Décrypter le langage codé de Trump
Pays du tiers-monde. Cette expression résonne étrangement dans la bouche de Donald Trump. Officiellement, elle désigne les nations en développement, celles qui n’appartiennent ni au bloc occidental capitaliste ni au bloc soviétique de la Guerre froide. Une terminologie datée, dépassée, que les experts en relations internationales ont depuis longtemps abandonnée au profit de termes plus neutres comme pays en développement ou pays du Sud. Mais Trump n’est pas un expert en relations internationales. Il est un communicant hors pair qui sait exactement quel effet produisent ses mots. Quand il parle de pays du tiers-monde, il ne fait pas référence à une classification économique ou géopolitique. Il évoque un imaginaire. Celui de nations arriérées, dangereuses, incompatibles avec les valeurs occidentales. Et c’est précisément ce que Mark Kelly dénonce. Pour le sénateur de l’Arizona, l’expression n’est qu’un euphémisme. Un code. Une manière de dire sans dire. De suggérer sans affirmer. De cibler certaines populations sans les nommer explicitement. Quand Trump dit pays du tiers-monde, il pense personnes de couleur brune. Quand il parle d’incompatibilité avec la civilisation occidentale, il parle de race, de religion, de culture. Et cette lecture n’a rien d’une interprétation abusive ou d’une récupération politique.
Elle s’appuie sur des années de déclarations, de politiques, de décisions qui toutes pointent dans la même direction. Depuis son entrée en politique, Trump a construit son discours sur l’immigration autour d’une idée simple mais puissante : l’Amérique est menacée par des étrangers qui ne partagent pas ses valeurs. Il a parlé de criminels mexicains, de terroristes musulmans, de migrants venus de mauvais pays. Il a instauré un Muslim ban interdisant l’entrée sur le territoire américain aux ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane. Il a séparé des enfants de leurs parents à la frontière mexicaine. Il a construit un mur. Et maintenant, il veut suspendre toute immigration en provenance de pays qu’il qualifie de tiers-monde. La cohérence est frappante. Tout comme l’est le profil des pays visés. Les dix-neuf nations dont les détenteurs de cartes vertes vont faire l’objet d’un réexamen approfondi ont un point commun : elles sont toutes situées en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie ou en Amérique latine. Afghanistan, Birmanie, Tchad, République du Congo, Guinée équatoriale, Érythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen, Burundi, Cuba, Laos, Sierra Leone, Togo, Turkménistan, Venezuela. Aucun pays européen. Aucune nation à majorité blanche. Le message est limpide.
La rhétorique de l’exclusion
Mark Kelly ne s’est pas contenté de critiquer les mots de Trump. Il a aussi dénoncé les actions de son administration. Depuis le début de son mandat, le président a déployé des agents de l’Immigration and Customs Enforcement dans les grandes villes américaines pour atteindre des niveaux record d’expulsions. Et contrairement à ce qu’il avait promis, ces opérations ne ciblent pas uniquement les criminels dangereux, les membres de gangs ou les trafiquants de drogue. Elles touchent aussi des résidents de longue date, des personnes sans casier judiciaire, des familles entières. Selon les statistiques de l’ICE, plus des deux tiers des quelque cinquante-trois mille personnes arrêtées et détenues mi-novembre n’avaient aucune condamnation pénale. Ce sont des travailleurs, des parents, des voisins. Des gens qui vivent aux États-Unis depuis des années, parfois des décennies. Qui ont construit leur vie ici. Qui paient leurs impôts, envoient leurs enfants à l’école, participent à la vie de leur communauté. Et pourtant, ils sont arrêtés, détenus, expulsés. Parce qu’ils n’ont pas les bons papiers. Parce qu’ils viennent des mauvais pays. Parce qu’ils ne correspondent pas à l’image que Trump se fait d’un bon immigrant. Kelly voit dans ces pratiques la confirmation de ce qu’il dénonce : une politique migratoire fondée non pas sur la sécurité nationale ou l’intérêt économique, mais sur des critères raciaux et culturels.
Le sénateur a été particulièrement cinglant dans ses propos. Il a accusé Trump de rompre des communautés, de séparer des familles, de créer un climat de peur et de méfiance. Il a rappelé que l’Amérique s’est toujours définie comme une nation d’immigrants, un creuset où se mélangent les cultures, les religions, les origines. Et il a affirmé que les politiques de Trump trahissent cet héritage. Qu’elles sont profondément anti-américaines. Cette accusation est lourde de sens. En qualifiant les actions du président d’anti-américaines, Kelly ne se contente pas de critiquer une politique. Il remet en question la légitimité même de cette politique au regard des valeurs fondatrices du pays. Il suggère que Trump, en voulant exclure certaines populations, s’attaque à l’essence même de ce qui fait l’Amérique. Et cette charge résonne d’autant plus fort qu’elle vient d’un homme dont le patriotisme ne peut être mis en doute. Kelly a servi son pays en tant que pilote de chasse, puis en tant qu’astronaute. Il a risqué sa vie à plusieurs reprises. Il incarne le service désintéressé, le courage, le sacrifice. Quand un homme comme lui accuse le président d’être anti-américain, ça pèse. Ça compte. Ça fait réfléchir.
Les mots ont un pouvoir. Un pouvoir immense. Ils peuvent construire ou détruire. Rassembler ou diviser. Éclairer ou obscurcir. Et Trump le sait. Il a toujours su jouer avec les mots, les tordre, les manipuler pour servir son agenda. Pays du tiers-monde. Civilisation occidentale. Incompatibilité. Ces termes ne sont pas choisis au hasard. Ils véhiculent une vision du monde. Une hiérarchie. Une exclusion. Et quand Mark Kelly les décrypte, quand il dit tout haut ce qu’ils signifient vraiment, il nous force à regarder la vérité en face. À reconnaître ce que nous savions déjà mais que nous préférions ignorer. Que derrière les discours sur la sécurité nationale se cache souvent autre chose. Quelque chose de plus sombre. De plus ancien. De plus profond.
Section 3 : l'opération Allies Welcome sous le feu des critiques
Un programme né dans l’urgence
Pour comprendre comment Rahmanullah Lakanwal s’est retrouvé aux États-Unis, il faut revenir en arrière. À l’été 2021. Au chaos de Kaboul. Aux images insoutenables de l’aéroport où des milliers d’Afghans tentaient désespérément de fuir leur pays. Les talibans venaient de reprendre le pouvoir après vingt ans de guerre. L’armée afghane s’était effondrée en quelques jours. Le gouvernement soutenu par les Occidentaux avait fui. Et tous ceux qui avaient collaboré avec les forces américaines craignaient pour leur vie. Interprètes, traducteurs, agents de renseignement, employés d’ONG, journalistes. Des dizaines de milliers de personnes qui avaient aidé l’Amérique et ses alliés pendant deux décennies se retrouvaient soudain en danger mortel. Les talibans avaient des listes. Ils savaient qui avait travaillé avec les Américains. Et ils n’avaient aucune intention de pardonner. Face à cette catastrophe humanitaire, l’administration Biden a lancé l’opération Allies Welcome. Un programme d’urgence destiné à évacuer et réinstaller aux États-Unis les Afghans qui avaient soutenu l’effort de guerre américain. En quelques semaines, des dizaines de milliers de personnes ont été évacuées de Kaboul. Elles ont été accueillies dans des bases militaires américaines où elles ont subi des contrôles de sécurité avant d’être réinstallées dans différentes villes du pays.
Rahmanullah Lakanwal faisait partie de ces évacués. Selon les informations disponibles, il avait travaillé avec la CIA en Afghanistan. Il avait risqué sa vie pour aider les forces américaines. Quand les talibans ont pris le pouvoir, il savait qu’il était en danger. Il a réussi à monter dans un des derniers avions qui quittaient Kaboul. Il a été transféré dans une base militaire américaine. Il a passé les contrôles de sécurité. Et il a été autorisé à s’installer aux États-Unis, d’abord dans l’État de Washington. En 2024, il a demandé l’asile. Sa demande a été examinée par les services de l’immigration. Et en avril 2025, sous l’administration Trump, elle a été approuvée. Lakanwal était désormais légalement autorisé à rester aux États-Unis. Il avait un statut, des papiers, une vie. Jusqu’à ce mercredi 27 novembre où il a ouvert le feu sur deux membres de la Garde nationale. Depuis, l’opération Allies Welcome est devenue la cible de critiques virulentes. Les républicains accusent l’administration Biden d’avoir fait entrer des milliers de personnes sur le territoire américain sans les contrôler suffisamment. Ils pointent du doigt les failles du système de vetting, ces procédures de vérification censées identifier les individus dangereux. Ils affirment que Lakanwal n’aurait jamais dû être admis aux États-Unis. Que sa présence sur le sol américain est la preuve d’un échec catastrophique de la politique migratoire de Biden.
Les failles du système de contrôle
Mais la réalité est plus complexe. Selon les autorités, Lakanwal avait été soigneusement contrôlé avant d’entrer aux États-Unis. Il avait passé tous les tests de sécurité. Aucun élément de son dossier ne laissait présager qu’il représentait une menace. Au contraire, son travail avec la CIA plaidait en sa faveur. Il avait aidé l’Amérique. Il avait risqué sa vie pour la cause américaine. Il méritait d’être protégé. Et pourtant, quelque chose a mal tourné. Entre son arrivée aux États-Unis en 2021 et la fusillade de novembre 2025, quelque chose s’est passé. Lakanwal s’est radicalisé, selon la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem. Il a développé des griefs, des ressentiments, une haine qui l’a poussé à commettre l’irréparable. Mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment un homme qui avait travaillé avec les services de renseignement américains a-t-il pu basculer dans la violence ? Les enquêteurs cherchent encore des réponses. Ils examinent son parcours, ses fréquentations, ses activités en ligne. Ils tentent de reconstituer le puzzle de sa radicalisation. Mais une chose est claire : le système a échoué. Pas nécessairement au moment de son admission aux États-Unis, mais dans le suivi qui aurait dû être mis en place après son arrivée.
Mark Kelly l’a reconnu lui-même lors de son interview sur CNN. Le processus de vetting des immigrants peut être amélioré. Il doit l’être. Si des changements sont nécessaires, il faut les faire. Le sénateur a cité un de ses anciens commandants dans la Marine qui disait : si vous ne changez rien, les choses empirent. Cette reconnaissance est importante. Elle montre que Kelly ne nie pas les problèmes du système d’immigration. Il ne prétend pas que tout fonctionne parfaitement. Il admet que des erreurs ont été commises, que des failles existent, que des améliorations sont nécessaires. Mais il refuse de jeter le bébé avec l’eau du bain. Il refuse de condamner l’ensemble du programme Allies Welcome à cause d’un cas tragique. Il refuse d’utiliser la mort de Sarah Beckstrom pour justifier la fermeture des frontières à tous les Afghans, à tous les réfugiés, à tous les immigrants venus de pays considérés comme dangereux. Parce que ce serait injuste. Parce que ce serait contraire aux valeurs américaines. Parce que ce serait exactement ce que Trump veut faire. Et c’est là que le débat devient vraiment intéressant. Car il ne s’agit plus seulement de sécurité nationale ou de procédures de vetting. Il s’agit de savoir quel genre de pays l’Amérique veut être. Un pays qui accueille ceux qui l’ont aidée, même au risque de commettre des erreurs ? Ou un pays qui ferme ses portes par peur, par méfiance, par rejet de l’autre ?
Je pense à tous ces Afghans qui ont risqué leur vie pour aider l’Amérique. Qui ont cru en ses promesses. Qui ont fait confiance à ses engagements. Et maintenant, à cause d’un homme, d’un seul homme qui a commis l’irréparable, ils sont tous suspectés. Tous remis en question. Tous menacés d’expulsion. C’est d’une injustice criante. D’une cruauté insupportable. Parce que la grande majorité de ces gens n’ont rien fait de mal. Ils ont juste voulu survivre. Ils ont juste voulu protéger leurs familles. Ils ont juste voulu vivre en paix. Et maintenant, on leur dit qu’ils ne sont plus les bienvenus. Qu’ils représentent une menace. Qu’ils doivent partir. Ça me brise le cœur.
Section 4 : la stratégie politique de Trump dévoilée
Instrumentaliser la peur pour gouverner
Donald Trump n’a jamais caché sa stratégie. Depuis le début de sa carrière politique, il a fait de l’immigration son cheval de bataille. Son discours de lancement de campagne en 2015 avait donné le ton. Il avait parlé de criminels mexicains, de violeurs, de trafiquants de drogue. Il avait promis de construire un mur à la frontière et de faire payer le Mexique. Cette rhétorique choc avait scandalisé les élites politiques et médiatiques. Mais elle avait trouvé un écho puissant auprès d’une partie de l’électorat américain. Celle qui se sent menacée par les transformations démographiques du pays. Celle qui voit dans l’immigration une menace pour son mode de vie, son identité, sa sécurité. Trump a compris qu’en jouant sur ces peurs, il pouvait mobiliser une base électorale fidèle et passionnée. Et il n’a jamais cessé d’exploiter ce filon. Tout au long de son premier mandat, puis pendant sa campagne de 2024, et maintenant lors de son second mandat, l’immigration est restée au cœur de son discours politique. Il a fait de la lutte contre l’immigration illégale une priorité absolue. Il a multiplié les mesures restrictives. Il a durci les contrôles aux frontières. Il a augmenté les expulsions. Et à chaque fois qu’un événement tragique impliquant un immigrant se produit, il le saisit pour justifier un durcissement supplémentaire de sa politique.
La fusillade du 27 novembre 2025 ne fait pas exception. Dès l’annonce de l’attaque, Trump a réagi avec une rapidité remarquable. En quelques heures, il avait identifié le coupable, dénoncé l’administration Biden, annoncé de nouvelles mesures restrictives. Sa communication était parfaitement rodée. Le message était clair : l’Amérique est en danger à cause de l’immigration incontrôlée. Les démocrates ont laissé entrer des terroristes sur le territoire américain. Seul lui peut protéger le pays. Cette narration est puissante. Elle s’appuie sur des émotions primaires : la peur, la colère, le besoin de sécurité. Elle désigne des coupables : les immigrants, les démocrates, les élites qui ne comprennent pas les préoccupations du peuple. Et elle propose une solution simple : fermer les frontières, expulser les indésirables, protéger l’Amérique. Peu importe que cette solution soit simpliste, qu’elle ignore la complexité du système d’immigration, qu’elle fasse fi des obligations internationales des États-Unis en matière de droit d’asile. Ce qui compte, c’est l’efficacité politique du message. Et force est de constater que cette efficacité est réelle. Les sondages montrent que l’immigration reste une préoccupation majeure pour une large partie de l’électorat américain. Et que Trump est perçu comme plus crédible que les démocrates sur ce sujet.
Le piège tendu aux démocrates
Mark Kelly l’a bien compris. En accusant Trump de racisme, il prend un risque politique considérable. Car cette accusation peut se retourner contre lui. Les républicains ne manqueront pas de l’accuser de jouer la carte de la race, de diviser le pays, de refuser de reconnaître les problèmes réels posés par l’immigration. Ils diront qu’il est plus préoccupé par le politiquement correct que par la sécurité des Américains. Qu’il défend les immigrants au détriment des citoyens. Qu’il est déconnecté des préoccupations du peuple. Cette contre-attaque est prévisible. Elle fait partie du jeu politique. Mais Kelly a décidé de prendre ce risque. Parce qu’il estime que certaines choses doivent être dites. Que certaines lignes ne doivent pas être franchies. Que le silence face à ce qu’il perçoit comme du racisme serait une forme de complicité. Et il n’est pas le seul démocrate à adopter cette position. Depuis l’annonce des mesures de Trump, plusieurs élus démocrates ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme une dérive autoritaire et xénophobe. Ils ont rappelé que les États-Unis sont signataires de la Convention de Genève sur les réfugiés. Qu’ils ont des obligations internationales en matière de droit d’asile. Qu’ils ne peuvent pas simplement fermer leurs frontières à tous les ressortissants de certains pays sans violer le droit international.
Les Nations Unies ont d’ailleurs réagi rapidement aux annonces de Trump. Le porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU, Farhan Haq, a rappelé que tous les pays, y compris les États-Unis, doivent honorer leurs engagements au titre de la Convention de 1953 sur les réfugiés. Le porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Jeremy Laurence, a insisté sur le fait que les demandeurs d’asile ont droit à une protection en vertu du droit international et qu’ils doivent bénéficier d’une procédure équitable. Ces rappels à l’ordre diplomatiques sont importants. Ils montrent que la communauté internationale surveille de près les actions de l’administration Trump. Qu’elle est prête à dénoncer les violations du droit international. Mais ils ont aussi leurs limites. Car Trump a montré à maintes reprises qu’il se souciait peu des critiques internationales. Qu’il était prêt à défier les conventions, à ignorer les traités, à agir unilatéralement si cela servait ses intérêts politiques. Et sur l’immigration, il sait qu’il a le soutien d’une partie importante de l’opinion publique américaine. Une partie qui estime que le pays a le droit de contrôler ses frontières comme il l’entend. Que les obligations internationales ne doivent pas primer sur la sécurité nationale. Que l’Amérique doit d’abord penser à ses citoyens avant de se préoccuper des réfugiés.
Trump joue avec le feu. Il le sait. Il l’a toujours su. Mais ça ne l’arrête pas. Au contraire. Plus la controverse est grande, plus il en tire profit. Plus on l’accuse de racisme, plus sa base se mobilise. Plus on le critique, plus il se présente en victime d’un système qui ne le comprend pas. C’est un jeu dangereux. Un jeu qui divise le pays. Un jeu qui attise les tensions. Un jeu qui peut mal finir. Mais c’est son jeu. Et il le maîtrise à la perfection.
Section 5 : les dix-neuf pays dans le viseur
Une liste qui en dit long
Quand l’administration Trump a annoncé qu’elle allait réexaminer toutes les cartes vertes délivrées à des ressortissants de dix-neuf pays considérés comme préoccupants, elle s’est appuyée sur une proclamation présidentielle datant de juin 2025. Cette proclamation listait les pays dont les ressortissants faisaient l’objet de restrictions d’entrée sur le territoire américain pour des raisons de sécurité nationale. Afghanistan, Birmanie, Tchad, République du Congo, Guinée équatoriale, Érythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen, Burundi, Cuba, Laos, Sierra Leone, Togo, Turkménistan, Venezuela. Dix-neuf nations réparties sur quatre continents. Dix-neuf pays qui ont en commun d’être pauvres, instables, ou gouvernés par des régimes autoritaires. Dix-neuf pays dont aucun n’est à majorité blanche. Cette liste n’est pas le fruit du hasard. Elle reflète une vision du monde où certaines nations sont considérées comme dangereuses par nature. Où certaines populations sont présumées suspectes. Où certaines cultures sont jugées incompatibles avec les valeurs occidentales. L’administration Trump justifie ces restrictions par des considérations de sécurité nationale. Elle affirme que ces pays ne sont pas en mesure de fournir des documents d’identité sécurisés. Qu’ils ne coopèrent pas suffisamment avec les autorités américaines dans la lutte contre le terrorisme. Qu’ils représentent un risque pour la sécurité des États-Unis.
Ces arguments ne sont pas totalement dénués de fondement. Il est vrai que certains de ces pays connaissent des situations de conflit ou d’instabilité qui rendent difficile la vérification de l’identité des personnes qui en sont originaires. Il est vrai que certains régimes ne coopèrent pas avec les États-Unis. Il est vrai que des groupes terroristes opèrent dans certaines de ces régions. Mais ces considérations de sécurité ne peuvent pas masquer une réalité plus profonde. La liste des dix-neuf pays reflète aussi des préjugés, des stéréotypes, des peurs irrationnelles. Elle amalgame des situations très différentes. Elle met dans le même panier des pays en guerre et des pays en paix, des régimes hostiles aux États-Unis et des gouvernements alliés, des foyers de terrorisme et des nations qui en sont victimes. Elle traite de la même manière des millions de personnes qui n’ont rien à voir avec les problèmes de sécurité invoqués. Et surtout, elle envoie un message clair : certaines populations sont indésirables. Certaines origines sont suspectes. Certaines couleurs de peau sont problématiques. C’est exactement ce que Mark Kelly dénonce quand il affirme que Trump ne veut pas de personnes de couleur brune aux États-Unis. Car la liste des dix-neuf pays est révélatrice. Elle ne cible que des pays du Sud global. Que des nations pauvres. Que des populations non blanches.
Les conséquences humaines d’une politique inhumaine
Derrière les statistiques et les proclamations présidentielles, il y a des vies. Des centaines de milliers de vies. Plus de cent quatre-vingt-dix mille Afghans se sont réinstallés aux États-Unis depuis le retrait américain d’Afghanistan en août 2021. Ils ont fui la guerre, la persécution, la mort. Ils ont tout laissé derrière eux. Leur maison, leurs biens, leurs souvenirs. Ils sont arrivés en Amérique avec l’espoir de recommencer une nouvelle vie. De vivre en sécurité. De donner un avenir à leurs enfants. Et maintenant, ils apprennent que leurs cartes vertes vont être réexaminées. Que leur statut est remis en question. Qu’ils pourraient être expulsés. L’Alliance des communautés afghanes aux États-Unis a réagi avec inquiétude à ces annonces. Dans un communiqué publié le 28 novembre, l’organisation a condamné la fusillade tout en exprimant ses préoccupations quant à l’impact des actions de Lakanwal sur le processus d’immigration pour les autres ressortissants afghans. Le crime d’un seul individu ne doit pas compromettre ou entraver les dossiers légaux de milliers d’Afghans méritants qui remplissent toutes les conditions légales américaines, a déclaré l’Alliance. Cette déclaration est poignante. Elle rappelle que derrière les débats politiques, il y a des êtres humains. Des familles. Des enfants. Des personnes qui n’ont rien fait de mal et qui risquent de payer pour les actes d’un seul homme.
Les conséquences de la politique de Trump vont bien au-delà des Afghans. Tous les détenteurs de cartes vertes originaires des dix-neuf pays listés vont faire l’objet d’un réexamen. Combien sont-ils ? Des dizaines de milliers ? Des centaines de milliers ? Personne ne le sait exactement. Mais ce qui est certain, c’est que chacun d’entre eux va vivre dans l’angoisse pendant des mois, peut-être des années. Ils vont se demander si leur statut sera révoqué. S’ils seront expulsés. S’ils devront abandonner la vie qu’ils ont construite aux États-Unis. Cette incertitude est une forme de torture psychologique. Elle empêche de faire des projets, d’investir dans l’avenir, de se sentir chez soi. Elle maintient dans un état de précarité permanent. Et elle envoie un message terrible : vous n’êtes pas vraiment les bienvenus ici. Vous êtes tolérés, mais vous pouvez être rejetés à tout moment. Votre présence est conditionnelle. Votre place est fragile. Ce message est destructeur. Il mine la confiance. Il alimente le ressentiment. Il crée des divisions. Et il va à l’encontre de tout ce que l’Amérique prétend représenter. Car l’Amérique s’est toujours définie comme une terre d’accueil. Un pays où chacun peut réussir, quelle que soit son origine. Un lieu où l’on juge les gens sur leurs actes, pas sur leur couleur de peau ou leur pays de naissance. Mais les politiques de Trump remettent en question cette promesse. Elles suggèrent que certaines personnes ne pourront jamais vraiment devenir américaines. Que leur origine les condamne à rester des étrangers.
J’imagine ces familles afghanes qui ont tout quitté pour venir en Amérique. Qui ont cru aux promesses de liberté et de sécurité. Qui ont pensé qu’elles pourraient enfin vivre en paix. Et maintenant, elles découvrent que leur présence est remise en question. Que leur statut est menacé. Que le crime d’un homme qu’elles ne connaissent pas pourrait détruire leur vie. C’est d’une injustice révoltante. D’une cruauté insoutenable. Et ça me met en colère. Une colère froide. Profonde. Tenace.
Section 6 : le débat sur la sécurité nationale
Entre protection légitime et paranoïa collective
La question de la sécurité nationale est légitime. Aucun pays ne peut ignorer les menaces qui pèsent sur lui. Aucun gouvernement ne peut négliger la protection de ses citoyens. Et les États-Unis, en tant que superpuissance mondiale, font face à des défis sécuritaires considérables. Le terrorisme international, les cyberattaques, l’espionnage étranger, les trafics en tous genres. Ces menaces sont réelles. Elles justifient des mesures de précaution, des contrôles rigoureux, une vigilance constante. Personne ne conteste cela. Pas même Mark Kelly. Le sénateur de l’Arizona a toujours reconnu la nécessité de sécuriser les frontières et de contrôler l’immigration. Il a voté pour des budgets de sécurité frontalière. Il a soutenu des mesures visant à améliorer les procédures de vetting. Il n’est pas naïf. Il sait que le système d’immigration américain a des failles. Que des individus dangereux peuvent parfois passer entre les mailles du filet. Que des erreurs peuvent être commises. Mais il refuse de céder à la paranoïa. Il refuse de considérer tous les immigrants comme des menaces potentielles. Il refuse de sacrifier les valeurs américaines sur l’autel d’une sécurité illusoire. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Les mesures annoncées par Trump ne garantissent pas une meilleure sécurité. Elles créent l’illusion de la sécurité. Elles donnent l’impression que le gouvernement agit, qu’il prend le problème à bras-le-corps, qu’il protège le pays. Mais en réalité, elles sont largement inefficaces.
Prenons l’exemple du réexamen des cartes vertes. En quoi cette mesure améliore-t-elle la sécurité nationale ? Les détenteurs de cartes vertes ont déjà été contrôlés avant d’obtenir leur statut. Ils ont passé des vérifications de sécurité, fourni leurs empreintes digitales, été interrogés par les autorités. S’ils représentaient une menace, elle aurait dû être identifiée à ce moment-là. Les réexaminer maintenant ne changera rien. Sauf à créer une bureaucratie supplémentaire, à mobiliser des ressources qui pourraient être utilisées ailleurs, et à terroriser des centaines de milliers de personnes qui n’ont rien fait de mal. De même, la suspension de toute immigration en provenance des pays du tiers-monde est une mesure symbolique plus qu’efficace. Les terroristes ne viennent pas nécessairement de ces pays. Ils peuvent être des citoyens américains radicalisés sur le sol américain. Ils peuvent venir de pays alliés des États-Unis. Ils peuvent utiliser de faux documents pour dissimuler leur véritable origine. Fermer les frontières à certaines nationalités ne garantit en rien la sécurité du pays. Cela donne juste l’impression de faire quelque chose. Et c’est précisément ce que recherche Trump. Non pas l’efficacité réelle, mais l’efficacité politique. Il veut montrer à sa base électorale qu’il tient ses promesses. Qu’il protège l’Amérique. Qu’il ne se laisse pas intimider par les critiques des démocrates ou de la communauté internationale.
Les vrais enjeux de sécurité ignorés
Pendant ce temps, les vrais problèmes de sécurité sont négligés. Car si l’on veut vraiment améliorer la sécurité nationale, il faut s’attaquer aux causes profondes de la radicalisation. Il faut comprendre pourquoi des individus comme Rahmanullah Lakanwal basculent dans la violence. Qu’est-ce qui les pousse à commettre l’irréparable ? Est-ce l’isolement social ? Le sentiment d’injustice ? L’exposition à des idéologies extrémistes en ligne ? Les traumatismes liés à la guerre ? La difficulté à s’intégrer dans une nouvelle société ? Toutes ces questions méritent d’être posées. Et elles nécessitent des réponses complexes, nuancées, qui vont bien au-delà de la simple fermeture des frontières. Il faut investir dans les programmes d’intégration. Aider les nouveaux arrivants à apprendre la langue, à trouver un emploi, à comprendre la culture américaine. Il faut créer des liens entre les communautés. Favoriser le dialogue, la compréhension mutuelle, le respect des différences. Il faut surveiller les discours de haine en ligne. Identifier les individus à risque. Intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Il faut aussi s’interroger sur la politique étrangère américaine. Sur les guerres menées au Moyen-Orient et en Asie centrale. Sur les conséquences de ces interventions militaires. Sur le ressentiment qu’elles ont créé dans certaines populations. Car on ne peut pas bombarder des pays pendant vingt ans et s’étonner ensuite que certains de leurs ressortissants nourrissent de la rancœur envers l’Amérique.
Mais ces questions sont complexes. Elles n’ont pas de réponses simples. Elles nécessitent du temps, de la réflexion, de la nuance. Et Trump n’aime pas la nuance. Il préfère les solutions simples, les slogans percutants, les mesures spectaculaires. Fermer les frontières. Expulser les indésirables. Protéger l’Amérique. C’est simple. C’est clair. C’est vendeur. Peu importe que ce soit inefficace. Peu importe que cela crée plus de problèmes qu’il n’en résout. Ce qui compte, c’est l’impact politique. Et sur ce plan, Trump a gagné. Il a réussi à imposer son cadre de pensée. À faire de l’immigration le problème numéro un. À convaincre une partie de l’opinion publique que la sécurité du pays passe par la fermeture des frontières. Mark Kelly tente de renverser ce cadre. De montrer que les politiques de Trump ne sont pas seulement inefficaces, mais aussi dangereuses. Qu’elles divisent le pays. Qu’elles alimentent le racisme et la xénophobie. Qu’elles trahissent les valeurs américaines. Mais c’est un combat difficile. Car il est toujours plus facile de jouer sur les peurs que de faire appel à la raison. Plus facile de désigner des boucs émissaires que de s’attaquer aux vrais problèmes. Plus facile de fermer les portes que de construire des ponts.
La sécurité. Ce mot magique qui justifie tout. Qui excuse tout. Qui permet tout. Au nom de la sécurité, on peut violer les droits humains. Au nom de la sécurité, on peut discriminer. Au nom de la sécurité, on peut rejeter l’autre. Mais quelle sécurité ? Celle qui nous protège vraiment ? Ou celle qui nous donne l’illusion d’être protégés ? Celle qui s’attaque aux causes profondes des problèmes ? Ou celle qui se contente de traiter les symptômes ? Je crains que nous ayons choisi la seconde option. Et que nous le payions cher.
Section 7 : l'Amérique face à son identité
Une nation d’immigrants qui rejette les immigrants
L’Amérique a toujours eu une relation ambivalente avec l’immigration. D’un côté, elle se définit comme une nation d’immigrants. Une terre d’accueil où chacun peut réussir, quelle que soit son origine. Le mythe du melting pot, du creuset où se fondent toutes les cultures pour créer quelque chose de nouveau, de unique, de profondément américain. Ce mythe est puissant. Il fait partie de l’identité nationale. Il est enseigné dans les écoles. Il est célébré dans les discours politiques. Il est gravé sur la Statue de la Liberté : Donnez-moi vos masses fatiguées, vos pauvres, vos foules entassées aspirant à respirer librement. Ces mots résonnent encore aujourd’hui. Ils rappellent que l’Amérique s’est construite grâce aux immigrants. Que ce sont eux qui ont défriché les terres, construit les villes, développé l’économie, enrichi la culture. Sans les immigrants, l’Amérique ne serait pas ce qu’elle est. Mais d’un autre côté, l’histoire américaine est aussi jalonnée de périodes de rejet violent de l’immigration. Les lois d’exclusion des Chinois à la fin du XIXe siècle. Les quotas restrictifs des années 1920 visant à limiter l’immigration en provenance d’Europe du Sud et de l’Est. L’internement des Japonais-Américains pendant la Seconde Guerre mondiale. Les discriminations contre les Irlandais, les Italiens, les Juifs, les Mexicains. À chaque vague d’immigration, les mêmes peurs resurgissent. Les nouveaux arrivants vont voler nos emplois. Ils vont faire baisser les salaires. Ils vont importer leurs maladies. Ils vont refuser de s’intégrer. Ils vont changer notre culture. Ils vont menacer notre sécurité.
Ces peurs ne sont pas nouvelles. Elles ont toujours existé. Et elles ont toujours été instrumentalisées par des politiciens en quête de pouvoir. Trump n’invente rien. Il s’inscrit dans une longue tradition de démagogues qui ont fait de l’immigration leur fonds de commerce. Mais il le fait avec une efficacité redoutable. Il a compris que dans une Amérique de plus en plus diverse, de plus en plus métissée, une partie de la population blanche se sent menacée. Elle voit les statistiques démographiques. Elle sait que d’ici quelques décennies, les Blancs ne seront plus majoritaires. Et cette perspective l’effraie. Car elle remet en question son statut, son pouvoir, son identité. Trump a su capter cette angoisse. Il a su la transformer en force politique. Il a promis de rendre sa grandeur à l’Amérique. De la protéger contre l’invasion étrangère. De préserver son identité. Et pour beaucoup, cette promesse résonne. Elle répond à un besoin profond. Celui de se sentir chez soi. De ne pas être submergé par le changement. De garder le contrôle. Mais cette promesse est un mensonge. Car l’Amérique ne peut pas revenir en arrière. Elle ne peut pas redevenir ce qu’elle était dans les années 1950, quand les Blancs représentaient quatre-vingt-dix pour cent de la population. Le monde a changé. L’Amérique a changé. Et aucune politique migratoire, aussi restrictive soit-elle, ne pourra inverser cette tendance.
Le choix entre ouverture et repli
Mark Kelly incarne une autre vision de l’Amérique. Celle d’un pays qui assume sa diversité. Qui la célèbre. Qui en fait une force. Il ne nie pas les défis posés par l’immigration. Il ne prétend pas que tout est parfait. Mais il refuse de céder à la peur. Il refuse de construire des murs. Il refuse de rejeter l’autre. Parce qu’il croit que l’Amérique est plus forte quand elle est ouverte. Quand elle accueille les talents du monde entier. Quand elle offre une chance à ceux qui fuient la guerre, la persécution, la misère. Cette vision n’est pas naïve. Elle s’appuie sur des faits. Les immigrants contribuent massivement à l’économie américaine. Ils créent des entreprises. Ils innovent. Ils paient des impôts. Ils revitalisent des quartiers en déclin. Ils comblent des pénuries de main-d’œuvre dans des secteurs essentiels comme la santé, l’agriculture, la construction. Sans eux, l’économie américaine s’effondrerait. Mais au-delà des considérations économiques, il y a une question de valeurs. Quel genre de pays l’Amérique veut-elle être ? Un pays qui accueille ou qui rejette ? Un pays qui tend la main ou qui ferme la porte ? Un pays qui juge les gens sur leurs actes ou sur leur origine ? Ces questions ne sont pas nouvelles. Elles se posent à chaque génération. Et à chaque fois, l’Amérique a dû choisir. Parfois, elle a choisi l’ouverture. Parfois, elle a choisi le repli. Aujourd’hui, elle est à nouveau face à ce choix. Et les déclarations de Mark Kelly montrent que le débat est loin d’être tranché.
Le sénateur de l’Arizona a pris position. Il a dit ce qu’il pensait. Il a dénoncé ce qu’il considère comme du racisme. Il a défendu une vision inclusive de l’Amérique. Mais il sait qu’il est minoritaire. Que Trump a gagné l’élection. Que les républicains contrôlent le Congrès. Que les politiques restrictives vont se poursuivre. Alors que peut-il faire ? Continuer à parler. À dénoncer. À proposer des alternatives. À rappeler les valeurs américaines. À défendre ceux qui n’ont pas de voix. C’est peu. C’est insuffisant. Mais c’est nécessaire. Car dans les moments sombres, il faut des voix qui s’élèvent. Des voix qui refusent de se taire. Des voix qui rappellent ce qui est juste. Mark Kelly est une de ces voix. Et même si elle est minoritaire, même si elle est critiquée, même si elle est ignorée, elle compte. Elle témoigne. Elle résiste. Elle maintient vivante une autre vision de l’Amérique. Une vision qui, peut-être, finira par l’emporter. Pas aujourd’hui. Pas demain. Mais un jour. Parce que l’histoire montre que les périodes de repli sont toujours suivies de périodes d’ouverture. Que les murs finissent toujours par tomber. Que l’humanité, malgré tous ses défauts, finit toujours par choisir l’ouverture plutôt que la fermeture. Du moins, c’est ce que l’on peut espérer.
L’Amérique est à un carrefour. Elle doit choisir. Entre la peur et l’espoir. Entre le repli et l’ouverture. Entre le rejet et l’accueil. Ce choix n’est pas anodin. Il déterminera ce que sera le pays dans les décennies à venir. Il façonnera l’identité de toute une génération. Il influencera le reste du monde. Car l’Amérique, qu’on le veuille ou non, reste un modèle. Ce qu’elle fait, d’autres le feront. Ce qu’elle dit, d’autres le répéteront. Si elle choisit la fermeture, d’autres pays suivront. Si elle choisit l’ouverture, elle montrera la voie. Le choix est lourd de conséquences. Et il nous concerne tous.
Section 8 : les réactions internationales
L’ONU rappelle les obligations américaines
La communauté internationale n’est pas restée silencieuse face aux annonces de Donald Trump. Dès le 28 novembre, les Nations Unies ont réagi avec fermeté. Le porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU, Farhan Haq, a rappelé que tous les pays, y compris les États-Unis, doivent honorer leurs engagements au titre de la Convention de 1953 sur les réfugiés. Cette convention, signée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, établit les droits des réfugiés et les obligations des États qui les accueillent. Elle stipule notamment qu’un réfugié ne peut être renvoyé dans un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée. C’est le principe de non-refoulement, pierre angulaire du droit international des réfugiés. En suspendant toute immigration en provenance de certains pays et en réexaminant les cas d’asile approuvés, l’administration Trump risque de violer ce principe. Car parmi les personnes concernées, certaines ont fui des persécutions, des guerres, des violences. Les renvoyer dans leur pays d’origine pourrait les mettre en danger. Et cela constituerait une violation flagrante du droit international. Le porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Jeremy Laurence, a été encore plus explicite. Lors d’une conférence de presse à Genève, il a insisté sur le fait que les demandeurs d’asile ont droit à une protection en vertu du droit international et qu’ils doivent bénéficier d’une procédure équitable. En d’autres termes, on ne peut pas simplement rejeter en bloc toutes les demandes d’asile en provenance de certains pays. Chaque cas doit être examiné individuellement. Chaque personne doit avoir la possibilité de présenter sa situation. Chaque décision doit être motivée et susceptible de recours.
Ces rappels à l’ordre sont importants. Ils montrent que la communauté internationale surveille de près les actions de l’administration Trump. Qu’elle est prête à dénoncer les violations du droit international. Qu’elle ne laissera pas les États-Unis agir en toute impunité. Mais ils ont aussi leurs limites. Car l’ONU n’a pas de pouvoir coercitif. Elle ne peut pas forcer les États-Unis à respecter leurs obligations internationales. Elle peut dénoncer, critiquer, condamner. Mais elle ne peut pas sanctionner. Et Trump le sait. Il a montré à maintes reprises qu’il se souciait peu des critiques internationales. Il a retiré les États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Il a quitté le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il a imposé des sanctions unilatérales sans l’aval du Conseil de sécurité. Il a défié l’Organisation mondiale du commerce. Pour lui, le droit international n’est qu’une contrainte dont il faut se libérer. Une entrave à la souveraineté américaine. Un outil utilisé par les adversaires des États-Unis pour limiter leur puissance. Cette vision est dangereuse. Car elle remet en question l’ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale. Un ordre fondé sur des règles, des traités, des institutions multilatérales. Un ordre imparfait, certes, mais qui a permis d’éviter une troisième guerre mondiale et de faire progresser les droits humains à travers le monde. Si les États-Unis, première puissance mondiale, décident de s’affranchir de ces règles, qu’est-ce qui empêchera d’autres pays de faire de même ? Qu’est-ce qui empêchera la Chine, la Russie, l’Inde de violer le droit international quand cela les arrange ? Qu’est-ce qui empêchera le retour de la loi du plus fort ?
Les alliés européens dans l’embarras
Les alliés européens des États-Unis observent avec inquiétude les développements de la politique migratoire américaine. Ils sont pris entre deux feux. D’un côté, ils partagent certaines préoccupations de Trump en matière de sécurité. Eux aussi font face à des défis migratoires. Eux aussi ont connu des attentats terroristes commis par des individus radicalisés. Eux aussi s’interrogent sur l’efficacité de leurs procédures de contrôle. Mais d’un autre côté, ils sont attachés au droit international et aux valeurs humanitaires. Ils ne peuvent pas cautionner une politique qui discrimine ouvertement certaines populations en fonction de leur origine. Ils ne peuvent pas accepter que les États-Unis violent leurs obligations internationales. Ils ne peuvent pas rester silencieux face à ce qu’ils perçoivent comme une dérive autoritaire et xénophobe. Alors ils naviguent à vue. Ils émettent des déclarations prudentes. Ils expriment leurs préoccupations en privé. Ils espèrent que la situation s’améliorera. Mais ils évitent la confrontation directe. Car ils ont besoin des États-Unis. Pour leur sécurité. Pour leur économie. Pour leur influence géopolitique. Ils ne peuvent pas se permettre de rompre avec Washington. Même quand ils désapprouvent ses politiques. Cette situation est inconfortable. Elle révèle les limites de l’alliance transatlantique. Elle montre que les valeurs communes invoquées par les dirigeants occidentaux sont parfois plus rhétoriques que réelles. Elle souligne les contradictions d’un système international où la puissance prime souvent sur le droit.
Certains pays européens vont même plus loin. Ils s’inspirent des politiques de Trump pour durcir leur propre législation migratoire. L’Italie, la Hongrie, la Pologne ont adopté des mesures restrictives similaires. Elles aussi veulent fermer leurs frontières. Elles aussi veulent expulser les migrants en situation irrégulière. Elles aussi invoquent la sécurité nationale pour justifier des politiques de plus en plus dures. Cette convergence est inquiétante. Elle montre que le modèle Trump fait des émules. Qu’il inspire d’autres dirigeants populistes. Qu’il normalise des pratiques qui auraient été impensables il y a quelques années. Et elle pose une question fondamentale : sommes-nous en train d’assister à un basculement global vers des politiques migratoires de plus en plus restrictives et discriminatoires ? Vers un monde où les frontières se ferment, où les murs se dressent, où l’autre est systématiquement perçu comme une menace ? Si c’est le cas, les conséquences seront dramatiques. Non seulement pour les millions de personnes qui fuient la guerre, la persécution, la misère. Mais aussi pour nos sociétés. Car en fermant nos portes, nous fermons aussi nos cœurs. Nous renonçons à notre humanité. Nous trahissons nos valeurs. Et nous créons un monde plus dur, plus froid, plus violent.
L’ONU peut bien rappeler les obligations internationales. Les alliés européens peuvent bien exprimer leurs préoccupations. Rien n’y fait. Trump continue. Il avance. Il impose sa vision. Et le monde regarde, impuissant. Parce que personne n’a le courage de s’opposer vraiment à lui. Personne n’est prêt à payer le prix d’une confrontation. Alors on se contente de déclarations. De communiqués. De rappels à l’ordre sans conséquence. Et pendant ce temps, des vies sont détruites. Des familles sont séparées. Des droits sont bafoués. C’est révoltant. C’est insupportable. Et ça me donne envie de hurler.
Section 9 : le poids des mots dans le débat public
Quand nommer devient un acte de résistance
Mark Kelly a franchi une ligne. En accusant Donald Trump de ne pas vouloir de personnes de couleur brune aux États-Unis, il a nommé ce que beaucoup pensent mais n’osent pas dire. Il a brisé un tabou. Car dans le débat politique américain, accuser quelqu’un de racisme est considéré comme une transgression majeure. C’est perçu comme une attaque personnelle, une insulte, une façon de fermer le dialogue. Les républicains ne manquent jamais de dénoncer ce qu’ils appellent la carte de la race. Ils accusent les démocrates de voir du racisme partout. De diviser le pays en fonction de la couleur de peau. De refuser de débattre des vrais problèmes. Cette rhétorique est efficace. Elle met les démocrates sur la défensive. Elle les force à justifier leurs accusations. Elle détourne l’attention du fond du débat. Et elle permet aux républicains de se présenter en victimes d’une gauche qui les diabolise. Mais Kelly a décidé de prendre ce risque. Parce qu’il estime que certaines choses doivent être dites. Que le silence face au racisme est une forme de complicité. Que nommer les choses est un acte de résistance. Et il a raison. Car les mots ont un pouvoir. Ils façonnent notre perception de la réalité. Ils influencent nos jugements. Ils orientent nos actions. Quand Trump parle de pays du tiers-monde, il active un imaginaire. Celui de nations arriérées, dangereuses, incompatibles avec les valeurs occidentales. Il crée une hiérarchie entre les peuples. Il légitime l’exclusion. Il normalise la discrimination.
En décryptant ce langage codé, Kelly fait œuvre de pédagogie. Il explique ce que signifient vraiment les mots de Trump. Il révèle les présupposés qui les sous-tendent. Il montre comment le racisme peut se dissimuler derrière des arguments apparemment neutres. Cette démarche est essentielle. Car le racisme contemporain est rarement explicite. Il ne s’affiche plus ouvertement. Il ne revendique plus sa haine. Il se cache derrière des euphémismes, des codes, des arguments prétendument rationnels. On ne dit plus qu’on ne veut pas de Noirs ou d’Arabes. On dit qu’on veut préserver l’identité nationale. On ne dit plus qu’on considère certaines races comme inférieures. On dit qu’on veut protéger la civilisation occidentale. On ne dit plus qu’on rejette l’autre à cause de sa couleur de peau. On dit qu’on s’inquiète de la sécurité nationale. Ces glissements sémantiques ne sont pas anodins. Ils permettent au racisme de persister tout en se rendant socialement acceptable. Ils permettent à des politiques discriminatoires d’être mises en œuvre sans être dénoncées comme telles. Ils permettent à des millions de personnes de soutenir des mesures racistes sans se considérer comme racistes. C’est pourquoi il est si important de nommer les choses. De dire que quand Trump parle de pays du tiers-monde, il parle de personnes de couleur brune. De dire que quand il invoque l’incompatibilité avec la civilisation occidentale, il fait référence à la race et à la religion. De dire que ses politiques sont racistes. Point final.
Les limites du discours de vérité
Mais nommer ne suffit pas. Kelly peut bien accuser Trump de racisme, cela ne changera pas fondamentalement la situation. Car le problème n’est pas que les gens ne comprennent pas ce que dit Trump. Le problème est qu’une partie importante de l’électorat est d’accord avec lui. Ils veulent effectivement limiter l’immigration en provenance de certains pays. Ils considèrent effectivement que certaines cultures sont incompatibles avec les valeurs américaines. Ils estiment effectivement que le pays doit protéger son identité. Et peu leur importe qu’on qualifie ces positions de racistes. Au contraire, ils y voient la preuve que les élites ne les comprennent pas. Que les démocrates sont déconnectés de leurs préoccupations. Que seul Trump les écoute et les défend. Cette dynamique est redoutable. Elle crée une situation où plus on dénonce le racisme de Trump, plus sa base se mobilise. Plus on l’accuse, plus il se présente en victime. Plus on le critique, plus il apparaît comme un homme courageux qui ose dire ce que les autres taisent. C’est un piège. Et Kelly le sait. Mais il a décidé de tomber dedans quand même. Parce qu’il estime que certains combats doivent être menés même s’ils sont perdus d’avance. Que certaines valeurs doivent être défendues même si elles sont minoritaires. Que certaines vérités doivent être dites même si elles sont impopulaires. C’est une position admirable. Mais c’est aussi une position tragique. Car elle révèle l’impasse dans laquelle se trouvent les démocrates.
Ils ont perdu la bataille des mots. Trump a réussi à imposer son vocabulaire, son cadre de pensée, sa vision du monde. Il a fait de l’immigration le problème numéro un. Il a convaincu des millions d’Américains que leur pays était menacé par des hordes d’étrangers. Il a créé un climat de peur et de méfiance. Et face à cela, les démocrates peinent à proposer une alternative crédible. Ils sont pris entre deux feux. S’ils adoptent un discours ferme sur l’immigration, ils risquent d’aliéner leur base progressiste. S’ils défendent une politique d’ouverture, ils sont accusés de négliger la sécurité nationale. S’ils dénoncent le racisme de Trump, ils sont accusés de jouer la carte de la race. S’ils restent silencieux, ils sont accusés de complicité. Quelle que soit leur stratégie, ils perdent. C’est pourquoi les déclarations de Kelly, aussi courageuses soient-elles, ne changeront probablement pas grand-chose. Elles témoignent. Elles résistent. Elles maintiennent vivante une autre vision de l’Amérique. Mais elles ne renversent pas le rapport de force. Elles ne convainquent pas ceux qui soutiennent Trump. Elles ne font que conforter ceux qui le combattent déjà. Et dans une démocratie polarisée où chacun reste dans sa bulle informationnelle, où les ponts entre les camps sont rompus, où le dialogue est devenu impossible, c’est peut-être tout ce qu’on peut espérer. Maintenir la flamme. Témoigner. Résister. En attendant des jours meilleurs.
Les mots sont des armes. Kelly le sait. Trump le sait. Nous le savons tous. Mais nous ne les utilisons pas de la même manière. Kelly utilise les mots pour révéler la vérité. Trump les utilise pour la masquer. Kelly nomme le racisme. Trump le pratique sans le dire. Kelly appelle à l’ouverture. Trump prône la fermeture. Et entre ces deux visions, l’Amérique doit choisir. Mais le choix semble déjà fait. Du moins pour l’instant. Et ça me désole.
Section 10 : les communautés afghanes dans la tourmente
Vivre sous la menace permanente de l’expulsion
Pour les communautés afghanes installées aux États-Unis, les annonces de Trump ont l’effet d’un coup de massue. En quelques heures, leur vie a basculé. Ils étaient des réfugiés accueillis, protégés, intégrés. Ils sont devenus des suspects, des menaces potentielles, des indésirables. Le crime d’un seul homme a suffi à remettre en question le statut de dizaines de milliers de personnes. C’est d’une injustice criante. D’une cruauté insupportable. Mais c’est la réalité à laquelle ils doivent faire face. Depuis le 27 novembre, les téléphones des associations afghanes ne cessent de sonner. Des familles paniquées appellent pour savoir ce qui va leur arriver. Est-ce que leurs cartes vertes vont être révoquées ? Est-ce qu’ils vont être expulsés ? Est-ce que leurs enfants nés aux États-Unis vont perdre leur nationalité américaine ? Personne ne peut leur répondre. Car personne ne sait exactement ce que l’administration Trump va faire. Les annonces présidentielles sont floues, contradictoires, changeantes. Un jour, Trump parle de suspendre toute immigration en provenance des pays du tiers-monde. Le lendemain, ses conseillers précisent qu’il s’agit seulement de réexaminer certains cas. Le surlendemain, de nouvelles mesures sont annoncées. Cette incertitude est une torture. Elle empêche de dormir, de travailler, de vivre normalement. Elle maintient dans un état d’angoisse permanent. Et elle crée un climat de méfiance généralisée.
Les Afghans installés aux États-Unis ont peur. Peur d’être arrêtés. Peur d’être détenus. Peur d’être expulsés. Certains évitent de sortir de chez eux. D’autres ont cessé d’aller travailler. Beaucoup ont retiré leurs enfants de l’école. Ils se terrent. Ils se cachent. Ils espèrent passer inaperçus. Mais cette stratégie est vouée à l’échec. Car l’administration Trump a les moyens de les retrouver. Elle a leurs adresses, leurs numéros de téléphone, leurs empreintes digitales. Elle sait où ils vivent, où ils travaillent, où ils vont. Et si elle décide de les expulser, rien ne pourra l’en empêcher. Cette situation est d’autant plus tragique que la plupart de ces Afghans n’ont rien fait de mal. Ils ont fui la guerre. Ils ont aidé l’Amérique. Ils ont risqué leur vie pour la cause américaine. Et maintenant, on leur dit qu’ils ne sont plus les bienvenus. Qu’ils représentent une menace. Qu’ils doivent partir. C’est une trahison. Une trahison des promesses faites. Une trahison des valeurs américaines. Une trahison de l’honneur. Car quand un pays demande à des gens de risquer leur vie pour l’aider, il contracte une dette envers eux. Il s’engage à les protéger. Il leur doit loyauté et reconnaissance. Mais l’Amérique de Trump ne reconnaît pas cette dette. Elle préfère l’oublier. La nier. La répudier.
Le témoignage des associations de soutien
L’Alliance des communautés afghanes aux États-Unis a publié un communiqué poignant le 28 novembre. L’organisation condamne fermement la fusillade qui a coûté la vie à Sarah Beckstrom et blessé Andrew Wolfe. Elle présente ses condoléances aux familles des victimes. Elle exprime sa solidarité avec la Garde nationale. Mais elle demande aussi que le crime d’un seul individu ne compromette pas les dossiers légaux de milliers d’Afghans méritants qui remplissent toutes les conditions légales américaines. Cette demande est légitime. Elle rappelle un principe fondamental du droit : la responsabilité individuelle. On ne peut pas punir un groupe entier pour les actes d’un de ses membres. On ne peut pas condamner tous les Afghans parce qu’un Afghan a commis un crime. Ce serait contraire aux principes les plus élémentaires de la justice. Ce serait une forme de discrimination collective. Ce serait du racisme. Mais c’est exactement ce que fait l’administration Trump. En suspendant le traitement de toutes les demandes d’immigration concernant les ressortissants afghans, elle punit collectivement une communauté entière. En réexaminant toutes les cartes vertes délivrées à des Afghans, elle présume leur culpabilité. En parlant de suspendre l’immigration en provenance des pays du tiers-monde, elle stigmatise des populations entières. Et ce faisant, elle viole les principes fondamentaux de la justice et de l’égalité.
Les associations de soutien aux réfugiés sont débordées. Elles reçoivent des centaines d’appels par jour. Des familles qui demandent de l’aide. Des avocats qui cherchent des informations. Des journalistes qui veulent témoigner. Elles font ce qu’elles peuvent. Elles rassurent. Elles conseillent. Elles orientent. Mais elles sont dépassées par l’ampleur de la crise. Car ce n’est pas seulement une crise administrative. C’est une crise humanitaire. C’est une crise morale. C’est une crise qui révèle ce que l’Amérique est vraiment devenue. Un pays qui trahit ceux qui l’ont aidée. Un pays qui rejette ceux qui ont cru en ses promesses. Un pays qui sacrifie ses valeurs sur l’autel de la politique politicienne. Les bénévoles de ces associations sont épuisés. Ils travaillent jour et nuit. Ils multiplient les démarches. Ils contactent les élus. Ils alertent les médias. Ils organisent des manifestations. Mais ils ont l’impression de se battre contre un mur. Car l’administration Trump ne les écoute pas. Elle ne tient pas compte de leurs arguments. Elle ne se soucie pas de leurs appels à la compassion. Elle poursuit sa politique sans état d’âme. Et pendant ce temps, des vies sont détruites. Des familles sont séparées. Des rêves sont brisés. C’est insoutenable. C’est révoltant. C’est inhumain.
Je pense à ces familles afghanes qui vivent dans la peur. Qui ne savent pas de quoi demain sera fait. Qui se demandent si elles vont pouvoir rester dans ce pays qu’elles ont appris à aimer. Et je me sens impuissant. Que puis-je faire ? Écrire ? Dénoncer ? Témoigner ? Est-ce que ça changera quelque chose ? Probablement pas. Mais je le fais quand même. Parce que je ne peux pas rester silencieux. Parce que je ne peux pas accepter l’inacceptable. Parce que je refuse de me résigner.
Section 11 : au-delà de l'immigration, une vision du monde
La civilisation occidentale comme marqueur identitaire
Quand Donald Trump parle d’incompatibilité avec la civilisation occidentale, il ne fait pas référence à des concepts philosophiques ou historiques. Il ne parle pas de démocratie, de droits humains, de séparation des pouvoirs. Il parle de race. De religion. De culture. Il trace une ligne entre nous et eux. Entre ceux qui appartiennent à la civilisation occidentale et ceux qui n’y appartiennent pas. Entre ceux qui sont compatibles et ceux qui ne le sont pas. Cette rhétorique n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une longue tradition de pensée qui divise le monde entre l’Occident civilisé et le reste du monde barbare. Une tradition qui a servi à justifier le colonialisme, l’esclavage, le génocide. Une tradition qui a été théorisée par des penseurs comme Samuel Huntington et son choc des civilisations. Une tradition qui postule que les cultures sont incompatibles, que les valeurs sont inconciliables, que les peuples sont condamnés à s’affronter. Cette vision du monde est dangereuse. Elle crée des divisions artificielles. Elle alimente les conflits. Elle légitime l’exclusion. Et elle ignore la réalité historique. Car la civilisation occidentale n’a jamais été homogène. Elle s’est construite par des échanges, des emprunts, des mélanges. Elle doit autant à la Grèce antique qu’au monde arabe. Autant à Rome qu’à l’Afrique du Nord. Autant au christianisme qu’au judaïsme et à l’islam. Prétendre qu’elle est pure, qu’elle est unique, qu’elle est supérieure, c’est nier l’histoire. C’est falsifier le passé. C’est construire un mythe.
Mais ce mythe est puissant. Il répond à un besoin profond. Celui de se définir par opposition à l’autre. De se sentir supérieur. De justifier sa domination. Et Trump l’exploite avec un talent redoutable. Il sait que pour une partie de l’électorat américain, la civilisation occidentale est synonyme de race blanche. Que défendre la civilisation occidentale, c’est défendre la suprématie blanche. Que parler d’incompatibilité culturelle, c’est parler de rejet racial. Il ne le dit jamais explicitement. Il n’a pas besoin de le dire. Ses électeurs comprennent. Ils décodent. Ils savent ce qu’il veut dire. Et c’est précisément ce que Mark Kelly dénonce. Cette façon de parler en code. De suggérer sans affirmer. De discriminer sans le dire. De pratiquer le racisme tout en le niant. Kelly refuse ce jeu. Il nomme les choses. Il dit que quand Trump parle de civilisation occidentale, il parle de race. Il dit que quand Trump parle d’incompatibilité, il parle de rejet. Il dit que les politiques de Trump sont racistes. Et il a raison. Car au-delà des mots, ce sont les actes qui comptent. Et les actes de Trump parlent d’eux-mêmes. Il cible systématiquement les pays non blancs. Il restreint l’immigration en provenance d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Asie, d’Amérique latine. Il facilite l’immigration en provenance d’Europe. Il parle de préférence pour les immigrants norvégiens. Il dit qu’il veut plus d’immigrants venus de pays comme la Norvège et moins d’immigrants venus de pays de merde. Le message est clair. Il veut des Blancs. Il ne veut pas de personnes de couleur. Point final.
Les enjeux géopolitiques d’une politique identitaire
Mais cette politique a des conséquences qui dépassent largement les frontières américaines. Elle influence les relations internationales. Elle façonne les alliances. Elle détermine les rapports de force. Car en rejetant les immigrants venus de certains pays, Trump envoie un message à ces pays. Il leur dit qu’ils ne sont pas des partenaires égaux. Qu’ils ne sont pas respectés. Qu’ils ne comptent pas. Et ce message a des répercussions. Les pays africains, par exemple, observent avec amertume la politique de Trump. Ils voient que leurs ressortissants sont systématiquement ciblés. Que leurs demandes de visa sont rejetées. Que leurs étudiants ne sont plus les bienvenus. Et ils en tirent des conclusions. Ils se tournent vers d’autres partenaires. Vers la Chine. Vers la Russie. Vers l’Europe. Ils diversifient leurs alliances. Ils réduisent leur dépendance vis-à-vis des États-Unis. Et ce faisant, ils affaiblissent l’influence américaine sur le continent africain. La même dynamique est à l’œuvre au Moyen-Orient, en Asie centrale, en Amérique latine. Partout où Trump rejette les immigrants, il crée du ressentiment. Il alimente l’anti-américanisme. Il pousse les pays concernés dans les bras de ses adversaires. C’est une erreur stratégique majeure. Car dans un monde multipolaire où la Chine et la Russie cherchent à étendre leur influence, les États-Unis ne peuvent pas se permettre d’aliéner des régions entières. Ils ont besoin d’alliés. Ils ont besoin de partenaires. Ils ont besoin de maintenir leur soft power.
Mais Trump ne semble pas s’en soucier. Il privilégie les gains politiques à court terme sur les intérêts stratégiques à long terme. Il préfère satisfaire sa base électorale plutôt que de préserver l’influence américaine dans le monde. Il choisit le repli identitaire plutôt que l’ouverture stratégique. Et ce faisant, il affaiblit l’Amérique. Il la rend plus isolée. Plus vulnérable. Plus dépendante de ses seuls alliés traditionnels. C’est une vision étriquée du monde. Une vision qui ignore la complexité des relations internationales. Une vision qui sous-estime l’importance de la diversité. Car dans un monde globalisé, interconnecté, interdépendant, aucun pays ne peut réussir seul. Aucune nation ne peut prospérer en se coupant du reste du monde. Aucune puissance ne peut maintenir son influence en rejetant des populations entières. L’Amérique de Trump l’apprendra à ses dépens. Peut-être pas aujourd’hui. Peut-être pas demain. Mais un jour. Quand elle réalisera que son isolement l’a affaiblie. Que son repli l’a marginalisée. Que son rejet de l’autre l’a appauvrie. Et ce jour-là, il sera peut-être trop tard pour inverser la tendance. Pour reconstruire les ponts. Pour regagner la confiance. Car la confiance, une fois perdue, est difficile à reconquérir. Et l’Amérique est en train de perdre la confiance d’une grande partie du monde.
Trump ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Il ne pense qu’à sa réélection. Qu’à sa base. Qu’à ses sondages. Il se fiche des conséquences à long terme de ses politiques. Il se fiche de l’influence américaine dans le monde. Il se fiche de l’avenir. Tout ce qui compte pour lui, c’est le présent. L’instant. Le gain immédiat. Et cette myopie est dangereuse. Parce qu’elle hypothèque l’avenir. Parce qu’elle affaiblit le pays. Parce qu’elle crée des problèmes qui mettront des décennies à résoudre. Mais Trump s’en fiche. Il ne sera plus là pour en payer le prix. Ce seront les générations futures qui devront assumer les conséquences de ses choix. Et ça me met en rage.
Conclusion : le choix qui nous définira
L’héritage de cette crise
La fusillade du 27 novembre 2025 restera dans les mémoires. Pas seulement parce qu’elle a coûté la vie à Sarah Beckstrom et blessé gravement Andrew Wolfe. Pas seulement parce qu’elle a été commise par un Afghan accueilli aux États-Unis dans le cadre d’un programme humanitaire. Mais surtout parce qu’elle a révélé quelque chose de profond sur l’Amérique contemporaine. Elle a mis en lumière les divisions qui traversent le pays. Les peurs qui l’habitent. Les choix auxquels il est confronté. D’un côté, il y a ceux qui, comme Donald Trump, veulent fermer les frontières. Qui voient dans l’immigration une menace existentielle. Qui estiment que certaines populations sont incompatibles avec les valeurs américaines. Qui sont prêts à sacrifier les principes humanitaires sur l’autel de la sécurité nationale. De l’autre côté, il y a ceux qui, comme Mark Kelly, défendent une vision plus ouverte de l’Amérique. Qui croient que la diversité est une force. Qui pensent que le pays a des obligations envers ceux qui l’ont aidé. Qui refusent de céder à la peur et au repli identitaire. Entre ces deux visions, l’Amérique doit choisir. Et ce choix déterminera ce qu’elle sera dans les décennies à venir. Un pays ouvert ou fermé. Accueillant ou rejetant. Fidèle à ses valeurs ou les trahissant. Ce choix n’est pas anodin. Il engage l’identité même de la nation. Il façonne son avenir. Il influence le reste du monde.
Pour l’instant, c’est la vision de Trump qui l’emporte. Il a gagné l’élection. Il contrôle l’exécutif. Il impose ses politiques. Et une partie importante de l’opinion publique le soutient. Mais l’histoire n’est pas finie. Les batailles politiques se gagnent et se perdent. Les majorités changent. Les opinions évoluent. Ce qui semble inéluctable aujourd’hui peut être renversé demain. C’est pourquoi les voix comme celle de Mark Kelly sont si importantes. Elles maintiennent vivante une alternative. Elles rappellent qu’un autre chemin est possible. Elles témoignent d’une autre Amérique. Une Amérique qui n’a pas renoncé à ses idéaux. Qui n’a pas cédé à la peur. Qui n’a pas trahi ses promesses. Cette Amérique existe encore. Elle est minoritaire. Elle est contestée. Elle est attaquée. Mais elle existe. Et tant qu’elle existera, l’espoir demeurera. L’espoir que le pays retrouve le chemin de l’ouverture. Qu’il renoue avec ses valeurs fondatrices. Qu’il redevienne cette terre d’accueil qui a fait sa grandeur. Cet espoir peut sembler naïf. Déplacé. Irréaliste. Mais c’est tout ce qui nous reste. Et nous devons nous y accrocher. Parce que sans espoir, il n’y a plus rien. Plus de raison de se battre. Plus de raison de résister. Plus de raison de croire en un avenir meilleur.
Un appel à la conscience collective
Les déclarations de Mark Kelly nous interpellent. Elles nous forcent à nous interroger. Sur nos valeurs. Sur nos priorités. Sur le genre de société dans laquelle nous voulons vivre. Voulons-nous une société qui juge les gens sur leur origine ? Ou une société qui les juge sur leurs actes ? Voulons-nous une société qui ferme ses portes par peur ? Ou une société qui les ouvre par générosité ? Voulons-nous une société qui rejette l’autre ? Ou une société qui l’accueille ? Ces questions ne concernent pas seulement l’Amérique. Elles concernent tous les pays occidentaux. Tous sont confrontés aux mêmes défis migratoires. Tous doivent faire face aux mêmes peurs. Tous doivent choisir entre l’ouverture et le repli. Et les choix qu’ils feront détermineront le monde de demain. Un monde plus ouvert ou plus fermé. Plus solidaire ou plus égoïste. Plus humain ou plus cruel. Nous sommes à un tournant. Les décisions prises aujourd’hui auront des conséquences pour des générations. Elles façonneront l’avenir de nos enfants. Elles détermineront le genre de planète que nous leur laisserons. C’est une responsabilité immense. Une responsabilité que nous ne pouvons pas fuir. Une responsabilité que nous devons assumer. Collectivement. Individuellement. Chacun à notre niveau. En votant. En manifestant. En parlant. En écrivant. En résistant. En refusant l’inacceptable. En défendant nos valeurs. En maintenant vivante l’espérance.
Mark Kelly a fait son choix. Il a décidé de parler. De dénoncer. De nommer les choses. Il sait que cela lui coûtera politiquement. Qu’il sera attaqué. Critiqué. Diabolisé. Mais il l’a fait quand même. Parce qu’il estime que certaines choses sont plus importantes que la carrière politique. Que certaines valeurs méritent d’être défendues même au prix de sacrifices personnels. Que certains combats doivent être menés même s’ils semblent perdus d’avance. C’est une leçon pour nous tous. Une leçon de courage. De détermination. D’intégrité. Dans un monde où le cynisme règne, où l’opportunisme est la norme, où les principes sont sacrifiés sur l’autel de l’intérêt personnel, Kelly nous rappelle qu’il existe encore des hommes et des femmes prêts à se battre pour leurs convictions. Prêts à prendre des risques. Prêts à payer le prix de leur engagement. Ces personnes sont rares. Elles sont précieuses. Elles sont essentielles. Car sans elles, sans ces voix qui s’élèvent, sans ces consciences qui résistent, le monde basculerait définitivement dans l’obscurité. Elles sont les gardiens de nos valeurs. Les sentinelles de notre humanité. Les témoins de ce que nous pouvons être de meilleur. Et nous devons les soutenir. Les encourager. Les protéger. Car elles portent en elles l’espoir d’un monde meilleur. L’espoir que tout n’est pas perdu. L’espoir que nous pouvons encore changer les choses. Si nous le voulons vraiment. Si nous en avons le courage. Si nous refusons de nous résigner.
Je termine cet article avec un sentiment mêlé. De colère face à l’injustice. De tristesse face à la cruauté. D’impuissance face à l’ampleur du défi. Mais aussi d’espoir. Parce que des hommes comme Mark Kelly existent. Parce que des voix s’élèvent. Parce que la résistance continue. Et tant qu’elle continuera, tout ne sera pas perdu. Nous sommes à un moment charnière de l’histoire. Un moment où tout peut basculer. Vers le pire ou vers le meilleur. Le choix nous appartient. À nous tous. Collectivement. Individuellement. Et ce choix nous définira. Il dira qui nous sommes vraiment. Ce que nous valons. Ce que nous laisserons derrière nous. Alors choisissons bien. Choisissons l’ouverture plutôt que la fermeture. L’accueil plutôt que le rejet. L’humanité plutôt que la cruauté. Parce que c’est ce qui nous rendra dignes. Dignes de nos ancêtres qui ont construit ce monde. Dignes de nos enfants qui l’hériteront. Dignes de nous-mêmes.
Sources
Sources primaires
Washington Examiner, Mark Kelly says Trump’s ‘third world’ migration pause about keeping ‘brown people’ out, 30 novembre 2025. NBC News, Mark Kelly says Trump migrant crackdown shows ‘they don’t want Brown people coming’: Full interview, 30 novembre 2025. Reuters, Trump vows to freeze migration from ‘Third World Countries’ after D.C. attack, 28 novembre 2025. CNN, US will reexamine all green cards issued to people from 19 countries as Trump administration ramps up immigration crackdown, 27 novembre 2025. CNN, National Guard shooting, 28 novembre 2025. NPR, Trump administration pausing all asylum decisions after National Guard shooting, 28 novembre 2025. BBC, US halts all asylum claim decisions after National Guard shooting, 28 novembre 2025.
Sources secondaires
Wikipedia, 2025 Washington, D.C., National Guard shooting, consulté le 30 novembre 2025. Reuters, Officials criticize Biden vetting, but Afghan shooting suspect was granted asylum under Trump, 27 novembre 2025. CNN, What is Operation Allies Welcome, the program officials say brought DC shooting suspect to US, 27 novembre 2025. Military.com, What is Operation Allies Welcome, Which Brought in Afghan Refugees, 29 novembre 2025. Al Jazeera, Trump pauses immigration from ‘Third World’ countries, 28 novembre 2025. The Guardian, National Guard member Sarah Beckstrom has died after shooting in Washington DC, Trump announces, 28 novembre 2025. Newsweek, Map Shows 19 Countries Impacted as Trump Threatens Migration Halt, novembre 2025. Hindustantimes, Trump announces halt to migration from third world nations: Full list of affected countries, 28 novembre 2025.