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L’opération Southern Spear et ses zones d’ombre

Pour comprendre cette frappe du 2 septembre, il faut remonter quelques semaines en arrière. Mi-août 2025, l’administration Trump déploie des navires de guerre et du personnel militaire dans les Caraïbes. Officiellement, l’objectif est de lutter contre les cartels de la drogue qui, selon Trump, inondent les États-Unis de fentanyl et d’autres substances illicites. Le président américain accuse ces organisations criminelles d’être responsables de centaines de milliers de morts par overdose — un chiffre qu’il gonflera de manière spectaculaire dans ses déclarations publiques, allant jusqu’à parler de 300 millions de morts, soit plus que la population entière des États-Unis. En réalité, selon les données des CDC, environ 80 000 Américains sont morts d’overdose en 2024, un chiffre en baisse de 25% par rapport à l’année précédente. Mais peu importe les faits réels : Trump a décidé de traiter les trafiquants de drogue comme des terroristes, justifiant ainsi l’usage de la force militaire létale contre eux.

Le 2 septembre, Trump annonce depuis la Maison Blanche la première frappe aérienne. Il publie une vidéo sur Truth Social montrant un missile frappant le bateau et le transformant en boule de feu. Onze membres du gang vénézuélien Tren de Aragua auraient été tués, affirme-t-il. Le secrétaire d’État Marco Rubio confirme sur les réseaux sociaux, précisant que le navire était opéré par une « organisation narco-terroriste désignée ». Le secrétaire à la Défense Pete Hegseth promet que d’autres frappes suivront. Et effectivement, elles suivent. Au 4 décembre 2025, au moins 87 personnes ont été tuées dans au moins 22 frappes distinctes visant 23 embarcations — 11 dans les Caraïbes, 12 dans le Pacifique oriental. Deux personnes ont survécu à une attaque du 16 octobre et ont été rapatriées en Colombie et en Équateur. Une autre personne, portée disparue après une frappe du 27 octobre, est présumée morte. C’est une campagne militaire d’une ampleur sans précédent dans cette région depuis l’invasion américaine du Panama en 1989.

La déclaration de conflit armé et l’escalade

Le 1er octobre 2025, Trump franchit un cap supplémentaire. Il notifie officiellement le Congrès que les États-Unis sont engagés dans un « conflit armé non international » contre des « combattants illégaux » — les cartels de la drogue dans les Caraïbes. Cette déclaration change tout sur le plan juridique. Dans un conflit armé, un pays peut légalement tuer des combattants ennemis même lorsqu’ils ne représentent aucune menace immédiate. C’est une distinction cruciale par rapport aux opérations de police traditionnelles où les suspects doivent être capturés vivants dans la mesure du possible. En déclarant un conflit armé, Trump s’octroie le droit de tuer sans procès, sans capture, sans jugement. Les trafiquants de drogue deviennent des ennemis de guerre, pas des criminels à poursuivre devant les tribunaux. Cette transformation juridique permet de contourner toutes les protections habituelles du droit pénal et des droits humains.

Mais cette déclaration soulève d’énormes questions. Peut-on vraiment qualifier le trafic de drogue de « conflit armé » au sens du droit international ? Les experts juridiques sont catégoriques : non. Un conflit armé nécessite des hostilités organisées entre groupes armés, pas simplement des activités criminelles. De plus, même dans un conflit armé, certaines règles s’appliquent — notamment la protection des naufragés et des personnes hors de combat. L’administration Trump argue que les cartels représentent une menace imminente pour la sécurité nationale américaine, justifiant ainsi l’autodéfense. Mais cette logique est fragile. Un bateau de drogue naviguant dans les Caraïbes, à des centaines de kilomètres des côtes américaines, constitue-t-il vraiment une « attaque armée imminente » contre les États-Unis ? La plupart des juristes internationaux répondent par la négative. Pourtant, l’administration persiste. Le 13 novembre, Hegseth dévoile officiellement l’Opération Southern Spear, une force opérationnelle conjointe utilisant une flotte équipée de systèmes robotiques et autonomes pour cibler le trafic de drogue latino-américain. La guerre contre les cartels s’institutionnalise, se structure, devient permanente.

Voilà comment on glisse vers l’abîme. Étape par étape. D’abord, on redéfinit les trafiquants de drogue comme des terroristes. Ensuite, on déclare un conflit armé contre eux. Puis, on s’autorise à les tuer sans procès, sans capture, sans jugement. Et finalement, on en arrive à exécuter des naufragés accrochés à leur bateau détruit. Chaque étape semble logique prise isolément, mais l’ensemble forme une descente terrifiante vers l’illégalité et l’inhumanité. C’est exactement ce que les conventions internationales cherchent à prévenir — cette escalade où la fin justifie tous les moyens, où la lutte contre le crime devient elle-même criminelle. Et le plus effrayant, c’est que cette campagne continue. Quatre-vingt-sept morts et ça continue. Sans débat public réel, sans supervision parlementaire efficace, sans remise en question fondamentale.

Sources

Sources primaires

CNN, « Exclusive: Survivors clinging to capsized boat didn’t radio for backup, admiral overseeing double-tap strike tells lawmakers », 4 décembre 2025. The Independent, « Admiral said double-tap boat strike survivors had no way to call for help: report », 5 décembre 2025. The Washington Post, « Video shows second strike hit before survivors could flip boat », 28 novembre 2025. The New York Times, « Hegseth Ordered Lethal Boat Strike but Not the Killing of Survivors », 1er décembre 2025. The Hill, « Bradley to lawmakers: Survivors of boat strike did not radio for backup », 4 décembre 2025. NBC News, « Admiral saw alleged drug boat strike survivors as legitimate targets », 4 décembre 2025.

Sources secondaires

Wikipedia, « 2025 United States military strikes on alleged drug traffickers », consulté le 5 décembre 2025. BBC News, « US authorised second deadly Venezuela boat strike, White House confirms », 2 décembre 2025. Reuters, « Democrats troubled by video of US strike on Caribbean drug boat survivors », 4 décembre 2025. CBS News, « Lawmakers see video of second strike on boat survivors », 4 décembre 2025. The Guardian, « Killing of survivors sparks outrage – but entire US ‘drug boat’ war is unlawful », 4 décembre 2025. Associated Press, « Admiral briefs lawmakers on order that killed boat strike survivors », 4 décembre 2025. NPR, « Did the Trump administration commit a war crime in its attack on a Venezuelan boat », 3 décembre 2025.

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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