Quand le président ordonne les poursuites sur les réseaux sociaux
Dans sa lettre de démission, Wolf pointe du doigt une pratique qui aurait été impensable il y a encore quelques années : Trump utilise les réseaux sociaux pour ordonner des poursuites judiciaires contre ses adversaires politiques. Sur Truth Social, sa plateforme personnelle, le président a publiquement demandé à la procureure générale Pam Bondi de poursuivre trois de ses ennemis : l’ancienne procureure générale de New York Letitia James, l’ancien directeur du FBI James Comey, et le sénateur Adam Schiff. Ces instructions publiques violent tous les principes fondamentaux de l’indépendance judiciaire. Selon les directives du département de la Justice, les procureurs ne doivent demander une inculpation que s’ils estiment qu’il existe suffisamment de preuves admissibles pour prouver la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable. Même une poursuite qui se termine par un acquittement peut avoir des conséquences dévastatrices pour l’accusé. C’est pourquoi le système judiciaire américain a toujours maintenu une séparation stricte entre le pouvoir exécutif et les décisions de poursuites. Trump a pulvérisé cette barrière. Il ne se contente pas de suggérer discrètement des enquêtes. Il ordonne publiquement des inculpations, transformant le département de la Justice en extension de sa vengeance personnelle. Le cas de Letitia James est particulièrement révélateur. James, en tant que procureure générale de New York, a mené plusieurs enquêtes sur les pratiques commerciales de Trump et de son organisation. Elle a obtenu des condamnations civiles significatives. En représailles, Trump a ordonné sa poursuite pour fraude hypothécaire. Selon des rapports, Todd Blanche, le procureur général adjoint et ancien avocat de la défense de Trump, a remis en question la viabilité juridique des accusations contre James. Mais la pression politique était trop forte. James a été inculpée malgré les doutes sur le bien-fondé des charges.
Le cas de James Comey est encore plus troublant. Comey, qui dirigeait le FBI lorsque l’agence a enquêté sur les liens de la campagne Trump avec la Russie, est devenu l’ennemi public numéro un du président. Après que le procureur fédéral par intérim nommé par Trump a refusé de demander une inculpation contre Comey, estimant qu’il n’y avait pas de base légale suffisante, il a été forcé de démissionner. Un nouveau procureur a été nommé, et Comey a été inculpé peu après. Les charges ? Des accusations vagues liées à la gestion de documents classifiés — ironique venant d’une administration dont le président a lui-même été accusé de mauvaise gestion de documents classifiés. Quant au sénateur Adam Schiff, il n’a pas encore été inculpé au moment de la démission de Wolf, mais la menace plane. Schiff, qui a présidé la première procédure de destitution de Trump, est dans le collimateur présidentiel depuis des années. Trump l’a qualifié de « traître » et a promis publiquement de le « faire payer ». Ces poursuites politiques ne sont pas des accidents. Elles font partie d’un système de représailles soigneusement orchestré. Wolf note dans sa lettre que les responsables des enquêtes initiales ne voyaient aucune base appropriée pour des poursuites. Ce sont les interventions politiques directes qui ont forcé ces inculpations. Le message est clair : si vous vous opposez à Trump, vous serez poursuivi. Peu importe que les preuves soient insuffisantes. Peu importe que les procureurs professionnels déconseillent les poursuites. La volonté du président prime sur tout. Cette instrumentalisation de la justice rappelle les pires régimes autoritaires. Dans les démocraties fonctionnelles, les poursuites judiciaires sont basées sur des preuves et la loi. Dans les autocraties, elles sont basées sur la loyauté politique. Les États-Unis glissent dangereusement vers le second modèle.
Le démantèlement systématique des garde-fous
Mais Trump ne se contente pas d’utiliser le système judiciaire contre ses ennemis. Il détruit également les mécanismes de contrôle qui pourraient l’empêcher de se livrer à la corruption. Peu après son investiture, Trump a limogé dix-huit inspecteurs généraux — des fonctionnaires indépendants chargés de détecter et de prévenir la fraude et les fautes dans les grandes agences fédérales. Ces limogeages ont eu lieu en pleine nuit, sans préavis, sans explication. Les inspecteurs généraux jouent un rôle crucial dans la surveillance gouvernementale. Ils enquêtent sur les allégations de gaspillage, de fraude et d’abus. Ils sont censés être indépendants de l’administration qu’ils surveillent. Leur élimination en masse n’est pas un accident. C’est une stratégie délibérée pour supprimer toute supervision indépendante. Sans inspecteurs généraux, qui va enquêter sur les conflits d’intérêts du président ? Qui va examiner les contrats gouvernementaux suspects ? Qui va vérifier que l’argent public n’est pas détourné vers les poches des amis et donateurs du président ? Personne. C’est exactement le but. Trump a également éliminé l’unité de corruption publique du FBI. Cette unité spécialisée enquêtait sur les élus et fonctionnaires corrompus. Elle a été dissoute sans cérémonie. La section d’intégrité publique du département de la Justice, qui comptait trente avocats, a été réduite à seulement cinq. Son autorité pour enquêter sur la fraude électorale a été révoquée. Ces démantèlements ne sont pas des réformes bureaucratiques. Ce sont des actes de sabotage institutionnel. En éliminant les organes chargés de lutter contre la corruption, Trump s’assure que personne ne pourra enquêter sur sa propre corruption ou celle de son entourage.
Wolf souligne plusieurs affaires que le département de la Justice semble avoir choisi d’ignorer, alors qu’elles auraient probablement fait l’objet d’enquêtes par le passé. L’une des plus flagrantes concerne un dîner somptueux à Mar-a-Lago en avril deux mille vingt-quatre. Selon des rapports, des dirigeants de grandes compagnies pétrolières se sont plaints auprès de Trump des réglementations environnementales de l’administration Biden qui nuisaient à leurs affaires. Trump aurait répondu que s’ils levaient un milliard de dollars pour sa campagne, il inverserait rapidement ces règles et politiques. Les dirigeants ont levé l’argent. Trump a tenu sa promesse une fois élu. Cette transaction ressemble dangereusement à de la corruption pure et simple — un échange direct d’argent contre des faveurs politiques. Bien que la loi puisse être floue sur la possibilité de poursuivre Trump lui-même pour conspiration en vue de corrompre un agent public ou fraude aux services honnêtes, les entreprises qui ont effectué les paiements et les individus agissant pour elles pourraient potentiellement être poursuivis. Il n’y a aucune indication publique que cette affaire ait été enquêtée par le département de la Justice de Trump. Un autre cas concerne la cryptomonnaie de Trump. Après le lancement de sa propre cryptomonnaie, $TRUMP, le département de la Justice a dissous son unité d’application de la loi sur les cryptomonnaies. Les deux cent vingt principaux acheteurs de la cryptomonnaie de Trump ont été invités à un dîner avec le président. Soixante-sept d’entre eux avaient investi plus d’un million de dollars. Le plus gros dépensier, Justin Sun, un ressortissant chinois, aurait dépensé plus de dix millions de dollars. Sun aurait également dépensé soixante-quinze millions de dollars dans des investissements émis par une société de cryptomonnaie contrôlée par la famille Trump. Il est illégal pour les personnes qui ne sont pas citoyens américains de faire des dons à des candidats politiques américains, et le maximum que quiconque peut donner directement à un candidat est de trois mille cinq cents dollars. Normalement, le département de la Justice enquêterait sur ce type de situation. Il n’y a cependant aucune indication qu’une enquête ait eu lieu. Au contraire, quelques mois après que Sun a commencé à acheter des jetons de la société de cryptomonnaie de la famille Trump, la Securities and Exchange Commission a suspendu son procès pour fraude contre Sun et ses sociétés en attendant l’issue des négociations de règlement.
Vous voyez le schéma ? À chaque fois, c’est la même histoire. Quelqu’un donne de l’argent à Trump ou à sa famille. Quelqu’un investit dans ses entreprises. Et miraculeusement, les enquêtes s’arrêtent. Les poursuites sont abandonnées. Les réglementations disparaissent. Ce n’est même plus de la corruption subtile. C’est du racket à ciel ouvert. Et personne ne fait rien. Les républicains détournent le regard. Les démocrates protestent mollement. Les médias rapportent les faits comme s’il s’agissait de simples curiosités politiques. Pendant ce temps, l’État de droit américain s’effondre sous nos yeux. Wolf a raison de démissionner. Comment pourrait-il continuer à siéger sur un banc, à prétendre que la justice existe encore, alors que le président lui-même se moque ouvertement de la loi ?
Section 3 : Tom Homan et l'affaire des cinquante mille dollars
Un pot-de-vin filmé par le FBI
L’affaire Tom Homan illustre parfaitement comment l’administration Trump protège ses propres membres de toute responsabilité. Homan, devenu le « tsar de la frontière » de Trump, aurait été enregistré en septembre deux mille vingt-quatre en train d’accepter cinquante mille dollars en espèces en échange d’une promesse d’utiliser sa future position publique pour bénéficier à une entreprise cherchant des contrats gouvernementaux. L’entreprise était fictive, créée par le FBI dans le cadre d’une opération d’infiltration. Normalement, une enquête de ce type se poursuivrait après que Homan soit devenu un fonctionnaire du département de la Sécurité intérieure, le FBI cherchant des preuves supplémentaires de corruption. Mais après l’arrivée de Trump au pouvoir, l’enquête a été fermée. La Maison Blanche a affirmé qu’il n’y avait aucune « preuve crédible » d’acte criminel. Quelques semaines après que l’enquête du FBI a été rapportée, Homan a nié avoir pris cinquante mille dollars « de qui que ce soit » et a déclaré n’avoir « rien fait de criminel ». Une enquête honnête pourrait révéler qui dit la vérité. Mais cette enquête n’aura jamais lieu. L’affaire Homan soulève des questions troublantes. Si le FBI avait suffisamment de preuves pour mener une opération d’infiltration et enregistrer Homan acceptant de l’argent, pourquoi l’enquête a-t-elle été brusquement fermée ? La réponse est évidente : parce que Homan est un allié de Trump. Dans l’Amérique de Trump, la loyauté politique offre une immunité contre les poursuites. Peu importe ce que vous avez fait. Peu importe les preuves contre vous. Si vous êtes dans le camp de Trump, vous êtes protégé.
Cette protection sélective crée un système de justice à deux vitesses. D’un côté, les ennemis de Trump sont poursuivis sur la base de preuves douteuses, malgré les objections des procureurs professionnels. De l’autre, les alliés de Trump échappent aux poursuites même lorsque le FBI a des enregistrements compromettants. Ce n’est pas de la justice. C’est de la corruption institutionnalisée. Wolf note dans sa lettre que cette situation rappelle les pires régimes autoritaires. Dans les pays dirigés par des kleptocrates — Russie, Chine, Turquie — les dirigeants emprisonnent leurs opposants politiques, suppriment les médias indépendants qui pourraient exposer leurs méfaits, interdisent la liberté d’expression, punissent les manifestations pacifiques et contrecarrent tous les efforts pour établir un système judiciaire indépendant et impartial qui pourrait contraindre ces abus. Ces kleptocrates jouissent de l’impunité dans leurs pays parce qu’ils contrôlent la police, les procureurs et les tribunaux. Les États-Unis suivent ce modèle. Trump contrôle de plus en plus le département de la Justice. Il nomme des procureurs loyaux qui poursuivent ses ennemis et protègent ses amis. Il licencie les inspecteurs généraux qui pourraient enquêter sur lui. Il dissout les unités spécialisées dans la lutte contre la corruption. Il transforme le système judiciaire en instrument de pouvoir personnel. L’affaire Homan n’est qu’un exemple parmi d’autres. Mais elle est révélatrice d’un système où la loi ne s’applique plus également à tous. Dans une démocratie fonctionnelle, un fonctionnaire accusé d’avoir accepté un pot-de-vin ferait l’objet d’une enquête approfondie, quelle que soit son affiliation politique. Dans l’Amérique de Trump, cette enquête est enterrée si l’accusé est un allié du président.
La normalisation de l’impunité
Ce qui est peut-être le plus alarmant dans l’affaire Homan, ce n’est pas l’allégation elle-même. C’est la réaction — ou plutôt l’absence de réaction. Lorsque les médias ont rapporté que le « tsar de la frontière » du président avait été enregistré acceptant cinquante mille dollars dans une opération d’infiltration du FBI, on aurait pu s’attendre à un scandale majeur. Des auditions au Congrès. Des appels à la démission. Une enquête indépendante. Au lieu de cela, l’histoire a disparu en quelques jours. Homan a nié. La Maison Blanche a défendu. Les républicains ont détourné le regard. Et la vie a continué. Cette normalisation de la corruption est peut-être le plus grand danger. Nous sommes en train de nous habituer à l’inacceptable. Chaque nouveau scandale semble moins choquant que le précédent, non pas parce qu’il est moins grave, mais parce que nous sommes devenus insensibles. L’outrage s’émousse. L’indignation s’épuise. Et pendant ce temps, les normes démocratiques s’érodent. Wolf comprend ce danger. C’est pourquoi il a démissionné. Il refuse de participer à cette normalisation. Il refuse de prétendre que tout va bien alors que les fondations de la démocratie américaine sont sapées. Dans sa lettre, il écrit : « Je ne pouvais plus supporter d’être contraint par les règles éthiques nécessaires qui musèlent les déclarations publiques des juges et restreignent leurs activités. Jour après jour, j’ai observé en silence alors que le président Trump, ses collaborateurs et ses alliés démantelaient tant de choses auxquelles j’ai consacré ma vie. » Ce silence imposé aux juges est normalement une protection nécessaire de l’impartialité judiciaire. Mais dans des circonstances extraordinaires, il devient une forme de complicité. Wolf a choisi de briser ce silence, même au prix de sa carrière.
L’affaire Homan illustre également comment Trump a réussi à capturer les institutions censées le contrôler. Le FBI, qui a mené l’opération d’infiltration contre Homan, a vu son enquête fermée par des supérieurs politiques. Le département de la Justice, qui devrait poursuivre la corruption quelle que soit l’affiliation politique, est devenu un outil de protection des alliés présidentiels. Le Congrès, qui devrait exercer une surveillance, est paralysé par la partisanerie. Les médias rapportent les faits, mais sans le suivi nécessaire pour maintenir la pression. Dans ce vide de responsabilité, la corruption prospère. Homan peut accepter cinquante mille dollars dans une opération d’infiltration du FBI et continuer à servir comme « tsar de la frontière » sans conséquences. Ce précédent est dangereux. Il envoie un message clair à tous les fonctionnaires de l’administration Trump : vous pouvez vous enrichir, vous pouvez accepter des pots-de-vin, vous pouvez abuser de votre pouvoir — tant que vous restez loyal au président, vous serez protégé. Cette impunité garantie crée un environnement propice à la corruption systémique. Pourquoi un fonctionnaire se comporterait-il de manière éthique s’il sait que la malhonnêteté est récompensée et que la loyauté politique offre une protection absolue ? Le système que Trump a créé n’encourage pas l’intégrité. Il l’élimine activement. Les fonctionnaires honnêtes sont licenciés ou forcés de démissionner. Les fonctionnaires corrompus sont promus et protégés. C’est l’inverse de ce que devrait être une démocratie fonctionnelle.
L’affaire Homan me hante. Pas à cause de l’allégation elle-même — nous avons vu pire. Mais à cause de ce qu’elle révèle sur notre capacité collective à nous indigner. Un fonctionnaire de haut niveau est filmé par le FBI en train d’accepter un pot-de-vin. L’enquête est fermée pour des raisons politiques. Et nous… nous haussons les épaules. Nous scrollons vers la prochaine actualité. Nous nous disons que c’est juste de la politique comme d’habitude. Mais ce n’est pas de la politique comme d’habitude. C’est la mort lente de la démocratie. Et nous la regardons mourir en direct, confortablement installés dans nos canapés, un téléphone à la main.
Section 4 : les ordres exécutifs inconstitutionnels
Quand le président réécrit la Constitution
Au-delà de l’instrumentalisation du système judiciaire et du démantèlement des garde-fous, Trump s’attaque directement à la Constitution elle-même. Wolf souligne dans sa lettre qu’un bon nombre des ordres exécutifs de Trump sont, selon lui, inconstitutionnels ou autrement illégaux. L’exemple le plus flagrant concerne la citoyenneté par droit du sol. Contrairement au langage explicite du Quatorzième Amendement, qui stipule que toute personne née sur le sol américain est citoyen américain, un ordre exécutif de Trump déclare que ce n’est pas le cas. Cet amendement a été adopté après la guerre civile précisément pour garantir que les enfants d’esclaves affranchis seraient citoyens. Son langage est sans ambiguïté : « Toutes les personnes nées ou naturalisées aux États-Unis, et soumises à leur juridiction, sont citoyens des États-Unis et de l’État dans lequel elles résident. » Trump ne peut pas simplement décider que cet amendement ne s’applique plus. Un président n’a pas le pouvoir de modifier la Constitution par décret. Pourtant, c’est exactement ce que Trump prétend faire. Et ce qui est peut-être plus alarmant, c’est que certains tribunaux semblent hésiter à le contrer fermement. L’administration Trump a également expulsé des immigrants sans papiers sans procédure régulière, dans de nombreux cas vers des pays où ils n’ont aucune connexion et où ils seront en grand danger. Le Cinquième Amendement garantit que personne ne peut être privé de vie, de liberté ou de propriété sans procédure régulière. Cela s’applique à toutes les personnes sur le sol américain, pas seulement aux citoyens. Pourtant, l’administration Trump expulse des gens sans leur donner l’opportunité de plaider leur cas devant un juge.
Bien que de nombreux juges fédéraux aient émis des ordonnances restreignant les efforts du gouvernement pour mettre en œuvre ces ordres exécutifs, certaines semblent avoir été désobéies par des membres de l’administration Trump. Wolf note que Trump a répondu en appelant à la destitution des juges fédéraux, même si la Constitution ne permet la destitution que pour « crimes et délits graves », tels que la trahison et la corruption. Un juge qui rend une décision que le président n’aime pas n’a pas commis un crime. Mais Trump ne se soucie pas de ces distinctions. Pour lui, tout juge qui s’oppose à lui est un ennemi qui doit être éliminé. Cette attaque contre l’indépendance judiciaire est peut-être la plus dangereuse de toutes les actions de Trump. Dans une démocratie, les tribunaux sont le dernier rempart contre l’abus de pouvoir exécutif. Si le président peut intimider, menacer ou destituer les juges qui s’opposent à lui, il n’y a plus de freins et contrepoids. Il n’y a plus de séparation des pouvoirs. Il n’y a qu’un homme avec un pouvoir illimité. Les attaques de Trump contre les tribunaux ont coïncidé avec un nombre sans précédent de menaces graves contre les juges. Il y en a eu près de deux cents de mars à fin mai deux mille vingt-cinq seulement. Ces menaces comprenaient des menaces de mort crédibles, des centaines d’appels téléphoniques vitrioliques et des livraisons anonymes et non sollicitées de pizzas faussement faites au nom du fils d’un juge fédéral, qui a été assassiné au domicile du juge en deux mille vingt par un avocat mécontent.
La Cour suprême complice
Wolf exprime également sa frustration face au rôle de la Cour suprême dans cette crise. Alors que les tribunaux de première instance ont courageusement émis des injonctions temporaires contre de nombreux ordres exécutifs de Trump, la Cour suprême a à plusieurs reprises levé ces restrictions dans des décisions d’urgence sur son « docket fantôme » avec peu ou pas d’explication. Le docket fantôme fait référence aux décisions que la Cour suprême rend rapidement, souvent sans arguments oraux complets et sans opinions écrites détaillées. Ces décisions peuvent avoir des conséquences énormes, mais elles sont prises dans l’ombre, sans la transparence et la délibération qui caractérisent normalement les décisions de la Cour suprême. Sous la présidence Trump, la Cour suprême a utilisé le docket fantôme de manière répétée pour permettre à l’administration de mettre en œuvre des politiques controversées pendant que les litiges se poursuivent. Cela signifie que même lorsque les tribunaux inférieurs concluent qu’une politique est probablement illégale, la Cour suprême permet souvent à l’administration de continuer à l’appliquer de toute façon. Cette approche inverse le principe traditionnel selon lequel le statu quo doit être maintenu pendant qu’un litige est en cours. Wolf écrit : « Je doute que si j’étais resté juge, j’aurais fait mieux que mes collègues. » C’est une reconnaissance sombre de la réalité : même les juges les plus courageux et les plus intègres sont impuissants face à une Cour suprême qui refuse de défendre la Constitution. La Cour suprême actuelle, avec sa majorité conservatrice de six contre trois, a montré à plusieurs reprises qu’elle est plus intéressée par l’avancement d’un programme idéologique que par la défense de l’État de droit. Elle a étendu les pouvoirs présidentiels, réduit les protections des droits civils et affaibli les agences de réglementation. Dans le contexte de la présidence Trump, cette Cour suprême est devenue un facilitateur plutôt qu’un frein.
L’immunité présidentielle est un autre domaine où la Cour suprême a dangereusement étendu le pouvoir exécutif. Dans une décision récente, la Cour a statué que les présidents bénéficient d’une large immunité contre les poursuites pénales pour les actes officiels. Cette décision crée effectivement une classe de personnes au-dessus de la loi. Si un président ne peut pas être poursuivi pour des actes commis dans l’exercice de ses fonctions, quelles sont les limites de son pouvoir ? Wolf note que même si Trump lui-même peut avoir une immunité contre les poursuites pour certains actes, les entreprises et les individus qui ont participé à des transactions potentiellement corrompues avec lui pourraient être poursuivis. Mais il n’y a aucune indication que de telles enquêtes aient lieu. Le département de la Justice de Trump ne va certainement pas enquêter sur les personnes qui ont enrichi le président. Cette combinaison — une Cour suprême qui étend les pouvoirs présidentiels et un département de la Justice qui refuse d’enquêter sur la corruption présidentielle — crée un environnement d’impunité totale. Trump peut faire ce qu’il veut, sachant qu’il ne sera jamais tenu responsable. Les ordres exécutifs inconstitutionnels de Trump ne sont pas des aberrations. Ils font partie d’une stratégie délibérée pour tester les limites du pouvoir présidentiel. Chaque fois qu’un ordre exécutif est contesté et finalement autorisé par la Cour suprême, Trump repousse un peu plus les limites. Chaque fois qu’un juge est menacé ou intimidé pour avoir osé s’opposer à lui, d’autres juges deviennent plus hésitants. Lentement mais sûrement, Trump transforme la présidence américaine en quelque chose qui ressemble plus à une monarchie qu’à une démocratie.
La Cour suprême me brise le cœur. J’ai grandi en croyant que c’était l’institution la plus noble d’Amérique. Le dernier rempart contre la tyrannie. Le gardien de la Constitution. Et maintenant, je la regarde trahir cette mission, décision après décision. Les juges qui siègent à la Cour suprême savent ce qu’ils font. Ils ne sont pas naïfs. Ils voient Trump détruire les normes démocratiques. Et ils choisissent de l’aider. Ils choisissent de lever les injonctions des tribunaux inférieurs. Ils choisissent d’étendre l’immunité présidentielle. Ils choisissent de regarder ailleurs pendant que la Constitution est piétinée. L’histoire les jugera sévèrement. Mais d’ici là, combien de dégâts auront-ils permis ?
Section 5 : les menaces contre les juges
Un climat de terreur judiciaire
Les attaques verbales de Trump contre les tribunaux ont créé un climat de peur sans précédent dans le système judiciaire américain. Wolf rapporte qu’il y a eu près de deux cents menaces graves contre des juges de mars à fin mai deux mille vingt-cinq seulement. Ces menaces comprenaient des menaces de mort crédibles, des centaines d’appels téléphoniques vitrioliques et des livraisons anonymes et non sollicitées de pizzas faussement faites au nom du fils d’un juge fédéral, qui a été assassiné au domicile du juge en deux mille vingt par un avocat mécontent. Ce dernier détail est particulièrement sinistre. Le fils du juge Esther Salas a été tué à sa porte par un homme qui en voulait au juge pour une décision qu’elle avait rendue. Maintenant, des harceleurs anonymes commandent des pizzas au nom de ce fils assassiné — une forme de torture psychologique visant à rappeler au juge cette tragédie et à l’intimider. C’est du terrorisme pur et simple. Et il fonctionne. Les juges sont humains. Ils ont des familles. Ils ont peur. Lorsqu’un juge reçoit des menaces de mort crédibles après avoir rendu une décision contre l’administration Trump, cela affecte inévitablement ses décisions futures. Même les juges les plus courageux doivent se demander : est-ce que cette décision vaut la peine de mettre ma famille en danger ? Cette intimidation systématique des juges est une attaque directe contre l’indépendance judiciaire. Dans une démocratie fonctionnelle, les juges doivent pouvoir rendre des décisions basées uniquement sur la loi et les faits, sans craindre pour leur sécurité personnelle. Lorsque cette indépendance est compromise par la peur, le système judiciaire cesse de fonctionner comme un frein au pouvoir exécutif.
Wolf note que les attaques furieuses de Trump contre les tribunaux ont coïncidé avec ce nombre sans précédent de menaces. Ce n’est pas une coïncidence. Lorsque le président des États-Unis qualifie publiquement les juges de « soi-disant juges », de « juges activistes » ou d' »ennemis du peuple », il donne effectivement sa permission à ses partisans les plus extrémistes de passer à l’action. Trump ne dit jamais explicitement à ses partisans de menacer les juges. Il n’en a pas besoin. Son langage incendiaire suffit. Ses partisans comprennent le message : ces juges sont des ennemis qui doivent être combattus par tous les moyens nécessaires. Cette stratégie d’intimidation n’est pas nouvelle pour Trump. Il l’a utilisée contre les journalistes, les témoins, les procureurs et maintenant les juges. À chaque fois, le schéma est le même : Trump attaque publiquement quelqu’un, ses partisans menacent cette personne, et Trump nie toute responsabilité. Mais la responsabilité est claire. Un président a une plateforme énorme et une influence considérable. Lorsqu’il utilise cette plateforme pour attaquer des individus, il sait — ou devrait savoir — que certains de ses partisans interpréteront cela comme un appel à l’action. Les données sur les menaces contre les juges sont alarmantes. Selon les statistiques rapportées par les U.S. Marshals, les menaces contre les juges fédéraux ont tendance à se situer autour de cinq cents menaces contre trois cent cinquante juges par année civile. Mais entre mars et mai deux mille vingt-cinq seulement — une période de trois mois — il y a eu près de deux cents menaces. Si cette tendance se poursuit, l’année deux mille vingt-cinq pourrait voir plus de huit cents menaces, soit une augmentation de soixante pour cent par rapport à la moyenne. Cette augmentation coïncide directement avec l’intensification des attaques de Trump contre le système judiciaire.
Le silence complice du Congrès
Face à cette crise, on pourrait s’attendre à ce que le Congrès agisse. Des membres des deux partis ont introduit une législation pour fournir un soutien accru à la sécurité des juges au cours de la dernière année. En juillet, les représentants Lucy McBath et Michael McCaul ont présenté la loi bipartisane « Countering Threats and Attacks on Our Judges Act » pour fournir une assistance technique, une formation et une surveillance des menaces pour les juges d’État et locaux et le personnel judiciaire, suite à l’adoption d’une législation complémentaire l’année dernière au Sénat. Mais ces mesures, bien qu’utiles, ne s’attaquent pas à la racine du problème : les attaques du président lui-même contre les juges. Aucun montant de sécurité supplémentaire ne peut compenser le fait que le président des États-Unis encourage activement l’hostilité envers le système judiciaire. Le Congrès pourrait censurer Trump pour ses attaques contre les juges. Il pourrait tenir des auditions sur l’augmentation des menaces. Il pourrait adopter une résolution affirmant l’indépendance du système judiciaire. Mais il ne fait rien de tout cela. Les républicains, qui contrôlent la Chambre, refusent de critiquer Trump. Les démocrates, minoritaires, n’ont pas le pouvoir d’agir seuls. Le résultat est un silence complice qui permet à Trump de continuer ses attaques sans conséquences. Ce silence est particulièrement troublant venant des républicains. Beaucoup d’entre eux se présentent comme des défenseurs de la Constitution et de l’État de droit. Mais lorsque leur propre président attaque le système judiciaire, ils détournent le regard. Leur loyauté envers Trump l’emporte sur leur engagement envers les principes démocratiques. Cette abdication de responsabilité par le Congrès laisse les juges seuls face aux menaces. Wolf écrit qu’il a démissionné en partie pour « plaider en faveur des juges qui ne peuvent pas parler publiquement pour eux-mêmes. » Les juges sont liés par des règles éthiques qui limitent ce qu’ils peuvent dire publiquement. Ils ne peuvent pas se défendre contre les attaques de Trump sans compromettre leur impartialité perçue. Ils dépendent d’autres institutions — le Congrès, les associations d’avocats, la société civile — pour défendre l’indépendance judiciaire. Mais ces institutions ont largement échoué.
L’augmentation des menaces contre les juges a des conséquences concrètes sur le fonctionnement du système judiciaire. Certains juges hésitent maintenant à accepter des affaires sensibles impliquant l’administration Trump. D’autres rendent des décisions plus prudentes, conscients que des décisions audacieuses pourraient les exposer à des menaces. Cette autocensure, même si elle est compréhensible sur le plan humain, sape l’État de droit. Les juges ne devraient pas avoir à choisir entre leur sécurité et leur devoir de rendre des décisions justes. Le fait qu’ils soient confrontés à ce choix montre à quel point la situation est devenue grave. Wolf mentionne également que Trump a appelé à la destitution de juges fédéraux, même si la Constitution ne permet la destitution que pour « crimes et délits graves » tels que la trahison et la corruption. Un juge qui rend une décision que le président n’aime pas n’a pas commis un crime. Mais Trump ne se soucie pas de ces distinctions constitutionnelles. Pour lui, tout juge qui s’oppose à lui est un ennemi qui doit être éliminé. Ces appels à la destitution sont une forme d’intimidation institutionnelle. Même si Trump n’a pas le pouvoir de destituer directement les juges, ses appels publics créent une pression politique sur le Congrès pour qu’il agisse. Et même si le Congrès ne destitue pas réellement les juges, la menace seule a un effet dissuasif. Les juges savent que s’ils s’opposent trop fermement à Trump, ils pourraient devenir la prochaine cible d’une campagne de destitution. Cette atmosphère de peur et d’intimidation est exactement ce que Trump veut créer. Il ne peut pas contrôler directement les tribunaux, alors il cherche à les intimider pour qu’ils se soumettent. Et malheureusement, cette stratégie fonctionne en partie.
Je pense aux juges qui reçoivent ces menaces. Je pense à leurs familles. Je pense à ce que ça doit être de rentrer chez soi après une journée au tribunal, de vérifier son courrier, et de trouver une lettre de menace de mort. Je pense à ce que ça doit être d’expliquer à ses enfants pourquoi il y a maintenant des agents de sécurité devant la maison. Je pense à ce que ça doit être de se demander si la prochaine décision que tu rends pourrait être celle qui met ta famille en danger. Et je me demande : combien de temps les juges peuvent-ils tenir sous cette pression ? Combien de temps avant que le système ne s’effondre complètement ?
Section 6 : la comparaison avec Nixon
De Watergate à Mar-a-Lago : l’évolution de la corruption présidentielle
Wolf établit une comparaison frappante entre Richard Nixon et Donald Trump : « Ce que Nixon faisait épisodiquement et secrètement, sachant que c’était illégal ou inapproprié, Trump le fait maintenant routinièrement et ouvertement. » Cette phrase capture l’essence de ce qui a changé dans la politique américaine. Nixon était un président corrompu, mais il savait qu’il était corrompu. Il cachait ses crimes. Il effaçait les enregistrements. Il mentait sous serment. Il comprenait que ce qu’il faisait était mal et devait être dissimulé. Trump, en revanche, commet ses abus de pouvoir au grand jour. Il publie ses ordres de poursuites judiciaires sur les réseaux sociaux. Il se vante de ses transactions financières douteuses. Il licencie publiquement les fonctionnaires qui enquêtent sur lui. Il n’a aucune honte, aucune conscience que ce qu’il fait est répréhensible. Ou peut-être qu’il le sait, mais il s’en fiche parce qu’il a compris qu’il peut s’en tirer. Cette évolution de la corruption cachée à la corruption ouverte représente un changement fondamental dans la politique américaine. Nixon a été forcé de démissionner parce que ses crimes ont été exposés. Le système a fonctionné — lentement, douloureusement, mais il a fonctionné. Les enquêtes du Congrès, les poursuites judiciaires, la pression publique ont finalement contraint Nixon à partir. Trump a étudié cette histoire et en a tiré une leçon différente : si vous êtes assez audacieux, si vous niez tout, si vous attaquez vos accusateurs, si vous mobilisez votre base, vous pouvez survivre à n’importe quel scandale. Et jusqu’à présent, il a eu raison.
Wolf a une perspective unique sur cette comparaison parce qu’il a vécu les deux époques. Il a rejoint le département de la Justice en mille neuf cent soixante-quatorze, près de la fin de la présidence Nixon, à une époque de déshonneur pour le département. Le procureur général de Nixon, John Mitchell, qui avait également été le directeur de campagne du président, est allé en prison pour son rôle dans le cambriolage du Watergate et pour parjure en tentant de couvrir ce crime. Son successeur, Richard Kleindienst, a été condamné pour outrage au Congrès pour avoir menti sur le fait que, sur instruction du président, il avait mis fin à une enquête antitrust contre une grande entreprise après qu’elle se soit engagée à verser quatre cent mille dollars à la Convention nationale républicaine. Le département de la Justice a également été discrédité par les révélations selon lesquelles le directeur du FBI, J. Edgar Hoover, avait obtenu et diffusé des informations désobligeantes sur des adversaires politiques, y compris Martin Luther King Jr. Dans ce contexte de crise institutionnelle, le président Gerald Ford a nommé Edward Levi comme procureur général pour restaurer la confiance dans l’intégrité du département. Levi avait une réputation bien méritée de brillance, d’honnêteté et de non-partisanerie. Ford a dit à Levi qu’il voulait que le procureur général « protège les droits des citoyens américains, pas le président qui l’a nommé. » Cette déclaration semble presque naïve aujourd’hui. L’idée qu’un président nommerait un procureur général avec l’instruction explicite de ne pas le protéger est impensable dans l’ère Trump. Trump a clairement indiqué qu’il considère le procureur général comme son avocat personnel, pas comme l’avocat du peuple américain.
L’érosion des normes démocratiques
La différence entre Nixon et Trump ne réside pas seulement dans leur niveau d’audace. Elle réside également dans la réponse institutionnelle. Lorsque les crimes de Nixon ont été exposés, son propre parti l’a finalement abandonné. Des républicains éminents sont allés à la Maison Blanche pour lui dire qu’il devait démissionner. Le Congrès a mené des enquêtes approfondies. La Cour suprême a statué à l’unanimité que Nixon devait remettre les enregistrements du Watergate. Le système a fonctionné parce que suffisamment de personnes — y compris des républicains — ont mis le pays avant le parti. Avec Trump, cette dynamique a complètement changé. Les républicains au Congrès refusent de le tenir responsable, peu importe ce qu’il fait. Ils ont voté contre sa destitution deux fois. Ils bloquent les enquêtes sur ses abus de pouvoir. Ils attaquent les témoins qui témoignent contre lui. Ils ont transformé la loyauté à Trump en test de pureté républicaine. Cette érosion des normes démocratiques est peut-être l’héritage le plus durable de Trump. Il a montré qu’un président peut violer les normes, ignorer les lois et abuser de son pouvoir sans conséquences réelles — tant qu’il maintient le soutien de son parti. Cette leçon est dangereuse. Les futurs présidents, voyant que Trump s’en est tiré, seront tentés de repousser encore plus les limites. Wolf comprend ce danger. C’est pourquoi il compare Trump non seulement à Nixon, mais aussi aux kleptocrates qui dirigent des régimes autoritaires dans le monde entier. Il écrit : « Au cours des trente-cinq dernières années, j’ai parlé dans de nombreux pays du rôle des juges américains dans la sauvegarde de la démocratie, la protection des droits de l’homme et la lutte contre la corruption. Beaucoup de ces pays — y compris la Russie, la Chine et la Turquie — sont dirigés par des dirigeants corrompus qui comptent parmi les pires violateurs des droits de l’homme. Ces kleptocrates emprisonnent leurs opposants politiques, suppriment les médias indépendants qui pourraient exposer leurs méfaits, interdisent la liberté d’expression, punissent les manifestations pacifiques et contrecarrent tous les efforts pour établir un système judiciaire indépendant et impartial qui pourrait contraindre ces abus. »
Cette comparaison n’est pas exagérée. Trump utilise exactement les mêmes tactiques que ces kleptocrates. Il poursuit ses opposants politiques. Il attaque les médias comme « ennemis du peuple ». Il cherche à intimider et à contrôler le système judiciaire. Il licencie les fonctionnaires qui enquêtent sur lui. La seule différence est que les institutions américaines sont (pour l’instant) plus résistantes que celles de la Russie ou de la Turquie. Mais cette résistance s’affaiblit. Chaque fois que Trump franchit une ligne rouge sans conséquences, cette ligne disparaît. Chaque fois qu’il viole une norme démocratique et s’en tire, cette norme perd de sa force. Lentement mais sûrement, les États-Unis se rapprochent du modèle autoritaire. Wolf note que dans son travail international, il a rencontré de nombreux amis, jeunes et vieux, qui ont été inspirés par l’exemple des juges, avocats et citoyens américains. Ils ont beaucoup souffert pour essayer de rendre leurs pays plus semblables aux États-Unis. Parmi eux se trouvent des juges impartiaux qui ont été emprisonnés en Turquie, un brillant jeune avocat russe qui a été accusé d’être un espion et forcé à l’exil, et un étudiant en droit vénézuélien qui a presque perdu la vue d’un œil en manifestant contre le gouvernement oppressif de son pays. Ces personnes courageuses partagent ce qui ont historiquement été les convictions de la nation américaine. Maintenant, Wolf doit leur expliquer que les États-Unis eux-mêmes abandonnent ces convictions. C’est une position humiliante pour un pays qui s’est longtemps présenté comme le phare de la démocratie dans le monde.
La comparaison avec Nixon me frappe parce qu’elle montre à quel point nous avons régressé. Nixon était un criminel, mais au moins il avait honte. Au moins il savait qu’il devait cacher ses crimes. Trump n’a même pas cette décence minimale. Il commet ses abus au grand jour, avec fierté. Et nous le laissons faire. Nos grands-parents ont forcé Nixon à démissionner. Nous, nous regardons Trump détruire la démocratie en direct sur Twitter et nous ne faisons rien. Qu’est-ce que ça dit sur nous ? Qu’est-ce que ça dit sur notre époque ?
Section 7 : le rôle des juges Reagan dans la résistance
Quand les conservateurs rompent le silence
La démission de Wolf s’inscrit dans un phénomène plus large : l’émergence de juges nommés par Reagan comme critiques vocaux de Trump. Ces juges, qui ont été nommés par un président républicain conservateur, se retrouvent maintenant dans la position inconfortable de devoir défendre les principes démocratiques contre un autre président républicain. Plusieurs juges nommés par Reagan ont publiquement critiqué les actions de Trump. Certains ont rendu des décisions bloquant ses ordres exécutifs. D’autres ont écrit des opinions dissidentes cinglantes. Et maintenant, Wolf a franchi l’étape ultime en démissionnant pour pouvoir parler librement. Cette résistance des juges Reagan est significative pour plusieurs raisons. Premièrement, elle démontre que l’opposition à Trump n’est pas simplement partisane. Ce ne sont pas des juges libéraux nommés par des démocrates qui s’opposent à Trump pour des raisons idéologiques. Ce sont des conservateurs qui ont été nommés par Reagan, un président que beaucoup de républicains considèrent encore comme leur modèle. Ces juges s’opposent à Trump non pas parce qu’ils sont en désaccord avec sa politique, mais parce qu’ils voient qu’il viole les principes fondamentaux de l’État de droit. Deuxièmement, la résistance des juges Reagan souligne à quel point Trump s’est éloigné du conservatisme traditionnel. Reagan croyait en des institutions fortes, en l’État de droit et en la séparation des pouvoirs. Trump méprise toutes ces choses. Il voit les institutions comme des obstacles à son pouvoir personnel. Il considère l’État de droit comme une contrainte gênante. Il cherche à concentrer tout le pouvoir dans l’exécutif. Les juges Reagan reconnaissent que ce n’est pas du conservatisme — c’est de l’autoritarisme.
Wolf n’est pas le seul juge Reagan à avoir pris position. Selon des rapports, plusieurs autres juges nommés par Reagan ont émergé comme des évaluateurs sans filtre des actions juridiques de Trump. Certains ont rendu des décisions particulièrement cinglantes contre l’administration. D’autres ont donné des interviews rares pour exprimer leurs préoccupations. Cette tendance est suffisamment notable pour que les médias juridiques aient commencé à en parler comme d’un phénomène distinct. Un article de Bloomberg Law note que « les juges Reagan sont des critiques sans retenue des mouvements juridiques de Trump. » Un article de Politico s’intitule « Ces juges Reagan en ont assez de Trump. » Ces titres capturent quelque chose d’important : il ne s’agit pas de juges isolés exprimant des opinions personnelles. C’est un groupe de juges conservateurs respectés qui sonnent collectivement l’alarme. Leur message est clair : ce qui se passe sous Trump n’est pas normal, ce n’est pas conservateur, et c’est dangereux pour la démocratie américaine. La résistance des juges Reagan est d’autant plus remarquable qu’elle va à l’encontre de leurs propres intérêts. Ces juges ont été nommés par des républicains. Beaucoup de leurs amis et collègues sont républicains. En s’opposant publiquement à Trump, ils risquent d’être ostracisés par leur propre communauté politique. Ils risquent d’être attaqués par les médias conservateurs. Ils risquent de recevoir des menaces de la part des partisans de Trump. Pourtant, ils parlent quand même. Cela témoigne de la gravité de la situation. Ces juges ne prendraient pas ces risques s’ils ne croyaient pas que la démocratie américaine est en danger réel.
Le poids de l’héritage Reagan
Pour comprendre pourquoi les juges Reagan jouent ce rôle particulier, il faut comprendre l’héritage de Reagan lui-même. Reagan n’était pas parfait — loin de là. Son administration a eu ses propres scandales, notamment l’affaire Iran-Contra. Mais Reagan croyait fondamentalement aux institutions américaines. Il respectait la séparation des pouvoirs. Il comprenait que le président n’était pas un roi. Il a nommé des juges qu’il croyait être des conservateurs, mais aussi des personnes d’intégrité qui appliqueraient la loi de manière impartiale. Wolf incarne cet idéal reaganien. Il a été nommé parce qu’il était considéré comme un procureur talentueux et intègre, pas parce qu’il était un idéologue partisan. Une fois sur le banc, il a rendu des décisions basées sur la loi, pas sur la politique. Il a condamné des républicains et des démocrates avec la même rigueur. Il a tenu le FBI responsable de ses abus. Il a incarné l’idée que la justice devrait être aveugle aux affiliations politiques. C’est ce type de conservatisme — un conservatisme qui valorise les institutions, l’État de droit et l’intégrité — que Trump a détruit. Le Parti républicain moderne n’a plus de place pour des gens comme Wolf. Il exige une loyauté absolue à Trump, pas à la Constitution. Il récompense la partisanerie, pas l’intégrité. Il attaque quiconque ose critiquer le leader. Les juges Reagan se retrouvent donc dans une position étrange. Ils ont été nommés par un parti qui n’existe plus vraiment. Le Parti républicain de Reagan croyait au libre-échange, à l’immigration légale, aux alliances internationales et à l’État de droit. Le Parti républicain de Trump croit au protectionnisme, à la xénophobie, à l’isolationnisme et au pouvoir personnel. Ce sont deux partis complètement différents qui portent le même nom.
Wolf et d’autres juges Reagan représentent les derniers vestiges de l’ancien Parti républicain. Ils se souviennent d’une époque où les républicains se présentaient comme le parti de la loi et de l’ordre, le parti de la responsabilité fiscale, le parti des valeurs familiales. Maintenant, ils regardent leur parti soutenir un président qui bafoue la loi, qui a ajouté des billions à la dette nationale, et dont la vie personnelle est un scandale constant. Cette dissonance cognitive est douloureuse. Beaucoup de juges Reagan ont probablement voté pour Trump en deux mille seize, espérant qu’il gouvernerait comme un républicain traditionnel. Ils ont été cruellement déçus. Maintenant, ils doivent choisir : rester silencieux et complices, ou parler et risquer l’ostracisme. Wolf a choisi de parler. Sa démission est un acte de courage, mais aussi un acte de désespoir. Il a passé quarante ans à construire une carrière judiciaire exemplaire. Il aurait pu finir tranquillement, profiter de sa retraite, préserver sa réputation. Au lieu de cela, il a tout risqué pour sonner l’alarme. Cela montre à quel point il croit que la situation est grave. Un homme ne sacrifie pas quarante ans de carrière pour rien. Wolf voit quelque chose que beaucoup d’Américains ne voient pas encore : la démocratie américaine est en train de mourir. Pas rapidement, pas de manière spectaculaire, mais lentement, insidieusement, décision par décision, norme par norme. Et il refuse de rester silencieux pendant que cela se produit.
Les juges Reagan me donnent de l’espoir. Pas beaucoup, mais un peu. Ils prouvent qu’il est encore possible de mettre les principes avant le parti. Ils prouvent que le conservatisme n’est pas mort, même s’il a été kidnappé par Trump. Mais ils me rendent aussi triste. Parce qu’ils sont si peu nombreux. Parce que leurs voix sont noyées dans le bruit. Parce que même leur courage héroïque ne semble pas suffire à arrêter la marche vers l’autoritarisme. Wolf a démissionné. D’autres juges ont parlé. Et rien n’a changé. Trump continue. Ses partisans continuent. Le système continue à s’effondrer. Combien de Mark Wolf faudra-t-il avant que quelque chose change vraiment ?
Section 8 : la cryptomonnaie et les conflits d'intérêts
Quand le président devient businessman
L’affaire de la cryptomonnaie Trump illustre parfaitement comment le président a transformé la Maison Blanche en une entreprise commerciale. Après avoir lancé sa propre cryptomonnaie, $TRUMP, le département de la Justice a dissous son unité d’application de la loi sur les cryptomonnaies. Cette coïncidence n’en est pas une. C’est un exemple flagrant de conflit d’intérêts où le président utilise son pouvoir pour protéger ses propres intérêts financiers. Les deux cent vingt principaux acheteurs de la cryptomonnaie de Trump ont été invités à un dîner avec le président. Soixante-sept d’entre eux avaient investi plus d’un million de dollars. Le prix d’entrée pour dîner avec le président des États-Unis était effectivement d’un million de dollars — payé non pas à une campagne politique, mais directement dans les poches de Trump et de sa famille. C’est de la corruption à peine déguisée. Le cas de Justin Sun est particulièrement révélateur. Sun, un ressortissant chinois, aurait dépensé plus de dix millions de dollars sur la cryptomonnaie de Trump. Il aurait également dépensé soixante-quinze millions de dollars dans des investissements émis par une société de cryptomonnaie contrôlée par la famille Trump. En échange, Sun a obtenu un accès privilégié au président et, apparemment, une protection contre les poursuites. La Securities and Exchange Commission, qui poursuivait Sun et ses sociétés pour fraude, a suspendu son procès en attendant l’issue des négociations de règlement. Le message est clair : si vous investissez suffisamment d’argent dans les entreprises de Trump, vous pouvez acheter une protection contre les poursuites fédérales.
Cette situation viole plusieurs lois et normes. Premièrement, il est illégal pour les personnes qui ne sont pas citoyens américains de faire des dons à des candidats politiques américains. Le maximum que quiconque peut donner directement à un candidat est de trois mille cinq cents dollars. Sun, un ressortissant chinois, a effectivement donné des millions à Trump en achetant sa cryptomonnaie. Normalement, le département de la Justice enquêterait sur ce type de situation. Il n’y a cependant aucune indication qu’une enquête ait eu lieu. Deuxièmement, les présidents sont censés se séparer de leurs intérêts commerciaux pour éviter les conflits d’intérêts. Trump n’a jamais fait cela. Il a conservé la propriété de ses entreprises tout au long de sa présidence. Maintenant, il lance activement de nouvelles entreprises — comme sa cryptomonnaie — tout en occupant le poste de président. Il utilise le pouvoir et le prestige de la présidence pour promouvoir ses produits commerciaux. C’est exactement le type de corruption que la clause d’émoluments de la Constitution était censée empêcher. Troisièmement, le fait que le département de la Justice ait dissous son unité d’application de la loi sur les cryptomonnaies juste après que Trump a lancé sa propre cryptomonnaie est un conflit d’intérêts flagrant. Le président a effectivement éliminé l’agence qui pourrait enquêter sur ses propres transactions de cryptomonnaie. C’est comme si un suspect de meurtre était nommé chef de la police et licenciait immédiatement tous les détectives enquêtant sur son cas. Wolf note dans sa lettre qu’en tant que procureur et juge, il a traité sérieusement l’influence illégale de l’argent sur les décisions officielles. Mais Trump et son administration n’ont manifestement pas la même approche. Pour eux, l’argent et le pouvoir sont interchangeables. Le pouvoir peut être utilisé pour gagner de l’argent, et l’argent peut être utilisé pour acheter du pouvoir.
Le dîner à un million de dollars
Le dîner de la cryptomonnaie Trump mérite une attention particulière parce qu’il représente une nouvelle forme de corruption présidentielle. Dans le passé, les présidents pouvaient être accusés d’accorder des faveurs à des donateurs de campagne. Mais au moins, cet argent allait à la campagne, pas directement dans les poches du président. Trump a éliminé cette distinction. L’argent investi dans sa cryptomonnaie va directement à lui et à sa famille. Il n’y a aucune séparation entre ses intérêts personnels et ses fonctions présidentielles. Les invités à ce dîner n’achetaient pas seulement un accès au président. Ils achetaient une influence directe sur la politique gouvernementale. Plusieurs des invités étaient des dirigeants de sociétés de cryptomonnaie qui faisaient l’objet d’enquêtes ou de poursuites réglementaires. Après le dîner, beaucoup de ces enquêtes ont été suspendues ou abandonnées. C’est un échange direct : payez le président, obtenez une protection contre les poursuites. Le fait que cet échange se fasse via une cryptomonnaie plutôt que via des espèces ne le rend pas moins corrompu. En fait, cela le rend peut-être plus insidieux parce que c’est plus difficile à tracer et à réguler. Les cryptomonnaies sont conçues pour être décentralisées et difficiles à surveiller. Trump exploite cette opacité pour créer un système de corruption qui est techniquement légal (ou du moins difficile à poursuivre) mais moralement répréhensible. Wolf souligne que le département de la Justice devrait enquêter sur ces transactions. Dans une administration normale, il le ferait. Mais le département de la Justice de Trump ne va pas enquêter sur le président lui-même. C’est le problème fondamental : lorsque le président contrôle l’agence chargée de faire respecter la loi, il peut s’assurer qu’il ne sera jamais tenu responsable de ses propres violations de la loi.
Le cas de Justin Sun illustre également comment Trump utilise la présidence pour attirer des investissements étrangers dans ses entreprises. Sun est un ressortissant chinois avec des liens étroits avec le gouvernement chinois. Son investissement massif dans les entreprises de Trump soulève des questions évidentes sur l’influence étrangère. Est-ce que Sun investit son propre argent, ou agit-il au nom du gouvernement chinois ? Si c’est le dernier cas, cela signifierait que le gouvernement chinois achète effectivement une influence sur le président américain. Même si Sun agit de manière indépendante, son investissement crée un conflit d’intérêts. Trump doit maintenant prendre des décisions de politique étrangère concernant la Chine tout en sachant qu’un ressortissant chinois a investi des dizaines de millions de dollars dans ses entreprises. Comment peut-il être objectif ? Comment peut-il mettre les intérêts américains en premier lorsque ses propres intérêts financiers sont en jeu ? La réponse est qu’il ne peut pas. Et c’est exactement pourquoi les présidents sont censés se séparer de leurs intérêts commerciaux. Trump a refusé de le faire, et maintenant nous voyons les conséquences : un président dont les décisions politiques sont inextricablement liées à ses intérêts financiers personnels. Le dîner de la cryptomonnaie n’est qu’un exemple parmi d’autres. Trump a également utilisé ses propriétés — hôtels, terrains de golf, clubs privés — pour générer des revenus pendant sa présidence. Des gouvernements étrangers réservent des chambres dans ses hôtels. Des lobbyistes organisent des événements dans ses propriétés. Des donateurs paient des frais d’adhésion exorbitants à Mar-a-Lago pour avoir accès au président. Tout cela représente un flux constant d’argent des personnes cherchant une influence vers les poches de Trump. C’est de la corruption systémique, normalisée et acceptée.
La cryptomonnaie Trump me rend malade. Pas à cause de la cryptomonnaie elle-même — je m’en fiche. Mais à cause de ce qu’elle représente. Un président qui vend littéralement son influence au plus offrant. Un président qui transforme la Maison Blanche en boutique. Un président qui ne voit aucune différence entre servir le pays et s’enrichir personnellement. Et nous le laissons faire. Nous regardons Justin Sun payer des millions pour dîner avec le président, et nous haussons les épaules. Nous regardons les enquêtes être abandonnées après que les suspects ont investi dans les entreprises de Trump, et nous trouvons ça normal. Quand est-ce qu’on a perdu notre capacité à être choqués ?
Section 9 : le dîner pétrolier de Mar-a-Lago
Un milliard de dollars contre l’environnement
L’affaire du dîner pétrolier à Mar-a-Lago en avril deux mille vingt-quatre représente peut-être l’exemple le plus flagrant de corruption transactionnelle de l’ère Trump. Selon des rapports, des dirigeants de grandes compagnies pétrolières se sont plaints auprès de Trump des réglementations environnementales de l’administration Biden qui nuisaient à leurs affaires. La réponse de Trump aurait été directe et sans ambiguïté : si vous levez un milliard de dollars pour ma campagne, j’inverserai rapidement ces règles et politiques une fois élu. Les dirigeants ont levé l’argent. Trump a tenu sa promesse. C’est un échange aussi simple et direct qu’un contrat commercial : un milliard de dollars contre l’élimination des réglementations environnementales. Sauf que ce n’est pas un contrat commercial. C’est potentiellement un crime fédéral. La loi américaine interdit la corruption de fonctionnaires publics. Elle interdit également la fraude aux services honnêtes — l’utilisation d’un poste public pour un gain privé. Cette transaction à Mar-a-Lago pourrait violer les deux lois. Wolf note que la loi peut être floue sur la possibilité de poursuivre Trump lui-même pour conspiration en vue de corrompre un agent public ou fraude aux services honnêtes. De plus, Trump lui-même peut avoir une immunité contre les poursuites si des paiements similaires pour son bénéfice ont continué après qu’il soit devenu président. Mais les entreprises qui ont effectué les paiements, et les individus agissant pour elles, pourraient potentiellement être poursuivis. Il n’y a aucune indication publique que cette affaire ait été enquêtée par le département de la Justice de Trump. Bien sûr que non. Pourquoi Trump enquêterait-il sur une transaction qui l’a enrichi et lui a permis de gagner l’élection ?
Cette affaire soulève des questions fondamentales sur la nature de la démocratie américaine. Si les grandes entreprises peuvent littéralement acheter des changements de politique en finançant des campagnes présidentielles, sommes-nous encore une démocratie ? Ou sommes-nous une ploutocratie où le pouvoir politique est à vendre au plus offrant ? Les défenseurs de Trump pourraient argumenter que ce n’est pas différent des dons de campagne normaux. Les entreprises et les individus donnent de l’argent aux candidats qui soutiennent des politiques favorables à leurs intérêts. C’est ainsi que fonctionne la politique américaine depuis toujours. Mais il y a une différence cruciale. Dans les dons de campagne normaux, il y a au moins une apparence de séparation entre le don et la politique. Les candidats ne disent pas explicitement : « Donnez-moi de l’argent et je changerai cette politique spécifique. » Ils parlent de leurs positions politiques générales, et les donateurs choisissent de soutenir les candidats dont les positions correspondent à leurs intérêts. C’est toujours problématique, mais c’est au moins indirect. Ce que Trump a fait à Mar-a-Lago était direct et explicite. Selon les rapports, il a littéralement dit aux dirigeants pétroliers : levez un milliard de dollars, et j’inverserai les réglementations de Biden. C’est un quid pro quo sans ambiguïté. C’est exactement le type de transaction que les lois anti-corruption sont censées empêcher. Le fait que cette transaction ait eu lieu avant que Trump ne soit élu ne la rend pas légale. Au contraire, cela pourrait la rendre plus problématique parce que cela suggère que Trump vendait des promesses de politique future en échange de financement de campagne. C’est essentiellement de la corruption préventive.
Les conséquences environnementales
Au-delà des questions juridiques, le dîner de Mar-a-Lago a des conséquences réelles pour l’environnement et la santé publique. Les réglementations environnementales que Trump a promises d’éliminer n’étaient pas des règles arbitraires conçues pour ennuyer l’industrie pétrolière. C’étaient des protections basées sur la science, conçues pour réduire la pollution, combattre le changement climatique et protéger la santé publique. En éliminant ces réglementations, Trump a effectivement sacrifié l’environnement et la santé de millions d’Américains pour un milliard de dollars de financement de campagne. C’est un calcul cynique qui valorise l’argent politique au-dessus du bien-être public. Les dirigeants pétroliers qui ont participé à ce dîner savaient exactement ce qu’ils faisaient. Ils achetaient non seulement un changement de politique, mais aussi l’assurance que leurs entreprises pourraient continuer à polluer sans contrainte. Ils investissaient dans leur capacité future à maximiser les profits aux dépens de l’environnement. Du point de vue commercial, c’était probablement un bon investissement. Un milliard de dollars pour éliminer des réglementations qui leur coûtaient des milliards en conformité et en opportunités perdues. Mais du point de vue de l’intérêt public, c’était une catastrophe. Wolf, dans sa carrière de procureur et de juge, a traité sérieusement l’influence illégale de l’argent sur les décisions officielles. Il a poursuivi et condamné des fonctionnaires qui ont accepté des pots-de-vin beaucoup plus petits que un milliard de dollars. Il a envoyé des gens en prison pour avoir vendu leur influence pour des dizaines de milliers de dollars. Maintenant, il regarde le président des États-Unis vendre des changements de politique pour un milliard de dollars, et personne ne fait rien. L’hypocrisie doit être insupportable pour lui.
Le dîner de Mar-a-Lago illustre également comment Trump a transformé la politique américaine en une série de transactions commerciales. Pour lui, tout est négociable. Tout a un prix. Les réglementations environnementales ? Un milliard de dollars. L’accès au président ? Un million de dollars pour sa cryptomonnaie. La protection contre les poursuites ? Investissez dans ses entreprises. Cette marchandisation du pouvoir politique est profondément corrosive pour la démocratie. Elle transforme le gouvernement d’un mécanisme pour servir l’intérêt public en un mécanisme pour enrichir le président et ses alliés. Elle crée un système où les décisions politiques sont prises non pas en fonction de ce qui est bon pour le pays, mais en fonction de ce qui est bon pour les finances de Trump. Wolf comprend que ce système est insoutenable. Une démocratie ne peut pas fonctionner lorsque le pouvoir politique est ouvertement à vendre. Tôt ou tard, le public perd confiance dans le gouvernement. Les gens commencent à croire que le système est truqué contre eux — parce qu’il l’est. Cette perte de confiance est dangereuse. Elle alimente le cynisme, l’apathie et, finalement, l’instabilité politique. C’est pourquoi Wolf a démissionné. Il refuse de participer à un système qui a abandonné toute prétention d’intégrité. Il refuse de prétendre que la justice existe encore lorsque le président lui-même se moque ouvertement de la loi. Sa démission est un acte de protestation, mais aussi un avertissement : si nous ne restaurons pas l’intégrité du gouvernement, nous perdrons la démocratie elle-même.
Le dîner de Mar-a-Lago me hante parce qu’il est si… transactionnel. Si froid. Si calculé. Trump ne se cache même pas. Il dit ouvertement : donnez-moi un milliard, je change la politique. Et les dirigeants pétroliers disent : d’accord, marché conclu. Comme s’ils négociaient un contrat immobilier. Sauf qu’ils ne négocient pas un immeuble. Ils négocient l’avenir de la planète. Ils négocient la qualité de l’air que nos enfants respireront. Ils négocient la température des océans, la fréquence des ouragans, la survie des espèces. Et tout ça pour un milliard de dollars. C’est le prix de notre avenir. Un milliard de dollars. Ça me rend malade.
Section 10 : l'héritage d'Edward Levi et la restauration de la justice
Les leçons du passé
Dans sa lettre, Wolf revient à plusieurs reprises sur l’influence d’Edward Levi, le procureur général qui a restauré l’intégrité du département de la Justice après le scandale du Watergate. Levi représente pour Wolf un modèle de ce que devrait être un procureur général : brillant, honnête, non-partisan, et dévoué à la protection des droits des citoyens plutôt qu’à la protection du président. La déclaration de Levi lors de sa cérémonie d’investiture — « rien ne peut plus affaiblir la qualité de vie ou mettre en péril la réalisation des objectifs que nous chérissons tous que notre incapacité à montrer clairement par nos paroles et nos actes que notre loi n’est pas un instrument à des fins partisanes » — est devenue le credo de Wolf. C’est cette philosophie qui a guidé sa carrière de quarante ans sur le banc. Et c’est cette philosophie qui est maintenant violée quotidiennement par l’administration Trump. La comparaison entre Levi et Pam Bondi, l’actuelle procureure générale de Trump, ne pourrait pas être plus frappante. Levi a été choisi précisément parce qu’il n’avait aucun lien avec Nixon et aucune loyauté politique envers lui. Son travail était de restaurer la confiance dans le département de la Justice en démontrant qu’il était indépendant du président. Bondi, en revanche, a été choisie précisément à cause de sa loyauté envers Trump. Elle a défendu Trump pendant sa première procédure de destitution. Elle a attaqué publiquement les enquêtes sur Trump. Elle a clairement indiqué qu’elle considère son rôle comme celui de protéger le président, pas de faire respecter la loi de manière impartiale. Cette différence reflète un changement fondamental dans la façon dont les présidents américains conçoivent le rôle du procureur général. Pour Ford et Levi, le procureur général était le gardien de l’État de droit, indépendant du président. Pour Trump et Bondi, le procureur général est l’avocat personnel du président, chargé de poursuivre ses ennemis et de protéger ses amis.
Wolf se souvient d’avoir organisé la cérémonie d’investiture de Levi et d’avoir été présent lorsque Levi a prononcé son discours historique. Cette expérience a profondément marqué le jeune Wolf. Il a vu de première main comment un homme intègre pouvait restaurer la confiance dans une institution discréditée. Il a appris que l’intégrité n’est pas seulement une vertu personnelle, mais une nécessité institutionnelle. Sans elle, les institutions gouvernementales perdent leur légitimité et leur capacité à fonctionner. Pendant les deux années où Wolf a servi comme assistant spécial de Levi, il a observé comment Levi appliquait ses principes dans la pratique. Levi a établi des directives claires pour les enquêtes du FBI afin d’empêcher les abus comme ceux commis sous Hoover. Il a insisté pour que les décisions de poursuites soient basées sur les preuves et la loi, pas sur des considérations politiques. Il a protégé l’indépendance des procureurs contre les pressions politiques. Ces réformes ont fonctionné. À la fin du mandat de Levi, le département de la Justice avait largement restauré sa réputation d’intégrité. Les Américains pouvaient à nouveau croire que la justice serait administrée équitablement, sans égard pour les affiliations politiques. Cette restauration n’était pas automatique. Elle a nécessité un leadership courageux, des réformes institutionnelles et un engagement ferme envers les principes plutôt que la partisanerie. Wolf a passé sa carrière à essayer de maintenir cet héritage. En tant que procureur, il a poursuivi la corruption sans égard pour les affiliations politiques des accusés. En tant que juge, il a rendu des décisions basées sur la loi, pas sur ses préférences personnelles. Il a incarné les principes que Levi avait articulés cinquante ans plus tôt. Maintenant, il regarde ces principes être systématiquement détruits par l’administration Trump.
Peut-on restaurer la justice une deuxième fois ?
La question qui hante Wolf — et qui devrait hanter tous les Américains — est la suivante : si la démocratie américaine survit à Trump, pourra-t-elle être restaurée comme elle l’a été après Nixon ? Ou les dégâts seront-ils trop profonds, trop systémiques pour être réparés ? Après Nixon, la restauration était possible parce que les institutions fondamentales étaient encore intactes. Le Congrès a fonctionné. Les tribunaux ont fonctionné. Le département de la Justice, une fois Levi nommé, a fonctionné. Les médias ont fonctionné. La société civile a fonctionné. Ces institutions ont travaillé ensemble pour tenir Nixon responsable et restaurer les normes démocratiques. Aujourd’hui, beaucoup de ces institutions sont affaiblies ou compromises. Le Congrès est paralysé par la partisanerie. La Cour suprême a une majorité idéologique qui semble plus intéressée par l’avancement d’un programme politique que par la défense de la Constitution. Le département de la Justice est devenu un outil de vengeance présidentielle. Les médias sont fragmentés et polarisés. La société civile est divisée. Dans ce contexte, la restauration sera beaucoup plus difficile. Il ne suffira pas de nommer un nouveau procureur général intègre comme Levi. Il faudra reconstruire des institutions entières. Il faudra restaurer les normes qui ont été détruites. Il faudra reconquérir la confiance publique qui a été perdue. Wolf comprend l’ampleur de ce défi. C’est pourquoi il a démissionné non pas pour prendre sa retraite, mais pour rejoindre la lutte pour restaurer la démocratie américaine. Il écrit : « Je démissionne afin de parler, de soutenir les litiges et de travailler avec d’autres individus et organisations dédiés à la protection de l’État de droit et de la démocratie américaine. J’ai également l’intention de plaider en faveur des juges qui ne peuvent pas parler publiquement pour eux-mêmes. »
Cette décision reflète une compréhension réaliste de la situation. Wolf sait qu’il ne peut pas faire grand-chose en tant que juge individuel. Les décisions qu’il rendrait seraient probablement annulées par la Cour suprême. Ses opinions seraient ignorées par l’administration Trump. Son influence serait limitée. Mais en démissionnant, il peut parler librement. Il peut témoigner devant le Congrès. Il peut écrire des articles d’opinion. Il peut rejoindre des organisations de défense des droits. Il peut utiliser sa crédibilité et son expertise pour éduquer le public sur les dangers de l’autoritarisme. Il peut devenir une voix pour les juges qui sont toujours liés par les règles éthiques qui limitent leurs déclarations publiques. Wolf cite Robert F. Kennedy, qui a dit en mille neuf cent soixante-six à propos de la fin de l’apartheid en Afrique du Sud : « Chaque fois qu’un homme défend un idéal, ou agit pour améliorer le sort des autres, ou lutte contre l’injustice, il envoie une petite ondulation d’espoir. » Assez de ces ondulations peuvent devenir un raz-de-marée. Wolf espère que sa démission sera une de ces ondulations. Il espère qu’elle inspirera d’autres personnes — juges, avocats, fonctionnaires, citoyens ordinaires — à prendre position contre l’autoritarisme de Trump. Il espère que collectivement, ces actes individuels de courage créeront un mouvement suffisamment puissant pour restaurer la démocratie américaine. C’est un espoir fragile, mais c’est tout ce qu’il a. Et comme il le note en citant le poète Seamus Heaney, parfois « le raz-de-marée tant attendu de la justice peut se lever, et l’espoir et l’histoire riment. » Wolf veut faire tout ce qu’il peut pour que ce soit un tel moment.
L’héritage de Levi me donne de l’espoir et me brise le cœur en même temps. L’espoir, parce qu’il prouve que la restauration est possible. Que même après un scandale aussi grave que le Watergate, les institutions peuvent être réparées. Que l’intégrité peut être restaurée. Mais le cœur brisé, parce que je me demande si nous avons encore les ressources morales et institutionnelles pour une telle restauration. Levi a pu réussir parce que suffisamment de gens — y compris des républicains — ont mis le pays avant le parti. Avons-nous encore ce type de personnes aujourd’hui ? Ou sommes-nous trop divisés, trop cyniques, trop épuisés pour faire le travail difficile de restauration démocratique ?
Section 11 : le travail international de Wolf et la honte américaine
Quand l’Amérique perd son statut de modèle
Pendant trente-cinq ans, Wolf a voyagé dans le monde entier pour parler du rôle des juges américains dans la sauvegarde de la démocratie, la protection des droits de l’homme et la lutte contre la corruption. Il a travaillé dans des pays dirigés par des kleptocrates — Russie, Chine, Turquie — où les dirigeants emprisonnent leurs opposants politiques, suppriment les médias indépendants, interdisent la liberté d’expression et contrecarrent tous les efforts pour établir un système judiciaire indépendant. Dans ces pays, Wolf représentait l’espoir. Il était la preuve vivante qu’un système judiciaire indépendant était possible. Que les juges pouvaient tenir les puissants responsables. Que l’État de droit pouvait triompher de la corruption. Les gens qu’il a rencontrés — juges courageux, avocats dévoués, étudiants en droit idéalistes — ont été inspirés par l’exemple américain. Ils ont risqué leur liberté, leur carrière, parfois leur vie, pour essayer de créer dans leurs propres pays ce que l’Amérique avait : un système judiciaire qui protège les droits et limite le pouvoir. Wolf mentionne spécifiquement trois personnes qui l’ont inspiré : des juges impartiaux qui ont été emprisonnés en Turquie, un brillant jeune avocat russe qui a été accusé d’être un espion et forcé à l’exil, et un étudiant en droit vénézuélien qui a presque perdu la vue d’un œil en manifestant contre le gouvernement oppressif de son pays. Ces personnes courageuses partagent ce qui ont historiquement été les convictions de la nation américaine. Maintenant, Wolf doit leur expliquer que l’Amérique elle-même abandonne ces convictions. C’est une position humiliante pour un pays qui s’est longtemps présenté comme le phare de la démocratie dans le monde. Comment Wolf peut-il continuer à parler de l’indépendance judiciaire américaine lorsque le président américain attaque publiquement les juges et appelle à leur destitution ? Comment peut-il parler de la lutte américaine contre la corruption lorsque le président américain utilise ouvertement son poste pour s’enrichir ? Comment peut-il parler de la protection américaine des droits de l’homme lorsque l’administration américaine expulse des immigrants sans procédure régulière ?
La réponse est qu’il ne peut plus le faire de manière crédible. L’Amérique a perdu son autorité morale. Elle ne peut plus prétendre être un modèle de démocratie lorsqu’elle-même glisse vers l’autoritarisme. Cette perte de statut moral a des conséquences géopolitiques réelles. Pendant des décennies, l’Amérique a utilisé son exemple démocratique comme un outil de soft power. Elle a encouragé d’autres pays à adopter des réformes démocratiques en montrant que la démocratie fonctionne. Elle a soutenu les mouvements pro-démocratie dans le monde entier en leur offrant l’Amérique comme preuve que leurs efforts en valaient la peine. Maintenant, les autocrates du monde entier peuvent pointer du doigt l’Amérique et dire : « Vous voyez ? Même les États-Unis ne peuvent pas maintenir la démocratie. Même eux ont un président qui attaque les juges, poursuit ses opposants politiques et utilise son pouvoir pour s’enrichir. Pourquoi devrions-nous être différents ? » Cette rhétorique est déjà utilisée. Vladimir Poutine a régulièrement cité les problèmes démocratiques américains pour justifier son propre autoritarisme. Xi Jinping utilise le dysfonctionnement américain pour argumenter que le système chinois est supérieur. Les autocrates du monde entier se réjouissent de voir l’Amérique perdre son statut de modèle démocratique. Wolf comprend que cette perte de crédibilité internationale affaiblit non seulement l’influence américaine, mais aussi les mouvements pro-démocratie dans le monde entier. Les militants qui risquent leur vie pour la démocratie dans leurs pays regardent l’Amérique et se demandent : pourquoi devrions-nous nous battre pour quelque chose que même l’Amérique ne peut pas maintenir ? Cette démoralisation est dangereuse. Elle pourrait conduire à une vague mondiale de recul démocratique alors que les gens perdent foi dans la viabilité de la démocratie elle-même.
La responsabilité envers le monde
Wolf ressent profondément cette responsabilité envers les personnes qu’il a rencontrées dans son travail international. Il a encouragé ces personnes à se battre pour la démocratie. Il leur a dit que l’Amérique les soutenait. Il leur a montré que c’était possible. Maintenant, il se sent obligé de continuer à se battre, même après avoir quitté le banc, parce qu’il ne peut pas abandonner ces personnes. Il ne peut pas leur dire : « Désolé, l’Amérique a abandonné les principes que je vous ai encouragés à défendre. » Au lieu de cela, il veut montrer que même si le gouvernement américain a abandonné ces principes, il y a encore des Américains — juges, avocats, citoyens — qui continuent à se battre pour eux. Sa démission est en partie un message à ces personnes : vous n’êtes pas seuls. Il y a encore des gens en Amérique qui croient en la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme. Nous n’avons pas tous abandonné. Cette dimension internationale de la lutte de Wolf est souvent négligée dans les discussions sur la démocratie américaine. Nous avons tendance à penser à la démocratie comme une question purement domestique. Mais l’Amérique a longtemps joué un rôle de leadership dans la promotion de la démocratie dans le monde. Lorsque l’Amérique abandonne ce rôle, cela a des répercussions mondiales. Les autocrates sont enhardis. Les démocrates sont découragés. Les institutions internationales qui soutiennent la démocratie et les droits de l’homme sont affaiblies. Wolf a passé des décennies à construire des relations avec des juges et des avocats du monde entier. Il a aidé à créer des réseaux internationaux de professionnels du droit dédiés à la lutte contre la corruption et à la promotion de l’État de droit. Il a été un leader dans les efforts pour établir une cour internationale anti-corruption. Tout ce travail est maintenant menacé par l’exemple négatif que l’Amérique donne sous Trump. Comment Wolf peut-il plaider pour une cour internationale anti-corruption lorsque le président américain lui-même est impliqué dans une corruption flagrante ?
Malgré ces défis, Wolf refuse d’abandonner. Il croit toujours que la lutte en vaut la peine. Il cite la phrase de Robert Kennedy sur les « ondulations d’espoir » qui peuvent devenir un raz-de-marée. Il croit que chaque acte individuel de résistance compte. Que chaque personne qui défend les principes démocratiques envoie un signal aux autres qu’ils ne sont pas seuls. Que collectivement, ces actes peuvent créer un mouvement suffisamment puissant pour inverser la marée autoritaire. Cette foi dans le pouvoir de l’action individuelle est touchante, surtout venant d’un homme de soixante-dix-huit ans qui a déjà consacré toute sa vie au service public. Wolf pourrait facilement prendre sa retraite, profiter de ses petits-enfants, et laisser les problèmes du monde à la génération suivante. Au lieu de cela, il choisit de continuer à se battre. Il choisit de risquer sa réputation, son confort et sa sécurité pour défendre des principes auxquels il croit. C’est un exemple puissant de courage civique. Wolf montre que l’âge n’est pas une excuse pour l’inaction. Que le fait d’avoir déjà servi pendant quarante ans ne vous dispense pas de continuer à servir si la situation l’exige. Que parfois, les moments les plus importants de votre vie viennent à la fin, pas au début. Sa démission et son engagement continu à se battre pour la démocratie sont un défi pour tous les Américains, en particulier ceux qui ont les ressources, l’expertise et la plateforme pour faire une différence. Si un juge de soixante-dix-huit ans est prêt à sacrifier sa carrière pour défendre la démocratie, que sommes-nous prêts à faire ?
Le travail international de Wolf me touche profondément. Parce qu’il me rappelle que la démocratie américaine n’est pas seulement importante pour les Américains. Elle est importante pour le monde entier. Des gens dans des pays autoritaires regardent l’Amérique et y voient de l’espoir. Ils se disent : si l’Amérique peut avoir une démocratie fonctionnelle, peut-être que nous le pouvons aussi. Et maintenant, nous sommes en train de détruire cet espoir. Nous sommes en train de prouver aux autocrates qu’ils avaient raison. Que la démocratie ne fonctionne pas. Que l’État de droit est une illusion. Que le pouvoir est tout ce qui compte. C’est notre héritage. C’est ce que nous léguons au monde. La honte me submerge.
Conclusion : l'appel à l'action de Wolf
Un homme seul contre le système
Mark Wolf n’est qu’un homme. Un juge parmi des centaines. Un Américain parmi des millions. Sa démission, aussi courageuse soit-elle, ne changera pas à elle seule le cours de l’histoire américaine. Trump continuera à abuser de son pouvoir. Ses alliés continueront à le protéger. Ses partisans continueront à le soutenir. Le système continuera à s’effondrer. Wolf le sait. Il n’est pas naïf. Il ne croit pas que sa démission à elle seule sauvera la démocratie américaine. Mais il croit que son action, combinée aux actions d’autres personnes courageuses, peut créer un mouvement. Il croit aux « ondulations d’espoir » de Robert Kennedy. Il croit que « l’espoir et l’histoire peuvent rimer » comme l’a écrit Seamus Heaney. Il croit que même face à des obstacles apparemment insurmontables, il vaut la peine de se battre. Cette foi est admirable, mais elle soulève également une question troublante : est-elle justifiée ? Avons-nous des raisons de croire que la résistance à Trump réussira ? Ou Wolf se bat-il pour une cause perdue ? L’histoire offre des raisons d’espérer et de désespérer. D’un côté, les démocraties ont survécu à des crises graves par le passé. L’Amérique a survécu à la guerre civile, à la Grande Dépression, au Watergate. D’autres démocraties ont survécu à des tentatives de coups d’État, à des scandales de corruption, à des leaders autoritaires. Les institutions démocratiques, bien que fragiles, ont une certaine résilience. D’un autre côté, de nombreuses démocraties ont également échoué. L’Allemagne de Weimar s’est transformée en dictature nazie. L’Italie démocratique est devenue fasciste. Plus récemment, la Hongrie et la Pologne ont glissé vers l’autoritarisme malgré leur appartenance à l’Union européenne. La Turquie, autrefois considérée comme un modèle de démocratie musulmane, est maintenant une autocratie. Le Venezuela, autrefois la démocratie la plus stable d’Amérique latine, est maintenant une dictature. Ces exemples montrent que la démocratie n’est jamais garantie. Elle peut être perdue, même dans des pays avec des traditions démocratiques établies.
Wolf comprend ce danger. C’est pourquoi il parle d’une « menace existentielle pour la démocratie. » Il ne s’agit pas d’hyperbole politique. C’est une évaluation sobre de la situation par quelqu’un qui a passé sa vie à étudier les institutions démocratiques et à lutter contre la corruption. Wolf voit les mêmes schémas en Amérique qu’il a vus dans les pays autoritaires où il a travaillé : un leader qui se place au-dessus de la loi, des institutions affaiblies, une opposition intimidée, des médias attaqués, un système judiciaire sous pression. Ce sont les signes avant-coureurs de l’effondrement démocratique. La question est : est-il trop tard pour inverser la tendance ? Wolf croit que non, mais il reconnaît que le temps presse. Chaque jour qui passe sans résistance efficace, Trump consolide son pouvoir. Chaque norme démocratique qui est violée sans conséquences devient plus facile à violer la prochaine fois. Chaque institution qui est affaiblie devient plus difficile à restaurer. Le processus de déclin démocratique s’accélère. C’est pourquoi Wolf a agi maintenant. Il ne pouvait pas attendre. Il ne pouvait pas rester silencieux plus longtemps. Il devait prendre position, même si cette position semble solitaire et vulnérable. Sa démission est un appel à d’autres pour qu’ils le rejoignent. Il ne peut pas sauver la démocratie seul. Personne ne le peut. Mais si suffisamment de gens — juges, avocats, fonctionnaires, citoyens ordinaires — prennent position, collectivement ils peuvent faire une différence. C’est l’espoir de Wolf. C’est pourquoi il a sacrifié sa carrière. Il veut inspirer d’autres à agir.
Que pouvons-nous faire ?
La lettre de Wolf se termine par un appel implicite à l’action. Il ne dit pas explicitement ce que les autres devraient faire, mais son exemple parle de lui-même. Il montre qu’il est possible de prendre position, même à un coût personnel élevé. Il montre que le silence n’est pas une option lorsque la démocratie est en danger. Il montre que chacun de nous a une responsabilité d’agir selon ses moyens. Pour les juges et les avocats, cela pourrait signifier rendre des décisions courageuses, même face à l’intimidation. Cela pourrait signifier rejoindre des organisations de défense des droits. Cela pourrait signifier parler publiquement lorsque c’est approprié. Pour les fonctionnaires, cela pourrait signifier refuser d’exécuter des ordres illégaux ou immoraux. Cela pourrait signifier devenir des lanceurs d’alerte lorsque vous êtes témoin de corruption. Cela pourrait signifier démissionner plutôt que de participer à des abus. Pour les citoyens ordinaires, cela pourrait signifier s’informer sur ce qui se passe. Cela pourrait signifier voter et encourager les autres à voter. Cela pourrait signifier soutenir les organisations qui défendent la démocratie. Cela pourrait signifier manifester, appeler vos représentants, écrire des lettres, partager des informations. Cela pourrait signifier simplement refuser de normaliser l’anormal. Refuser d’accepter que la corruption est juste « de la politique comme d’habitude. » Refuser de hausser les épaules face aux abus de pouvoir. Refuser de détourner le regard lorsque les droits sont violés. Wolf ne peut pas nous dire exactement quoi faire. Chacun doit décider pour lui-même comment contribuer à la défense de la démocratie. Mais son exemple nous montre que l’inaction n’est pas acceptable. Que le silence est une forme de complicité. Que nous avons tous une responsabilité d’agir, même si nos actions semblent petites et insignifiantes.
La démission de Wolf nous rappelle également que la démocratie n’est pas quelque chose que nous pouvons tenir pour acquis. Elle nécessite un entretien constant. Elle nécessite la vigilance de citoyens engagés. Elle nécessite des institutions fortes et des leaders intègres. Lorsque ces choses manquent, la démocratie s’effondre. Nous sommes à un moment critique de l’histoire américaine. Les décisions que nous prenons maintenant — collectivement et individuellement — détermineront si la démocratie américaine survit ou si elle rejoint la longue liste des démocraties qui ont échoué. Wolf a fait son choix. Il a choisi de se battre. Il a choisi de sacrifier sa carrière pour défendre les principes auxquels il croit. Il a choisi l’espoir plutôt que le désespoir, l’action plutôt que la résignation. Maintenant, c’est à nous de faire nos propres choix. Allons-nous suivre l’exemple de Wolf ? Allons-nous prendre position, même à un coût personnel ? Allons-nous nous battre pour préserver la démocratie américaine ? Ou allons-nous rester silencieux, espérant que quelqu’un d’autre résoudra le problème ? L’histoire nous jugera sur ces choix. Nos enfants et petits-enfants nous demanderont : qu’avez-vous fait lorsque la démocratie était en danger ? Qu’avez-vous fait lorsque l’État de droit était attaqué ? Qu’avez-vous fait lorsque les institutions s’effondraient ? Quelle sera notre réponse ? Wolf a donné la sienne. Il a démissionné d’un poste qu’il aimait pour pouvoir se battre pour quelque chose de plus important. C’est un acte de courage extraordinaire. C’est aussi un défi pour nous tous. Si un homme de soixante-dix-huit ans qui a déjà donné quarante ans de sa vie au service public est prêt à continuer à se battre, que sommes-nous prêts à faire ?
Je termine cet article avec un sentiment de tristesse mêlée d’admiration. Tristesse parce que nous en sommes arrivés là. Parce qu’un juge fédéral doit démissionner pour pouvoir dénoncer la corruption présidentielle. Parce que les institutions que nous pensions solides se révèlent si fragiles. Parce que la démocratie américaine, ce phare qui a inspiré le monde entier, est en train de s’éteindre sous nos yeux. Mais aussi admiration pour Mark Wolf. Pour son courage. Pour son intégrité. Pour son refus de se taire. Il aurait pu finir sa carrière tranquillement. Il aurait pu profiter de sa retraite. Il aurait pu se dire que ce n’était plus son problème. Mais il a choisi de se battre. À soixante-dix-huit ans, il a choisi de tout risquer pour défendre des principes auxquels il croit. C’est héroïque. C’est inspirant. Et c’est aussi profondément triste. Parce que ça ne devrait pas être nécessaire. Dans une démocratie fonctionnelle, un juge ne devrait pas avoir à démissionner pour pouvoir dénoncer la corruption. Dans une démocratie fonctionnelle, les institutions feraient leur travail. Le Congrès enquêterait. Le département de la Justice poursuivrait. Les médias exposeraient. Le public exigerait des comptes. Mais nous ne vivons plus dans une démocratie fonctionnelle. Nous vivons dans quelque chose d’autre. Quelque chose qui ressemble de plus en plus à une autocratie. Et Mark Wolf, cet homme de loi intègre qui a consacré sa vie à la justice, nous le dit. Il nous crie dessus. Il nous supplie d’écouter. Allons-nous l’entendre ? Ou allons-nous continuer à scroller sur nos téléphones, indifférents, pendant que la démocratie meurt ?
Sources
Sources primaires
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Benavides-Colón, Amelia. « Reagan-Appointed Federal Judge Resigns to Speak Freely Against Trump. » NOTUS, 9 novembre 2025. https://www.notus.org/courts/ronald-reagan-appointed-federal-judge-resign-quit-trump
U.S. Marshals Service. « Protective Investigations and Threat Statistics. » Consulté en novembre 2025. https://www.usmarshals.gov/what-we-do/judicial-security/protective-investigations-threat-statistics
Sources secondaires
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The Hill. « Reagan judges surface as unfiltered assessors of Trump. » 14 novembre 2025. https://thehill.com/regulation/court-battles/5624281-reagan-judges-surface-as-unfiltered-assessors-of-trump/
Politico. « These Reagan judges have had it with Trump. » 14 novembre 2025. https://www.politico.com/newsletters/west-wing-playbook-remaking-government/2025/11/14/these-reagan-judges-have-had-it-with-trump-00652617
PBS NewsHour. « Prominent conservative judge resigns, calling Trump ‘uniquely dangerous.' » Novembre 2025. https://www.pbs.org/newshour/show/prominent-conservative-judge-resigns-calling-trump-uniquely-dangerous
Bloomberg Law. « Reagan Judges Are Unrestrained Critics of Trump’s Legal Moves. » Novembre 2025. https://news.bloomberglaw.com/us-law-week/reagan-judges-are-unrestrained-critics-of-trumps-legal-moves
Reuters. « Trump aide Homan accepted $50,000 in bribery sting operation, sources say. » 21 septembre 2025. https://www.reuters.com/world/us/trump-aide-homan-accepted-50000-bribery-sting-operation-sources-say-2025-09-21/
The New York Times. « The ‘Wild Card’ in the Comey and James Cases: Will Judges Pick Sides? » 25 novembre 2025. https://www.nytimes.com/2025/11/25/us/politics/comey-james-cases-next-steps.html
CNN. « Federal judge dismisses indictments against Letitia James and James Comey. » 24 novembre 2025. https://www.cnn.com/2025/11/24/politics/james-comey-letitia-james-indictments-dismissed
Reuters. « Inside the Trump family’s global crypto cash machine. » 28 octobre 2025. https://www.reuters.com/investigations/inside-trump-familys-global-crypto-cash-machine-2025-10-28/
CNBC. « Tron founder Justin Sun says he’s the top $TRUMP meme coin holder. » 20 mai 2025. https://www.cnbc.com/2025/05/20/justin-sun-trump-dinner.html
Wikipedia. « 2025 dismissals of U.S. inspectors general. » Consulté en novembre 2025. https://en.wikipedia.org/wiki/2025_dismissals_of_U.S._inspectors_general
NPR. « Trump fires independent inspectors general at several agencies. » 25 janvier 2025. https://www.npr.org/2025/01/25/g-s1-44771/trump-fires-inspectors-general
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Heaney, Seamus. « The Cure at Troy. » 1990. https://besharamagazine.org/newsandviews/poems-for-these-times-14/