La chronologie d’une double frappe meurtrière
Revenons aux faits bruts de cette journée du 2 septembre 2025. Un avion de surveillance américain repère une embarcation dans les eaux internationales de la mer des Caraïbes, au large de Trinidad-et-Tobago. À bord, onze personnes. Les analystes du renseignement, observant depuis des centres de commandement, deviennent de plus en plus convaincus que le bateau transporte de la drogue. Selon le New York Times, le bateau avait modifié sa trajectoire et semblait avoir fait demi-tour avant le début de l’attaque — un détail crucial qui soulève des questions sur l’imminence de la menace. Mais l’ordre est donné. Pete Hegseth, le secrétaire à la Défense, aurait émis une directive verbale : « L’ordre était de tuer tout le monde. » Un premier missile est lancé. L’explosion déchire le bateau, le transformant en brasier flottant. Les commandants, regardant le flux vidéo en direct d’un drone, attendent que la fumée se dissipe. Et là, ils découvrent deux survivants accrochés à l’épave fumante. Deux hommes qui ont miraculeusement échappé à la première frappe, désormais naufragés, sans défense, luttant pour rester en vie dans les débris de leur embarcation détruite.
C’est à ce moment précis que l’opération bascule dans l’illégalité manifeste. Lors d’une conférence téléphonique sécurisée, l’amiral Bradley ordonne une seconde frappe pour se conformer aux instructions de Hegseth. Sa justification ? Les survivants pouvaient théoriquement appeler d’autres trafiquants pour venir les récupérer, eux et leur cargaison. Un second missile est tiré. Les deux hommes sont « pulvérisés dans l’eau », selon les termes utilisés par les sources du Washington Post. L’administration Trump annoncera plus tard que onze personnes ont été tuées dans l’attaque, sans mentionner la nature de la seconde frappe ni le fait qu’elle visait des naufragés sans défense. Hegseth, s’adressant aux journalistes après l’opération, déclare avec une fierté non dissimulée : « Nous avons fumé un bateau de drogue, et il y a onze narcoterroristes au fond de l’océan, et quand d’autres essaieront de faire ça, ils connaîtront le même sort. » Cette rhétorique martiale, cette déshumanisation des victimes en « narcoterroristes », cette célébration d’une exécution sommaire — tout cela révèle une mentalité profondément troublante au sein de l’appareil sécuritaire américain sous l’administration Trump.
Les révélations qui font trembler Washington
Pendant près de trois mois, cette opération reste dans l’ombre, classée parmi les nombreuses frappes que l’administration Trump a menées contre des bateaux présumés transporteurs de drogue dans les Caraïbes et le Pacifique. Depuis septembre 2025, plus de 80 personnes ont été tuées dans ces opérations, chaque annonce des autorités américaines étant généralement accompagnée de vidéos granuleuses mais sans preuve du trafic de drogue allégué, et avec peu de détails sur l’identité des personnes à bord de chaque embarcation. L’administration justifie ces frappes en invoquant l’autodéfense, affirmant qu’elle détruit des bateaux transportant des drogues illicites vers les États-Unis. Mais le week-end de Thanksgiving, tout change. Le Washington Post et CNN publient des rapports explosifs révélant que Hegseth aurait donné un ordre verbal de « tuer tout le monde » lors de la frappe initiale du 2 septembre, et que les forces spéciales américaines auraient tué deux survivants naufragés accrochés aux débris de leur bateau. Ces révélations déclenchent une onde de choc à Washington, suscitant des réactions bipartisanes au Congrès et relançant le débat sur la légalité de l’ensemble de la campagne militaire de Trump contre les narcotrafiquants présumés.
Les détails rapportés sont glaçants. Deux sources ayant une connaissance directe de l’opération confirment que Hegseth a ordonné au militaire de s’assurer que la frappe tue tout le monde à bord avant l’opération, mais il n’est pas clair s’il savait qu’il y avait des survivants avant la seconde frappe. Bradley, selon ces mêmes sources, a dit aux personnes présentes lors de la conférence téléphonique sécurisée que les survivants restaient des cibles légitimes parce qu’ils pouvaient théoriquement appeler d’autres trafiquants pour venir les récupérer. Il a ordonné la seconde frappe pour accomplir la directive de Hegseth selon laquelle tout le monde devait être tué. Cette logique — tuer des naufragés parce qu’ils pourraient appeler des renforts — est juridiquement indéfendable. Le droit international humanitaire protège les naufragés, qu’ils soient civils ou combattants, dès lors qu’ils sont hors de combat. La Convention de Genève II de 1949 établit un cadre juridique pour le traitement humain et la protection des victimes de conflits armés en mer, exigeant que les parties au conflit respectent et protègent les personnes « en mer qui sont blessées, malades ou naufragées ». Les parties à un conflit sont tenues, après chaque engagement et sans délai, de « prendre toutes les mesures possibles pour rechercher et recueillir les naufragés, les blessés et les malades », sans discrimination entre leur propre personnel et celui de l’ennemi.
Quand j’ai lu ces révélations pour la première fois, j’ai ressenti un mélange de colère et de tristesse. Colère parce que des hommes en position d’autorité ont délibérément violé des lois établies depuis des décennies pour protéger la dignité humaine même en temps de guerre. Tristesse parce que cette affaire révèle à quel point nous avons normalisé la violence extrajudiciaire dans notre « guerre contre la drogue », au point de ne même plus reconnaître quand nous franchissons des lignes rouges morales et juridiques. Ces deux hommes tués dans la seconde frappe n’étaient peut-être pas des saints. Peut-être transportaient-ils effectivement de la cocaïne. Mais cela ne justifie pas leur exécution sommaire alors qu’ils étaient naufragés et sans défense. Dans une société de droit, même les criminels présumés ont droit à un procès, à une défense, à la présomption d’innocence. Nous avons abandonné ces principes au nom d’une efficacité brutale qui nous rapproche dangereusement des régimes autoritaires que nous prétendons combattre.
Section 3 : la défense impossible de la Maison Blanche
Karoline Leavitt et la rhétorique de la légalité
Face à la tempête médiatique et politique, la Maison Blanche a choisi la stratégie de la contre-attaque plutôt que celle de la transparence. Lundi 1er décembre 2025, la porte-parole Karoline Leavitt a confirmé lors d’un point presse que le secrétaire à la Défense Pete Hegseth avait autorisé les frappes, mais elle a nié qu’il ait donné un ordre explicite de « tuer tout le monde », comme le rapportait le Washington Post. « L’amiral Bradley a agi bien dans le cadre de son autorité et de la loi pour s’assurer que le bateau était détruit et que la menace pour les États-Unis d’Amérique était éliminée », a déclaré Leavitt aux journalistes. Cette formulation soigneusement calibrée tente de déplacer la responsabilité de Hegseth vers Bradley, tout en affirmant que les actions de ce dernier étaient légales. Mais cette défense ne tient pas la route face aux faits rapportés et aux principes juridiques établis. Si Bradley a effectivement ordonné la seconde frappe contre des naufragés sans défense, il a violé le droit international, les manuels militaires américains et les Conventions de Genève — que l’opération se soit déroulée dans le contexte d’un conflit armé ou non.
Leavitt a également tenté de justifier l’ensemble de la campagne militaire en affirmant que le président Donald Trump et Hegseth « ont clairement indiqué que les groupes narcoterroristes désignés par le président sont sujets à un ciblage létal conformément aux lois de la guerre ». Cette affirmation soulève plusieurs problèmes juridiques majeurs. Premièrement, les États-Unis ne sont pas en conflit armé avec des cartels de la drogue ou des gangs criminels dans l’hémisphère occidental. Il n’y a pas de conflit armé international parce qu’il n’y a ni hostilités entre États ni le degré requis de contrôle étatique sur les cartels de drogue présumés opérant les bateaux. Et il n’y a pas de conflit armé non international, à la fois parce que les cartels concernés ne se qualifient pas comme des groupes armés organisés au sens du droit des conflits armés, et parce qu’il n’y avait pas d’hostilités entre les États-Unis et les cartels le 2 septembre, et encore moins des hostilités atteignant le niveau d’intensité requis pour franchir le seuil du conflit armé. Deuxièmement, même si l’on acceptait l’argument de l’administration selon lequel un ou plusieurs « conflits armés non internationaux » existent entre les États-Unis et 24 organisations en Amérique latine — une position juridiquement indéfendable — cela ne changerait rien au fait que tuer des naufragés sans défense est strictement interdit par le droit des conflits armés.
Trump se distancie prudemment de l’affaire
Le président Trump, pour sa part, a adopté une posture de distance prudente vis-à-vis de l’incident. Interrogé par des journalistes à bord d’Air Force One dimanche 30 novembre sur la question de savoir si une hypothétique seconde frappe serait illégale, Trump a répondu : « Numéro un, je ne sais pas que cela s’est produit. Et Pete a dit qu’il ne voulait pas qu’ils — il ne savait même pas de quoi les gens parlaient. Donc, nous allons examiner ça, nous allons nous pencher dessus. » Il a ajouté que la frappe initiale « était bien », mais qu’il « n’aurait pas voulu » une seconde frappe. « La première frappe était très létale, c’était bien, et s’il y avait deux personnes autour. Mais [Hegseth] a dit que cela ne s’est pas produit. J’ai une grande confiance en lui », a déclaré Trump. « Je vais me renseigner à ce sujet », a-t-il ajouté. « Mais Pete a dit qu’il n’a pas ordonné la mort de ces deux hommes. » Cette réponse révèle une stratégie classique de Trump : nier la connaissance des faits tout en défendant son subordonné, créant ainsi une distance plausible tout en maintenant la loyauté politique. Mais cette posture devient de plus en plus difficile à tenir face à l’accumulation de témoignages et de preuves.
Jeudi 28 novembre, Trump avait déjà averti que les efforts américains pour stopper le trafic de drogue vénézuélien « par voie terrestre » commenceraient « très bientôt », signalant une possible escalade de la campagne militaire. Cette déclaration intervient dans un contexte où l’administration Trump a considérablement élargi sa présence militaire dans les Caraïbes, dans le cadre de ce qu’elle appelle une opération antinarcotiques. Mais les experts juridiques et les anciens responsables militaires sont de plus en plus nombreux à exprimer leurs inquiétudes. Des sénateurs des deux partis ont exprimé leur préoccupation face aux rapports sur l’incident du 2 septembre et ont promis des examens congressionnels des frappes. Les démocrates, dont la sénatrice Jacky Rosen du Nevada, ont déclaré que Hegseth devrait démissionner s’il a ordonné une frappe contre les deux personnes. « Si les rapports sont vrais, Pete Hegseth a probablement commis un crime de guerre lorsqu’il a donné un ordre illégal qui a conduit au meurtre de survivants incapacités de la frappe américaine dans les Caraïbes », a déclaré Rosen, qui siège au Comité des services armés, dans une déclaration où elle a également appelé à une enquête approfondie.
La réaction de Trump me fascine et me désole à la fois. Fascine parce qu’elle illustre parfaitement sa capacité à naviguer dans les scandales en créant un brouillard de dénis et de contre-récits. Désole parce qu’elle montre un mépris total pour la vérité et la responsabilité. « Je ne sais pas que cela s’est produit » — vraiment ? Le commandant en chef des forces armées américaines ne sait pas qu’une opération militaire controversée a eu lieu sous son autorité ? Cette ignorance affichée est soit un mensonge, soit une admission d’incompétence. Dans les deux cas, c’est inacceptable. Et cette tentative de rejeter la responsabilité sur Bradley tout en le défendant comme un « héros » révèle une hypocrisie qui me révolte. Si Bradley a agi illégalement, il doit en répondre. Mais il n’a pas agi seul. Il a suivi des ordres, ou du moins une directive générale de « tuer tout le monde ». La chaîne de commandement remonte jusqu’à Hegseth et, ultimement, jusqu’à Trump. Ils ne peuvent pas se cacher derrière un amiral tout en prétendant qu’il a agi de manière autonome.
Section 4 : le Congrès exige des comptes
Une mobilisation bipartisane rare
L’une des dimensions les plus remarquables de cette affaire est la réaction bipartisane qu’elle a suscitée au Congrès. Dans un climat politique profondément polarisé, il est rare de voir des républicains et des démocrates s’unir pour exiger des comptes à l’administration. Pourtant, c’est exactement ce qui se passe avec l’affaire Bradley. Le week-end suivant les révélations, le Comité des services armés du Sénat a annoncé qu’il « mènerait une surveillance vigoureuse pour déterminer les faits » liés aux frappes du 2 septembre. Le président républicain du comité, le sénateur Roger Wicker, a déclaré lundi que les législateurs prévoyaient d’interroger « l’amiral qui était en charge de l’opération ». Il a ajouté qu’ils cherchaient également à obtenir des enregistrements audio et vidéo pour « voir quels étaient les ordres ». Cette demande de transparence est cruciale, car jusqu’à présent, l’administration n’a publié que des vidéos granuleuses des frappes, sans fournir de preuves du trafic de drogue allégué ni de détails sur l’identité des personnes tuées.
Le Comité des services armés de la Chambre des représentants a également déclaré qu’il dirigerait une « action bipartisane pour recueillir un compte rendu complet de l’opération en question ». Le président du Joint Chiefs of Staff, un organe composé des officiers militaires américains de plus haut rang, a rencontré les comités des services armés de la Chambre et du Sénat au cours du week-end. Les discussions ont porté sur les opérations dans la région et « l’intention et la légalité des missions visant à perturber les réseaux de trafic illicite », a déclaré le groupe. Le sénateur démocrate Mark Warner de Virginie a annoncé que Bradley devait briefer le Comité du renseignement du Sénat la semaine suivante sur la frappe de suivi de septembre, qui a suscité un examen bipartisan important. Warner a déclaré que lui et le président du Comité du renseignement du Sénat, Tom Cotton, un républicain de l’Arkansas, discutaient de la question et qu’il s’attendait à avoir une conversation préliminaire cette semaine avec Bradley. « Nous devons aller au fond de cette affaire », a-t-il déclaré, appelant l’administration Trump à publier une vidéo non éditée de la frappe pour aider à déterminer « si ces individus étaient dans l’eau, sur le bateau, toujours combattants ou non ».
Les démocrates dénoncent un possible crime de guerre
Les démocrates du Comité des services armés, dont beaucoup ont servi dans l’armée, avaient déjà demandé que Hegseth et la procureure générale Pam Bondi publient publiquement l’avis écrit du Bureau du conseiller juridique qui exposait la base juridique des frappes, car certains experts avaient soulevé des inquiétudes quant au fait qu’elles pourraient être illégales. La sénatrice Jacky Rosen a été particulièrement virulente dans sa condamnation. « Si les rapports sont vrais, Pete Hegseth a probablement commis un crime de guerre lorsqu’il a donné un ordre illégal qui a conduit au meurtre de survivants incapacités de la frappe américaine dans les Caraïbes », a-t-elle déclaré dans un communiqué où elle a également appelé à une enquête approfondie. Cette accusation de crime de guerre est juridiquement complexe, car elle présuppose l’existence d’un conflit armé — ce qui n’est pas le cas ici. Cependant, l’esprit de la critique de Rosen est juste : tuer des naufragés sans défense est une violation grave du droit international, qu’on l’appelle crime de guerre ou exécution extrajudiciaire.
Le représentant démocrate Ted Lieu de Californie, un ancien avocat militaire (JAG), a été encore plus direct. « Tuer des survivants naufragés est un crime de guerre », a-t-il déclaré, faisant référence aux protections accordées aux naufragés par les Conventions de Genève. Lieu a souligné que les règles d’engagement dans les conflits armés — telles qu’énoncées dans les Conventions de Genève — interdisent le ciblage de participants blessés, stipulant que ces participants devraient plutôt être appréhendés et soignés. Cette position est soutenue par de nombreux experts juridiques et anciens responsables militaires. Un groupe de travail d’anciens juges-avocats généraux (JAG) a publié une déclaration affirmant que l’ordre de Hegseth constituait un « déni de quartier » — c’est-à-dire une instruction de ne laisser aucun survivant — ce qui est strictement interdit par le droit des conflits armés depuis plus d’un siècle. L’ancien secrétaire à la Défense Leon Panetta a déclaré qu’il ne pensait pas « qu’il y ait une quelconque justification » pour la frappe américaine sur le bateau de drogue présumé, ajoutant que les actions rapportées soulevaient de sérieuses questions juridiques et éthiques.
Cette mobilisation bipartisane me donne un peu d’espoir, même si je reste sceptique quant à sa capacité à produire de réels changements. Trop souvent, nous avons vu des scandales militaires ou sécuritaires susciter une indignation initiale, suivie d’enquêtes qui s’enlisent dans la bureaucratie et finissent par ne rien produire de concret. Mais il y a quelque chose de différent cette fois-ci. Peut-être est-ce la clarté brutale des faits : deux hommes naufragés, sans défense, tués délibérément sur ordre. Peut-être est-ce le fait que même des républicains traditionnellement pro-militaires reconnaissent que quelque chose ne va pas. Ou peut-être est-ce simplement que nous avons atteint un point de rupture où même les plus cyniques d’entre nous ne peuvent plus ignorer la dérive autoritaire de cette administration. Quoi qu’il en soit, je veux croire que cette affaire marquera un tournant, qu’elle forcera une réévaluation de notre approche militariste de la « guerre contre la drogue », qu’elle rappellera à nos dirigeants que même en temps de guerre, il existe des limites morales et juridiques infranchissables.
Section 5 : le droit international bafoué
Les Conventions de Genève et la protection des naufragés
Pour comprendre pleinement la gravité juridique de l’affaire Bradley, il faut revenir aux fondements du droit international humanitaire. Les Conventions de Genève de 1949, ratifiées par 196 États dont les États-Unis, établissent les règles fondamentales du droit des conflits armés. La Convention de Genève II traite spécifiquement de l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer. L’article 12 stipule que « les membres des forces armées et les autres personnes mentionnées à l’article suivant, qui se trouvent en mer et qui sont blessés, malades ou naufragés, devront être respectés et protégés en toutes circonstances ». Cette protection s’applique sans distinction de nationalité, de race, de religion ou d’opinion politique. Les parties à un conflit sont tenues, après chaque engagement et sans délai, de « prendre toutes les mesures possibles pour rechercher et recueillir les naufragés, les blessés et les malades, pour les protéger contre le pillage et les mauvais traitements et pour leur assurer les soins nécessaires ». Il n’y a aucune exception à cette règle basée sur la possibilité que les naufragés puissent appeler des renforts ou s’échapper.
Le droit coutumier international, tel que compilé par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans son étude sur le droit international humanitaire coutumier, confirme que l’interdiction d’attaquer les personnes hors de combat s’applique dans les conflits armés internationaux et non internationaux. La règle 47 stipule : « Il est interdit d’attaquer des personnes reconnues comme étant hors de combat. Est hors de combat toute personne : (a) qui est au pouvoir d’une partie adverse ; (b) qui est sans défense du fait qu’elle a perdu connaissance, qu’elle a fait naufrage ou qu’elle a été blessée ou malade ; ou (c) qui a clairement exprimé son intention de se rendre ; à condition qu’elle s’abstienne de tout acte d’hostilité et ne tente pas de s’évader. » Les naufragés tombent clairement dans la catégorie (b) — ils sont sans défense du fait qu’ils ont fait naufrage. Le Manuel du Département de la Défense sur le droit de la guerre est tout aussi explicite : « Les combattants naufragés incluent ceux qui ont fait naufrage de quelque cause que ce soit… Les personnes qui ont été incapacitées par… un naufrage sont dans un état d’impuissance, et il serait déshonorant et inhumain d’en faire l’objet d’une attaque. Pour recevoir une protection en tant que hors de combat, la personne doit être totalement incapable de combattre. »
L’interdiction du déni de quartier
Au-delà de la protection spécifique des naufragés, l’ordre rapporté de Hegseth de « tuer tout le monde » viole une autre règle fondamentale du droit des conflits armés : l’interdiction du déni de quartier. Cette interdiction, établie depuis plus d’un siècle, interdit de mener des hostilités sur la base qu’il ne doit y avoir aucun survivant, ou de menacer l’adversaire du déni de quartier. Le statut de cette interdiction a été établi bien avant la Seconde Guerre mondiale. Elle s’applique dans les conflits armés internationaux et non internationaux en tant que droit coutumier international. Le Code Lieber de 1863, qui régissait la conduite de l’armée de l’Union pendant la guerre civile américaine, interdisait déjà le déni de quartier. Les Conventions de La Haye de 1899 et 1907 l’ont codifié dans le droit international. Le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1977 stipule à l’article 40 : « Il est interdit d’ordonner qu’il n’y ait pas de survivants, d’en menacer l’adversaire ou de conduire les hostilités en fonction de cette décision. » Le Protocole additionnel II, qui s’applique aux conflits armés non internationaux, contient une disposition similaire à l’article 4.
Le Manuel du Département de la Défense sur le droit de la guerre est catégorique : « Il est… interdit de mener des hostilités sur la base qu’il ne doit y avoir aucun survivant, ou de menacer l’adversaire du déni de quartier. Cette règle est basée sur des considérations à la fois humanitaires et militaires. » Le manuel souligne en outre que la règle « s’applique également pendant les conflits armés non internationaux ». Un essai de 2023 de Michael Schmitt et du lieutenant-colonel John Tramazzo, publié par le Lieber Institute de West Point, a examiné un ordre de « tuer tout le monde » émis par le chef du Groupe Wagner russe et a conclu qu’il constituait une violation claire du droit international. Les auteurs ont parcouru tous les textes pertinents, du Code Lieber à nos jours, démontrant que l’interdiction du déni de quartier est l’une des règles les plus anciennes et les plus universellement reconnues du droit des conflits armés. Si l’ordre de Hegseth était effectivement de « tuer tout le monde », comme le rapportent deux sources ayant une connaissance directe de l’opération, il constituait un déni de quartier manifeste — une violation flagrante du droit international qui ne peut être excusée par aucune considération opérationnelle ou stratégique.
Ce qui me frappe dans cette analyse juridique, c’est la clarté absolue des règles violées. Il ne s’agit pas d’une zone grise du droit international, d’une interprétation contestée ou d’une situation ambiguë. Les règles sont claires, anciennes, universellement reconnues. Tuer des naufragés est interdit. Ordonner qu’il n’y ait pas de survivants est interdit. Ces interdictions existent depuis plus d’un siècle, elles sont enseignées dans toutes les académies militaires, elles sont inscrites dans les manuels de l’armée américaine elle-même. Alors comment en sommes-nous arrivés là ? Comment des officiers supérieurs, formés à ces règles, ont-ils pu les violer si ouvertement ? La réponse, je le crains, réside dans une culture de l’impunité qui s’est développée au fil des décennies de « guerre contre le terrorisme ». Nous avons tellement normalisé les frappes de drones, les opérations secrètes, les exécutions ciblées, que nous avons perdu de vue les principes fondamentaux qui sont censés guider notre conduite même en temps de guerre.
Section 6 : les précédents historiques qui condamnent Bradley
L’affaire du Llandovery Castle en 1921
L’histoire du droit international humanitaire offre des précédents clairs qui condamnent les actions rapportées dans l’affaire Bradley. Le cas le plus emblématique est celui du Llandovery Castle, jugé en 1921 par la Cour impériale de justice allemande. En juin 1918, un sous-marin allemand avait coulé le Llandovery Castle, un navire-hôpital canadien. Le commandant du sous-marin prétendait qu’il pensait que le navire transportait des aviateurs américains. Après avoir coulé le navire, l’équipage du sous-marin a ouvert le feu sur les survivants qui se trouvaient dans des canots de sauvetage. En condamnant les accusés pour avoir tiré sur les survivants, la cour a noté qu’à ce moment-là, l’interdiction internationale de tuer les survivants d’une attaque maritime était manifeste. « Le tir sur les canots était une infraction au droit des nations. Dans la guerre terrestre, tuer des ennemis désarmés n’est pas autorisé (comparez les règlements de La Haye sur la guerre terrestre, paragraphe 23(c)), de même dans la guerre maritime, tuer des personnes naufragées qui se sont réfugiées dans des canots de sauvetage est interdit », a déclaré la cour.
La cour a ensuite abordé la question cruciale de l’ordre supérieur comme défense. Les accusés prétendaient qu’ils ne faisaient que suivre les ordres de leur commandant. La cour a rejeté cet argument de manière catégorique : « Il est certainement à invoquer en faveur des subordonnés militaires qu’ils ne sont pas obligés de remettre en question l’ordre de leur officier supérieur, et qu’ils peuvent compter sur sa légalité. Mais une telle confiance ne peut être considérée comme existante si un tel ordre est universellement connu de tout le monde, y compris les accusés, comme étant sans aucun doute contraire à la loi. Cela n’arrive que dans des cas rares et exceptionnels. Mais ce cas en était précisément un, car dans la présente instance, il était parfaitement clair pour les accusés que tuer des personnes sans défense dans les canots de sauvetage ne pouvait être rien d’autre qu’une violation de la loi… Ils auraient donc dû refuser d’obéir. Comme ils ne l’ont pas fait, ils doivent être punis. » Cette décision établit un principe fondamental : les ordres manifestement illégaux doivent être refusés, et l’obéissance à de tels ordres ne constitue pas une défense valable.
Le procès du Peleus en 1945
Un autre précédent historique crucial est le procès du Peleus de 1945. Un tribunal militaire britannique siégeant à Hambourg a examiné un incident de mars 1944 au cours duquel un sous-marin allemand avait coulé le Peleus, un navire grec affrété par le ministère britannique des Transports de guerre. Sur ordre du commandant allemand Heinz Eck, les membres de l’équipage du sous-marin ont tiré à la mitrailleuse et lancé des grenades sur les membres d’équipage du Peleus qui avaient survécu à la première attaque mais étaient naufragés dans l’eau. Le procureur et le juge-avocat (qui à l’époque servait de conseiller juridique de la cour) se sont tous deux appuyés sur l’affaire du Llandovery Castle. En réponse à l’argument des accusés invoquant l’ordre supérieur, le juge-avocat a déclaré : « Le devoir d’obéir est limité à l’observation d’ordres qui sont légaux. Il ne peut y avoir de devoir d’obéir à ce qui n’est pas un ordre légal… Il est tout à fait évident qu’aucun marin et aucun soldat ne peut transporter avec lui une bibliothèque de droit international, ou avoir un accès immédiat à un professeur dans ce domaine qui peut lui dire si une commande particulière est légale ou non. »
Cependant, le juge-avocat a poursuivi en soulignant que dans certains cas, l’illégalité d’un ordre est si évidente qu’aucune expertise juridique n’est nécessaire pour la reconnaître : « S’il s’agissait d’un cas qui impliquait l’examen attentif de questions de droit international quant à savoir si la commande de tirer sur des survivants impuissants luttant dans l’eau était légale, vous pourriez bien penser qu’il ne serait pas juste de tenir les accusés subordonnés dans cette affaire responsables de ce qu’ils sont accusés d’avoir fait ; mais n’est-il pas assez évident pour vous que si en fait l’exécution de la commande d’Eck impliquait le meurtre de ces survivants impuissants, ce n’était pas une commande légale, et que cela devait être évident pour l’intelligence la plus rudimentaire que ce n’était pas une commande légale, et que ceux qui ont effectué ce tir ne doivent pas être excusés de l’avoir fait au motif d’ordres supérieurs ? » La cour a condamné Eck et deux autres accusés à mort, un autre à la prison à vie, et le cinquième accusé à 15 ans de prison. Ces précédents historiques établissent sans ambiguïté que tuer des naufragés est un crime grave, et que l’ordre supérieur ne constitue pas une défense lorsque l’illégalité de l’ordre est manifeste.
Ces cas historiques me hantent parce qu’ils montrent que nous avons déjà été confrontés à ces questions, que nous avons déjà établi les règles, que nous avons déjà jugé et condamné ceux qui les ont violées. Et pourtant, ici nous sommes, en 2025, face à une situation presque identique. Des naufragés tués sur ordre. Des subordonnés qui obéissent à des ordres manifestement illégaux. Des supérieurs qui tentent de se cacher derrière la rhétorique de la « sécurité nationale » et de la « lutte contre le terrorisme ». L’histoire se répète, mais cette fois, c’est l’Amérique qui joue le rôle du violateur, pas l’Allemagne nazie. Cette réalisation me remplit d’une tristesse profonde. Nous nous sommes toujours considérés comme les gardiens de l’ordre international, les défenseurs des droits humains, les champions de la justice. Mais cette affaire révèle que nous sommes prêts à abandonner ces principes dès qu’ils deviennent inconfortables ou gênants pour nos objectifs politiques.
Section 7 : le devoir de désobéir aux ordres illégaux
Les manuels militaires américains sont explicites
L’un des aspects les plus troublants de l’affaire Bradley est que les manuels militaires américains eux-mêmes sont parfaitement clairs sur le devoir de refuser les ordres manifestement illégaux. Le Manuel du Département de la Défense sur le droit de la guerre de 2023 souligne l’obligation en donnant, comme exemple paradigmatique, un ordre de tuer des personnes naufragées. « L’exigence de refuser de se conformer aux ordres de commettre des violations du droit de la guerre s’applique aux ordres d’effectuer une conduite qui est clairement illégale ou aux ordres que le subordonné sait, en fait, être illégaux. Par exemple, les ordres de tirer sur les naufragés seraient clairement illégaux », stipule le manuel. Le manuel met cependant en garde : « Les subordonnés ne sont pas tenus de filtrer les ordres des supérieurs pour des points de légalité discutables, et peuvent, en l’absence de connaissance spécifique du contraire, présumer que les ordres ont été émis légalement. » Mais dans les cas clairs, le devoir s’attache. Comme l’explique le Manuel pour les cours martiales, la présomption générale qu’un ordre peut être déduit comme étant légal « ne s’applique pas à un ordre manifestement illégal, tel qu’un qui ordonne la commission d’un crime ».
Une explication encore plus granulaire du devoir de refuser les ordres illégaux est fournie dans le Commander’s Handbook on the Law of Naval Operations de la Navy, des Marines et des Coast Guards. « Tout le personnel naval a le devoir de se conformer au droit des conflits armés de bonne foi ; d’empêcher les violations par d’autres dans toute la mesure de leurs capacités ; et de refuser de se conformer aux ordres clairement illégaux de commettre des violations du droit des conflits armés. Le personnel naval a l’obligation affirmative de signaler rapidement les violations dont il prend connaissance. Lorsque cela est approprié, le personnel naval devrait poser des questions par les canaux appropriés et consulter le conseiller juridique du commandement sur les questions relatives au droit des conflits armés. Le personnel naval devrait adhérer aux règlements, procédures et formations, car ces politiques et matériels doctrinaux ont été examinés pour leur cohérence avec le droit des conflits armés. Les commandements et ordres ne devraient pas être compris comme autorisant implicitement des violations du droit des conflits armés lorsque d’autres interprétations sont raisonnablement disponibles », précise le manuel.
Le Code uniforme de justice militaire
Le Code uniforme de justice militaire (UCMJ) renforce ce principe en stipulant que refuser d’obéir à un ordre illégal n’est pas une infraction dans les forces armées américaines. En vertu de l’UCMJ, une infraction se produit si l’accusé : « (1) viole ou ne parvient pas à obéir à tout ordre général ou règlement légal ; (2) ayant connaissance de tout autre ordre légal émis par tout membre des forces armées, qu’il est de son devoir d’obéir, ne parvient pas à obéir à l’ordre ; ou (3) est négligent dans l’exécution de ses devoirs » (article 92). Il s’agit également d’une infraction si un membre des forces armées « désobéit volontairement à un commandement légal de son officier supérieur commissionné » (article 90). Ainsi, le fait qu’un ordre soit illégal empêche la condamnation pour sa violation. Donc, bien que les ordres puissent généralement être présumés légaux, s’ils sont clairement illégaux, le personnel militaire américain a l’obligation affirmative de les refuser et ne peut être poursuivi pour l’avoir fait. Ces devoirs suivent le droit international coutumier, car, comme l’a affirmé le Comité international de la Croix-Rouge, en vertu du droit des conflits armés, « chaque combattant a le devoir de désobéir à un ordre manifestement illégal » (étude du CICR sur le DIH coutumier, règle 154).
L’affaire United States v. Calley de 1971 est le cas de référence reflétant ce principe dans la jurisprudence américaine. Elle concernait le meurtre de 22 enfants, femmes et personnes âgées dans le village sud-vietnamien de My Lai. Le lieutenant Calley prétendait qu’il obéissait à un ordre parce qu' »on lui avait enseigné la doctrine de l’obéissance tout au long de sa carrière militaire » et qu’il « agissait dans l’ignorance des lois de la guerre ». La Cour d’appel militaire des États-Unis a jugé que « l’obéissance d’un soldat n’est pas l’obéissance d’un automate. Un soldat est un agent raisonnant, obligé de répondre, non pas comme une machine, mais comme une personne. La loi prend ces facteurs en compte pour évaluer la responsabilité pénale des actes commis en conformité avec des ordres illégaux. Les actes d’un subordonné commis en conformité avec un ordre illégal qui lui a été donné par son supérieur sont excusés et n’imposent aucune responsabilité pénale sur lui à moins que l’ordre du supérieur soit un ordre qu’un homme de sens et de compréhension ordinaires saurait, dans les circonstances, être illégal, ou si l’ordre en question est effectivement connu de l’accusé comme étant illégal. » Ainsi, il est illégal d’obéir à un ordre illégal, et le simple fait de suivre des ordres clairement illégaux ne fournit aucune défense.
Cette clarté juridique me donne à la fois de l’espoir et du désespoir. Espoir parce qu’elle montre que le système juridique américain reconnaît l’importance du jugement moral individuel, même dans une structure hiérarchique comme l’armée. Désespoir parce qu’elle révèle que tous ces garde-fous — les manuels, les formations, les précédents juridiques — n’ont pas suffi à empêcher Bradley et ses subordonnés de commettre l’acte qu’ils ont commis. Combien de fois Bradley a-t-il été formé à ces règles au cours de ses 33 années de service ? Combien de fois a-t-il lu ou enseigné que tirer sur des naufragés est l’exemple paradigmatique d’un ordre manifestement illégal ? Et pourtant, quand le moment est venu, il a donné l’ordre. Cela me force à me demander : à quoi servent toutes ces règles si elles peuvent être si facilement ignorées quand elles deviennent inconfortables ?
Section 8 : l'application du droit international des droits humains
Pourquoi le droit des conflits armés ne s’applique pas
Il est crucial de comprendre que, malgré les affirmations de l’administration Trump, le droit des conflits armés (LOAC) ne s’appliquait pas aux frappes du 2 septembre 2025, car les États-Unis ne sont pas en conflit armé avec des cartels de la drogue ou des gangs criminels dans l’hémisphère occidental. Il n’y a pas de conflit armé international parce qu’il n’y a ni hostilités entre États ni le degré requis de contrôle étatique sur les cartels de drogue présumés opérant les bateaux. Et il n’y a pas de conflit armé non international, à la fois parce que les cartels concernés ne se qualifient pas comme des groupes armés organisés au sens du LOAC, et parce qu’il n’y avait pas d’hostilités entre les États-Unis et les cartels le 2 septembre, et encore moins des hostilités atteignant le niveau d’intensité requis pour franchir le seuil du conflit armé. Pour qu’un conflit armé non international existe, il doit y avoir des hostilités prolongées entre des forces gouvernementales et des groupes armés organisés, ou entre de tels groupes. Les cartels de la drogue, aussi violents et organisés soient-ils, ne sont pas des groupes armés au sens du droit international humanitaire. Ils sont des organisations criminelles dont l’objectif principal est le profit, pas le contrôle territorial ou le renversement d’un gouvernement.
L’administration Trump a notifié le Congrès, déclaré publiquement et enregistré dans des mémorandums juridiques et opérationnels qu’elle croit qu’un ou plusieurs « conflits armés non internationaux » existent entre les États-Unis et 24 organisations en Amérique latine. Cette position est juridiquement indéfendable et a été rejetée par de nombreux experts en droit international. Même si l’on acceptait cet argument — ce qui serait une erreur — cela ne changerait rien au fait que tuer des naufragés sans défense est strictement interdit par le droit des conflits armés. Cependant, le devoir de refuser des ordres clairement illégaux — tels qu’un ordre de commettre un crime — n’est pas limité aux situations de conflit armé auxquelles le LOAC s’applique. Le rejet d’une défense d’ordre supérieur n’est pas non plus restreint aux crimes de guerre. En fait, les règles plus restrictives du droit international des droits humains (DIDH) s’appliquaient à la place. Comme l’ont expliqué deux des auteurs de cet article (Schmitt et Goodman, avec le co-auteur Marko Milanovic), « il n’y a absolument aucun doute que les frappes létales américaines sur les bateaux constituent une violation du droit international des droits humains ».
Les frappes comme exécutions extrajudiciaires
Le droit international des droits humains est généralement un régime juridique plus restrictif pour l’usage de la force militaire que le droit des conflits armés. En particulier, le LOAC permet de cibler les membres des forces armées, y compris les membres de groupes armés organisés, en fonction de leur statut, et d’autres personnes si et tant qu’elles « participent directement aux hostilités », ce qui englobe plus que la conduite d’attaques. En revanche, le ciblage basé sur le statut en dehors d’un conflit armé est interdit. Les actes ouvrant la porte à l’usage de la force contre un individu sont généralement limités aux situations où il pose une menace imminente de mort ou de lésions corporelles graves. Si les ordres de Hegseth et Bradley et la frappe qui a suivi avaient été des violations du LOAC dans un conflit armé non international, ils auraient, a fortiori, violé le droit des droits humains en tant que droit de l’application de la loi en temps de paix. En ce qui concerne les frappes létales américaines sur des bateaux présumés transporteurs de drogue en question ici, il n’y a « absolument aucun doute que les frappes létales américaines sur les bateaux constituent une violation du droit international des droits humains ».
La norme largement acceptée pour l’arbitraire interdit l’usage de la force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves « sauf en légitime défense ou en défense d’autrui contre la menace imminente de mort ou de blessure grave, pour empêcher la perpétration d’un crime particulièrement grave impliquant une grave menace pour la vie, pour arrêter une personne présentant un tel danger et résistant à leur autorité, ou pour empêcher son évasion, et seulement lorsque des moyens moins extrêmes sont insuffisants pour atteindre ces objectifs » (Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois ; voir aussi le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, Observation générale 36, paragraphe 12). Si l’absence d’une menace imminente de mort ou de blessure grave de la part d’individus soupçonnés de trafic de drogue en mer (très probablement ici, transportant de la cocaïne du Venezuela vers un point de transbordement pour une distribution ultérieure en Europe) est évidente en ce qui concerne la campagne dans son ensemble, elle l’est doublement en ce qui concerne un bateau qui, comme cela a été rapporté, avait fait demi-tour avant la frappe américaine. Il est encore plus manifestement évident qu’il s’agit d’une privation arbitraire du droit à la vie — c’est-à-dire un meurtre — de tirer sur les survivants naufragés de cette frappe, comme cela a maintenant été rapporté.
Cette analyse juridique me laisse avec un sentiment de colère froide. Non seulement l’administration Trump a violé le droit international en menant ces frappes, mais elle a ensuite tenté de justifier ses actions en prétendant faussement qu’elle était en conflit armé avec des cartels de la drogue. C’est une manipulation cynique du droit international, une tentative de s’approprier les règles plus permissives du droit des conflits armés pour couvrir ce qui est, en réalité, une série d’exécutions extrajudiciaires. Et le plus révoltant, c’est que cette stratégie semble fonctionner auprès d’une partie du public américain. Combien de personnes, en entendant parler de « narcoterroristes » tués dans une « opération antinarcotiques », se posent la question de savoir si ces personnes avaient droit à un procès, à une défense, à la présomption d’innocence ? Combien réalisent que nous avons abandonné les principes fondamentaux de l’État de droit au nom d’une « guerre contre la drogue » qui n’a jamais été et ne sera jamais une véritable guerre au sens juridique du terme ?
Section 9 : les implications pour les militaires américains
Une culture de l’impunité dangereuse
L’affaire Bradley a des implications profondes pour la culture et la discipline au sein des forces armées américaines. Si l’administration Trump réussit à défendre Bradley et Hegseth, si aucune conséquence ne suit ces violations flagrantes du droit international, cela enverra un message dévastateur à tous les militaires américains : les règles ne comptent pas vraiment, l’obéissance aveugle est valorisée au-dessus du jugement moral, et vous pouvez violer le droit international sans craindre de sanctions tant que vous prétendez agir au nom de la « sécurité nationale ». Cette culture de l’impunité est extrêmement dangereuse, non seulement pour les victimes potentielles de futures opérations militaires, mais aussi pour les militaires américains eux-mêmes. Comme l’a souligné le sénateur Mark Warner, il doit savoir si ses électeurs déployés depuis Norfolk en Virginie vers les Caraïbes sont placés dans des « positions dangereuses ou illégales ». Les militaires américains ont le droit de savoir que leurs supérieurs ne leur donneront pas d’ordres illégaux qui pourraient les exposer à des poursuites pénales, soit devant des tribunaux américains, soit devant des juridictions étrangères ou internationales.
Des craintes grandissent au sein de l’armée concernant les ordres illégaux après que Hegseth a autorisé la frappe controversée. Plusieurs militaires et anciens responsables de la défense ont exprimé leurs inquiétudes quant au fait que l’incident pourrait créer un précédent dangereux. L’ancien secrétaire de l’Air Force Frank Kendall a déclaré que Bradley « serait traduit en cour martiale » dans des circonstances normales pour avoir ordonné la seconde frappe. Cette déclaration d’un ancien haut responsable de la défense est significative car elle confirme que, selon les normes militaires traditionnelles, les actions de Bradley constitueraient une violation grave justifiant une action disciplinaire sévère. Le fait que l’administration Trump le défende plutôt que de le sanctionner représente une rupture inquiétante avec les normes établies. Un groupe de travail d’anciens juges-avocats généraux a publié une déclaration affirmant que l’ordre de Hegseth constituait un « déni de quartier » et que Bradley aurait dû le refuser. Ces voix d’experts militaires et juridiques soulignent le consensus au sein de la communauté de la défense selon lequel quelque chose de profondément problématique s’est produit le 2 septembre.
Le risque de représailles contre les militaires américains
Au-delà des implications juridiques et disciplinaires internes, l’affaire Bradley crée également des risques pour les militaires américains déployés dans le monde entier. Si les États-Unis violent ouvertement le droit international en tuant des naufragés sans défense, cela affaiblit leur position morale lorsqu’ils dénoncent des violations similaires commises par d’autres pays. Cela crée également un précédent dangereux qui pourrait être invoqué par des adversaires pour justifier des traitements similaires de militaires américains capturés ou naufragés. Le droit international humanitaire repose sur un principe de réciprocité : les États respectent les règles en partie parce qu’ils s’attendent à ce que leurs adversaires fassent de même. Quand un État aussi puissant et influent que les États-Unis viole ces règles, cela érode l’ensemble du système de protection. Comme l’a souligné l’expert en droit maritime Mark Nevitt dans un article pour Just Security, « tuer des survivants naufragés n’est pas seulement illégal — cela met en danger les militaires américains ». Si les forces américaines peuvent tuer des naufragés sans conséquence, pourquoi d’autres pays ne feraient-ils pas de même avec des marins ou aviateurs américains naufragés ?
Cette préoccupation n’est pas théorique. Les États-Unis ont des milliers de militaires déployés dans des zones de conflit potentiel à travers le monde, de la mer de Chine méridionale au golfe Persique en passant par la Méditerranée orientale. Si un navire ou un avion américain était abattu et que des survivants se retrouvaient naufragés, les États-Unis voudraient qu’ils soient protégés par le droit international, pas exécutés sur place. Mais comment peuvent-ils exiger cette protection s’ils ne la respectent pas eux-mêmes ? L’affaire Bradley mine la crédibilité américaine sur ces questions et met potentiellement en danger la vie de militaires américains futurs. C’est pourquoi tant d’anciens responsables militaires et juridiques sont si préoccupés par cette affaire. Ils comprennent que les règles du droit international ne sont pas de simples abstractions académiques — ce sont des protections vitales qui peuvent faire la différence entre la vie et la mort pour les militaires sur le terrain. En violant ces règles, l’administration Trump ne fait pas preuve de force ou de détermination ; elle met en danger ses propres troupes et affaiblit les protections dont elles dépendent.
Cette dimension de l’affaire me touche particulièrement parce qu’elle révèle l’hypocrisie et la courte vue de l’administration Trump. Ils pensent qu’ils font preuve de force en « fumant des bateaux de drogue » et en tuant des « narcoterroristes ». Mais en réalité, ils affaiblissent les protections dont dépendent les militaires américains partout dans le monde. Ils créent un précédent qui pourrait être utilisé contre des marins ou aviateurs américains dans de futures confrontations. Et ils envoient un message aux adversaires potentiels des États-Unis : les Américains ne respectent pas le droit international, alors pourquoi devrions-nous le faire ? C’est une stratégie suicidaire à long terme, motivée par des considérations politiques à court terme et une rhétorique martiale qui plaît à la base électorale de Trump mais qui met en danger la sécurité nationale réelle des États-Unis.
Section 10 : le Venezuela et la géopolitique de la "guerre contre la drogue"
Maduro dénonce une agression américaine
L’affaire Bradley ne peut être comprise en dehors de son contexte géopolitique plus large : la confrontation croissante entre les États-Unis et le Venezuela sous la présidence de Nicolás Maduro. Dimanche 29 novembre, l’Assemblée nationale vénézuélienne a condamné les frappes sur les bateaux et promis de mener une « enquête rigoureuse et approfondie » sur les frappes du 2 septembre. Le gouvernement vénézuélien a accusé les États-Unis d’attiser les tensions dans la région, dans le but de renverser le gouvernement. Dans une interview accordée à BBC Newsnight lundi, le procureur général vénézuélien Tarek William Saab a déclaré que les allégations de Trump découlaient d’une « grande envie » pour les ressources naturelles du pays. Il a également appelé à un dialogue direct entre les gouvernements américain et vénézuélien, « pour dissiper l’atmosphère toxique que nous avons connue depuis juillet de l’année dernière ». Cette rhétorique vénézuélienne, bien qu’elle serve évidemment les intérêts politiques de Maduro, soulève néanmoins des questions légitimes sur les motivations réelles de la campagne militaire américaine dans les Caraïbes.
Dimanche, Trump a confirmé qu’il avait eu un bref appel téléphonique avec Maduro au cours duquel il l’avait pressé de démissionner et de quitter le Venezuela avec sa famille. Selon des rapports, lors de l’appel le mois dernier, Trump a dit à Maduro qu’il pouvait aller dans une destination de son choix, mais seulement s’il acceptait de partir immédiatement. Après son refus, Trump a posté sur les réseaux sociaux que l’espace aérien au-dessus du Venezuela devrait être considéré comme « fermé dans son intégralité ». Maduro aurait demandé l’amnistie pour ses principaux collaborateurs et qu’il soit autorisé à continuer à contrôler l’armée après avoir abandonné le gouvernement. Trump a refusé les deux demandes, selon le Miami Post et Reuters, rapports que la BBC n’a pas confirmés. Les autorités américaines ont allégué que Maduro lui-même fait partie d’une organisation « terroriste » appelée le Cartel des Soleils, qui, selon elles, comprend des responsables militaires et de sécurité vénézuéliens de haut rang impliqués dans le trafic de drogue. Maduro a nié ces allégations, les qualifiant de prétexte pour une intervention américaine.
Une escalade militaire inquiétante
Le contexte de ces frappes est une escalade militaire significative de la part des États-Unis dans la région. Depuis le début de septembre 2025, l’administration Trump a considérablement élargi sa présence militaire dans les Caraïbes, déployant des navires de guerre, des avions de surveillance et des forces spéciales dans le cadre de ce qu’elle appelle une opération antinarcotiques. Mais cette opération ressemble de plus en plus à une campagne militaire à part entière contre le Venezuela et ses alliés présumés. Trump a averti jeudi que les efforts américains pour stopper le trafic de drogue vénézuélien « par voie terrestre » commenceraient « très bientôt », signalant une possible expansion des opérations militaires au-delà des frappes maritimes. Cette menace d’opérations terrestres représenterait une escalade majeure qui pourrait conduire à un conflit armé direct avec le Venezuela. Les implications géopolitiques d’une telle escalade sont énormes : elle pourrait déstabiliser toute la région des Caraïbes et de l’Amérique latine, provoquer une crise humanitaire massive, et potentiellement entraîner d’autres puissances comme la Russie et la Chine, qui ont des intérêts au Venezuela.
L’administration Trump justifie cette escalade en affirmant que le Venezuela est devenu un narco-État contrôlé par des cartels de la drogue qui inondent les États-Unis de cocaïne et d’autres drogues illicites. Il y a certainement une part de vérité dans cette affirmation : le Venezuela est effectivement devenu une plaque tournante majeure du trafic de drogue en Amérique latine, en partie à cause de l’effondrement de ses institutions étatiques et de la corruption généralisée. Mais cela ne justifie pas une campagne militaire unilatérale qui viole le droit international et tue des dizaines de personnes sans procès ni preuve de leur culpabilité. Il existe des mécanismes légaux et diplomatiques pour lutter contre le trafic de drogue : la coopération internationale en matière d’application de la loi, les sanctions ciblées contre les individus impliqués, le soutien aux institutions judiciaires des pays affectés, et les programmes de développement alternatif pour les communautés dépendantes de la culture de drogues. Mais l’administration Trump a choisi la voie militaire, avec toutes les violations du droit international et les risques d’escalade que cela implique.
Cette dimension géopolitique de l’affaire me préoccupe énormément parce qu’elle suggère que les frappes sur les bateaux ne sont pas vraiment une question de lutte contre la drogue — elles sont un instrument de pression politique contre le régime de Maduro. Trump veut renverser Maduro, et il utilise la « guerre contre la drogue » comme prétexte pour une intervention militaire progressive. C’est une stratégie dangereuse qui rappelle les pires excès de la politique étrangère américaine en Amérique latine au XXe siècle : les coups d’État soutenus par la CIA, les interventions militaires déguisées en opérations antinarcotiques, les violations massives des droits humains justifiées au nom de la « sécurité nationale ». Nous pensions avoir appris de ces erreurs, mais apparemment non. Et le plus tragique, c’est que cette approche militariste ne résoudra pas le problème de la drogue. Elle ne fera que créer plus de violence, plus d’instabilité, plus de souffrance pour les populations civiles prises entre deux feux.
Section 11 : les voix qui s'élèvent contre l'impunité
Les anciens responsables militaires sonnent l’alarme
Face à la défense agressive de l’administration Trump, un nombre croissant d’anciens responsables militaires et de sécurité nationale élèvent la voix pour dénoncer les frappes du 2 septembre et exiger des comptes. L’ancien secrétaire à la Défense Leon Panetta, qui a servi sous le président Obama, a déclaré qu’il ne pensait pas « qu’il y ait une quelconque justification » pour la frappe américaine sur le bateau de drogue présumé. Panetta, un démocrate respecté avec une longue expérience dans les questions de sécurité nationale, a souligné que les actions rapportées soulevaient de sérieuses questions juridiques et éthiques qui ne pouvaient être balayées sous le tapis. L’ancien secrétaire de l’Air Force Frank Kendall a été encore plus direct, déclarant que Bradley « serait traduit en cour martiale » dans des circonstances normales pour avoir ordonné la seconde frappe. Cette affirmation d’un ancien haut responsable de la défense est particulièrement significative car elle confirme que, selon les normes militaires traditionnelles, les actions de Bradley constitueraient une violation grave justifiant une action disciplinaire sévère.
Un groupe de travail d’anciens juges-avocats généraux (JAG) a publié une déclaration collective affirmant que l’ordre de Hegseth constituait un « déni de quartier » et que Bradley aurait dû le refuser. Ces anciens JAG, qui ont tous servi comme les principaux conseillers juridiques de leurs branches respectives des forces armées, comprennent intimement les lois de la guerre et les obligations des militaires. Leur déclaration collective porte un poids considérable dans les débats juridiques et politiques. Ils ont souligné que le devoir de refuser des ordres manifestement illégaux n’est pas une suggestion ou une option — c’est une obligation légale et morale que tous les militaires américains doivent respecter. Le fait que Bradley ne l’ait pas fait, selon ces experts, représente un échec de leadership et de jugement qui ne peut être excusé par l’invocation de l’obéissance aux ordres supérieurs. Ces voix d’anciens responsables militaires et juridiques créent une pression croissante sur l’administration Trump et sur le Congrès pour qu’ils prennent cette affaire au sérieux et mènent une enquête approfondie et transparente.
Les experts juridiques dénoncent une violation flagrante
Au-delà des anciens responsables militaires, de nombreux experts en droit international ont également pris position pour dénoncer les frappes du 2 septembre. Michael Schmitt, professeur de droit international à l’Université de Reading et affilié au Programme sur le droit international et les conflits armés de la Harvard Law School, a co-écrit avec Ryan Goodman et Tess Bridgeman un article détaillé pour Just Security analysant les aspects juridiques de l’affaire. Leur conclusion est sans appel : « Si les faits sont tels que rapportés, il y a peu de doute que l’ordre du secrétaire Hegseth et l’ordre qui a suivi de l’amiral Bradley de mener la seconde frappe étaient illégaux, parce que le meurtre des deux survivants était une violation grave du droit international des droits humains. » Ils soulignent en outre que « les deux ordres étaient clairement illégaux. Selon le droit bien établi, ceux qui se sont conformés aux ordres ne peuvent échapper à la responsabilité pénale individuelle pour le meurtre des deux survivants dans le cas où ils seraient traduits en justice devant une cour martiale militaire américaine, un procès fédéral, ou une procédure pénale nationale dans un autre État qui a juridiction, par exemple, basée sur la nationalité des victimes. »
D’autres experts ont souligné les implications plus larges de cette affaire pour le droit international et l’ordre mondial. Marty Lederman, professeur de droit à l’Université de Georgetown, a publié une analyse exhaustive démontrant les « nombreuses façons dont la frappe des Caraïbes était illégale ». Il a examiné non seulement la seconde frappe contre les naufragés, mais aussi la légalité de la frappe initiale elle-même, concluant qu’elle violait le droit international sur plusieurs fronts. Brian Finucane et Rebecca Ingber, dans une série de podcasts pour Just Security intitulée « Meurtre en haute mer », ont exploré les dimensions juridiques, éthiques et politiques de la campagne de frappes de l’administration Trump. Leur analyse met en lumière comment ces opérations s’inscrivent dans une tendance plus large de militarisation de la politique étrangère américaine et d’érosion des normes juridiques internationales. Le consensus parmi ces experts est clair : les frappes du 2 septembre, et en particulier la seconde frappe contre les naufragés, constituent une violation flagrante du droit international qui ne peut être justifiée par aucune considération de sécurité nationale ou de lutte contre la drogue.
Ces voix d’experts me donnent un peu d’espoir, même si je reste profondément inquiet quant à leur capacité à influencer réellement la politique. Nous vivons à une époque où l’expertise est souvent méprisée, où les faits sont traités comme des opinions, où les normes juridiques internationales sont considérées comme des obstacles gênants plutôt que comme des protections essentielles. L’administration Trump a montré à maintes reprises qu’elle se soucie peu de ce que pensent les experts juridiques ou les anciens responsables militaires. Elle préfère la rhétorique martiale et les démonstrations de force aux considérations juridiques nuancées. Mais je veux croire que ces voix comptent, qu’elles créent un enregistrement historique qui sera important à long terme, qu’elles maintiennent vivante la flamme des principes juridiques et éthiques même quand ils sont violés dans la pratique. Parce que si nous abandonnons complètement ces principes, si nous acceptons que la force fait le droit, alors nous aurons perdu quelque chose de fondamental dans notre identité en tant que société démocratique et respectueuse du droit.
Section 12 : les enjeux pour l'ordre international
L’érosion des normes juridiques mondiales
L’affaire Bradley dépasse largement les frontières américaines et a des implications profondes pour l’ordre international dans son ensemble. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis se sont positionnés comme les gardiens de l’ordre juridique international, les champions des droits humains et de l’État de droit. Cette position leur a conféré une autorité morale considérable dans les affaires mondiales, même lorsque leurs actions ne correspondaient pas toujours à leurs principes déclarés. Mais l’affaire Bradley, si elle reste sans conséquence, représente une érosion dangereuse de cette autorité morale. Comment les États-Unis peuvent-ils dénoncer les violations du droit international par la Russie en Ukraine, par la Chine en mer de Chine méridionale, ou par l’Iran au Moyen-Orient, s’ils violent eux-mêmes ouvertement ces mêmes normes ? Cette hypocrisie mine la crédibilité américaine et affaiblit l’ensemble du système de droit international qui a été péniblement construit au cours des dernières décennies. Les adversaires des États-Unis ne manqueront pas d’exploiter cette affaire pour justifier leurs propres violations, en pointant du doigt l’hypocrisie américaine.
Au-delà de la question de la crédibilité, l’affaire Bradley soulève également des questions fondamentales sur l’avenir du droit international humanitaire. Si une puissance aussi influente que les États-Unis peut violer ouvertement les Conventions de Genève et les principes établis du droit des conflits armés sans faire face à des conséquences significatives, cela envoie un message dévastateur aux autres États : les règles ne s’appliquent pas vraiment, du moins pas aux puissants. Cette perception pourrait conduire à une cascade de violations par d’autres États qui se sentiraient libérés de leurs obligations internationales. Nous pourrions assister à un retour à une époque où la force faisait le droit, où les considérations humanitaires étaient subordonnées aux calculs stratégiques, où les protections accordées aux civils et aux combattants hors de combat étaient considérées comme de simples suggestions plutôt que comme des obligations juridiques contraignantes. Cette érosion des normes juridiques internationales aurait des conséquences catastrophiques pour la sécurité humaine dans le monde entier, en particulier dans les zones de conflit où les populations civiles dépendent de ces protections pour leur survie.
Le rôle des institutions internationales
Face à cette situation, le rôle des institutions internationales devient crucial. La Cour pénale internationale (CPI), bien que les États-Unis ne soient pas partie au Statut de Rome qui l’a créée, pourrait théoriquement exercer sa juridiction si l’un des États dont les ressortissants ont été tués dans les frappes du 2 septembre décidait de saisir la Cour. Cependant, la probabilité d’une telle action est faible, étant donné les pressions politiques et économiques que les États-Unis peuvent exercer sur les petits États des Caraïbes. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pourrait également établir une commission d’enquête pour examiner les allégations de violations du droit international par les États-Unis dans leur campagne contre les narcotrafiquants présumés. Mais là encore, les États-Unis ont historiquement résisté à toute forme de surveillance internationale de leurs actions militaires, et il est peu probable que l’administration Trump coopère avec une telle enquête. Les organisations non gouvernementales de défense des droits humains, comme Human Rights Watch et Amnesty International, ont un rôle important à jouer en documentant les violations et en maintenant la pression publique sur l’administration Trump.
Mais au-delà de ces mécanismes formels, c’est peut-être la société civile internationale qui a le rôle le plus important à jouer. Les citoyens du monde entier, y compris les Américains, doivent exiger que leurs gouvernements respectent le droit international et rendent des comptes pour les violations. Les médias ont la responsabilité de continuer à enquêter et à rapporter sur ces questions, même face aux pressions politiques et aux accusations de « fake news ». Les universitaires et les experts juridiques doivent continuer à analyser et à critiquer les actions gouvernementales qui violent les normes internationales. Et les militants des droits humains doivent continuer à mobiliser l’opinion publique et à exiger justice pour les victimes. C’est seulement à travers cette mobilisation collective que nous pouvons espérer maintenir vivant le projet d’un ordre international basé sur le droit plutôt que sur la force. L’affaire Bradley est un test pour ce projet. Si nous échouons à tenir l’administration Trump responsable de ces violations, nous aurons perdu bien plus qu’une bataille juridique — nous aurons perdu une partie de notre humanité collective.
Quand je pense à l’avenir de l’ordre international, je ressens un mélange de pessimisme et de détermination. Pessimisme parce que je vois clairement les forces qui travaillent à éroder les normes juridiques internationales : le nationalisme agressif, le mépris pour les institutions multilatérales, la militarisation croissante des relations internationales. Mais aussi détermination parce que je refuse d’accepter que nous soyons condamnés à un retour à la loi de la jungle. L’ordre international basé sur le droit n’est pas un luxe ou une abstraction — c’est une nécessité pour la survie de l’humanité à une époque où les défis que nous affrontons, du changement climatique aux pandémies en passant par la prolifération nucléaire, exigent une coopération internationale basée sur des règles communes. L’affaire Bradley nous rappelle brutalement que cet ordre est fragile, qu’il doit être défendu activement, et que même les démocraties établies peuvent le violer quand elles pensent que leurs intérêts à court terme le justifient. Mais elle nous rappelle aussi que nous avons les outils — juridiques, politiques, moraux — pour résister à cette érosion. La question est de savoir si nous aurons le courage et la volonté de les utiliser.
Section 13 : les questions sans réponse et les enquêtes en cours
Ce que nous savons et ce que nous ignorons encore
Malgré les révélations du Washington Post et de CNN, de nombreuses questions cruciales restent sans réponse concernant les frappes du 2 septembre 2025. Nous ne savons toujours pas avec certitude si le secrétaire Hegseth a effectivement donné un ordre verbal explicite de « tuer tout le monde », ou s’il s’agissait d’une directive plus générale qui a été interprétée de cette manière par les commandants sur le terrain. Nous ne savons pas si Hegseth était au courant de l’existence des deux survivants avant que Bradley n’ordonne la seconde frappe, ce qui pourrait avoir des implications juridiques importantes pour sa responsabilité personnelle. Nous ne savons pas non plus quels autres officiers étaient présents lors de la conférence téléphonique sécurisée où Bradley a justifié la seconde frappe, et si l’un d’entre eux a exprimé des objections ou des préoccupations. Nous ne connaissons pas l’identité des onze personnes tuées dans les frappes, ni si elles étaient effectivement impliquées dans le trafic de drogue comme l’affirme l’administration Trump. Nous ne savons pas si le bateau transportait réellement de la drogue, car aucune preuve matérielle n’a été présentée publiquement.
Ces lacunes dans notre connaissance des faits soulignent l’importance des enquêtes en cours au Congrès et potentiellement dans d’autres forums. Le sénateur Mark Warner a annoncé que l’amiral Bradley devait briefer le Comité du renseignement du Sénat, ce qui pourrait fournir des éclaircissements importants sur les circonstances de l’opération. Warner a également appelé l’administration Trump à publier une vidéo non éditée de la frappe pour aider à déterminer « si ces individus étaient dans l’eau, sur le bateau, toujours combattants ou non ». Cette demande de transparence est cruciale, car jusqu’à présent, l’administration n’a publié que des vidéos granuleuses qui ne permettent pas de voir clairement ce qui s’est passé. Le président du Comité des services armés du Sénat, Roger Wicker, a déclaré que les législateurs prévoyaient d’interroger Bradley et de demander des enregistrements audio et vidéo pour « voir quels étaient les ordres ». Ces enquêtes congressionnelles pourraient révéler des informations importantes qui confirmeraient ou infirmeraient les rapports des médias, et qui aideraient à établir la chaîne de responsabilité pour les violations du droit international.
Les obstacles à la vérité et à la justice
Cependant, il existe des obstacles significatifs à la découverte de la vérité complète et à l’établissement de la responsabilité dans cette affaire. L’administration Trump a montré à maintes reprises qu’elle était prête à résister aux demandes de transparence du Congrès, invoquant le privilège exécutif ou la sécurité nationale pour refuser de fournir des documents ou des témoignages. Il est probable qu’elle adopte la même stratégie dans cette affaire, en particulier si les enquêtes commencent à révéler des informations embarrassantes ou juridiquement compromettantes. De plus, les opérations militaires classifiées bénéficient d’un niveau de secret qui rend difficile pour les observateurs extérieurs, y compris les membres du Congrès, d’obtenir une image complète de ce qui s’est passé. Les témoins clés, comme Bradley lui-même ou les opérateurs qui ont effectué les frappes, pourraient invoquer leur droit de ne pas s’auto-incriminer s’ils craignent des poursuites pénales. Et même si des preuves claires de violations du droit international émergent, il n’est pas certain que l’administration Trump prendra des mesures disciplinaires ou judiciaires contre les responsables.
Il y a également la question de la volonté politique. Bien que l’affaire ait suscité une réaction bipartisane au Congrès, il n’est pas clair si cette préoccupation se traduira par une action concrète. Les républicains, qui contrôlent le Sénat, pourraient être réticents à poursuivre vigoureusement une enquête qui pourrait embarrasser l’administration Trump et affaiblir leur position politique. Les démocrates, bien qu’ils aient été vocaux dans leur condamnation, pourraient manquer du pouvoir institutionnel nécessaire pour forcer la transparence et la responsabilité. De plus, l’attention publique est notoirement éphémère, et il est possible que cette affaire disparaisse des gros titres avant que des conclusions définitives ne soient atteintes. C’est pourquoi il est crucial que les médias, les organisations de la société civile et les citoyens concernés maintiennent la pression et exigent des réponses. L’histoire nous enseigne que les violations du droit international et les abus de pouvoir ne sont corrigés que lorsqu’il y a une mobilisation soutenue et une demande persistante de justice. L’affaire Bradley ne fera pas exception à cette règle.
Ces obstacles à la vérité et à la justice me frustrent profondément, mais ils ne me surprennent pas. J’ai vu trop de scandales militaires et sécuritaires s’enliser dans la bureaucratie, être étouffés par des invocations de la sécurité nationale, ou simplement disparaître de l’attention publique avant que justice ne soit rendue. Mais je refuse de céder au cynisme. Chaque révélation, chaque enquête, chaque voix qui s’élève pour exiger des comptes — tout cela compte. Même si cette affaire ne conduit pas à des poursuites pénales ou à des réformes majeures, elle aura au moins créé un enregistrement historique, elle aura forcé une conversation nationale sur les limites du pouvoir militaire, elle aura rappelé à certains que les règles existent pour une raison. Et peut-être, juste peut-être, elle aura planté une graine de doute dans l’esprit de futurs commandants qui pourraient être tentés de suivre des ordres manifestement illégaux. C’est peu, je le sais. Mais c’est mieux que rien.
Conclusion : un moment de vérité pour l'Amérique
Les choix qui nous définissent
L’affaire de l’amiral Frank Bradley et des frappes du 2 septembre 2025 représente bien plus qu’un incident isolé de violation du droit international. C’est un moment de vérité pour l’Amérique, un test de notre engagement envers les principes que nous prétendons défendre. Allons-nous accepter que nos dirigeants militaires et politiques puissent ordonner l’exécution de naufragés sans défense au nom de la « sécurité nationale » ? Allons-nous permettre que l’obéissance aveugle soit valorisée au-dessus du jugement moral et de la responsabilité juridique ? Allons-nous laisser l’administration Trump éroder les normes du droit international que nous avons contribué à établir après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ? Ces questions ne sont pas rhétoriques — elles exigent des réponses concrètes sous forme d’actions. Le Congrès doit mener des enquêtes approfondies et transparentes, sans se laisser intimider par les invocations de la sécurité nationale ou les pressions politiques. Les médias doivent continuer à enquêter et à rapporter sur cette affaire, en résistant aux tentatives de l’administration de contrôler le récit. Les citoyens doivent exiger que leurs représentants élus prennent cette affaire au sérieux et agissent pour prévenir de futures violations.
Mais au-delà des mécanismes institutionnels, l’affaire Bradley nous force également à nous interroger sur notre propre complicité. Combien d’entre nous ont accepté sans questionnement la rhétorique de la « guerre contre la drogue » et de la « lutte contre les narcoterroristes » ? Combien ont applaudi quand Trump a annoncé qu’il « fumait des bateaux de drogue » sans se demander qui étaient ces personnes tuées et si elles avaient droit à un procès ? Combien ont normalisé la violence extrajudiciaire au point de ne plus reconnaître quand nous franchissons des lignes rouges morales et juridiques ? Cette affaire nous rappelle que la démocratie et l’État de droit ne se maintiennent pas automatiquement — ils exigent une vigilance constante et un engagement actif de la part de tous les citoyens. Nous ne pouvons pas simplement déléguer ces responsabilités à nos dirigeants et espérer qu’ils feront ce qui est juste. Nous devons les tenir responsables, nous devons exiger la transparence, nous devons refuser d’accepter les violations du droit international même quand elles sont commises au nom de notre sécurité. C’est notre responsabilité en tant que citoyens d’une démocratie, et c’est notre devoir en tant qu’êtres humains.
L’héritage que nous laisserons
Dans les années à venir, quand les historiens examineront cette période de l’histoire américaine, comment jugeront-ils notre réponse à l’affaire Bradley ? Diront-ils que nous avons eu le courage de tenir nos dirigeants responsables, même quand c’était politiquement inconfortable ? Ou diront-ils que nous avons laissé l’impunité s’installer, que nous avons permis l’érosion des normes juridiques internationales par peur ou par apathie ? L’héritage que nous laisserons dépend des choix que nous faisons maintenant. Si nous permettons que cette affaire soit balayée sous le tapis, si nous acceptons les justifications creuses de l’administration Trump, si nous laissons Bradley et Hegseth échapper à toute conséquence pour leurs actions, nous aurons envoyé un message clair : les règles ne comptent pas vraiment, du moins pas pour les puissants. Ce message aura des répercussions bien au-delà de cette affaire spécifique. Il encouragera de futures violations, il affaiblira les protections dont dépendent les civils et les combattants dans les zones de conflit, il minera la crédibilité américaine dans les affaires mondiales. Mais si nous choisissons de tenir nos dirigeants responsables, si nous exigeons la transparence et la justice, si nous réaffirmons notre engagement envers le droit international, nous aurons montré que l’Amérique peut encore être une force pour le bien dans le monde.
L’affaire Bradley nous rappelle que la justice n’est jamais garantie, qu’elle doit être activement poursuivie et défendue. Elle nous rappelle que les principes du droit international ne sont pas de simples abstractions académiques, mais des protections vitales qui peuvent faire la différence entre la vie et la mort. Elle nous rappelle que même dans une démocratie établie, avec des institutions fortes et une tradition de respect de l’État de droit, les violations peuvent se produire si nous ne restons pas vigilants. Mais elle nous rappelle aussi que nous avons les outils pour résister à ces violations : des lois claires, des institutions de contrôle, une société civile active, et surtout, des citoyens qui refusent d’accepter l’inacceptable. Le 2 septembre 2025, deux hommes ont été tués alors qu’ils étaient naufragés et sans défense, en violation flagrante du droit international. Nous ne pouvons pas ramener ces hommes à la vie. Mais nous pouvons honorer leur mémoire en exigeant que justice soit rendue, en veillant à ce que de telles violations ne se reproduisent pas, et en réaffirmant notre engagement envers les principes d’humanité et de dignité qui sont censés guider notre conduite même en temps de guerre. C’est le moins que nous puissions faire. C’est ce que nous devons faire.
En écrivant ces mots, je ressens le poids de la responsabilité qui pèse sur nous tous. Cette affaire n’est pas seulement une question juridique ou politique — c’est une question morale qui touche au cœur de ce que nous sommes en tant que société. Allons-nous être le genre de pays qui tue des naufragés sans défense et appelle ça de la « sécurité nationale » ? Ou allons-nous être le genre de pays qui reconnaît ses erreurs, qui tient ses dirigeants responsables, qui respecte la dignité humaine même de ceux que nous considérons comme nos ennemis ? Je veux croire que nous sommes capables d’être ce second type de pays. Je veux croire que l’indignation que je ressens face à cette affaire est partagée par suffisamment de personnes pour forcer un changement. Je veux croire que nous n’avons pas complètement perdu notre boussole morale. Mais je sais aussi que la croyance ne suffit pas. Il faut de l’action. Il faut du courage. Il faut une volonté de se battre pour ce qui est juste, même quand c’est difficile, même quand c’est impopulaire, même quand les chances de succès semblent minces. C’est ce que cette affaire exige de nous. Et c’est ce que nous devons à ces deux hommes tués dans l’eau, à tous ceux qui dépendent des protections du droit international, et à nous-mêmes en tant qu’êtres humains.
Sources
Sources primaires
The Washington Post, « Hegseth authorized admiral’s lawful order to kill everyone in second boat strike », 28 novembre 2025. BBC News, « US authorised second deadly Venezuela boat strike, White House says », 2 décembre 2025. CNN, « US military second strike Caribbean », 28 novembre 2025. The Jerusalem Post, « White House says admiral approved second strike on boat from Venezuela, defends attack as lawful », 2 décembre 2025. The Hill, « Who is Adm. Frank Bradley, commander who issued second boat strike order? », 1er décembre 2025. Just Security, « Unlawful Orders and Killing Shipwrecked Boat Strike Survivors: An Expert Backgrounder » par Michael Schmitt, Ryan Goodman et Tess Bridgeman, 1er décembre 2025. Department of Defense Law of War Manual, édition de juillet 2023. Commander’s Handbook on the Law of Naval Operations, U.S. Navy/Marine Corps/Coast Guard. Manual for Courts-Martial, United States, édition 2024.
Sources secondaires
Al Jazeera, « Hegseth or Admiral Bradley: Who approved the second Venezuela boat strike? », 2 décembre 2025. Time Magazine, « What to Know About Admiral Named by Hegseth in Boat Strike Controversy », décembre 2025. NPR, « Does Congress see war crimes in Venezuela », 1er décembre 2025. The Intercept, « Entire Chain of Command Could Be Held Liable for Killing Boat Strike Survivors », 2 décembre 2025. Wikipedia, « 2025 United States military strikes on alleged drug traffickers ». New York Times, « Trump drug boat Venezuela strike », 10 septembre 2025. Fox News, « Hegseth backs special ops chief’s combat decisions in deadly Caribbean strike », décembre 2025. Bloomberg, « Hegseth Says He Didn’t Watch Strike That Hit Drug Boat Survivors », 2 décembre 2025.
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