L’affaire Epstein et la rupture au sein de la coalition
Aucun moment n’a cristallisé les divisions internes du mouvement MAGA aussi brutalement que le débâcle survenue en novembre 2025 autour des fichiers Epstein. Trump, tentant de se présenter comme le champion de la transparence et de la justice contre les élites pédophiles — un thème obsessionnel au sein des cercles MAGA — a annoncé son intention de libérer les documents Epstein. C’était supposé être un triomphe. Une victoire pour la base MAGA, qui depuis longtemps reclame la vérité sur les connections entre les puissants et le feu milliardaire disgrâcié qui avait opéré son réseau de trafic sexuel en quasi-impunité. Mais puis — et c’est ici que l’histoire devient intéressante — une faction remarquable du mouvement MAGA s’est mobilisée pour bloquer cette libération. Pourquoi ? Parce que, dirent-ils, les fichiers contiendraient des preuves de son propre involvement potentiel avec Epstein. Les noms apparaissant dans ces documents — des noms puissants, des noms importants — auraient inclus des Trump compatriotes, peut-être même dans l’orbite de Trump lui-même. Soudainement, la pureté morale du mouvement s’est confrontée à la réalité cynique du pouvoir politique réel. Tucker Carlson, le commentateur de Fox News et figure respectée dans les cercles MAGA populistes, s’est joint à la vague de critiques. Marjorie Taylor Greene, l’étoile montante de l’aile conservatrice radicale de la Chambre des représentants, a aussi vocalisé son insatisfaction — non sur le contenu des fichiers mais sur le refus apparent de Trump de les libérer complètement. De soudain, le mouvement MAGA se trouvait divisé — non sur l’établissement d’un consensus, mais sur la question de savoir si Trump était réellement plus loyal à son mouvement ou à ses proches amis puissants.
Ce moment révéla quelque chose que beaucoup avaient soupçonné mais que peu osaient articuler ouvertement : la coalition MAGA reposait sur un ensemble de mensonges mutuels convenablement arrangés. Tant que ces mensonges servaient un but commun — défaire les Démocrates, punir l’establishment, Trump au pouvoir — ils pouvaient coexister. Mais quand une décision réelle, avec des implications réelles pour des personnes réelles, devait être prise, la ficelle se déchirait. Car il s’avérait que certains membres de la coalition MAGA se préoccupaient davantage de la justice contre les élites que Trump lui-même n’était prêt à en dispenser. Ils découvraient que le champion populaire qu’ils avaient porté au pouvoir était lui-même enmêlé dans les mêmes mondes d’élite qu’ils prétendaient combattre. C’est un moment de reckoning que aucun mouvement politique ne peut vraiment survivre intact. Pas parce que l’hypocrisie politique est nouvelle ou surprenante — Dieu sait qu’elle ne l’est pas — mais parce que dans ce cas, c’était l’hypocrisie du fondateur du mouvement lui-même qui était exposée. C’est comme découvrir que votre révolution a été dirigée par un aristocrate tout ce temps.
La question israélienne et les ligne idéologiques qui se redessinent
Peut-être plus révélateur encore que l’affaire Epstein est la profonde fracture émergente au sein du mouvement MAGA sur la politique étrangère, particulièrement concernant Israël et le conflit au Moyen-Orient. Pendant la première phase de la présidence Trump 2.0, une coalition improbable mais puissante s’était formée autour du soutien inconditionnel à Israël — une coalition incluant les pro-Israël traditionnels, les sionistes chrétiens évangéliques, et certains des éléments les plus belliqueux du mouvement MAGA. Mais au cours de 2025, certains éléments de cette coalition ont commencé à se désaligner. Particulièrement, les isolationnistes du mouvement — une faction significative qui reproche à Trump d’avoir été trop belligérant à l’égard de la Russie, pas assez méfiant des « aventures impérialistes » — ont commencé à contester le soutien apparent de Trump à une politique moyen-orientale qui sentait trop comme l’interventionnisme des néoconservateurs qu’ils prétendaient combattre. Des figures comme Tucker Carlson, Steve Bannon, et la représentante Marjorie Taylor Greene — des héros du populisme MAGA — ont tous, d’une manière ou d’une autre, critiqué le refus de Trump de condamner fortement Israël pour ses actions dans la bande de Gaza. Un sondage présenté lors d’une analyse du New York Times a d’ailleurs révélé que Nick Fuentes, une figure polémique mais influente dans les cercles MAGA d’extrême-droite, avait annoncé son intention de ne plus soutenir Trump précisément pour cette raison — le soutien à Israël, le refus de libérer complètement les fichiers Epstein, et certaines décisions sur les visas pour les étudiants chinois. Le fait que Fuentes continue à exercer une influence quelconque sur le mouvement MAGA parle volumes sur le degré de radicalisation progressive et de fragmentation idéologique qui transforme le mouvement de l’intérieur.
Ce qui est particulièrement intéressant ici — et troublant — c’est que ces clivages ne suivent pas les lignes traditionnelles de la politique conservatrice. Ce ne sont pas les fiscalistes contre les sociaux-conservateurs, ou les libertariens contre les communautariens. Ce sont plutôt les populistes anti-élites contre une faction de plus en plus clairement dédiée à un projet de conservation et d’expansion du pouvoir néo-impérial américain. C’est une réalité qui expose une contradiction fondamentale au cœur du projet Trump depuis son débur. Car Trump lui-même était censé être le héros du populisme anti-élite contre l’establishment. Mais en prenant le contrôle de l’appareil d’État, en formant une alliance avec les éléments les plus belliqueux de la politique étrangère américaine, il s’est, en quelque sorte, devenu l’establishment qu’il était supposé combattre. Et maintenant, une faction du mouvement MAGA qui l’avait porté au pouvoir commence à s’en apercevoir, avec tous les problèmes que cela comporte.
En relisant ces sections, j’ai ressenti une sorte de fascination sombre. C’est comme regarder une relation s’effondrer. Au debut, c’était tellement lumineux, tellement plein de promesses. « Nous allons enfin arrêter l’establishment », disaient-ils. « Nous allons reprendre notre pays ». Et puis, graduellement, vous commencez à voir les fissures. Vous réalisez que le leader que vous adoriez partage peut-être plus avec cet establishment qu’il n’a jamais voulu l’admettre. C’est tragique, en sa propre manière, même si vous ne sympathisez pas avec le mouvement en question. Parce que cela dit quelque chose de profond et de troublant sur le fonctionnement de la politique moderne.
Les divisions au sein de la coalition MAGA : six factions en conflit
Une coalition qui ne fut jamais vraiment une
Pour comprendre pourquoi le mouvement MAGA se désagrège, il faut d’abord comprendre ce qu’il était réellement. Pas une idéologie unifiée. Pas une vision politique cohérente. Mais plutôt un arrangement temporaire entre six factions distinctes et souvent opposées, unies uniquement par l’opposition à un ennemi commun et l’adoration d’une figure de proue centrale. Selon une analyse du Washington Post, la coalition Trump-MAGA contenait : les populistes MAGA tradionnels, c’est-à-dire les ouvriers de la classe moyenne supérieure et de la classe ouvrière de la Rust Belt qui avaient votéd pour Trump en 2016 parce qu’il promettait de les sortir de la merde économique. Ils étaient les vrais croyants, les véritables fidèles, ceux qui regardaient Trump à la manière dont les chrétiens évangéliques regardent Jésus. Ensuite venaient les Républicains pragmatiques traditionnels — les gens qui n’aimaient pas particulièrement Trump mais qui le tolérait parce qu’il promettait des baisses d’impôts, une dérégulation, et une continuation de la domination électorale républicaine. Puis il y avait les chrétiens évangéliques, particulièrement intéressés par le contrôle du pouvoir judiciaire et la possibilité de rouler arrière sur les droits reproductifs et les droits LGBTQ+. Vint ensuite une faction complètement nouvelle : les milliardaires de la technologie — Elon Musk, Peter Thiel, et autres — qui voyaient en Trump un instrument pour déconstruire l’État régulateur et ouvrir la route à leur vision d’une Amérique libertarienne de haute-technologie avec une égalité extrême et une mobilité sociale basée purement sur le mérite. Il y avait aussi le mouvement d’influenceurs Gen Z et du divertissement politique — des gens qui ne se préoccupaient pas vraiment de la politique en soi mais qui aimaient l’idée de « déclencher les libéraux » et d’être du côté du gagnant. Et enfin, il y avait ce que vous pourriez appeler les radicaux d’extrême-droite — la faction qui voyait en Trump une possibilité de normaliser un programme nationaliste blanc, d’expulser les immigrants, de purifier culturellement la nation. Ces six groupes n’avaient presque rien en commun. Les milliardaires de la technologie et les ouvriers de la Rust Belt auraient des objectifs économiques diametralement opposés. Les chrétiens évangéliques et les influenceurs Gen Z avaient des systèmes de valeurs complètement divergents. Les isolationnistes et les faucons interventionnistes envisageaient un rôle complètement différent pour l’Amérique dans le monde. Ce qui les unifiait était simple : Trump. Son personnalité. Sa volonté d’ignorer les normes. Son capabilité de dominer le cycle médiatique. Mais ce qui les unifiait était aussi fragile qu’une coalition peut l’être.
Le sondage NBC News de mars 2025 montrait que 70 % des Républicains s’identifiaient au mouvement MAGA — c’était présenté comme une victoire massive pour le mouvement, une preuve de son accession en tant que conservatisme dominant dans le pays. Mais regardez plus attentivement les chiffres et vous commencez à voir les fissures. Le même sondage révélait que environ 30 % des Républicains ne s’identifiaient pas comme MAGA. C’est un tiers de votants républicains qui disaient essentiellement : non, ce n’est pas mon mouvement. Parmi ces 30 %, certains se présentaient comme des conservateurs traditionnels. D’autres refusaient simplement le label MAGA comme étant trop populiste, trop radical, trop peu conservateur au sens classique du terme. Puis le sondage Economist/YouGov de juin a révélé une baisse à 49 % seulement des Républicains s’identifiant au MAGA. Une chute de 21 points en seulement trois mois. Comment une coalition censée être au sommet de son pouvoir pourrait-elle perdre 21 points de soutien en seulement trois mois ? La réponse repose simplement dans le fait que ces personnes n’avaient jamais vraiment cru au mouvement en premier lieu. Ils avaient cru en Trump, à sa capacité à vaincre les Démocrates, à sa promesse d’améliorer l’économie et de restaurer la grandeur américaine. Mais au fur et à mesure que 2025 avançait, chacune de ces promesses semblait déçue ou compromise, le soutien s’érodait.
La fracture entre les riches et les pauvres au sein du mouvement
Une analyse particulièrement révélatrice, publiée sur Reddit et dans divers forums de discussion politique, articule une division qui était précédemment cachée mais qui devient de plus en plus apparente : la fracture entre les riches supporters de MAGA et sa base de classe ouvrière. Les riches — les propriétaires d’entreprises, les entrepreneurs, les milliardaires de la technologie — utilisent Trump pour obtenir ce qu’ils veulent : des baisses d’impôts, la dérégulation, un affaiblissement du pouvoir des syndicats, une restriction de la mobilité sociale qui pourrait menacer leur position de classe. Ils n’ont pas vraiment besoin que Trump améliore l’économie pour les travailleurs — ils ont besoin qu’il réduise les réglementations environnementales, qu’il affaiblisse les protections du travail, qu’il baise les impôts sur les gains en capital. Et ce, Trump l’a livré. La base de classe ouvrière, en revanche, s’attendait à quelque chose de différent. Ils s’attendaient à ce que Trump les aide — leur créer des emplois, leurs permettre d’acheter une maison, leur donner une vie de classe moyenne stable dans un contexte d’économie mondialisée. Mais au lieu de cela, ils obtiennent des tarifs qui augmentent les prix à l’épicerie, une inflation qui n’abat pas aussi vite que promis, et une série de politiques qui, sans faire spécifiquement du mal, ne semblent pas non plus vraiment les aider. C’est la recette classique pour la désaffection politique. Vous promettez à la classe ouvrière une vie meilleure. Vous leur dites que l’establishment les abandonne. Vous les rallliez derrière votre bannière. Mais une fois au pouvoir, vous servez votre vraie base — les riches — et abandonnez silencieusement la classe ouvrière qui vous avait porté au pouvoir. Maintenant, environ un an plus tard, les travailleurs se rendent compte du double croisement — et ils commencent à partir. Ce n’est pas dramatique. Ce n’est pas une révolte ouvert. C’est plus like une lente saignée. Une érosion. Mais elle est réelle, et elle est mesurable.
L’un des commentaires particulièrement trenchant observait : « Même avec l’addition de divers groupes, y compris les fans de MMA et les adorateurs d’Elon Musk, ils ont à peine remporté une victoire. Ils n’auraient probablement pas gagné s’il n’y avait pas eu de cadeaux supplémentaires et si un influenceur mème et un podcasteur extrêmement populaire n’avaient pas été impliqués, juste pour remporter une victoire étroite ». Ce commentaire soulève un point fondamental : la coalition MAGA n’a pas grandi organiquement parce qu’elle était attrayante ou qu’elle offrait une vision claire pour l’avenir. Elle s’est simplement transformée en une coalition ad-hoc de personnes rassemblées parce qu’elles avaient peur du changement, qu’elles aimaient le chaos politique, ou qu’elles voyaient un avantage personnel à supporter Trump. Ce type de coalition n’a jamais de profondeur structurelle réelle. C’est juste un arrangement temporaire, et arrangementnt temporaires ont tendance à se désagréger quand les circonstances changent. Trump n’était plus l’outsider combattant contre l’establishment. Il était maintenant l’establishment. Et beaucoup des gens qui l’avaient soutenu parce qu’il prétendait combattre l’establishment commençait à se demander s’ils avaient vraiment changé quoi que ce soit.
Les problèmes pratiques qui soulignent les fissures théoriques
La querelle des tarifs douaniers : une promesse devient un fardeau
Peu de politiques incarnent mieux les dilemmes internes du mouvement MAGA que la question des tarifs douaniers. Trump entra en fonction en avril 2025 avec un grand fanfare en annonçant ses tarifs de « Jour de Libération » — une suite de tarifs réciprocaux censés corriger ce qu’il prétendait être des déséquilibres commerciaux massifs et restaurer la souveraineté économique américaine. Les tarifs étaient populaires auprès de sa base MAGA traditionnelle. Les travailleurs de l’industrie sidérurgique et automobile applaudissaient. Les petits propriétaires d’entreprises manufacturières voyaient une lueur d’espoir. Même certains observateurs sceptiques accordaient que les tarifs avaient au moins l’avantage de la cohérence — Trump avait parlé de tarifs depuis 2016, et maintenant il les livrait. Mais puis la réalité a commencé à rattraper la rhétorique. Les tarifs n’ont pas créé des emplois aux taux promis. Au lieu de cela, ils ont commencé à pousser les prix à la hausse. Les fabricants américains, privés de matières premières en raison des tarifs, ont dû augmenter leurs prix ou réduire la production. Les entreprises dépendant de pièces d’importation — les constructeurs automobiles, les producteurs d’électronique — ont commencé à annoncer des réductions d’emplois. Les consommateurs américains, particulièrement les travailleurs à bas salaires qui forment une partie critique de la base MAGA, ont commencé à sentir le pincement de l’inflation provoquée par les tarifs. D’un coup, ce qui était supposé être une victoire pour les travailleurs a commencé à ressembler à une trahison.
Le Washington Post-ABC News poll a révélé que 47 % des Républicains croyaient maintenant que les tarifs de Trump aggraveraient l’inflation — le même ennemi économique qu’il avait promis de vaincre. Plus de la moitié des Républicains pensaient que l’administration ne s’était pas suffisamment concentrée sur la baisse des prix. Une majorité de Républicains — rappelez-le, c’est le cœur du support de Trump — n’approuvaient pas la manière dont Trump gérait l’économie. C’est un indicateur catastrophique pour une administration qui avait basé sa légitimité électorale entièrement sur la promesse d’amélioration économique. Quelques sondages montrent Trump au-dessus de ses moyennes d’approbation globale sur l’économie — le ActiVote poll le plaçait à 46 % d’approbation — mais cela reste inférieur au niveau auquel vous vous attendriez à un président au début de sa deuxième année avec une majorité du Congrès. Et pire encore pour le mouvement MAGA, cette désapprobation n’était pas venant de l’extérieur — elle venait de l’intérieur. Elle venait des Républicains eux-mêmes. Cela signifiait que le message d’unité que Trump avait construit — « Je suis pour l’économie de la classe ouvrière contre l’élite cosmopolite » — commençait à se fissurer sous le poids de la réalité économique.
Le camouflet du White House Ballroom: quand la compassion pour les travailleurs sonne faux
Peut-être aucun moment de l’année 2025 n’a mieux encapsulé les contradictions internes du mouvement MAGA que la décision de Trump de proposer la démolition de l’aile Est de la Maison-Blanche pour construire un salon de bal de 350 millions de dollars — durant une fermeture gouvernementale. Le timing était déjà mauvais. Le gouvernement fédéral était fermé, des centaines de milliers de travailleurs fédéraux ne recevaient pas de chèques de paie, des services essentiels étaient interrompus, et voilà que le président qui prétendait être le champion des travailleurs ordinaires proposait de dépenser 350 millions de dollars pour créer un espace de luxe où lui et ses amis ultra-riches pourraient tenir des soirées. C’était le genre de décision qui semblait presque cartoonesque dans son manque de conscience. C’était comme si Trump ne comprenait pas — ou ne se souciait pas — de l’image que cela projetait. C’était un signal puissant à la base de la classe ouvrière : vous n’êtes pas vraiment dans son esprit. Ce qui occupe son esprit, c’est comment divertir l’élite ultra-riche dont il s’est entouré. Un sondage a montré que même parmi ses propres supporters — même parmi les Républicains — seulement une légère majorité approuvait la proposition, tandis qu’environ un quart la désapprouvaient. C’est un signal défini que même certains de ses supporters loyaux ont trouvé que c’était trop. Trop de luxe. Trop de déconnexion de leurs réalités. Trop de preuve que pour Trump, la promesse de « Make America Great Again » était vraiment « Make Trump and His Rich Friends Even Richer and More Comfortable Again ».
C’est dans ces moments que vous voyez vraiment la fissure dans la façade. Parce que tout le discours du mouvement MAGA tourne autour de combattre l’élite, de donner le pouvoir au peuple ordinaire, de restaurer l’Amérique des travailleurs. Mais Trump vivant dans les nuages de la luxe extrême — avec des ailes de la Maison-Blanche transformées en salons de bal privés — cela contredit trop violemment le message pour que même les supporters les plus aveugles ne remarquent pas. Et plus ils remarquent, plus la cassure s’élargit. Car une fois que vous commencez à douter, il est difficile de s’arrêter. Une fois que vous commencez à vous demander si votre leader est réellement engagé dans les principes qu’il prétend défendre, il est difficile de retrouver cette confiance aveugle que vous aviez avant. Elle n’a jamais vraiment existé. Vous imaginez simplement les choses pour avoir un sens.
Vous savez ce moment où vous réalisez que quelque chose que vous croyiez fermement — qu’une personne que vous admiriez, une cause que vous souteniez — n’était pas du tout ce que vous pensiez que c’était ? C’est le moment que je sens qui embrasse le mouvement MAGA maintenant. Et c’est difficile à regarder. Pas seulement parce que je ne sympathise pas particulièrement avec le mouvement. Mais parce que je sympathise avec les gens dedans qui réalisent maintenant que peut-être, juste peut-être, ils ont été utilisés. Et c’est une douleur que tout le monde, indépendamment de la politique, peut comprendre.
Les défaites judiciaires et l'effritement du mythe de l'invincibilité
Quand les cours commencent à dire non à Trump
Une partie importante de ce qui permettait à Trump de maintenir l’illusion du pouvoir absolu était la perception qu’il était invincible — que son contrôle sur le gouvernement était total, sans restriction, sans limites. Des juges lui disaient non ? Il ignorait juste l’ordre. Des bureaucrates refusaient d’exécuter ses ordres ? Il les renvoyait et les remplaçait par des oui-hommes. Le Congrès était-il techniquement égal à lui ? Il contournait le Congrès avec des décrets exécutifs. Mais au cours de la seconde moitié de 2025, une réalité différente a commencé à émerger. Les cours fédérales ont commencé à bloquer ses politiques d’immigration les plus extrêmes. La Cour suprême a signalé qu’elle était prête à invalider ses tarifs de « Jour de Libération ». Les tribunaux ont jugé que sa tentative d’utiliser la Garde nationale pour la police domestique dans les villes démocrates était légalement douteuse. Une après l’autre, ses initiatives ont commencé à rencontrer des murs juridiques. Et tandis que ces défaites juridiques s’accumulaient, quelque chose de psychologique commençait à changer dans la perception du public — y compris du public MAGA. Le mythe selon lequel Trump était un guerrier invincible combattant contre le système judiciaire corrompu s’effilochait. Parce que maintenant, c’était évident que le système judiciaire, même avec tous ses défauts, était toujours capable d’imposer des limites à son pouvoir. Et si le système judiciaire pouvait lui imposer des limites, alors peut-être que le mythe de son invincibilité n’était que cela — un mythe.
Un rapport Brookings du 19 novembre révélait une autre réalité troublante : le rythme des nominations de Trump — d’abord établi à un rythme record au début de son mandat — avait ralenti à un point presque arrêté. Entre les jours 201 et 300 de sa présidence, Trump n’avait fait que 43 nominations — environ un tiers de la moyenne historique pour cette période. Cela signifiait que de nombreuses positions clés dans l’appareil gouvernemental restaient vacantes ou étaient occupées par des agents par intérim sans autorité réelle. Cela signifiait également quelque chose de plus psychologiquement important : Trump avait perdu le momentum. Il n’y avait plus cet élan frénétique de changement constant qui caractérisait ses premiers cent jours. Au lieu de cela, il y avait une stagnation, une fatigue administrative, une perte visible de dynamique. Et tandis que cet élan se dissipait, la coalition MAGA — qui était entièrement construite autour de l’excitation du changement constant et de la destruction de l’ordre ancien — commençait elle aussi à s’affaiblir. Car si le président ne peut pas simplement faire ce qu’il veut, si le système peut encore l’arrêter, si le chaos qu’il promettait de créer est en fait limité par les règles de droit — alors qu’est-ce qui reste pour justifier le soutien à son mouvement ? La promesse de changement radical s’était atténuée. Les garanties d’une victoire facile s’étaient évaporées. Que restait-il était une administration normale, légèrement plus conservatrice, prétendant être une révolution.
La question succession et l'effondrement programmé
Le vide qui attend après Trump
Peut-être la plus profonde fragilité du mouvement MAGA est-elle la réalité brutale suivante : il n’existe absolument aucun leader crédible pour succéder à Trump. Le vice-président, JD Vance, est une figure étrange et incomprise, qui a aliéné diverses factions du mouvement par ses essais d’une jeunesse indisciplinée, ses positions changeantes, et son incapacité apparente à générer l’énergie charismatique que Trump possède. Personne — absolument personne — ne regarde Vance et imagine que c’est l’avenir du mouvement MAGA. Parmi les autres figures potentielles — Ron DeSantis, les sénateurs républicains, les représentants populistes — aucun ne possède le charisme, la volonté de rompre les normes, ou la couverture médiatique nécessaire pour diriger ce qui était essentiellement un culte de la personnalité. Le mouvement MAGA n’a jamais été une coalition politique conventionnelle — c’était une coque construite entièrement autour d’une personne. Et quand cette personne disparaît — soit par la mort, la démission forcée, ou simplement l’âge avancé et le déclin cognitif — le mouvement ne s’adapte pas simplement à un nouveau leader. Il s’effondre. Une analyse perspicace sur les réseaux sociaux formulait l’observation dans ces termes : « Le MAGA se fracturera et mourra avec Trump ». Ce qui était spéculatif à l’époque — c’était écrit en avril 2025 — semble maintenant presque trop évident. Personne ne pense réellement que le mouvement MAGA survivra intacte la prochaine élection présidentielle en 2028. Même les supporters les plus dévoués admettent silencieusement qu’une fois Trump parti, le mouvement se répartira probablement en plusieurs factions compétitrices, chacune tentant de saisir l’héritage MAGA pour elle-même. Et c’est un processus qui ne sera pas joli.
Ce qui est fascinant — et tristement amusant, d’une certaine manière — c’est que Trump lui-même semble être conscient de cette fragilité. Il n’a jamais construit les institutions qui pourraient vivre au-delà de lui. Il n’a jamais nommé un héritier clair ou entraîné un leader pour prendre en charge quand il serait parti. Au lieu de cela, il a doublé le culte de la personnalité, s’assurant que chaque décision, chaque promesse, chaque action gouvernementale était marquée de son nom personnel. C’est le genre de stratégie qui peut maximiser le pouvoir à court terme — si tout tourne autour du leader, le leader a le pouvoir absolu. Mais c’est aussi la recette parfaite pour un effondrement à long terme. Parce qu’une fois que ce leader n’est plus là, il n’existe rien pour le remplacer. Juste un vide. Et à l’intérieur de ce vide, les factions qui avaient été contenues pour l’unité derrière une figure centrale se précipiteront pour se déchirer les unes les autres. Ce qui faisait Trump exceptionnellement talentueux — son capabilité à mener plusieurs factions rivales vers un objectif commun — était aussi ce qui rendait le mouvement structurellement fragile. Et maintenant, alors qu’il s’affaiblit, alors qu’il commence à montrer les signes de l’âge, alors qu’il commence à sembler moins invincible — le stresse interne du mouvement ne peut plus rester caché. Les fissures deviennent des fentes. Les fentes deviennent des fractures.
Conclusion : Les derniers jours d'une révolution qui n'en était jamais une
Quand la prise de pouvoir révèle son essence illusoire
Quand Trump a remporté l’élection de 2024 avec une coalition improbable de travailleurs, de milliardaires, de fondamentalistes religieux, et d’influenceurs internet, il y a eu un moment où semblait vraiment possible que quelque chose de radicalement différent se produirait. Qu’une véritable révolution politique était en cours. Que les vieilles coalitions avaient finalement été brisées, que le système politique américain serait remade de manière fondamentale. Onze mois plus tard, cette promesse reste largement non réalisée. Pas parce que Trump n’a pas essayé — Dieu sait qu’il a essayé. Mais parce que le problème fondamental avec le mouvement MAGA était qu’il n’avait jamais d’essence véritable à laquelle s’accrocher. Il était pur carburant émotionnel, pur nihilisme anti-establishment. Et une fois au pouvoir, une fois qu’il devait former des politiques réelles avec des conséquences réelles, ce carburant émotionnel s’est simplement évaporé. Les travailleurs de la classe ouvrière qui avaient soutenu Trump espéraient qu’il améliorerait leurs conditions de vie. À la place, ils obtiennent de l’inflation provoquée par les tarifs et une administration trop occupée à servir les milliardaires de la technologie et les ultrariches pour vraiment s’inquiéter de leurs problèmes de salaires stagnants et de logements inabordables. Les chrétiens évangéliques qui soutiennent Trump espéraient qu’il ferait avancer un programme moral conservateur. À la place, ils obtiennent un partenaire qui libère potentiellement les documents Epstein impliquant ses propres amis, qui entretient une relation ambigu avec les figures d’extrême-droite radicales, qui semble beaucoup plus intéressé par la gestion du chaos médiatique que par l’avancement d’une véritable agenda morale. Les isolationnistes qui soutiennent Trump espéraient qu’il mettrait fin aux aventures militaires américaines et ramènerait le pays vers une politique étrangère non interventionniste. À la place, ils obtiennent un administrat qui semble étrangement enthousiasmé par les aventures contre l’Iran, les sanctions contre la Russie, et le soutien inconditionnel à Israël.
Les promesses du mouvement MAGA se sont heurtées à la réalité gouvernementale sordide, et elles se sont effondrées sous le poids. Et plutôt que d’essayer de reconstruire ces promesses sur une base plus réaliste, plutôt que de former de véritables institutions capables de survivre au-delà de Trump lui-même, le mouvement s’est plutôt fragmenté. Les factions qui avaient été contenues pour l’unité derrière un leader fort commençait à se séparer. Les sondages montrent un déclin constant du support MAGA, une érosion progressive de l’engagement. Un sondage Washington Post cité par CNN a montré que Trump ne pouvait même pas compter sur un demi-siècle de Républicains pour soutenir certaines de ses politiques les plus chères. Un sondage CNN montrait que l’approbation de Trump parmi les Républicains sur de nombreuses questions s’était effondrée à seulement 45 pour cent. Moins de la moitié de sa propre coalition l’approuvait sur l’économie. C’est un indicateur catastrophique, une preuve tangible qu’il n’y a pas d’« entité MAGA » monolithique — il n’y a que une coalition crumblante maintenue ensemble par inertie et manque d’alternatives meilleures.
En terminant cet article, je suis laissée avec un sentiment de malaise. Pas de satisfaction face à la fragilité du mouvement MAGA — car il y a peu à célébrer dans la politique fragmentée et dysfonctionnelle de n’importe quel côté. Mais plutôt d’une sorte de crainte silencieuse face à ce que ce fragmentation signifie pour la politique américaine plus largement. Parce que si le mouvement MAGA est si frágil, si dépendant d’une seule personne, si incapable de se perpétuer au-delà de Trump — alors qu’est-ce que cela dit de la santé de notre système politique? Qu’est-ce que cela dit de notre capacité collectif à construire quelque chose qui dure? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que nous regardons les derniers actes d’une révolution qui n’en était jamais vraiment une. Et ce qui vient après pourrait bien être pire.
Sources
Sources primaires
CNN analysis of MAGA divisions over Epstein files and Israel policy, November 2025. NBC News poll on Republican identification with MAGA movement, March-April 2025. Economist/YouGov survey on MAGA support decline, May 30 – June 2, 2025. NPR-PBS News-Marist College poll on Republican approval of Trump administration, September 2025. Washington Post-ABC News poll on Republican opinions on Trump tariffs, 2025. ActiVote polling data on Trump approval ratings, multiple months 2025. White House official statements and executive orders database, November 2025. Brookings Institution research on Trump nomination pace and staffing delays, November 19, 2025. Democracy Docket analysis of Trump court defeats and legal setbacks, November 2025. Reddit communities discussing MAGA coalition fractures and internal divisions, 2025. New York Times reporting on divisions within MAGA movement regarding Israel, November 2025.
Sources secondaires
LA Times opinion analysis on Trump and MAGA establishment takeover, March 2024. Washington Monthly analysis of Trump’s political weakness despite appearances, October 2025. The Hill reporting on MAGA base expansion among Republicans, April 2025. CNN opinion on divisions within MAGA movement, November 18, 2025. NBC News reporting on Republican split over legislative strategy, December 2024. Global Influence Operations analysis of MAGA coalition factions, September 2025. Reddit political science communities analyzing MAGA vs traditional Republican differences, 2024-2025. CBC News reporting on Charlie Kirk assassination and MAGA divisions, September 2025. George Washington University analysis by Matthew Dallek on MAGA movement radicalization. Institute for Strategic and International Studies (ISIS) analysis of Republican party factions. Brookings Institution analysis of Trump administration momentum loss at 300-day mark. Inside Higher Ed coverage of Trump’s early actions versus Project 2025 recommendations. Democracy Docket legal analysis of Trump administration court losses. New York Times reporting on opposition movements forming against Trump, May 2025. Atlantic Council analysis on Trump coalition stability and fracture points.