démocrates sont obsédés par Trump. Ils ne pensent qu’à lui, ne parlent que de lui, ne législent qu’en fonction de lui. Cette accusation vise à inverser le stigmate — faire passer l’opposition non pas comme une résistance légitime, mais comme une fixation pathologique. Et il faut reconnaître que cette stratégie narrative trouve une certaine résonance. De nombreux électeurs indépendants ou modérés, lassés des polémiques incessantes, peuvent être sensibles à ce discours qui présente Trump et Vance comme des pragmatiques désireux d’agir, face à une opposition paralysée par sa haine. Le vice-président insiste : « Nous aimerions vraiment travailler avec les démocrates pour réparer le système de santé américain. Malheureusement, nous n’avons trouvé que très peu de volonté de collaboration de l’autre côté. » Cette posture de victime contrariée dans sa bonne volonté est habile — elle permet de rejeter la responsabilité du blocage sur l’adversaire tout en se présentant comme le camp de la raison et de l’action.
Le contexte explosif du shutdown gouvernemental

Douze jours de paralysie fédérale
Au moment où Vance lance son « grandissez » aux démocrates, l’Amérique vit sa douzième journée consécutive de paralysie administrative. Les services fédéraux non essentiels sont à l’arrêt, des centaines de milliers de fonctionnaires sont en congé forcé sans salaire, et les tensions politiques atteignent un point de rupture. La cause de cette crise ? Un désaccord profond sur le financement du système de santé. Les démocrates, menés par le chef de la minorité sénatoriale Chuck Schumer, exigent que tout projet de budget inclue une prolongation des crédits d’impôt destinés aux assurances santé — des aides qui expirent bientôt et dont dépendent des millions de familles américaines. Les républicains, de leur côté, refusent catégoriquement ce qu’ils considèrent comme un chantage politique. Ils ont fait adopter à la Chambre un projet de budget qui rouvre le gouvernement, mais sans ces fameuses extensions de crédits. Le Sénat, où les démocrates disposent d’un pouvoir de blocage suffisant, rejette ce texte à répétition. Le pays est dans l’impasse.
L’accusation de « prise d’otage »
Pour Vance, les choses sont simples : les démocrates « prennent en otage » l’ensemble du gouvernement fédéral. « Ce n’est pas une négociation, c’est une prise d’otage », répète-t-il dans une interview accordée à l’émission Face the Nation le 12 octobre. « Si Chuck Schumer veut venir au Bureau ovale ou chez moi, il est le bienvenu pour discuter de comment réparer la politique de santé pour les Américains. Mais vous ne débarquez pas au Bureau ovale en disant : ‘À moins que le président des États-Unis ne me donne tout ce que je veux, je vais fermer le gouvernement.’ » Cette rhétorique de la « prise d’otage » est politiquement puissante — elle transforme les démocrates en terroristes législatifs, en acteurs irresponsables qui sacrifient le bien commun pour des intérêts partisans. Pourtant, les démocrates renversent l’argument : ce sont les républicains qui refusent de négocier, qui veulent imposer unilatéralement leur vision sans compromis. Schumer insiste sur le fait que seule une vraie discussion entre leaders du Congrès et la Maison-Blanche permettra de sortir de l’impasse. Mais Vance balaie cette proposition : « Ce n’est pas du deal-making, ce n’est pas une négociation, c’est de la prise d’otage. »
Les enjeux réels derrière la bataille budgétaire
Au-delà des postures, cette crise budgétaire révèle des divergences profondes sur le rôle de l’État fédéral et sur l’avenir du système de santé américain. Les crédits d’impôt en question ont été introduits dans le cadre de l’Obamacare — la loi sur la santé adoptée sous Barack Obama et que les républicains n’ont jamais cessé de combattre. Pour les démocrates, ces aides sont essentielles pour garantir l’accès aux soins à des millions de familles modestes. Les supprimer reviendrait à condamner des gens à l’impossibilité de se soigner. Pour les républicains, en revanche, ces crédits représentent un gaspillage massif d’argent public qui profite surtout aux compagnies d’assurance et alimente la fraude. Vance l’affirme clairement : « Nous pensons que les crédits d’impôt vont en réalité à beaucoup de gaspillage et de fraude dans l’industrie de l’assurance. Nous voulons nous assurer que les crédits vont aux gens qui en ont vraiment besoin. » Il évoque également la volonté de supprimer des réglementations « ridicules » imposées par Obamacare, afin de donner aux Américains « un accès à de meilleurs soins de santé à moindre coût ». Mais les démocrates y voient une attaque frontale contre les protections sociales conquises de haute lutte.
Une doctrine de non-négociation assumée

Le refus catégorique de céder
Il y a dans l’attitude de Vance une fermeté idéologique qui ne souffre aucune ambiguïté. Lorsqu’on lui demande s’il est ouvert à un compromis sur les crédits d’impôt — par exemple en les prolongeant temporairement avant de les faire disparaître progressivement —, il esquive et recentre le débat sur ses propres priorités : réduire le gaspillage, éliminer les régulations inutiles, redonner du pouvoir aux consommateurs. « Il y a en réalité beaucoup d’accord, beaucoup de volonté de négocier, beaucoup de volonté de compromis de la part des démocrates modérés et certainement de la part de la Maison-Blanche », affirme-t-il. Mais — et c’est un mais énorme — « si les démocrates d’extrême gauche menés par Chuck Schumer vont fermer le gouvernement et refuser de rouvrir le gouvernement à moins d’obtenir tout ce qu’ils veulent, ce n’est pas une négociation, c’est une prise d’otage, et nous n’allons pas récompenser ce genre de comportement. » Autrement dit : nous sommes prêts à discuter, mais uniquement si vous abandonnez vos exigences de départ. Ce qui, en pratique, revient à dire : nous ne négocions pas.
La stratégie du bras de fer permanent
Cette posture de non-négociation traduit une philosophie politique bien particulière : celle du bras de fer permanent. Trump l’a inaugurée, Vance la perfectionne et la systématise. L’idée sous-jacente est simple : céder, c’est perdre. Négocier, c’est montrer de la faiblesse. Le pouvoir ne se partage pas, il s’impose. Cette vision s’oppose radicalement à la tradition politique américaine du compromis bipartisan — celle qui a permis pendant des décennies d’éviter les blocages institutionnels prolongés. Mais cette tradition, aux yeux des trumpistes, est précisément ce qui a conduit l’Amérique à sa décadence. Les républicains ont trop cédé, trop négocié, trop cherché le consensus — et le résultat, selon eux, c’est une expansion incontrôlée de l’État fédéral, une bureaucratie envahissante, une immigration incontrôlée, une perte de souveraineté nationale. Vance incarne cette rupture radicale avec l’ancienne manière de faire de la politique. Il ne cherche pas à être aimé, ni même respecté par ses adversaires. Il cherche à gagner, coûte que coûte.
Les risques d’une telle intransigeance
Mais cette stratégie comporte des dangers considérables. Un shutdown prolongé finit toujours par coûter cher politiquement — l’opinion publique se lasse, les électeurs modérés se détournent, et même au sein du camp républicain, des voix commencent à s’élever pour réclamer un compromis. Certains sénateurs républicains plus pragmatiques s’inquiètent des conséquences économiques et sociales de la paralysie administrative. Des entreprises qui dépendent de contrats fédéraux sont menacées, des programmes sociaux essentiels sont perturbés, et le risque d’une dégradation de la note de crédit des États-Unis plane comme une épée de Damoclès. Mais Vance semble imperméable à ces considérations. Pour lui, le risque politique de céder dépasse largement celui de tenir bon. S’il négocie maintenant, il montrera que la méthode démocrate fonctionne — et la prochaine fois, ils exigeront encore plus. Mieux vaut donc tenir, quitte à subir des dommages collatéraux, en espérant que l’opinion finira par blâmer les démocrates pour leur obstination.
Le double standard moral en question

L’affaire Jay Jones : un contre-feu habile
Pour détourner l’attention des messages racistes de jeunes républicains, Vance a brandi un contre-exemple dévastateur : celui de Jay Jones, candidat démocrate au poste de procureur général de Virginie. Des messages privés de Jones ont fuité, révélant qu’il avait exprimé le désir de « tuer » l’ancien président républicain de la Chambre des délégués de Virginie, Todd Gilbert, et ses enfants. Dans ces échanges, Jones déclare explicitement qu’il serait prêt à tirer sur Gilbert. L’affaire est explosive, d’autant plus que Jones pourrait bientôt occuper l’une des fonctions judiciaires les plus importantes de son État. Jones a reconnu ses propos, les qualifiant de « grave erreur » dans une interview au New York Times. Mais pour Vance, cette reconnaissance tardive ne change rien : « Voilà quelque chose de bien pire que tout ce qui a été dit dans un groupe de discussion universitaire, et le type qui l’a dit pourrait devenir le procureur général de Virginie. Je refuse de rejoindre le concert d’indignation hypocrite quand des gens puissants appellent à la violence politique. » Le message est clair : les démocrates n’ont aucune crédibilité morale pour donner des leçons.
La stratégie du « whataboutism » comme arme rhétorique
Cette technique argumentative, souvent qualifiée de « whataboutism » (« et alors ? »), consiste à répondre à une accusation en pointant les fautes équivalentes ou pires de l’accusateur. C’est une méthode classique de déflexion politique — elle ne répond pas vraiment à la question posée, mais elle détourne l’attention et sème le doute. Dans le cas présent, elle fonctionne remarquablement bien. Les critiques de Vance se retrouvent piégés : comment condamner les messages des jeunes républicains sans condamner avec la même vigueur les propos de Jay Jones ? Et si l’on condamne Jones, on affaiblit son propre camp. Les démocrates sont pris dans un dilemme moral qui les paralyse. Certains appellent Jones à se retirer de la course, d’autres tentent de minimiser l’affaire en la contextualisant — mais cette hésitation contraste avec la véhémence absolue avec laquelle ils ont condamné les messages racistes républicains. Ce double standard, réel ou perçu, offre à Vance exactement l’ouverture rhétorique qu’il cherchait.
Les limites de l’indignation sélective
Au fond, ce que révèle cet épisode, c’est la fragilité de l’indignation morale en politique. Lorsqu’elle devient sélective, lorsqu’elle s’applique avec rigueur aux adversaires et avec indulgence aux alliés, elle perd toute crédibilité. Les électeurs ne sont pas dupes — ils voient bien que l’indignation n’est souvent qu’un instrument tactique au service d’intérêts partisans. Vance capitalise sur cette lassitude. En refusant de jouer le jeu de l’indignation, en assumant une forme de cynisme politique, il se positionne comme quelqu’un qui « dit les choses telles qu’elles sont », qui ne se cache pas derrière une façade de vertu hypocrite. Cette posture séduit une partie de l’électorat qui en a assez des discours moralisateurs. Elle convainc aussi ceux qui pensent que la politique est fondamentalement un rapport de force, et que le camp le plus fort est celui qui refuse de s’excuser, de se justifier, de se soumettre aux exigences morales de l’adversaire.
Les enjeux pour 2028 et l'avenir du mouvement MAGA

Vance, héritier présomptif de Trump
À 41 ans, JD Vance n’est pas seulement le vice-président des États-Unis — il est l’héritier désigné du mouvement MAGA (Make America Great Again). Trump aura 82 ans en 2028, et même s’il peut théoriquement se représenter — la Constitution américaine l’autorise à briguer un troisième mandat non consécutif —, beaucoup doutent qu’il le fasse. Vance apparaît donc comme le favori naturel pour reprendre le flambeau. Son positionnement actuel, cette combinaison de fermeté idéologique et de brutalité rhétorique, s’inscrit dans une stratégie de long terme. Il construit sa stature présidentielle en se montrant inflexible, en refusant de céder aux pressions médiatiques, en incarnant une forme de virilité politique que recherche une partie de l’électorat conservateur. Chaque affrontement avec les démocrates, chaque polémique assumée, chaque « grandissez » lancé à l’opposition renforce son image de leader inébranlable. Les démocrates l’ont bien compris — et ils préparent déjà leur campagne de 2028 en ciblant spécifiquement Vance.
Une machine de guerre électorale en construction
Les stratèges démocrates, conscients du danger que représente Vance, ont déjà élaboré une feuille de route offensive pour le contrer. Ils comptent exploiter ses positions radicales sur l’avortement, ses liens avec le Project 2025 de la Heritage Foundation (un plan ultra-conservateur pour refonder l’État fédéral), ses déclarations controversées sur les résultats de l’élection de 2020 et sur l’insurrection du 6 janvier. Ils espèrent pouvoir le présenter comme un extrémiste dangereux, plus idéologue encore que Trump. Mais cette stratégie a ses limites — car elle suppose que l’électorat américain se soucie encore des lignes rouges traditionnelles, des normes démocratiques, du « décorum politique ». Or, l’élection de 2024 a montré que ces considérations pèsent de moins en moins face aux enjeux économiques, sécuritaires et identitaires. Vance l’a compris : il ne cherche pas à rassurer les centristes inquiets, il cherche à mobiliser la base et à imposer son récit à force de répétition et de conviction.
Le pari d’une Amérique fracturée
Le projet politique de Vance repose sur un pari risqué : celui d’une Amérique tellement fracturée que la victoire ne passe plus par le consensus, mais par la mobilisation maximale d’un camp contre l’autre. Dans cette logique, chaque provocation, chaque refus de compromis, chaque « grandissez » lancé aux adversaires ne fait que renforcer la cohésion du camp républicain en le confortant dans l’idée qu’il est assiégé par des ennemis irrationnels. Cette stratégie de polarisation maximale comporte des risques évidents — elle peut mener à une escalade de la violence politique, à une paralysie institutionnelle durable, à une érosion des fondements démocratiques. Mais elle peut aussi mener à une victoire écrasante, si elle parvient à convaincre une majorité d’Américains que le camp adverse représente une menace existentielle. Pour l’instant, Vance semble convaincu que ce pari est le bon — et il le joue avec une audace qui fascine autant qu’elle inquiète.
Les réactions de la base républicaine et de la société civile

Un soutien indéfectible chez les trumpistes
Au sein de la base républicaine la plus fidèle à Trump, la position de Vance suscite une adhésion enthousiaste. Sur les réseaux sociaux conservateurs, sur les forums pro-Trump, dans les émissions de talk-radio de droite, les commentateurs saluent la « fermeté » du vice-président, son refus de « s’excuser pour rien », sa capacité à « remettre les démocrates à leur place ». Pour ces militants, Vance incarne exactement ce qu’ils attendent d’un leader : quelqu’un qui ne cède jamais, qui ne se laisse pas intimider par les médias progressistes, qui refuse de jouer selon les règles imposées par l’adversaire. Les déclarations de Vance sont partagées massivement, commentées avec approbation, transformées en slogans et en mèmes. Cette réaction révèle à quel point la culture politique républicaine s’est transformée ces dernières années — ce qui aurait jadis été perçu comme de l’arrogance ou de l’irresponsabilité est désormais célébré comme du courage et de l’authenticité.
L’inquiétude des républicains modérés
Mais tous les républicains ne partagent pas cet enthousiasme. Une frange plus modérée du parti, moins visible médiatiquement mais toujours influente dans certains États et au sein de certaines institutions, s’inquiète de la radicalisation croissante du discours républicain. Ces élus, ces cadres, ces anciens responsables craignent que l’intransigeance de Vance et la brutalité de sa rhétorique n’aliènent les électeurs indépendants et modérés dont le parti a besoin pour gagner les élections futures. Ils redoutent également que le refus systématique de compromis ne conduise à une paralysie durable des institutions, nuisant à la capacité du pays à fonctionner normalement. Certains, en privé, évoquent leur malaise face aux messages racistes des jeunes républicains et au refus de Vance de les condamner clairement. Mais ces voix dissidentes peinent à se faire entendre dans un parti où la loyauté à Trump et à son héritage est devenue le critère suprême de légitimité politique.
La société civile divisée et inquiète
En dehors de l’arène strictement politique, la société civile américaine observe cette escalade avec un mélange de fascination et d’effroi. Les organisations de défense des droits civiques, les associations antiracistes, les groupes de surveillance de l’extrémisme tirent la sonnette d’alarme face à ce qu’elles perçoivent comme une normalisation des discours haineux. Elles dénoncent le fait que des messages ouvertement antisémites et racistes puissent être balayés d’un revers de main par le deuxième personnage de l’État. Elles s’alarment de la disparition progressive des lignes rouges morales qui protégeaient jusqu’ici un certain niveau de décence dans le débat public. Mais ces voix, aussi légitimes soient-elles, peinent à se faire entendre dans un environnement médiatique saturé, polarisé, où chaque camp consomme ses propres sources d’information et rejette celles de l’adversaire. La fragmentation de l’espace public américain atteint un niveau sans précédent — et dans ce contexte, les appels à la modération et au respect mutuel résonnent souvent dans le vide.
Conclusion

Lorsque JD Vance intime aux démocrates de « grandir », ce n’est pas un simple conseil amical — c’est une déclaration de guerre politique. C’est l’affirmation qu’une nouvelle ère s’est ouverte, où les règles anciennes ne s’appliquent plus, où le compromis est perçu comme une faiblesse, où la brutalité rhétorique est érigée en vertu. Cette posture, aussi choquante qu’elle puisse paraître, traduit une compréhension aiguë des transformations de la société américaine et de ses attentes politiques. Vance ne cherche pas à apaiser les tensions — il les exploite, les amplifie, les transforme en carburant électoral. Il sait que dans une Amérique fracturée, profondément divisée sur à peu près tous les sujets, la victoire ne passe pas par la séduction des modérés, mais par la mobilisation maximale des convaincus. Son « grandissez » résonne comme un défi, une provocation, un refus absolu de céder un pouce de terrain à l’adversaire. C’est la politique du bras de fer poussée à son paroxysme — et pour l’instant, elle fonctionne. Que cette stratégie mène l’Amérique vers une renaissance conservatrice ou vers un effondrement démocratique, seul l’avenir le dira. Mais une chose est certaine : JD Vance a définitivement enterré l’illusion d’un retour à la normale politique. L’Amérique de Trump, c’est désormais l’Amérique de Vance — une Amérique qui refuse de négocier, qui n’a que faire des leçons morales, et qui avance à coups de provocations assumées. Une Amérique où « grandir » signifie « se soumettre ou se taire ». Une Amérique où le pouvoir ne se partage plus — il se conquiert, il s’impose, il s’arrache. Et dans cette lutte sans merci, Vance a choisi son camp : celui de la force brute, de la conviction inébranlable, de l’intransigeance érigée en doctrine. Les démocrates sont prévenus — et l’Amérique retient son souffle.