Une condamnation pour blanchiment d’argent
Changpeng Zhao, souvent appelé CZ dans le monde des cryptomonnaies, n’est pas un entrepreneur ordinaire. En 2023, il a plaidé coupable devant la justice américaine pour avoir violé les lois sur le blanchiment d’argent. L’accusation était lourde et sans équivoque : sous sa direction, Binance avait sciemment omis de mettre en place des contrôles anti-blanchiment, permettant ainsi à des groupes terroristes de déplacer des fonds en toute impunité. Ce n’était pas une erreur administrative, c’était une défaillance systémique et intentionnelle. Les procureurs fédéraux ont démontré que Binance avait facilité des transactions illégales à une échelle industrielle, compromettant la sécurité nationale des États-Unis et de leurs alliés. Pour ces crimes, CZ a été condamné à quatre mois de prison, une peine ridiculement légère compte tenu de l’ampleur des dégâts causés. Mais ce n’est pas tout. Il a également dû payer une amende personnelle de 50 millions de dollars, tandis que Binance, son entreprise, a écopé d’une pénalité record de 4,3 milliards de dollars. Ces chiffres vertigineux témoignent de la gravité des infractions commises, des infractions qui ont mis en danger des vies humaines et des économies entières.
Un empire bâti sur des zones d’ombre
L’histoire de Binance est celle d’un empire construit dans l’opacité. Fondée en 2017, la plateforme a rapidement dominé le marché mondial des cryptomonnaies en offrant des services dans un flou réglementaire total. Pendant des années, Binance a opéré sans véritable siège social identifiable, changeant constamment de juridiction pour échapper aux régulateurs. Cette stratégie d’évitement a permis à la plateforme de prospérer, mais elle a aussi créé un environnement propice aux abus. Les contrôles KYC (Know Your Customer) et AML (Anti-Money Laundering) étaient soit inexistants, soit délibérément contournés. Résultat? Binance est devenue le refuge de choix pour les criminels, les trafiquants de drogue, les groupes terroristes et les régimes autoritaires cherchant à déplacer de l’argent hors des circuits légaux. Les enquêtes fédérales ont révélé que des milliards de dollars avaient transité par la plateforme sans aucune surveillance, alimentant des réseaux criminels à travers le monde. Ce n’est pas un accident, c’est un modèle d’affaires. Et CZ en était le cerveau, l’architecte d’un système conçu pour maximiser les profits au détriment de toute responsabilité sociale ou légale. Aujourd’hui, grâce à Trump, cet homme est libre, ses droits civiques restaurés, comme si rien ne s’était passé.
Les conséquences humaines d’un crime financier
Mais derrière les chiffres et les condamnations, il y a des victimes réelles. Le blanchiment d’argent n’est pas un crime abstrait. Chaque dollar blanchi à travers Binance a potentiellement financé des attentats terroristes, des trafics d’êtres humains, des réseaux de drogue qui détruisent des communautés entières. Les groupes terroristes utilisent ces fonds pour acheter des armes, recruter des combattants, et perpétrer des actes de violence qui tuent des innocents. Les cartels de la drogue utilisent ces canaux pour inonder les rues américaines de fentanyl et d’autres substances mortelles, contribuant à une crise des opioïdes qui a déjà fait des centaines de milliers de morts. Et pourtant, Trump a choisi de gracier l’homme qui a rendu tout cela possible. Il n’y a pas de mots assez forts pour décrire cette trahison. En effaçant la condamnation de CZ, Trump envoie un message clair : si vous êtes assez riche, si vous avez les bonnes connexions, la loi ne s’applique pas à vous. Les victimes de ces crimes ne verront jamais justice, et les criminels savent désormais qu’ils peuvent agir en toute impunité tant qu’ils ont les moyens de s’acheter une grâce présidentielle.
La grâce présidentielle : un pouvoir absolu détourné
    Un acte exécutif sans contrôle
Le pouvoir de grâce présidentielle est l’un des plus absolus accordés par la Constitution américaine. Il permet au président d’effacer des condamnations fédérales sans avoir à justifier sa décision devant qui que ce soit. Ce pouvoir, conçu à l’origine comme un instrument de miséricorde et de réhabilitation, est devenu sous Trump un outil de corruption politique. Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, Trump a multiplié les grâces controversées. Il a gracié les émeutiers du 6 janvier 2021, des policiers condamnés pour meurtre, des activistes anti-avortement condamnés pour avoir bloqué l’accès à des cliniques, et maintenant CZ, un criminel financier de première classe. Chacune de ces grâces est un coup porté à l’État de droit, mais celle accordée à CZ est peut-être la plus scandaleuse de toutes. Pourquoi? Parce qu’elle intervient dans un contexte de conflits d’intérêts flagrants, avec des liens financiers directs entre la famille Trump et l’empire de CZ. Ce n’est plus de la miséricorde, c’est du clientélisme, voire de la corruption.
Les précédents inquiétants
Les grâces accordées par Trump en 2025 révèlent un schéma troublant. Prenons l’exemple de Ross Ulbricht, le fondateur de Silk Road, un marché noir en ligne spécialisé dans la vente de drogues et d’armes. Condamné à la perpétuité en 2015, Ulbricht a été gracié par Trump le 21 janvier 2025, quelques jours seulement après son retour au pouvoir. Ou encore Rod Blagojevich, l’ancien gouverneur de l’Illinois condamné pour corruption, qui a également bénéficié d’une grâce. Ces décisions montrent que Trump utilise ce pouvoir pour récompenser ceux qui partagent ses intérêts ou qui peuvent lui être utiles politiquement ou financièrement. Dans le cas de CZ, les liens sont encore plus directs. World Liberty Financial, une entreprise liée à la famille Trump, a conclu un partenariat de deux milliards de dollars avec Binance quelques semaines avant la grâce. Ce n’est pas une coïncidence, c’est un échange de services. Trump gracie CZ, CZ finance les entreprises de la famille Trump. C’est un cercle vicieux qui transforme la fonction présidentielle en une machine à cash.
L’absence totale de transparence
Ce qui rend cette affaire encore plus révoltante, c’est l’opacité totale entourant la décision de Trump. Aucune explication officielle n’a été fournie. Aucune justification morale ou juridique n’a été avancée. Trump s’est contenté de dire lors de son interview à 60 Minutes qu’il ne connaît pas CZ et qu’il considère la condamnation comme une « chasse aux sorcières de Biden ». Cette défense est non seulement absurde, elle est insultante. Comment peut-on gracier quelqu’un que l’on ne connaît pas? Comment peut-on effacer une condamnation pour des crimes aussi graves sans même prendre la peine de les examiner? La réponse est simple : Trump ne se soucie pas de la justice, il se soucie de son propre enrichissement et de celui de sa famille. Et il sait qu’il peut agir en toute impunité parce que le Congrès républicain refuse de le tenir responsable. Cette absence de contrôle transforme le pouvoir de grâce en une arme de corruption, et chaque nouvelle grâce érode un peu plus la confiance des citoyens dans leurs institutions.
Les liens financiers troubles entre Trump et Binance
    Un partenariat de deux milliards de dollars
Le timing de la grâce de CZ n’est pas un hasard. Quelques semaines avant que Trump ne signe cette grâce en octobre 2025, des rapports ont révélé l’existence d’un partenariat de deux milliards de dollars entre Binance et World Liberty Financial, une entreprise étroitement liée à la famille Trump. Ce partenariat concerne le lancement d’un stablecoin appelé USD1, une cryptomonnaie censée être adossée au dollar américain. Binance a joué un rôle clé dans le développement et la promotion de ce stablecoin, attirant des investissements massifs des Émirats arabes unis et d’autres sources étrangères. Ce n’est pas un simple accord commercial, c’est un entrelacement d’intérêts financiers qui place la famille Trump en position de bénéficiaire direct des activités de Binance. Et lorsque le président des États-Unis gracie le fondateur d’une entreprise qui finance ses propres projets, cela s’appelle de la corruption, point final. Il n’y a pas d’autre mot pour décrire cette situation.
Les enquêtes du Congrès
Face à ces révélations, des enquêteurs du Congrès ont commencé à examiner de plus près les transactions financières entre Binance et World Liberty Financial. Un rapport de la Chambre des représentants a mis en lumière des irrégularités troublantes concernant les réserves de USD1, les sources de financement étrangères, et les transactions internes impliquant des entités affiliées à Trump. Les démocrates au Congrès, menés par Elizabeth Warren et Bernie Sanders, ont exigé une enquête fédérale complète sur cette affaire. Ils soupçonnent que la grâce de CZ pourrait constituer un abus de pouvoir exécutif et un conflit d’intérêts massif. Warren a déposé une résolution du Sénat, la Resolution 466, condamnant la grâce comme « une menace pour l’intégrité financière et la confiance publique ». Mais les républicains du Sénat ont bloqué cette résolution, refusant même de débattre du sujet. Cette obstruction politique est révélatrice : le parti républicain est complice de cette corruption, préférant protéger Trump plutôt que de défendre les principes démocratiques. Et pendant ce temps, les avocats de CZ menacent de poursuivre Warren en diffamation, tentant ainsi de museler toute critique légitime. C’est un spectacle grotesque, une farce qui se joue aux dépens du peuple américain.
Le rôle des fils de Trump
Lorsque des journalistes ont interrogé Trump sur les liens entre la grâce de CZ et les affaires de sa famille, il a répondu que ses fils « sont dans l’industrie de la cryptomonnaie » mais qu’ils ne sont « pas des fonctionnaires du gouvernement ». Cette réponse est un sophisme flagrant. Le fait que ses fils ne soient pas formellement employés par le gouvernement ne change rien au conflit d’intérêts. Leurs entreprises bénéficient directement des décisions politiques de leur père, et cette dynamique crée une situation où le président peut utiliser son pouvoir pour enrichir sa propre famille. Donald Trump Jr. et Eric Trump sont profondément impliqués dans des projets de cryptomonnaies, et ils ont ouvertement célébré le partenariat avec Binance. Leur enthousiasme n’est pas surprenant : ce partenariat leur offre une opportunité de profit énorme. Mais cela signifie aussi que la grâce de CZ sert directement leurs intérêts financiers. C’est du népotisme à l’état pur, et c’est absolument inacceptable dans une démocratie fonctionnelle. Pourtant, Trump continue de nier toute mauvaise conduite, et ses partisans continuent de le défendre aveuglément, comme si cette corruption était normale.
Les réactions politiques et juridiques
    Les démocrates montent au créneau
Les réactions à la grâce de CZ ont été immédiates et virulentes, du moins du côté démocrate. Sept sénateurs démocrates, dont Elizabeth Warren et Bernie Sanders, ont appelé à une enquête fédérale sur cette décision, dénonçant un abus de pouvoir exécutif. Warren, qui est connue pour sa lutte contre la corruption financière, a été particulièrement incisive dans ses critiques. Elle a déclaré que la grâce de CZ « mine la responsabilité dans le secteur des actifs numériques et envoie un message dangereux selon lequel les crimes financiers peuvent être excusés par l’influence politique ». Cette déclaration résume parfaitement l’enjeu : si les riches et les puissants peuvent acheter leur chemin hors de la prison, alors la loi ne signifie plus rien. Warren a également souligné les liens financiers entre Binance et la famille Trump, affirmant que cette grâce constitue un conflit d’intérêts évident. Mais malgré ces appels à la justice, les républicains au Sénat ont refusé de soutenir une enquête, bloquant toute tentative de responsabilisation. Cette obstruction politique montre à quel point le système est brisé.
Les menaces de poursuites judiciaires
En réponse aux critiques de Warren, l’équipe juridique de CZ a menacé de la poursuivre en diffamation. Cette tactique d’intimidation vise clairement à faire taire les critiques et à dissuader d’autres élus de parler ouvertement de cette affaire. Mais le bureau de Warren a fermement répondu, affirmant que ses déclarations étaient basées sur des conclusions du ministère de la Justice et qu’elles étaient protégées par le Premier Amendement en tant que discours politique. Cette confrontation juridique est révélatrice d’un climat où les milliardaires utilisent le système judiciaire pour intimider ceux qui osent les défier. CZ, malgré sa condamnation pour des crimes graves, se comporte comme une victime, comme si être tenu responsable de ses actes était une injustice. Cette inversion des rôles est typique de l’arrogance des ultra-riches, qui croient sincèrement qu’ils sont au-dessus de la loi. Et malheureusement, avec des alliés comme Trump, ils ont souvent raison.
Les comités du Congrès préparent des assignations
Plusieurs comités du Congrès se préparent à délivrer des assignations liées à la grâce de CZ et à l’accord de deux milliards de dollars entre Binance et World Liberty Financial. Ces assignations visent à obtenir des documents et des témoignages qui pourraient éclaircir les circonstances entourant cette décision. Les démocrates espèrent pouvoir démontrer que la grâce était motivée par des considérations financières personnelles plutôt que par des raisons de justice ou de clémence. Mais ils se heurtent à une résistance farouche de la part des républicains, qui contrôlent plusieurs comités clés et qui ont tout intérêt à protéger Trump. Cette bataille politique promet d’être longue et difficile, et il est loin d’être certain qu’elle aboutira à des résultats concrets. Néanmoins, ces efforts sont cruciaux pour maintenir une certaine forme de responsabilité démocratique, même si celle-ci semble de plus en plus illusoire dans le contexte politique actuel. L’enquête pourrait redéfinir la manière dont l’influence politique interagit avec la régulation des cryptomonnaies, et déterminer si Washington a franchi la ligne entre politique et profit.
Les implications pour le secteur des cryptomonnaies
    Un message dangereux pour l’industrie
La grâce de CZ envoie un message catastrophique à l’ensemble du secteur des cryptomonnaies. Elle suggère que les acteurs de cette industrie peuvent violer les lois sur le blanchiment d’argent, faciliter le financement du terrorisme, et s’en tirer avec une tape sur la main tant qu’ils ont les bonnes connexions politiques. Ce message est non seulement dangereux pour la régulation financière, mais il est aussi profondément injuste pour les entrepreneurs honnêtes qui tentent de construire des entreprises légitimes dans ce secteur. Pourquoi respecter les règles si les criminels peuvent acheter leur chemin vers la liberté? Cette grâce mine tous les efforts déployés par les régulateurs pour établir des normes de transparence et de responsabilité dans le monde des cryptomonnaies. Elle valide l’idée que ce secteur est un Far West où tout est permis, et elle décourage les investisseurs légitimes qui cherchent à soutenir des projets éthiques et durables. En fin de compte, cette décision nuit à la crédibilité de l’ensemble de l’industrie.
Le contrôle américain sur Binance
Certains observateurs, comme Ray Youssef, PDG de NoOnes, affirment que Binance est devenu un « instrument du pouvoir américain » depuis son règlement avec le ministère de la Justice. Selon Youssef, les régulateurs américains contrôlent effectivement la plateforme à travers des moniteurs nommés par le tribunal, et la grâce de CZ fait partie d’un accord plus large visant à aligner Binance avec les intérêts américains. « Binance n’est pas le PCC, les gens. CZ s’est aligné avec l’Oncle Sam — et la famille Trump. C’est eux qui dirigent Binance maintenant », a déclaré Youssef. Cette analyse, si elle est exacte, suggère que la grâce de CZ n’était pas simplement un acte de corruption individuelle, mais plutôt une pièce d’un puzzle géopolitique plus vaste. Cela pourrait expliquer pourquoi Trump a été si rapide à gracier CZ malgré la gravité de ses crimes. En échange de sa liberté, CZ aurait accepté de coopérer pleinement avec les autorités américaines et de transformer Binance en un outil de la politique étrangère américaine. Si cette théorie est vraie, elle soulève encore plus de questions sur la transparence et l’éthique de cette décision.
Les conséquences pour les utilisateurs
Pour les utilisateurs de Binance, cette affaire a des implications directes. Depuis le règlement avec le ministère de la Justice, Binance a considérablement renforcé ses procédures KYC, obligeant les utilisateurs à vérifier leur identité beaucoup plus fréquemment. Certains se plaignent de devoir passer par des vérifications toutes les deux semaines, ce qui rend l’utilisation de la plateforme fastidieuse. Selon Youssef, cela est dû au fait que « l’Oncle Sam dirige Binance » maintenant, et que les régulateurs américains exigent un contrôle strict sur toutes les transactions. Mais cette surveillance accrue n’a pas empêché la grâce de CZ, ce qui suggère que les règles s’appliquent différemment selon que vous êtes un utilisateur ordinaire ou un milliardaire bien connecté. Pour les utilisateurs, cette situation est frustrante et déroutante. Ils sont soumis à des contrôles de plus en plus rigoureux, tandis que le fondateur de la plateforme, condamné pour des crimes graves, est gracié et libre de reprendre ses activités. Cette asymétrie est profondément injuste et elle sape la confiance dans le système.
L'interview à 60 Minutes : un déni flagrant
    Je ne sais pas qui il est
Lors de son interview à 60 Minutes à Mar-a-Lago, Donald Trump a été confronté directement sur la grâce de CZ. Sa réponse a été aussi absurde qu’insultante : « Je ne sais pas qui il est. Je sais qu’il a eu une peine de quatre mois ou quelque chose comme ça. Et j’ai entendu dire que c’était une chasse aux sorcières de Biden. » Cette déclaration est un mensonge évident. Comment un président peut-il gracier quelqu’un qu’il ne connaît pas? Comment peut-il prendre une décision aussi lourde de conséquences sans même savoir qui est la personne concernée? La réponse est simple : Trump ment. Il connaît parfaitement CZ, ou du moins il connaît parfaitement les intérêts financiers qui lient Binance à sa famille. Mais en niant toute connaissance de CZ, Trump tente de se distancier de la controverse, de faire croire qu’il a simplement accordé une grâce par clémence, sans arrière-pensée. Mais personne n’est dupe. Cette défense est aussi crédible qu’un alibi écrit au crayon sur une feuille de papier toilette.
Une chasse aux sorcières de Biden?
L’autre argument avancé par Trump est que la condamnation de CZ était une « chasse aux sorcières de Biden ». Cette affirmation est non seulement fausse, elle est aussi profondément malhonnête. La condamnation de CZ n’avait rien à voir avec Biden. Elle était le résultat d’une enquête approfondie menée par le ministère de la Justice, basée sur des preuves solides que Binance avait violé les lois sur le blanchiment d’argent. CZ a lui-même plaidé coupable, reconnaissant ainsi les faits qui lui étaient reprochés. Il n’y avait aucune ambiguïté dans cette affaire, aucune injustice criante. C’était une condamnation méritée pour des crimes graves. Mais Trump, fidèle à sa stratégie habituelle, transforme cette condamnation en un complot politique, en une tentative de persécution orchestrée par ses adversaires. Cette rhétorique victimaire est typique de Trump, et elle fonctionne malheureusement auprès de ses partisans, qui sont prêts à croire n’importe quoi tant que cela confirme leur vision du monde. Mais pour ceux qui examinent les faits avec un minimum d’objectivité, cette défense est risible.
L’arrogance de l’impunité
Ce qui est peut-être le plus choquant dans cette interview, c’est l’arrogance totale avec laquelle Trump aborde la question. Il ne montre aucun remords, aucune hésitation, aucune conscience du conflit d’intérêts évident. Pour lui, cette grâce est simplement une décision parmi d’autres, un exercice banal de son pouvoir présidentiel. Il ne semble pas comprendre — ou il refuse de comprendre — que cette décision a des conséquences réelles pour la confiance dans les institutions, pour la crédibilité de la justice, pour la sécurité nationale. Ou peut-être qu’il comprend parfaitement, mais qu’il s’en fiche. Après tout, Trump a passé toute sa carrière politique à défier les normes, à enfreindre les règles, et à s’en tirer sans conséquences. Pourquoi s’arrêterait-il maintenant? Cette impunité est le résultat d’un système politique dysfonctionnel, où les contre-pouvoirs ont été neutralisés et où les élus républicains préfèrent protéger leur leader plutôt que de défendre la Constitution. Et tant que ce système restera en place, Trump continuera d’agir en toute liberté, sans se soucier des dégâts qu’il cause.
Les leçons d'une démocratie en péril
    La normalisation de la corruption
L’affaire de la grâce de CZ est un symptôme d’un problème beaucoup plus vaste : la normalisation de la corruption dans la politique américaine. Sous l’administration Trump, les scandales se succèdent à un rythme tellement effréné qu’il devient difficile de suivre, et encore plus difficile de réagir. Chaque nouvelle controverse chasse la précédente de l’actualité, et nous finissons par nous habituer à des choses qui auraient autrefois provoqué des démissions ou des impeachments. Cette normalisation est extrêmement dangereuse car elle érode progressivement les standards éthiques qui sont censés guider nos dirigeants. Quand un président peut gracier un criminel financier en échange de services rendus à sa famille sans que cela ne provoque une crise politique majeure, c’est que quelque chose de fondamental est brisé dans le système. Et ce quelque chose, c’est la responsabilité démocratique, l’idée que les élus doivent rendre des comptes au peuple qui les a élus. Sans cette responsabilité, la démocratie n’est plus qu’une façade, une coquille vide derrière laquelle se cache une oligarchie corrompue.
Le rôle des médias et de l’opinion publique
Face à cette dérive, le rôle des médias et de l’opinion publique est plus crucial que jamais. Ce sont eux qui doivent maintenir la pression, qui doivent rappeler constamment aux citoyens ce qui est en jeu. Malheureusement, les médias sont eux-mêmes divisés selon des lignes partisanes, et une grande partie de la population ne fait plus confiance aux sources d’information traditionnelles. Les médias conservateurs défendent Trump coûte que coûte, minimisant ou ignorant ses scandales, tandis que les médias progressistes dénoncent ses abus sans toujours réussir à convaincre au-delà de leur propre base. Cette polarisation rend extrêmement difficile l’émergence d’un consensus national sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Et pendant ce temps, Trump continue de jouer sur cette division, alimentant la méfiance envers les médias et présentant toute critique comme de la fake news. Cette stratégie est efficace, mais elle est aussi profondément destructrice pour le tissu social américain. Sans un minimum de consensus sur la réalité des faits, il devient impossible de débattre de manière constructive, et la société se fragmente en tribus isolées qui ne se parlent plus.
Que faire maintenant?
Alors, que peuvent faire les citoyens face à cette situation? La réponse n’est pas simple, mais elle commence par un refus catégorique de normaliser l’inacceptable. Chaque scandale, chaque abus de pouvoir, doit être dénoncé et combattu, même si cela semble futile à court terme. Les électeurs doivent exiger de leurs représentants qu’ils défendent les principes démocratiques, et ils doivent les sanctionner par leur vote s’ils ne le font pas. Les organisations de la société civile, les groupes de défense des droits, les journalistes indépendants, tous ont un rôle à jouer pour maintenir la pression et pour documenter ces abus. Il faut également réformer les institutions pour renforcer les contre-pouvoirs et limiter les possibilités d’abus. Le pouvoir de grâce présidentielle, par exemple, pourrait être encadré par des critères plus stricts ou par un processus de révision. Les conflits d’intérêts pourraient être sanctionnés plus sévèrement. Mais tout cela nécessite une volonté politique qui semble cruellement absente aujourd’hui. En attendant, nous devons continuer à résister, à dénoncer, à refuser de nous habituer. Parce que le jour où nous accepterons cette corruption comme normale, ce jour-là, la démocratie américaine aura vraiment perdu.
Conclusion
    La grâce accordée par Donald Trump à Changpeng Zhao est bien plus qu’un simple scandale politique. C’est un symbole, un marqueur de la dégradation profonde de la démocratie américaine. C’est la preuve que dans l’Amérique de Trump, la justice est à vendre, que les lois ne s’appliquent qu’aux pauvres et aux sans-pouvoir, et que les milliardaires peuvent littéralement acheter leur chemin hors de la prison. Cette affaire révèle l’hypocrisie monumentale d’un président qui prétend ne pas connaître un homme qu’il gracie, qui nie des liens financiers pourtant documentés, et qui transforme le pouvoir exécutif en une machine à enrichir sa propre famille. Les deux milliards de dollars de partenariat entre Binance et World Liberty Financial ne sont pas une coïncidence. Les enquêtes du Congrès ne sont pas des chasses aux sorcières. Les critiques de Elizabeth Warren et Bernie Sanders ne sont pas exagérées. Tout cela est réel, tout cela est documenté, tout cela devrait nous révolter. Mais voilà, nous vivons dans une époque où l’indignation s’épuise, où les scandales se succèdent trop vite pour qu’on puisse vraiment les digérer, où la corruption est devenue si banale qu’elle ne choque presque plus personne. Et c’est peut-être ça, le véritable scandale. Pas tant la grâce elle-même, mais le fait que nous commençons à accepter ce genre de choses comme faisant partie du paysage politique normal. Nous ne pouvons pas nous permettre cette acceptation. Nous ne pouvons pas normaliser l’inacceptable. Chaque fois qu’un scandale comme celui-ci se produit, nous devons le dénoncer, le combattre, refuser de détourner le regard. Parce que si nous ne le faisons pas, si nous laissons la corruption devenir la norme, alors nous perdrons tout ce qui fait de nos sociétés des démocraties dignes de ce nom. Cette grâce est une insulte à tous ceux qui croient encore en la justice. Elle est une gifle à tous ceux qui respectent la loi. Elle est un crachat sur les victimes des crimes financiers que CZ a facilités. Et elle doit être condamnée avec toute la force et toute la clarté dont nous sommes capables. Parce qu’au-delà de CZ, au-delà de Trump, au-delà de Binance, c’est l’âme même de la démocratie qui est en jeu. Et cette âme mérite d’être défendue, coûte que coûte, même quand tout semble perdu. Surtout quand tout semble perdu.