Kherson dans le viseur permanent
Kherson se trouve sur la rive droite du fleuve Dnipro, juste en face des territoires occupés par la Russie. Cette proximité géographique en fait une cible parfaite pour les opérateurs de drones russes postés de l’autre côté du fleuve. Depuis l’été 2024, la ville vit sous une menace permanente venue du ciel. Quand vous approchez de Kherson aujourd’hui, vous voyez immédiatement les panneaux : « Attention ! Danger ! Drones ennemis. » Les routes principales menant au centre-ville et au Dnipro sont couvertes de filets improvisés, tentative désespérée d’offrir une protection minimale contre cette menace omniprésente. Selon l’administration militaire régionale de Kherson, dirigée par Oleksandr Tolokonnikov, les neuf premiers mois de 2025 ont été dévastateurs : plus de cent personnes tuées, plus de mille blessées dans des attaques de drones. Cent morts. Mille blessés. En neuf mois. Des civils, pas des soldats. Des gens qui essayaient simplement de vivre, de travailler, de nourrir leurs familles.
Les communautés les plus touchées sont celles situées le long des rives du Dnipro, les plus proches des positions russes. Dans ces quartiers riverains, les drones russes sont une présence quasi constante, tournoyant dans le ciel, attendant de frapper tout ce qui bouge. Cela rend extrêmement difficile la réparation des infrastructures endommagées ou la livraison de fournitures essentielles comme la nourriture et les médicaments. La vie s’est arrêtée. Les habitants se terrent. Ceux qui restent disent qu’ils se sentent chassés dès qu’ils osent sortir à l’air libre. Un rapport des Nations Unies publié en mai 2025 a conclu que ces attaques de drones faisaient partie d’une politique étatique systématique et coordonnée. Pas des bavures. Pas des accidents. Une politique délibérée visant à terroriser et rendre la région invivable.
Aucune cible n’est épargnée
Ce qui me révolte le plus, c’est l’absence totale de limites. Les équipes de drones russes ne semblent avoir aucun scrupule à cibler systématiquement des civils ukrainiens. Au contraire — et c’est là que ça devient vraiment sinistre — les vidéos d’attaques de drones sur la population de Kherson sont publiées en ligne presque quotidiennement. Et elles reçoivent un soutien écrasant du public russe. Des gens qui applaudissent le meurtre de civils. Des commentaires qui célèbrent la terreur. Aucun endroit n’est considéré comme intouchable par ces équipes. Les cibles incluent des maisons privées, des immeubles résidentiels, des voitures, des bus, des piétons. À de nombreuses reprises, des ambulances ont été visées alors qu’elles tentaient de fournir des soins d’urgence aux victimes d’attaques précédentes. Vous comprenez la perversité ? Frapper quelqu’un, puis frapper ceux qui viennent le sauver. C’est une cruauté calculée qui dépasse l’entendement.
La technologie de la chasse
Une course armementiste asymétrique
Combattre cette menace des drones russes est devenu une lutte technologique acharnée où chaque camp tente d’innover et d’évader les dernières contre-mesures. En termes pratiques, il est souvent difficile pour les Ukrainiens de faire face au très grand nombre de drones déployés par les Russes. Le taux d’interception actuel fin octobre 2025 est d’environ 80 pour cent selon les sources militaires ukrainiennes. Cela peut sembler impressionnant, mais cela signifie aussi que 20 pour cent des drones passent encore. Un drone sur cinq. Et chacun de ces drones qui passe représente un risque mortel pour les civils en dessous. Les opérateurs de drones russes utilisent des caméras vidéo pour chasser leurs victimes en temps réel, exactement comme dans un jeu vidéo — sauf que les morts sont bien réels. Ils voient tout : les voitures qui se déplacent, les piétons qui marchent, les agriculteurs dans leurs champs. Et ils frappent.
L’Ukraine a développé des capacités impressionnantes en matière de guerre par drones — au point que plusieurs analystes la considèrent désormais comme une superpuissance des drones. Selon l’Atlantic Council, l’expérience inégalée de l’Ukraine en matière de guerre par drones en fait un partenaire clé pour l’OTAN et un allié indispensable pour la défense de l’Europe. Mais à Kherson, c’est une utilisation complètement différente de cette technologie qui se déploie. Ce n’est pas du combat militaire. C’est de la chasse aux civils. Et cette différence fondamentale devrait horrifier chaque personne dotée d’une conscience morale. Les Russes ont transformé une technologie militaire en arme de terreur pure contre des populations sans défense.
L'avertissement pour le monde
L’Europe n’est pas prête
Ce qui se passe à Kherson devrait déclencher toutes les alarmes à travers l’Europe et au-delà. L’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine est largement reconnue comme la première guerre de drones au monde. Les tactiques de safari humain de Moscou à Kherson offrent une fenêtre glaçante sur ce que cela pourrait signifier lorsque les technologies militaires de drones sont déchaînées contre des populations civiles. Basé sur ce que nous savons de la campagne russe dans la région de Kherson, il devrait maintenant être parfaitement clair que les drones peuvent potentiellement paralyser la vie de n’importe quelle ville moderne. Ils peuvent être utilisés pour priver la population d’accès à l’électricité, à l’eau, au chauffage, tout en perturbant les chaînes d’approvisionnement essentielles et en empêchant même les gens de mettre les pieds dehors. C’est un siège technologique dont personne n’était vraiment préparé à comprendre l’impact.
L’apparition récente de petits nombres de drones russes dans l’espace aérien polonais et au-dessus de sites stratégiques comme les aéroports à travers l’Europe a mis en évidence à quel point de nombreux membres de l’OTAN sont mal préparés pour faire face aux défis posés par cette nouvelle ère de guerre par drones. Ces défis ne sont nulle part plus immédiatement apparents qu’à Kherson, qui vit avec les horreurs du safari humain russe depuis plus d’un an maintenant. Le sort de Kherson devrait servir d’avertissement au monde entier sur la menace que les technologies militaires de drones posent aux civils. Les gouvernements européens investissent des milliards dans des systèmes de défense traditionnels, mais sont-ils prêts pour une attaque massive de drones bon marché qui pourraient paralyser leurs infrastructures critiques ? La réponse, franchement, est probablement non.
La résistance ukrainienne face à l'horreur
Vivre sous la traque permanente
Malgré cette terreur quotidienne, les habitants de Kherson tiennent bon. Ils sortent quand ils doivent sortir. Ils travaillent quand ils peuvent travailler. Ils vivent avec cette épée de Damoclès électronique suspendue au-dessus de leurs têtes en permanence. L’administration militaire régionale, dirigée par son adjoint Oleksandr Tolokonnikov, continue de fonctionner, d’organiser la défense, de coordonner l’aide humanitaire malgré les risques énormes. Les services d’urgence continuent d’intervenir, sachant qu’ils peuvent eux-mêmes devenir des cibles. Cette résilience extraordinaire face à une menace aussi omniprésente témoigne de la détermination ukrainienne. Mais à quel prix ? Combien de Larisa Vakulyuk doivent encore mourir avant que le monde réagisse vraiment ? Combien de grands-mères chassées comme des animaux ? Combien d’ambulances détruites ? Combien de convois humanitaires attaqués ?
L’expérience de l’Ukraine en matière de lutte contre cette menace devient progressivement une expertise précieuse pour le reste du monde. Comme l’a souligné David Kirichenko dans une analyse pour l’Atlantic Council, l’Ukraine enseigne maintenant à l’OTAN comment se défendre contre ces nouvelles formes d’agression. Les systèmes de détection, les protocoles d’interception, les stratégies de protection civile développés à Kherson et ailleurs en Ukraine sont étudiés par les armées occidentales. Mais cette expertise a été acquise au prix fort — en vies humaines, en traumatismes, en souffrance quotidienne. L’Ukraine paie le prix pour que l’Europe apprenne. C’est une injustice cruelle qui devrait peser sur la conscience collective occidentale.
Conclusion
Je ne peux pas détacher mon esprit de cette image de Larisa Vakulyuk s’occupant de ses chèvres. Elle avait 84 ans. Elle vivait sa vie. Et un opérateur de drone russe, confortablement installé quelque part de l’autre côté du Dnipro, l’a choisie comme cible et l’a éliminée. Voilà où nous en sommes. Voilà ce qu’est devenue cette guerre. Un safari technologique où des êtres humains sont traqués pour le sport, pour la terreur, pour briser la volonté d’un peuple. Le rapport de l’ONU qualifie cela de crime contre l’humanité. C’est exactement ce que c’est. Mais les rapports ne suffisent pas. Les condamnations ne suffisent pas. Kherson continue de souffrir aujourd’hui, en ce moment même où vous lisez ces lignes, des drones tournent probablement au-dessus de la ville, attendant leur prochaine victime. L’Europe doit se réveiller. Le monde doit comprendre. Ce qui se passe à Kherson n’est pas seulement une tragédie ukrainienne — c’est un avertissement global sur l’avenir de la guerre urbaine, sur ce qui nous attend si nous ne réagissons pas maintenant, avec force, avec détermination, avec l’urgence que cette horreur mérite. Plus de cent morts en neuf mois. Plus de mille blessés. Et ça continue. Encore et encore. Jusqu’à quand ?