Les menaces explosent en nombre et en intensité
Les données ne mentent pas. Elles terrifient. Durant le premier trimestre de 2025 seul, l’équipe de recherche du Bridging Divides Initiative de l’université Princeton a documenté plus de 250 incidents de menaces et de harcèlement contre des élus locaux dans plus de 40 États. Cela représente une augmentation de 9% par rapport à la même période de 2024. Mais les vrais chiffres sont ailleurs. Ils se cachent derrière les portes fermées, dans les appels téléphoniques à minuit, dans les messages laissés sur les répondeurs par des voix qui tremblent de rage. Une femme élue locale reçoit 53 menaces. Un homme recoit des message le menaçant sexuellement. Autres reçoivent des listes avec leurs noms, marqué comme cibles. Ce ne sont pas des exagérations. Ce sont des faits documentés.
Ce qui est particulièrement troublant — ce qui gèle vraiment la moelle — c’est la nature de ces attaques. Ce n’est pas aléatoire. Ce n’est pas chaotique. C’est une rhétorique politique qui s’est transformée en arme. Elle vise. Elle cible. Elle déshumanise d’abord, puis elle agit. Un représentant républicain a fait la une en menaçant son collègue démocrate. Au Capitole, Anna Paulina Luna hurlait aux démocrates que c’était « leur faute », tandis que Alexandria Ocasio-Cortez répliquait en exigeant le contrôle des armes. Pendant ce temps, les menaces continuaient à pleuvoir.
De la rhétorique à l’action : le pont sanglant
Il y a une ligne — une ligne déchirante — entre les paroles enflammées et les balles qui tuent. Et c’est cette ligne qui s’effiloche en Amérique. La recherche que nous avons consulté montre clairement que les assassinats de haute profil fonctionnent comme des accélérateurs. Après l’attentat contre Trump en 2024, après celui contre le gouverneur de Pennsylvanie Josh Shapiro en avril 2025, après celui contre Charlie Kirk — chaque incident propulse davantage d’individus vers l’extrême. Ce qui était inimaginable hier devient « justifié » aujourd’hui. Ce qui était tabou devient possible. La violence devient une option morale pour certains.
Les experts en science politique — ceux qui étudient le terrorisme, la radicalization, les spirales de violence — appelent cela une « tempête parfaite ». Une convergence de facteurs : la polarisation extrême des médias, la désinformation qui se propage en temps réel sur les réseaux sociaux, une rhétorique politique qui déshumanise systématiquement les adversaires. Un homme de 57 ans au Minnesota tue deux élus. Personne n’avait le profil de « terroriste classique ». C’était un citoyen qui a basculé. Qui s’est convaincu que c’était le justre. Que c’était nécessaire. Que c’était patriotique.
Le prix quotidien : quand la peur paralyse le fonctionnement démocratique
Les élus sous surveillance permanente
Imaginez votre vie si chaque déplacement pouvait être votre dernier. Si chaque réunion publique était une possible embuscade. Si chaque vote pouvait attirer la colère d’un groupe prêt à escalader vers la violence physique. Ce ne sont pas des hypothèses théoriques — c’est la réalité quotidienne pour les élus américains en 2025. Des policiers du Capitole accompagnent les représentants. Les événements politiques en plein air ont pratiquement disparu — jugés « trop risqués ». Les campagnes électorales se font derrière des vitres pare-balles, dans des salles fermées, loin des citoyens.
Les données du Bridging Divides Initiative montrent que près de 50% des élus locaux ont rapporté une forme quelconque d’hostilité au premier trimestre de 2025. Un sur trois exprime au moins une certaine inquiétude pour sa sécurité personnelle. Et ce chiffre le plus glaçant : deux sur trois ont indiqué une diminution d’au moins une certaine volonté de participer à des activités politiques ou personnelles en raison des craintes concernant l’hostilité. En d’autres termes, la démocratie fonctionne quand les gens participent. Quand les gens ont peur de participer, la démocratie meurt lentement, silencieusement, comme une plante dans l’obscurité.
Le traumatisme psychologique du Capitole
Le Capitole des États-Unis devrait être un symbole de stabilité, de continuité, d’ordre constitutionnel. Ce devrait être l’endroit où on peut respirer librement — l’endroit où les débats remplacent les balles. Et pourtant, quelques minutes après l’assassinat de Charlie Kirk en septembre, la Chambre des représentants s’est transformée en champ de bataille rhétorique. Les cris. Les accusations. « C’est votre faute! » « Adoptez des lois contre les armes! » Les élus se rejetaient mutuellement la responsabilité du meurtre d’une personne qu’aucun d’eux n’avait tué personnellement. Le système lui-même était gangréné.
Ce qui est troublant, c’est que cette réaction — cette escalade — se répète avec chaque incident. Comme une drogue qui crée une dépendance. Plus il y a de violence, plus la rhétorique devient violente. Plus la rhétorique devient violente, plus la prochaine violence est probable. C’est un cycle. Un vortex. Et personne dans les structures de pouvoir ne semble capable de le casser.
Le contexte historique : une spirale sans précédent
1920-1970 : les bombes de la rage politique
L’Amérique a connu des vagues de violence politique auparavant. Le pays a tremblé dans les années 1920 et 1970 face à des campagnes de bombage systématiques. Lors de la seule année 1972, on a dénombré 1900 attentats à la bombe. Cinq par jour. Chaque jour. Cinq explosions. C’est incompréhensible par notre temps moderne, mais c’était la réalité d’une Amérique fractionnée. Puis il y a eu la période des grands assassinats — 1963 à 1968. John F. Kennedy. Malcolm X. Martin Luther King. Robert F. Kennedy. Ces morts ont choqué le pays, l’ont secoué aux fondations.
Mais voici ce qui est radicalement différent aujourd’hui. À l’époque, ces assassinats étaient perçus comme des anomalies, des aberrations. Aujourd’hui, ils ressemblent à une fatalité. À une normalité. Une chroniqueuse du Wall Street Journal l’a formulé ainsi, et je pense qu’elle a mis le doigt sur l’essentiel : « Les assassinats des années 1960 étaient perçus comme des anomalies. Maintenant, ils semblent devenus une fatalité. » C’est la différence entre un choc système et un système choqué. Nous ne sommes pas choqués. Nous sommes épuisés. Et l’épuisement mène à l’acceptation.
Des tentatives présidentielles aux élus locaux
L’année 2024 a débuté avec deux tentatives d’assassinat contre le candidat présidentiel Donald Trump. Deux attaques. Deux fois où quelqu’un a jugé que la violence était la réponse politique appropriée. En avril 2025, le gouverneur de Pennsylvanie Josh Shapiro a également fait face à une tentative d’assassinat. Ces incidents — ces chiffres — ne sont pas des anomalies. Ce sont des sentinelles, des indicateurs d’une malaise plus profond qui circule dans la société.
Et puis le tsunami a frappé les structures élues locales et étatiques. Minnesota. Floride. Illinois. Colorado. Des candidates reçoivent des bombes incendiaires déguisées en cocktails Molotov. Des élus restent sur des « listes de cibles » écrites par des assassins présumés. Des bureaux électoraux sont vandalisés avec des messages explicites de menace. Ce n’est plus concentré au niveau national. C’est décentralisé. C’est partout. C’est comme un feu qui s’étend — vous pensez le contrôler ici, mais il jaillit là-bas, puis ailleurs encore.
Les racines de la haine : disinformation, réseaux sociaux et polarisation
La machine à fabriquer la rage
Il existe une infrastructure invisible qui alimente cette violennce croissante. Ce n’est pas spontané. Ce n’est pas accidentel. C’est systématique. Les réseaux sociaux ont été conçus pour maximiser l’engagement — et l’engagement maximal vient de l’outrage, de la colère, de la peur. Les algorithmes ne cherchent pas la vérité. Ils cherchent ce qui fait cliquer les gens. Ce qui les garde accrochés. Ce qui les transforme en créateurs de contenu pour la rage. Un utilisateur qui voit un message faux sur sa candidate élue — un message qui la déshumanise, qui la présente comme une menace existentielle — cet utilisateur est plus engagé qu’un autre. Il partage. Il commente. Il en rediffuse une version plus extrême.
Et puis il y a la désinformation. Une bombe incendiaire est lancée contre un bureau électorale en Colorado. Les auteurs de contenus de droite affirment que c’est un « auto-piège » de la gauche. Les auteurs de contenus de gauche affirment que c’est un acte terroriste de droite. Personne ne sait vraiment. Mais l’algorithme sait qui les gens veulent croire. Il nourrit donc les deux histoires — amplifiées, dramatisées, polarisées.
L’inflation rhétorique : du mot à la balle
Les leaders politiques ne sont pas innocents ici. La rhétorique extrême crée un terrain fertile pour la violence extrême. Donald Trump, après l’assassinat de Charlie Kirk, a déclaré publiquement que « la gauche radicale » était directement responsable — que c’était du « terrorisme ». Sans preuve. Sans enquête. Juste une accusation brute qui transforme un événement tragique en munitions politiques. De son côté, les leaders démocrates réclament le contrôle des armes avec une urgence qui, bien qu’elle soit basée sur une cause réelle, alimente aussi l’idée que les armes — et par extension, ceux qui les possèdent — sont le vrai problème.
Tous les deux camps ont raison sur certains points. Et tous les deux se trompent à cause de leur certitude. C’est cette certitude qui tue. C’est cette certitude qui dit à quelqu’un « ton adversaire politique n’est pas juste mal — il est mauvais, dangereux, un ennemi ». Et une fois que quelqu’un devient un ennemi, les armes deviennent justifiées. La violence devient patriotisme.
L'impact paralysant : quand la démocratie se replie sur elle-même
Les événements politiques publics : une espèce en voie de disparition
Allez à une réunion municipale en Floride, en Minnesota, en Pennsylvanie. Ce ne sera pas comme dans les films ou les histoires civiques que nous avons appris. Il n’y aura pas de citoyen ordinaire debout face aux élus, posant des questions difficiles, participant directement au processus démocratique. Non. Ce que vous verrez, c’est une sécurité accrue, des vigiles, des caméras. Les événements se sont déplacés à l’intérieur. Ils se sont fermés. Parce que le risque est devenu intolérable. Parce que les balles ont transformé la politique en théâtre fortifié.
Ce qui est brillant — et tragique — sur la démocratie, c’est qu’elle dépend de l’engagement. Elle dépend des gens qui se lèvent, qui se montrent, qui posent des questions, qui contestent. Fermez les portes. Augmentez la sécurité. Transformez-la en espace élitiste. Et soudain, ce ne’est plus une démocratie. C’est un théâtre, une performance pour les caméras, avec des citoyens regardant derrière du verre.
Le coût psychologique : la réticence des élus
Imaginez être quelqu’un qui pense avoir quelque chose à contribuer politiquement. Vous pensez à vous présenter aux élections. Puis vous voyez les menaces que les élus reçoivent. Vous voyez Melissa Hortman tuée à son domicile. Vous voyez Charlie Kirk assassiné à une réunion publique. Pensez-vous toujours que c’est une bonne idée? Les données du Bridging Divides Initiative nous disent que non. Les élus locaux rapportent une baisse significative de leur volonté de se présenter à nouveau, de travailler sur des sujets controversés, de participer à des événements publics.
C’est un filtre. Un tri. Et le problème est que ce triage affecte les personnes bien intentionnées de manière disproportionnée. Les gens dotés d’une conscience, de doutes moraux — ils se retirent. Qui reste? Ceux qui sont assez convaincus, assez militants, assez… dangereux pour ignorer les risques. Le système se radicalise automatiquement en raison de la sélection inverse.
La menace électorale : novembre 2025 et au-delà
Des bombes menaces pendant le scrutin
Les élections de novembre 2025 arrivent dans un contexte de violence politique sans précédent. Ce ne sont pas des abstractions. En 2024, des bombes menaces avaient fermé des bureaux de vote en Géorgie, au Wisconsin et dans d’autres États clés. Elles provenaient d’adresses e-mail russes, ce qui ajoute une dimension de chaos international au chaos intérieur. En 2025, les menaces ont continué. Des officiers électoraux reçoivent des menaces de mort. Des agents électoraux se plaignent de ne pas savoir s’ils survivront au jour du vote.
Un ancien candidat à la fonction de shérif au Colorado a jeté une bombe incendiaire de type Molotov dans un bureau de comté, endomageant l’équipement de vote. Cela s’appelle du sabotage électoral. Cela s’appelle une tentative de déstabilisation du processus démocratique lui-même. Et personne n’est venu s’en saisir — pas au niveau fédéral, pas avec une urgence correspondant à la menace.
Le paysage des menaces : variables, explosives, imprévisibles
La National Capital Threat Assessment Center a produit une évaluation qui qualifie le paysage des menaces de « hautement volatil » pour les élections de novembre 2025. Ce langage — « hautement volatil » — c’est un euphémisme pour « nous ne savons pas ce qui va se passer, mais ce sera mauvais ». L’évaluation comprend des recommandations détaillées, des avertissements sur les activités liées aux menaces qui augmenteront si certaines courses électorales deviennent « chauds » ou controversées. Imaginez : nous avons une carte des problèmes potentiels. Et nous ne pouvons même pas être sûrs de les prévenir.
En Minnesota, une officine de campagne électorale a été vandalisée avec un message explicite menaçant les Somaliens musulmans. Le candidat avait déjà reçu des menaces antérieures — il était sur la soi-disant « liste de cibles » écrite par Vance Boelter, l’homme qui avait tué Melissa Hortman et ses collègues en juin.
Quelques solutions... ou l'absence de solution
e qui pourrait être fait
Les experts du Bridging Divides Initiative et d’autres institutions de recherche recommandent une approche multi-niveaux. Appliquer les lois de manière constante — faire en sorte que les menaces aient des conséquences. Parler contre les agitateurs, indépendamment de leur affiliation — ce qui signifie que les leaders de chaque parti doivent condamner la violence du côté de leur part aussi. Placer le doigt sur les causes racines — la polarisation, la désinformation, les échecs économiques qui rendent certaines personnes vulnérables à l’idéologie extrémiste.
Il y a aussi un rôle pour l’industrie technologique. Les réseaux sociaux doivent refonte leurs fonctionnalités qui sont exploitées par les acteurs malveillants. Ils doivent améliorer les normes d’évaluation des menaces. Ils doivent cesser de monétiser la rage. Mais demander aux entreprises motivées par le profit de renoncer au profit — c’est utopique. C’est beau à dire. C’est politiquement faisable, peut-être. C’est réaliste? Non.
Ce qui ne sera probablement pas fait
Le gouvernement fédéral a réduit les programmes destinés à réduire l’extrémisme violent. Cela se produit précisément au moment où ces programmes sont les plus nécessaires. Les acteurs infracantonaux et non-gouvernementaux — think tanks, universités, organisations communautaires — devraient fournir le financement et les outils. Sauf qu’ils n’en ont pas les ressources. Pas vraiment. Pas au niveau nécessaire.
Et puis il y a la crème sur le gâteau : dans les politiques qui en pourraient vraiment faire la différence — le contrôle des armes, la modération des médias sociaux, les mesures de sécurité électorale — il y a une absence presque complète de consensus bipartite. Chaque solution proposée par un côté est rejetée par l’autre comme politiquement motivée. Et entre-temps, les gens meurent. Les élus ont peur. Le système se fracture.
Conclusion
L’Amérique ne fait pas face à une crise de violence politique. Elle ne fait pas face à un problème qui peut être « résolu » avec la bonne politique, le bon leader, le bon discours. Ce que l’Amérique fait face, c’est une transformation du système politique lui-même. Ce que nous voyons, c’est une démocratie qui se transforme en quelque chose d’autre — quelque chose de plus fracassé, de plus fermé, de plus violent.
Vingt-cinq pour cent. Ce chiffre, cette augmentation vertigineuse des violences contre les élus en seulement deux ans, n’est pas une statistique. C’est un symptôme. C’est une alerte. C’est le système qui dit, en criant, qu’il ne peut plus fonctionner comme avant. Les menaces explosent. Les assassinats deviennent des points de repère. Les élus ont peur. Les citoyens se retirent. Et pendant ce temps, les algorithmes continuent de servir de la rage, les leaders continuent de crier, et la prochaine explosion — la prochaine violence — est déjà en cours de conception quelque part, par quelqu’un qui croit vraiment, profondément, que c’est la bonne chose à faire.
On ne peut pas arrêter cela avec une loi. On ne peut pas le résoudre avec un discours d’unité. On ne peut pas le fixer avec une élection. Parce que ce qui se fracture ici n’est pas une politique. C’est la confiance elle-même. C’est la capacité des gens à voir les autres comme des adversaires plutôt que comme des ennemis. Et une fois que ce pont brûle, il n’y a pas beaucoup de façons de le reconstruire rapidement. Ou peut-être du tout.