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Un passé au service de la CIA

Rahmanullah Lakanwal n’est pas un inconnu du système américain. Né le 9 février 1996 dans la province de Khost, en Afghanistan, cet homme de 29 ans d’origine pachtoune a un passé qui aurait dû le placer du côté des « bons » dans le récit manichéen de la guerre contre le terrorisme. Il a travaillé pour une « Zero Unit » soutenue par la CIA, plus précisément l’unité « 03 » basée à Firebase Gecko, dans la province de Kandahar. Ces unités étaient des forces paramilitaires afghanes d’élite, entraînées par les forces spéciales américaines, qui menaient des raids nocturnes et des opérations clandestines contre les talibans. Selon CNN, Lakanwal aurait commencé à travailler avec la CIA dès 2011, alors qu’il n’avait qu’environ 15 ans. Ces unités étaient connues pour leur efficacité brutale. Human Rights Watch les a accusées d’exécutions extrajudiciaires, de frappes aériennes aveugles et de multiples violations du droit humanitaire international dans les années 2010. Des diplomates en Afghanistan les appelaient des « escadrons de la mort ». La CIA et le gouvernement américain ont toujours nié ces accusations.

Kevin Maurer, un journaliste qui a voyagé avec les forces spéciales en Afghanistan pendant la guerre, a écrit pour Rolling Stone que les Zero Units étaient « enveloppées de légende ». Les postes dans ces unités étaient convoités en raison d’une meilleure rémunération, d’une meilleure formation et de la possibilité de travailler aux côtés d’opérateurs d’élite américains. Mais il y avait un autre avantage, peut-être le plus important : la possibilité d’immigrer et de se réinstaller aux États-Unis. Un ami de Lakanwal a déclaré qu’il « souffrait de problèmes de santé mentale et était perturbé par les pertes causées par son unité ». Après la chute de Kabul en 2021, Lakanwal a fui vers les États-Unis avec sa femme et ses cinq enfants. Ils se sont installés à Bellingham, dans l’État de Washington, où ils ont vécu depuis leur départ d’Afghanistan. Selon les autorités, Lakanwal a conduit à travers tout le pays depuis Bellingham jusqu’à Washington DC pour commettre cette attaque. Un voyage de plus de 4 500 kilomètres. Prémédité. Calculé. Mais pourquoi ?

La radicalisation d’un allié

Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure, a affirmé que Lakanwal s’était « radicalisé » après son arrivée aux États-Unis. Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Comment un homme qui a combattu les talibans pendant des années, qui a risqué sa vie aux côtés des forces américaines, peut-il se retourner contre le pays qui l’a accueilli ? Les enquêteurs n’ont pas encore révélé le mobile de l’attaque. Lakanwal n’a pas coopéré avec les autorités. Le FBI a perquisitionné son appartement à Bellingham, saisissant plusieurs appareils électroniques, dont des téléphones portables, des ordinateurs portables et des iPads. Des mandats de perquisition ont également été exécutés dans une résidence à San Diego, en Californie, où Lakanwal avait également des liens. Mais pour l’instant, le mystère demeure. Ce que nous savons, c’est que quelque chose s’est brisé. Un homme qui avait tout quitté pour échapper aux talibans, qui avait amené sa famille dans un pays qu’il pensait sûr, a décidé de tuer. De cibler spécifiquement des membres de la Garde nationale. De traverser un continent entier pour commettre cet acte.

Des voisins à Bellingham ont déclaré que Lakanwal avait « disparu » environ deux semaines avant l’attaque. Personne ne l’avait vu. Personne ne savait où il était allé. Et puis, le 26 novembre, il est apparu près de la Maison Blanche, armé d’un revolver, prêt à tuer. L’organisation AfghanEvac a déploré la suppression ou l’élimination de plusieurs programmes du Department of Homeland Security conçus pour « identifier les menaces, prévenir la radicalisation et soutenir les interventions communautaires », notamment les programmes Countering Violent Extremism (CVE) et les programmes de santé mentale, de traumatisme et de réintégration pour les immigrants. « L’administration a réduit les programmes conçus pour empêcher les individus en crise de devenir violents, tout en utilisant simultanément un cas tragique isolé pour justifier de larges restrictions sur les familles afghanes qui n’ont aucun lien avec cette affaire », a écrit l’organisation. C’est peut-être là que se trouve la vraie tragédie : non pas dans l’échec du contrôle aux frontières, mais dans l’échec du soutien après l’arrivée. Dans l’abandon de ceux qui avaient tout sacrifié pour aider l’Amérique.

Je pense à cet homme. À ce qu’il a dû vivre. Aux horreurs qu’il a vues en Afghanistan. Aux raids nocturnes. Aux corps. Aux amis perdus. Et puis l’exil. La fuite. L’arrivée dans un pays étranger avec cinq enfants et une femme. L’espoir, peut-être, d’une vie meilleure. Et puis quoi ? La solitude ? L’isolement ? Les traumatismes non traités ? Les cauchemars qui ne s’arrêtent jamais ? Je ne cherche pas à excuser ce qu’il a fait. Sarah Beckstrom est morte. Andrew Wolfe se bat pour sa vie. Rien ne justifie cela. Mais je ne peux pas m’empêcher de me demander : aurions-nous pu empêcher cette tragédie ? Si nous avions investi dans la santé mentale au lieu de couper les budgets ? Si nous avions soutenu ces réfugiés au lieu de les abandonner ? Si nous avions vu l’humain derrière le dossier d’immigration ?

Sources

Sources primaires

Raw Story, « Really screwed up: Trump points finger at Dems in the wake of terrorism on his watch », 30 novembre 2025. Wikipedia, « 2025 Washington, D.C., National Guard shooting », consulté le 30 novembre 2025. New York Post, « White House hits back after Dem blames Trump for DC shooting despite Afghan terror suspect being let in under Biden », 29 novembre 2025. TIME Magazine, « Zero Unit: What We Know About the Elite CIA Force Allegedly Tied to the D.C. Shooting Suspect », 27 novembre 2025. Reuters, « National Guard member dies as ambush in US capital becomes political flashpoint », 27 novembre 2025. The New York Times, « Trump Uses National Guard Shooting to Cast Suspicion on Refugees », 27 novembre 2025. CNN, « November 26, 2025 – National Guard members shot in DC », 26 novembre 2025. ABC News, « National Guard shooting ‘act of evil,’ Trump says; suspect ID’d », 27 novembre 2025.

Sources secondaires

Mediapart, « Trump dénonce un acte de terrorisme et l’immigration après les tirs contre deux militaires », 27 novembre 2025. BFM TV, « Donald Trump dénonce un acte de terreur après les tirs contre deux militaires de la Garde nationale », 27 novembre 2025. Le Figaro, « Donald Trump signe un décret pour classer les Frères musulmans comme organisation terroriste », 24 novembre 2025. BBC News, « Afghans in US issue plea to Trump after Washington DC shooting », 28 novembre 2025. The Guardian, « Shock and dismay after national guard troops shot near White House », 26 novembre 2025. Axios, « Republicans push to deport them all after D.C. shooting », 27 novembre 2025. NPR, « Trump administration pausing all asylum decisions after National Guard shooting », 28 novembre 2025. PBS NewsHour, « Trump’s deployment of National Guard in U.S. cities gets renewed scrutiny », 27 novembre 2025.

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