Une loi d’urgence détournée de son objectif
Pour comprendre pourquoi la Cour suprême examine l’utilisation de l’IEEPA par Trump, il faut remonter aux origines de cette loi. L’International Emergency Economic Powers Act a été adopté en 1977, dans le contexte de la guerre froide et des crises pétrolières. Son objectif était clair : donner au président les moyens de réagir rapidement à des menaces économiques étrangères en temps de crise. La loi permet au président de déclarer une urgence nationale face à une « menace inhabituelle et extraordinaire » pour la sécurité nationale, la politique étrangère ou l’économie américaine, et de prendre certaines mesures pour y faire face. Ces mesures incluent le pouvoir de « réguler » les importations et les exportations, de geler des avoirs étrangers, de bloquer des transactions financières. Historiquement, l’IEEPA a été utilisée pour imposer des sanctions économiques contre des pays hostiles — l’Iran, la Corée du Nord, le Venezuela — ou contre des entités spécifiques comme des organisations terroristes ou des cartels de drogue. C’est un outil de politique étrangère, pas un outil de politique commerciale. Mais Trump a vu dans l’IEEPA quelque chose de différent : une autorité quasi-illimitée pour imposer des tarifs. En avril 2025, lors de son « Liberation Day », Trump a utilisé l’IEEPA pour imposer un tarif minimum de 10% sur pratiquement tous les pays du monde, avec des taux beaucoup plus élevés pour certains — 125% sur la Chine, par exemple. Il a justifié ces tarifs en déclarant que les déficits commerciaux américains constituaient une « menace inhabituelle et extraordinaire » pour l’économie nationale. Cette interprétation est, pour le dire gentiment, créative.
Les déficits commerciaux ne sont pas des urgences nationales. Ils sont une caractéristique normale d’une économie ouverte et dynamique. Les États-Unis ont eu des déficits commerciaux pendant la majeure partie des 50 dernières années, et cela n’a pas empêché l’économie américaine de devenir la plus grande et la plus prospère du monde. De plus, les économistes s’accordent largement pour dire que les déficits commerciaux ne sont pas intrinsèquement mauvais — ils reflètent simplement le fait que les Américains consomment plus qu’ils ne produisent, ce qui est rendu possible par les investissements étrangers aux États-Unis. Mais Trump a toujours eu une vision mercantiliste du commerce, voyant les déficits comme des signes de faiblesse et les excédents comme des signes de force. Cette vision ignore des siècles de théorie économique, mais elle résonne auprès d’un public qui voit les usines fermer et les emplois manufacturiers disparaître. En utilisant l’IEEPA pour imposer des tarifs, Trump a essentiellement transformé une loi d’urgence en un outil de politique commerciale permanent. Et c’est précisément ce qui pose problème aux yeux de la Cour suprême. Lors des arguments oraux du 5 novembre 2025, plusieurs juges ont exprimé leur scepticisme face à cette interprétation extensive de l’IEEPA. Le juge Neil Gorsuch, pourtant nommé par Trump, a été particulièrement incisif, suggérant que l’interprétation du gouvernement donnerait au président un pouvoir si vaste que le Congrès ne pourrait jamais le récupérer. « En pratique, dans le monde réel, il ne pourra jamais récupérer ce pouvoir », a-t-il déclaré au solliciteur général John Sauer, qui représentait l’administration Trump.
Le problème constitutionnel de la délégation de pouvoir
Au cœur de l’affaire se trouve une question constitutionnelle fondamentale : la doctrine de non-délégation. L’Article I de la Constitution américaine confère au Congrès — et au Congrès seul — le pouvoir de lever des taxes et des droits de douane. C’est l’un des pouvoirs les plus fondamentaux du législatif, un pouvoir qui remonte aux origines mêmes de la démocratie représentative. « No taxation without representation » — pas de taxation sans représentation — était le cri de ralliement de la Révolution américaine. Le Congrès peut déléguer certains de ses pouvoirs au président, mais il ne peut pas lui donner un chèque en blanc. Toute délégation de pouvoir doit être accompagnée de limites claires, de standards intelligibles, de mécanismes de contrôle. Sinon, le Congrès violerait la Constitution en transférant son autorité législative à l’exécutif. C’est exactement ce que les opposants aux tarifs IEEPA arguent : en interprétant l’IEEPA comme donnant au président le pouvoir d’imposer n’importe quel tarif, n’importe quand, sur n’importe quel pays, pour n’importe quelle raison qu’il juge être une « menace inhabituelle et extraordinaire », l’administration Trump transforme une délégation limitée en une autorité illimitée. Et cela viole la doctrine de non-délégation. Le gouvernement Trump a tenté de contrer cet argument en affirmant que les tarifs IEEPA sont « réglementaires » plutôt que « générateurs de revenus ». Selon cette logique, puisque l’objectif principal des tarifs est de modifier le comportement des pays étrangers (en les incitant à négocier des accords commerciaux plus favorables aux États-Unis) plutôt que de générer des revenus pour le Trésor, ils ne constituent pas vraiment des taxes au sens constitutionnel. C’est un argument ingénieux, mais il se heurte à un problème majeur : les tarifs IEEPA ont effectivement généré des dizaines de milliards de dollars de revenus. Trump lui-même s’en est vanté à plusieurs reprises, affirmant que ses tarifs rapportaient « des sommes massives » au gouvernement américain.
Le juge en chef John Roberts a semblé particulièrement sceptique face à cet argument lors des plaidoiries. Comment peut-on prétendre que des tarifs qui génèrent des dizaines de milliards de dollars sont simplement « réglementaires » et non « générateurs de revenus » ? C’est comme dire qu’un éléphant n’est pas vraiment gros parce que son objectif principal est de manger, pas de prendre de la place. L’effet est le même, quelle que soit l’intention. Si la Cour suprême accepte l’argument du gouvernement, elle créerait un précédent dangereux. Elle donnerait essentiellement au président le pouvoir de lever des taxes massives sans l’approbation du Congrès, tant qu’il prétend que l’objectif principal est réglementaire plutôt que fiscal. Cela viderait de son sens la clause constitutionnelle donnant au Congrès le pouvoir exclusif de lever des taxes. Et cela ouvrirait la porte à des abus futurs — non seulement par Trump, mais par tous les présidents à venir. C’est pourquoi même certains juges conservateurs, qui sont généralement favorables à un exécutif fort, semblent hésiter à valider l’utilisation de l’IEEPA par Trump. Ils comprennent que ce qui est en jeu dépasse largement la question des tarifs. C’est l’équilibre même des pouvoirs entre les branches du gouvernement qui est en question. Et une fois que cet équilibre est rompu, il est extrêmement difficile de le restaurer. Comme l’a noté Gorsuch, si le président obtient ce pouvoir, le Congrès ne pourra jamais le récupérer. Ce sera un changement permanent dans la structure constitutionnelle américaine.
En écoutant les arguments devant la Cour suprême, j’ai ressenti une profonde tristesse. Tristesse de voir comment nous en sommes arrivés là, comment une loi conçue pour protéger la sécurité nationale en temps de crise est devenue un outil pour contourner le Congrès et imposer une politique commerciale controversée. Tristesse de voir les juges — même ceux nommés par Trump — forcés de choisir entre leur loyauté envers le président qui les a nommés et leur serment de défendre la Constitution. Tristesse de réaliser que quelle que soit la décision de la Cour, elle sera perçue comme politique, comme partisane, comme une victoire ou une défaite pour Trump plutôt que comme une interprétation neutre de la loi. Nous avons tellement politisé chaque institution, chaque décision, chaque débat, que même la Cour suprême — censée être au-dessus de la mêlée politique — est maintenant vue comme un champ de bataille partisan. Et cela érode la confiance dans l’institution elle-même, dans sa légitimité, dans sa capacité à servir d’arbitre impartial. C’est une perte immense, une perte dont nous ne mesurons peut-être pas encore toute l’ampleur.
Section 3 : les conséquences économiques des tarifs Trump
Qui paie vraiment les tarifs douaniers ?
Trump a répété à maintes reprises que ses tarifs sont payés par les pays étrangers, que la Chine « paie des milliards » aux États-Unis grâce à ses droits de douane. C’est un mensonge. Un mensonge que les économistes ont réfuté encore et encore, mais que Trump continue de propager parce qu’il résonne auprès de son électorat. La réalité est simple et indiscutable : les tarifs sont payés par les importateurs américains — les entreprises qui achètent des produits étrangers pour les revendre aux États-Unis. Ces entreprises ont ensuite trois options : absorber le coût des tarifs (réduisant leurs marges bénéficiaires), augmenter leurs prix (transférant le coût aux consommateurs américains), ou trouver des fournisseurs alternatifs (ce qui prend du temps et peut ne pas être possible pour tous les produits). Dans la pratique, la majeure partie du coût des tarifs est transférée aux consommateurs américains sous forme de prix plus élevés. De nombreuses études économiques ont documenté cet effet. Une étude de la Federal Reserve Bank of New York a estimé que les tarifs de Trump ont coûté aux ménages américains environ 831 dollars par an en moyenne. Une autre étude de l’Université de Chicago a trouvé que les tarifs ont augmenté les prix à la consommation de 0,5% à 1%, ce qui peut sembler modeste mais représente des milliards de dollars au total. Ces coûts ne sont pas répartis uniformément. Ils affectent de manière disproportionnée les ménages à faible revenu, qui consacrent une plus grande part de leur budget aux biens de consommation importés. Ils affectent également de manière disproportionnée certaines régions et certains secteurs de l’économie.
Les agriculteurs américains, par exemple, ont été durement touchés par les tarifs de représailles imposés par la Chine en réponse aux tarifs de Trump. Les exportations agricoles américaines vers la Chine ont chuté de manière spectaculaire, forçant le gouvernement à fournir des milliards de dollars d’aide d’urgence aux agriculteurs pour compenser leurs pertes. Les fabricants américains qui dépendent de composants importés ont également souffert. Les tarifs sur l’acier et l’aluminium, par exemple, ont augmenté les coûts pour les constructeurs automobiles, les fabricants d’appareils électroménagers, les entreprises de construction. Certaines entreprises ont été forcées de licencier des travailleurs ou de fermer des usines parce qu’elles ne pouvaient plus être compétitives avec des coûts de production plus élevés. Il y a aussi des effets indirects et moins visibles. Les tarifs créent de l’incertitude, ce qui décourage l’investissement. Les entreprises hésitent à investir dans de nouvelles usines, de nouveaux équipements, de nouveaux produits quand elles ne savent pas quels seront les tarifs dans six mois ou un an. Cette incertitude freine la croissance économique et la création d’emplois. Les tarifs perturbent également les chaînes d’approvisionnement mondiales qui se sont développées au cours des dernières décennies. Ces chaînes d’approvisionnement sont complexes et interconnectées — un produit final peut contenir des composants de dizaines de pays différents. Les tarifs rendent ces chaînes d’approvisionnement moins efficaces, augmentant les coûts et réduisant la productivité. Certains défenseurs des tarifs arguent que ces coûts à court terme sont justifiés par les bénéfices à long terme — notamment le retour de la production manufacturière aux États-Unis et la réduction de la dépendance vis-à-vis de la Chine. Mais les preuves de ces bénéfices sont minces.
Le mythe du retour de la production manufacturière
L’un des arguments centraux de Trump pour justifier ses tarifs est qu’ils ramèneront les emplois manufacturiers aux États-Unis. L’idée est simple : en rendant les produits importés plus chers, les tarifs rendront les produits fabriqués aux États-Unis plus compétitifs, incitant les entreprises à déplacer leur production vers le territoire américain. C’est une logique séduisante, mais elle ignore plusieurs réalités économiques fondamentales. Premièrement, la plupart des emplois manufacturiers perdus aux États-Unis au cours des dernières décennies n’ont pas été perdus à cause du commerce international, mais à cause de l’automatisation et des gains de productivité. Les usines américaines produisent aujourd’hui plus qu’elles n’ont jamais produit, mais elles le font avec beaucoup moins de travailleurs grâce aux robots, à l’intelligence artificielle, aux processus de production avancés. Même si toute la production manufacturière revenait aux États-Unis demain, cela ne créerait pas autant d’emplois qu’on pourrait le penser, parce que ces usines seraient hautement automatisées. Deuxièmement, déplacer la production prend du temps et coûte cher. Les entreprises ne peuvent pas simplement fermer une usine en Chine et en ouvrir une aux États-Unis du jour au lendemain. Elles doivent trouver des sites appropriés, construire ou rénover des installations, former des travailleurs, établir de nouvelles chaînes d’approvisionnement. Ce processus peut prendre des années et coûter des milliards de dollars. Et pendant ce temps, les entreprises doivent continuer à payer les tarifs sur leurs importations, ce qui réduit leur rentabilité et leur capacité à investir.
Troisièmement, même avec les tarifs, de nombreux produits ne peuvent tout simplement pas être fabriqués de manière compétitive aux États-Unis. Les coûts de main-d’œuvre sont beaucoup plus élevés aux États-Unis que dans de nombreux pays en développement. Les réglementations environnementales et de sécurité sont plus strictes. L’infrastructure nécessaire peut ne pas exister. Pour certains produits — en particulier les produits à faible valeur ajoutée et à forte intensité de main-d’œuvre comme les vêtements et les jouets — il n’y a tout simplement aucun moyen de les produire aux États-Unis à un prix que les consommateurs américains sont prêts à payer. Les tarifs ne changeront pas cette réalité fondamentale. Quatrièmement, les tarifs peuvent en fait nuire à la compétitivité des fabricants américains. Comme mentionné précédemment, de nombreux fabricants américains dépendent de composants importés. Les tarifs augmentent leurs coûts de production, les rendant moins compétitifs par rapport aux fabricants étrangers qui n’ont pas à payer ces tarifs. Cela peut conduire à une perte de parts de marché, à des licenciements, voire à des fermetures d’usines — exactement le contraire de ce que les tarifs sont censés accomplir. Les données empiriques confirment ces préoccupations. Malgré les tarifs massifs imposés par Trump, il n’y a pas eu de renaissance significative de la production manufacturière américaine. L’emploi manufacturier a légèrement augmenté au début du premier mandat de Trump, mais cette tendance s’est inversée bien avant la pandémie de COVID-19. Et même cette légère augmentation était probablement due davantage à la croissance économique générale qu’aux tarifs spécifiquement.
Ce qui me frustre le plus dans le débat sur les tarifs, c’est la malhonnêteté intellectuelle. Trump et ses partisans continuent de prétendre que les tarifs sont payés par les pays étrangers, que les emplois manufacturiers reviennent en masse, que l’Amérique « gagne » la guerre commerciale. Tout cela est faux. Les économistes le savent. Les entreprises le savent. Même l’administration Trump le sait, même si elle ne l’admet pas publiquement. Mais le mensonge persiste parce qu’il est politiquement utile, parce qu’il résonne auprès d’un électorat qui a été laissé pour compte par la mondialisation et qui cherche des boucs émissaires. Je comprends la colère de ces travailleurs. Je comprends leur frustration face à la perte d’emplois, à la stagnation des salaires, au sentiment que le système est truqué contre eux. Mais les tarifs ne sont pas la solution. Ils sont une fausse promesse, une illusion de contrôle, une politique qui fait plus de mal que de bien. Et le pire, c’est que pendant que nous nous concentrons sur cette guerre commerciale futile, nous négligeons les vraies solutions — investir dans l’éducation et la formation, moderniser l’infrastructure, soutenir l’innovation, créer un filet de sécurité sociale plus robuste pour ceux qui sont affectés par les changements économiques. Ces solutions sont plus difficiles, plus coûteuses, moins spectaculaires que d’imposer des tarifs. Mais elles fonctionneraient réellement.
Section 4 : la Chine au centre de la tempête
Une guerre commerciale sans vainqueur
Si les tarifs de Trump visent de nombreux pays, c’est la Chine qui reste au cœur de sa stratégie commerciale. La guerre commerciale sino-américaine, lancée lors du premier mandat de Trump et intensifiée lors de son second, est devenue l’un des conflits économiques les plus importants du XXIe siècle. Les enjeux vont bien au-delà du commerce — ils touchent à la technologie, à la sécurité nationale, à l’équilibre géopolitique mondial. Trump a imposé des tarifs sur des centaines de milliards de dollars de marchandises chinoises, atteignant jusqu’à 125% sur certains produits. La justification officielle est que la Chine se livre à des pratiques commerciales déloyales : vol de propriété intellectuelle, transferts forcés de technologie, subventions massives aux entreprises d’État, manipulation de la monnaie. Ces accusations ne sont pas entièrement sans fondement. La Chine a effectivement adopté des politiques qui violent les normes du commerce international. Elle a forcé les entreprises étrangères à partager leur technologie comme condition pour accéder au marché chinois. Elle a subventionné massivement ses industries stratégiques, créant des surcapacités qui inondent les marchés mondiaux. Elle a utilisé le cyber-espionnage pour voler des secrets commerciaux. Ces pratiques sont problématiques et méritent une réponse. Mais la question est de savoir si les tarifs unilatéraux de Trump sont la bonne réponse. Et la réponse semble être non.
Après plusieurs années de guerre commerciale, les résultats sont mitigés au mieux. Les États-Unis n’ont pas réussi à forcer la Chine à changer fondamentalement ses politiques économiques. Le déficit commercial américain avec la Chine a diminué, mais principalement parce que les importations américaines se sont déplacées vers d’autres pays comme le Vietnam, le Mexique et la Corée du Sud. La production n’est pas revenue aux États-Unis — elle s’est simplement délocalisée vers d’autres pays à bas coûts. Pendant ce temps, les tarifs ont coûté cher aux consommateurs et aux entreprises américains. Et la Chine a riposté avec ses propres tarifs, nuisant aux exportateurs américains, en particulier dans le secteur agricole. Les agriculteurs américains ont perdu l’accès à l’un de leurs plus grands marchés d’exportation, nécessitant des milliards de dollars d’aide gouvernementale pour survivre. Il y a aussi eu des conséquences géopolitiques. La guerre commerciale a poussé la Chine à accélérer ses efforts pour réduire sa dépendance vis-à-vis de la technologie américaine et pour construire ses propres chaînes d’approvisionnement. Elle a renforcé la détermination de Pékin à devenir autosuffisante dans les secteurs stratégiques comme les semi-conducteurs, l’intelligence artificielle, les énergies renouvelables. À long terme, cela pourrait rendre la Chine plus compétitive et moins vulnérable à la pression américaine. La guerre commerciale a également nui aux relations sino-américaines de manière plus générale, rendant la coopération sur d’autres questions — comme le changement climatique, la prolifération nucléaire, les pandémies — plus difficile. Elle a alimenté le nationalisme des deux côtés, créant une spirale de méfiance et d’hostilité qui sera difficile à inverser.
Le fentanyl comme justification
Récemment, Trump a ajouté une nouvelle justification à ses tarifs contre la Chine : la lutte contre le fentanyl. Le fentanyl est un opioïde synthétique extrêmement puissant qui a alimenté une crise de santé publique dévastatrice aux États-Unis, tuant des dizaines de milliers d’Américains chaque année. Une grande partie du fentanyl et de ses précurseurs chimiques provient de Chine, où ils sont fabriqués dans des laboratoires clandestins puis expédiés aux États-Unis, souvent via le Mexique. Trump a imposé des tarifs spécifiques liés au fentanyl, arguant que la Chine ne fait pas assez pour arrêter le flux de cette drogue mortelle. Lors du DealBook Summit, Scott Bessent a affirmé que « grâce aux tarifs sur le fentanyl, les Chinois font le premier pas en avant qu’ils ont fait » sur le commerce, et que la Chine a fait « un effort robuste » pour arrêter l’importation de la drogue aux États-Unis. Cette affirmation est difficile à vérifier. Il est vrai que la Chine a pris certaines mesures pour contrôler la production et l’exportation de fentanyl et de ses précurseurs. En 2019, elle a classé tous les analogues du fentanyl comme substances contrôlées, rendant leur production et leur vente illégales. Elle a également coopéré avec les autorités américaines dans certaines enquêtes. Mais les experts en matière de drogue sont sceptiques quant à l’efficacité de ces mesures. Les fabricants de fentanyl sont agiles et adaptables — quand une substance est interdite, ils modifient légèrement la formule chimique pour créer un nouvel analogue qui n’est pas encore contrôlé. Et la Chine a une industrie chimique massive et peu réglementée, ce qui rend difficile le contrôle de toutes les installations de production.
De plus, utiliser les tarifs comme outil pour lutter contre le trafic de drogue est problématique. Les tarifs sont un instrument économique émoussé qui affecte l’ensemble du commerce entre deux pays, pas seulement les activités illégales. Ils punissent les entreprises et les consommateurs légitimes pour les actions de trafiquants de drogue. Et il n’est pas clair qu’ils soient efficaces pour changer le comportement du gouvernement chinois. La Chine pourrait faire plus pour lutter contre le fentanyl, mais elle a ses propres priorités et ses propres contraintes. Les tarifs américains ne vont pas nécessairement la convaincre de faire de la lutte contre le fentanyl une priorité absolue, surtout si elle perçoit ces tarifs comme une forme de coercition injuste. Une approche plus efficace pourrait impliquer une coopération bilatérale renforcée, un partage d’informations, une assistance technique, des sanctions ciblées contre les fabricants et les trafiquants spécifiques. Mais cela nécessiterait un niveau de confiance et de coopération qui fait actuellement défaut dans les relations sino-américaines. La guerre commerciale a empoisonné l’atmosphère, rendant difficile la collaboration même sur des questions où les deux pays ont des intérêts communs. C’est l’une des conséquences non intentionnelles mais importantes de l’approche conflictuelle de Trump envers la Chine. En transformant chaque aspect de la relation en un affrontement, il a rendu plus difficile la résolution des problèmes qui nécessitent une coopération. Et le fentanyl est certainement l’un de ces problèmes — c’est une menace transnationale qui ne peut être résolue par un seul pays agissant seul.
La crise du fentanyl me brise le cœur. Des dizaines de milliers d’Américains meurent chaque année, des familles sont détruites, des communautés entières sont ravagées. C’est une tragédie d’une ampleur difficile à comprendre. Et je comprends la frustration, la colère, le désir de faire quelque chose — n’importe quoi — pour arrêter cette hécatombe. Mais utiliser les tarifs comme arme contre le fentanyl est une fausse solution. C’est du théâtre politique, une démonstration de force qui ne résoudra pas le problème sous-jacent. Le fentanyl continue de tuer des Américains, tarifs ou pas tarifs. Parce que le problème n’est pas seulement l’offre — c’est aussi la demande. C’est la douleur, le désespoir, le manque d’opportunités qui poussent les gens vers les drogues. C’est le système de santé défaillant qui ne fournit pas de traitement adéquat pour la dépendance. C’est la stigmatisation qui empêche les gens de chercher de l’aide. Les tarifs ne résoudront aucun de ces problèmes. Ils ne sauveront aucune vie. Ils ne guériront aucun toxicomane. Ils ne répareront aucune famille brisée. Mais ils permettent à Trump de prétendre qu’il fait quelque chose, qu’il est dur avec la Chine, qu’il protège les Américains. Et c’est suffisant pour ses partisans, même si ce n’est pas suffisant pour résoudre réellement le problème.
Section 5 : le Congrès, grand absent du débat
L’abdication du pouvoir législatif
L’un des aspects les plus troublants de toute cette affaire est le silence assourdissant du Congrès. La Constitution confère au Congrès le pouvoir exclusif de réguler le commerce avec les nations étrangères et de lever des taxes et des droits de douane. C’est l’un des pouvoirs les plus fondamentaux du législatif, un pouvoir que les Pères fondateurs ont délibérément placé entre les mains du Congrès plutôt que du président. Pourtant, au cours des dernières décennies, le Congrès a progressivement cédé ce pouvoir à l’exécutif. Il a adopté des lois comme l’IEEPA, la section 301, la section 232, qui donnent au président une large autorité pour imposer des tarifs dans certaines circonstances. Et maintenant, alors que Trump utilise ces lois de manière extensive — certains diraient abusive — le Congrès reste largement passif. Pourquoi cette abdication ? Plusieurs facteurs sont en jeu. Premièrement, la polarisation politique. Le Congrès est profondément divisé selon des lignes partisanes, et les membres du parti du président sont réticents à le critiquer ou à limiter son pouvoir, même quand ils ont des réserves sur ses politiques. Les républicains au Congrès ont largement soutenu les tarifs de Trump, ou du moins ont refusé de s’y opposer publiquement, par loyauté partisane et par peur des représailles politiques. Trump a démontré à maintes reprises qu’il est prêt à attaquer férocement les membres de son propre parti qui osent le défier, et peu de législateurs sont prêts à prendre ce risque.
Deuxièmement, la complexité de la politique commerciale. Le commerce international est un sujet technique et complexe qui ne passionne pas la plupart des électeurs. Il est difficile de mobiliser un soutien public pour des questions comme les tarifs sur les composants électroniques ou les règles d’origine dans les accords commerciaux. Les législateurs savent que prendre position sur ces questions ne leur rapportera probablement pas beaucoup de votes, et pourrait même leur en coûter s’ils sont perçus comme s’opposant à un président populaire auprès de leur base. Troisièmement, l’inertie institutionnelle. Le Congrès a cédé tant de pouvoir à l’exécutif au fil des ans qu’il a perdu une grande partie de son expertise et de sa capacité à exercer une surveillance efficace. Les comités du Congrès qui s’occupent du commerce ont été affaiblis, leur personnel réduit, leur influence diminuée. Il est difficile pour le Congrès de reprendre un pouvoir qu’il a abandonné pendant des décennies. Quatrièmement, la commodité politique. Laisser le président prendre les décisions difficiles sur le commerce permet aux membres du Congrès d’éviter de prendre des positions controversées. S’ils n’aiment pas les tarifs, ils peuvent blâmer le président. S’ils les aiment, ils peuvent le soutenir. Mais ils n’ont pas à voter sur la question, ce qui signifie qu’ils n’ont pas à assumer la responsabilité politique des conséquences. Cette abdication du Congrès a des conséquences profondes pour la démocratie américaine. Elle concentre le pouvoir entre les mains du président, réduisant les freins et contrepoids qui sont censés empêcher les abus de pouvoir. Elle rend la politique commerciale plus volatile et imprévisible, car elle dépend des caprices d’un seul individu plutôt que du processus législatif délibératif. Et elle mine la responsabilité démocratique, car les électeurs ne peuvent pas tenir leurs représentants responsables des décisions qu’ils n’ont pas prises.
Quelques voix dissidentes
Il y a eu quelques tentatives au Congrès pour limiter le pouvoir du président en matière de tarifs, mais elles ont largement échoué. En 2019, plusieurs sénateurs républicains ont proposé une législation qui aurait exigé l’approbation du Congrès pour les tarifs imposés au nom de la sécurité nationale sous la section 232. Le projet de loi aurait également donné au Congrès le pouvoir d’annuler les tarifs présidentiels par une résolution de désapprobation. C’était une tentative modeste de restaurer un certain contrôle législatif sur la politique commerciale, mais elle n’a jamais été adoptée. Trump a menacé de mettre son veto à toute législation qui limiterait son autorité tarifaire, et les dirigeants républicains du Congrès n’étaient pas prêts à le défier. Quelques législateurs individuels ont été plus vocaux dans leur opposition aux tarifs. Le sénateur Pat Toomey de Pennsylvanie, un républicain et libre-échangiste convaincu, a régulièrement critiqué les tarifs de Trump, les qualifiant de taxes sur les consommateurs américains. Le sénateur Rand Paul du Kentucky, un libertarien, a également exprimé son opposition, arguant que les tarifs violent les principes du libre marché. Du côté démocrate, certains législateurs ont critiqué les tarifs, mais leur opposition a été compliquée par le fait que de nombreux démocrates — en particulier ceux représentant des districts manufacturiers — sont eux-mêmes sceptiques vis-à-vis du libre-échange et sympathiques à certaines formes de protectionnisme. Le résultat est un Congrès largement paralysé sur la question du commerce, incapable ou peu disposé à exercer son autorité constitutionnelle. Et cela laisse le champ libre au président pour poursuivre sa politique commerciale sans contrainte législative significative.
L’abdication du Congrès me met en colère. En colère parce que c’est une trahison de la responsabilité constitutionnelle. En colère parce que c’est de la lâcheté politique. En colère parce que cela montre à quel point nos institutions sont devenues dysfonctionnelles. Les membres du Congrès prêtent serment de défendre la Constitution, mais quand vient le moment de défendre les prérogatives de leur branche contre les empiétements de l’exécutif, ils se dérobent. Ils mettent leur loyauté partisane, leur carrière politique, leur peur des tweets de Trump au-dessus de leur devoir constitutionnel. Et le pire, c’est qu’ils ne semblent même pas conscients de ce qu’ils perdent. Ils ne réalisent pas que chaque fois qu’ils laissent le président usurper un pouvoir qui leur appartient, ils affaiblissent leur institution, ils réduisent leur pertinence, ils se rendent moins importants. Un jour, peut-être, ils se réveilleront et réaliseront qu’ils ont cédé tant de pouvoir qu’ils ne sont plus qu’une chambre d’enregistrement, un spectacle pour les caméras, une institution vidée de sa substance. Mais à ce moment-là, il sera peut-être trop tard pour récupérer ce qu’ils ont perdu.
Section 6 : les alliés américains dans la ligne de mire
Quand les amis deviennent des cibles
L’une des caractéristiques les plus frappantes de la politique commerciale de Trump est qu’elle ne fait pas de distinction entre alliés et adversaires. Le Canada, le Mexique, l’Union européenne, le Japon, la Corée du Sud — tous ces pays sont des alliés de longue date des États-Unis, liés par des traités de défense, des valeurs démocratiques partagées, des décennies de coopération. Pourtant, Trump les a tous soumis à des tarifs, les traitant essentiellement comme des adversaires économiques. Cette approche représente une rupture radicale avec la politique étrangère américaine traditionnelle. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont construit un réseau d’alliances qui a été le fondement de leur puissance mondiale. Ces alliances ne sont pas seulement militaires — elles sont aussi économiques. Les États-Unis ont délibérément utilisé le commerce comme un outil pour renforcer les liens avec leurs alliés, créant une interdépendance économique qui rend le conflit moins probable et la coopération plus facile. Trump rejette cette logique. Pour lui, le commerce n’est pas un outil de construction d’alliances, mais un jeu à somme nulle où chaque pays cherche à maximiser son propre avantage. Si le Canada ou le Mexique ont un excédent commercial avec les États-Unis, c’est qu’ils « profitent » des Américains, peu importe qu’ils soient des alliés ou des partenaires dans l’ALENA (maintenant l’USMCA). Cette vision a conduit Trump à imposer des tarifs sur l’acier et l’aluminium canadiens et mexicains au nom de la « sécurité nationale » — une justification que ces pays ont trouvée insultante et absurde. Comment le Canada, l’un des alliés les plus proches et les plus fiables des États-Unis, pourrait-il représenter une menace pour la sécurité nationale américaine ?
L’Union européenne a également été ciblée. Trump a menacé d’imposer des tarifs sur les automobiles européennes, sur les produits agricoles, sur une gamme de biens de consommation. Il a critiqué l’UE pour ses pratiques commerciales, l’accusant de profiter des États-Unis. Ces menaces et ces tarifs ont créé des tensions considérables dans les relations transatlantiques. Les dirigeants européens ont exprimé leur frustration et leur incompréhension face à l’approche de Trump. Ils soulignent que l’UE est l’un des plus grands partenaires commerciaux des États-Unis, que les investissements transatlantiques créent des millions d’emplois des deux côtés de l’Atlantique, que les États-Unis et l’Europe partagent des intérêts stratégiques communs face à des défis comme la Chine et la Russie. Mais Trump semble indifférent à ces arguments. Pour lui, les chiffres du commerce sont tout ce qui compte. Si les États-Unis ont un déficit commercial avec l’UE, c’est un problème qui doit être résolu, peu importe les autres dimensions de la relation. Cette approche a des conséquences. Elle érode la confiance entre les États-Unis et leurs alliés. Elle crée du ressentiment et de l’hostilité. Elle pousse les alliés à chercher des alternatives aux États-Unis, à diversifier leurs partenariats économiques et stratégiques. L’UE, par exemple, a accéléré ses négociations d’accords commerciaux avec d’autres pays, cherchant à réduire sa dépendance vis-à-vis du marché américain. Le Canada et le Mexique ont également cherché à diversifier leurs relations commerciales, signant des accords avec des pays d’Asie et d’Amérique latine.
L’USMCA : un accord commercial sous tension
L’USMCA (United States-Mexico-Canada Agreement), qui a remplacé l’ALENA en 2020, était censé être l’un des grands succès de la politique commerciale de Trump. Il a renégocié l’accord, obtenant certaines concessions du Canada et du Mexique, et l’a présenté comme un triomphe de sa stratégie de négociation dure. Mais même cet accord — que Trump lui-même a négocié et signé — n’a pas empêché les tensions commerciales avec les deux voisins des États-Unis. Trump a continué à menacer d’imposer des tarifs sur les importations canadiennes et mexicaines, invoquant diverses justifications — la sécurité nationale, l’immigration, le trafic de drogue. Ces menaces créent une incertitude qui mine la confiance des entreprises et décourage l’investissement. Comment les entreprises peuvent-elles planifier à long terme quand elles ne savent pas si les tarifs seront imposés demain ? L’USMCA lui-même contient des mécanismes de règlement des différends qui sont censés empêcher les tarifs arbitraires. Mais Trump a montré peu de respect pour ces mécanismes, préférant agir unilatéralement plutôt que de suivre les procédures établies. Cela soulève des questions sur la valeur des accords commerciaux si un président peut simplement les ignorer quand cela lui convient. Le Canada et le Mexique ont réagi avec un mélange de frustration et de pragmatisme. Ils ont imposé leurs propres tarifs de représailles sur certains produits américains, ciblant stratégiquement des produits fabriqués dans des États politiquement importants pour maximiser la pression sur Trump. Mais ils ont également continué à négocier, cherchant des compromis qui pourraient apaiser Trump sans trop nuire à leurs propres intérêts. C’est un équilibre délicat, et il n’est pas clair combien de temps il peut tenir.
Voir Trump traiter les alliés américains comme des adversaires me remplit de tristesse. Ces pays — le Canada, le Mexique, les nations européennes, le Japon, la Corée du Sud — ont été aux côtés des États-Unis pendant des décennies. Ils ont combattu avec les Américains dans des guerres, partagé des renseignements pour lutter contre le terrorisme, coopéré sur d’innombrables questions de sécurité et de prospérité mutuelle. Et maintenant, ils sont traités comme des ennemis économiques, soumis à des tarifs et à des menaces, insultés et humiliés. Quel message cela envoie-t-il ? Que l’amitié avec les États-Unis ne vaut rien ? Que les alliances peuvent être jetées dès qu’elles deviennent économiquement inconvenientes ? Que la loyauté est une rue à sens unique ? Ces alliés ne vont pas oublier comment Trump les a traités. Et quand viendra le temps où les États-Unis auront besoin de leur soutien — face à une crise internationale, face à une menace commune — ils pourraient hésiter. Ils pourraient se demander si les États-Unis sont un partenaire fiable, ou s’ils seront à nouveau trahis dès que cela servira les intérêts politiques d’un président américain. La confiance, une fois brisée, est extrêmement difficile à restaurer. Et Trump est en train de briser la confiance que les États-Unis ont mis des décennies à construire.
Section 7 : les entreprises prises entre deux feux
Costco et la vague de poursuites
En décembre 2025, Costco, le géant de la vente au détail, a intenté une action en justice contre l’administration Trump, demandant le remboursement des tarifs qu’elle a payés sous l’IEEPA. Costco n’est pas seule — des dizaines d’autres entreprises ont déposé des poursuites similaires, et des centaines d’autres se préparent à le faire. Ces entreprises parient que la Cour suprême invalidera les tarifs IEEPA, ce qui leur donnerait droit à des remboursements potentiellement massifs. Les enjeux financiers sont énormes. Si la Cour suprême invalide les tarifs et ordonne des remboursements, cela pourrait coûter au Trésor américain des dizaines, voire des centaines de milliards de dollars. C’est pourquoi tant d’entreprises se précipitent pour déposer des poursuites — elles veulent s’assurer qu’elles ne manqueront pas l’occasion de récupérer l’argent qu’elles ont payé en tarifs. Mais ces poursuites créent également une incertitude considérable. Les entreprises ne savent pas si elles récupéreront leur argent, ni quand. Elles ne savent pas si les tarifs resteront en place ou seront annulés. Elles ne savent pas si Trump utilisera d’autres lois pour imposer de nouveaux tarifs qui remplaceront ceux qui pourraient être invalidés. Cette incertitude rend la planification commerciale extrêmement difficile. Comment une entreprise peut-elle décider où investir, quels produits développer, quelles chaînes d’approvisionnement construire, quand l’environnement tarifaire peut changer radicalement du jour au lendemain ?
Les petites et moyennes entreprises sont particulièrement vulnérables. Contrairement aux grandes entreprises comme Costco qui ont les ressources pour intenter des poursuites et absorber les coûts des tarifs, les petites entreprises opèrent avec des marges plus minces et ont moins de flexibilité. Pour beaucoup, les tarifs représentent une menace existentielle. Elles ne peuvent pas facilement changer de fournisseurs, elles ne peuvent pas absorber les coûts supplémentaires, elles ne peuvent pas augmenter leurs prix sans perdre des clients. Certaines ont été forcées de fermer. D’autres ont licencié des employés. D’autres encore survivent à peine, espérant que la situation s’améliorera. Les importateurs sont en première ligne. Ce sont eux qui paient physiquement les tarifs quand les marchandises entrent aux États-Unis. Ils doivent ensuite décider comment gérer ces coûts — les absorber, les transmettre aux clients, ou trouver des alternatives. Aucune de ces options n’est idéale. Absorber les coûts réduit la rentabilité et peut rendre l’entreprise non viable. Transmettre les coûts aux clients peut entraîner une perte de ventes. Trouver des fournisseurs alternatifs prend du temps, coûte de l’argent, et peut ne pas être possible pour tous les produits. Les exportateurs américains souffrent également, même s’ils ne paient pas directement les tarifs. Les tarifs de représailles imposés par d’autres pays en réponse aux tarifs américains rendent les produits américains plus chers et moins compétitifs sur les marchés étrangers. Les agriculteurs américains, en particulier, ont été durement touchés par les tarifs de représailles chinois sur le soja, le porc, et d’autres produits agricoles. Les exportations agricoles américaines vers la Chine ont chuté de manière spectaculaire, coûtant aux agriculteurs des milliards de dollars en revenus perdus.
Les chaînes d’approvisionnement mondiales perturbées
Les tarifs de Trump ont également perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales complexes qui se sont développées au cours des dernières décennies. Dans l’économie moderne, peu de produits sont fabriqués entièrement dans un seul pays. Au lieu de cela, la production est fragmentée à travers de nombreux pays, chacun se spécialisant dans les étapes où il a un avantage comparatif. Un smartphone, par exemple, peut contenir des composants de dizaines de pays différents — des semi-conducteurs de Taïwan, des écrans de Corée du Sud, des batteries de Chine, un assemblage au Vietnam. Cette fragmentation de la production a permis des gains d’efficacité massifs, réduisant les coûts et augmentant la qualité. Mais elle rend également les chaînes d’approvisionnement vulnérables aux perturbations. Les tarifs créent exactement ce genre de perturbation. Quand Trump impose un tarif sur les composants chinois, cela affecte non seulement les entreprises qui importent ces composants, mais aussi toutes les entreprises en aval qui utilisent ces composants dans leurs propres produits. Un fabricant d’ordinateurs aux États-Unis, par exemple, peut voir ses coûts augmenter à cause des tarifs sur les semi-conducteurs, les écrans, et d’autres composants, même si l’ordinateur final est assemblé aux États-Unis. Les entreprises ont réagi de différentes manières. Certaines ont cherché à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement, trouvant des fournisseurs dans des pays non soumis aux tarifs. C’est ce qu’on appelle le « China plus one » — maintenir des fournisseurs en Chine mais en ajouter d’autres ailleurs pour réduire le risque. D’autres entreprises ont relocalisé une partie de leur production, soit aux États-Unis soit dans des pays tiers. Mais ces ajustements prennent du temps et coûtent cher. Et ils ne sont pas toujours possibles — pour certains produits et composants, la Chine est le seul fournisseur viable, ou du moins le seul qui peut fournir la qualité et la quantité nécessaires à un prix compétitif.
Quand je pense aux entreprises prises dans cette guerre commerciale, je ressens de la compassion. Compassion pour les propriétaires de petites entreprises qui ont travaillé toute leur vie pour construire quelque chose, et qui voient maintenant tout s’effondrer à cause de décisions politiques sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle. Compassion pour les travailleurs qui perdent leur emploi parce que leur entreprise ne peut plus être compétitive avec des coûts de production plus élevés. Compassion pour les agriculteurs qui ont perdu l’accès à leurs marchés d’exportation et qui luttent pour survivre. Ces gens ne sont pas des pions dans un jeu géopolitique. Ce sont des êtres humains avec des familles, des rêves, des responsabilités. Et ils paient le prix d’une politique commerciale qui n’a jamais été conçue avec leurs intérêts à l’esprit. Trump parle de « rendre l’Amérique grande à nouveau », de « protéger les travailleurs américains ». Mais combien de travailleurs américains ont perdu leur emploi à cause de ses tarifs ? Combien d’entreprises américaines ont fermé ? Combien de familles américaines ont vu leur niveau de vie baisser à cause de prix plus élevés ? Ces coûts sont réels, même s’ils sont moins visibles que les usines qui ferment à cause de la concurrence étrangère. Et ils méritent d’être reconnus, d’être pris en compte, d’être pesés contre les bénéfices hypothétiques des tarifs.
Section 8 : le rôle de la Cour suprême dans l'équilibre des pouvoirs
Une institution sous pression
La Cour suprême se trouve dans une position délicate. D’un côté, elle doit interpréter la loi de manière neutre et impartiale, sans égard pour les considérations politiques. De l’autre, elle est consciente que sa décision aura des implications politiques et économiques massives. Si elle invalide les tarifs IEEPA, elle infligera une défaite majeure à Trump et pourrait déclencher une crise de remboursement de dizaines de milliards de dollars. Si elle valide les tarifs, elle donnera au président un pouvoir quasi-illimité en matière de commerce, établissant un précédent qui pourrait être utilisé par tous les présidents futurs. La Cour est également consciente de sa propre légitimité. Dans un environnement politique hautement polarisé, où chaque institution est vue à travers un prisme partisan, la Cour lutte pour maintenir son image d’arbitre impartial. Une décision perçue comme trop politique — que ce soit en faveur ou contre Trump — pourrait éroder davantage la confiance du public dans l’institution. Le juge en chef John Roberts est particulièrement sensible à ces préoccupations. Il a fait de la protection de la légitimité institutionnelle de la Cour une priorité de son mandat. Il cherche souvent des décisions étroites et consensuelles qui évitent les grandes déclarations constitutionnelles et qui peuvent rallier une majorité de juges au-delà des lignes idéologiques. Dans l’affaire des tarifs IEEPA, Roberts pourrait chercher une voie médiane — une décision qui invalide les tarifs spécifiques en question sans complètement fermer la porte à l’utilisation future de l’IEEPA pour des tarifs dans des circonstances plus limitées.
Une possibilité serait d’adopter la distinction entre tarifs « réglementaires » et « générateurs de revenus » proposée par le gouvernement, mais de conclure que les tarifs actuels sont clairement générateurs de revenus étant donné les sommes massives qu’ils ont rapportées. Cela permettrait à la Cour de rejeter les tarifs actuels tout en laissant ouverte la possibilité que des tarifs plus limités et plus ciblés puissent être justifiés sous l’IEEPA à l’avenir. Une telle décision serait typique de l’approche de Roberts — elle résoudrait le cas immédiat sans établir une règle constitutionnelle large qui pourrait avoir des conséquences imprévues. Mais elle pourrait aussi être critiquée comme étant trop timide, comme évitant les questions constitutionnelles difficiles que l’affaire soulève. Les juges plus conservateurs — Clarence Thomas, Samuel Alito, peut-être Brett Kavanaugh — pourraient être enclins à donner au président plus de déférence en matière de politique étrangère et de sécurité nationale. Ils pourraient accepter l’argument du gouvernement que les tarifs IEEPA sont réglementaires et que le président a besoin de flexibilité pour répondre aux menaces économiques étrangères. Les juges plus libéraux — Sonia Sotomayor, Elena Kagan, Ketanji Brown Jackson — sont probablement plus sceptiques face aux revendications expansives de pouvoir exécutif. Ils pourraient voir les tarifs IEEPA comme une violation claire de la doctrine de non-délégation et comme une usurpation du pouvoir du Congrès. Les juges Neil Gorsuch et Amy Coney Barrett, tous deux nommés par Trump, pourraient être les votes décisifs. Leurs questions lors des arguments oraux suggèrent qu’ils sont sceptiques face à l’interprétation extensive de l’IEEPA par le gouvernement, mais il n’est pas clair jusqu’où ils sont prêts à aller pour limiter le pouvoir présidentiel.
Les précédents historiques
La Cour suprême a une longue histoire de décisions sur les limites du pouvoir présidentiel, en particulier en temps de crise ou d’urgence. Certaines de ces décisions ont validé des revendications expansives de pouvoir exécutif, tandis que d’autres les ont rejetées. L’affaire Youngstown Sheet & Tube Co. v. Sawyer (1952) est particulièrement pertinente. Dans cette affaire, le président Harry Truman avait ordonné la saisie des aciéries américaines pour éviter une grève pendant la guerre de Corée. Il avait justifié cette action comme nécessaire pour la sécurité nationale. Mais la Cour suprême a rejeté cette revendication, concluant que le président n’avait pas l’autorité constitutionnelle pour saisir des propriétés privées sans l’autorisation du Congrès, même en temps de guerre. L’opinion concurrente du juge Robert Jackson dans cette affaire a établi un cadre en trois parties pour évaluer le pouvoir présidentiel : le pouvoir du président est à son maximum quand il agit avec l’autorisation expresse du Congrès ; il est dans une « zone crépusculaire » quand le Congrès n’a ni autorisé ni interdit l’action ; et il est à son minimum quand il agit contrairement à la volonté expresse du Congrès. Ce cadre pourrait être appliqué à l’affaire des tarifs IEEPA. Le gouvernement Trump argue que le président agit avec l’autorisation du Congrès, puisque l’IEEPA lui donne le pouvoir de « réguler » les importations. Mais les opposants arguent que le Congrès n’a jamais eu l’intention de donner au président un pouvoir aussi vaste, et que l’interprétation du gouvernement va bien au-delà de ce que le texte de la loi autorise. Si la Cour accepte cet argument, elle pourrait conclure que le président agit dans la « zone crépusculaire » ou même contre la volonté du Congrès, ce qui affaiblirait considérablement sa revendication de pouvoir.
Je regarde la Cour suprême avec un mélange d’espoir et d’appréhension. Espoir, parce que c’est l’une des dernières institutions qui peut encore dire non à Trump, qui peut encore imposer des limites à son pouvoir. Appréhension, parce que je ne suis pas sûr que la Cour soit à la hauteur de ce défi. Les juges sont humains. Ils ont leurs propres idéologies, leurs propres loyautés, leurs propres ambitions. Et dans un environnement aussi polarisé, il est difficile de rester vraiment impartial. Je veux croire que les juges prendront leur décision basée uniquement sur la loi et la Constitution, sans égard pour les conséquences politiques. Mais je sais que c’est naïf. Les juges sont conscients du contexte dans lequel ils opèrent. Ils savent que leur décision sera scrutée, critiquée, politisée. Et cela influence nécessairement leur réflexion, même s’ils essaient de rester objectifs. Ce qui me donne de l’espoir, c’est que même les juges nommés par Trump semblent sceptiques face à ses revendications de pouvoir. Cela suggère qu’ils prennent au sérieux leur rôle de gardiens de la Constitution, qu’ils ne sont pas simplement des partisans loyaux. Mais nous verrons. La décision, quand elle viendra, nous dira beaucoup sur l’état de la Cour suprême et sur l’avenir de l’équilibre des pouvoirs en Amérique.
Section 9 : les implications pour la démocratie américaine
La concentration du pouvoir exécutif
L’affaire des tarifs IEEPA n’est qu’un exemple d’une tendance plus large : la concentration progressive du pouvoir entre les mains du président. Au cours des dernières décennies, et particulièrement depuis le 11 septembre 2001, le pouvoir exécutif s’est considérablement étendu, souvent aux dépens du Congrès et parfois au mépris des contraintes constitutionnelles. Cette expansion s’est produite dans de nombreux domaines : la guerre et l’utilisation de la force militaire, la surveillance et la sécurité nationale, l’immigration, la réglementation, et maintenant le commerce. Dans chacun de ces domaines, les présidents ont revendiqué des pouvoirs de plus en plus larges, arguant que la complexité et l’urgence des défis modernes nécessitent une action exécutive rapide et décisive. Le Congrès, pour sa part, a largement acquiescé à cette expansion, soit par accord, soit par inaction. Il a adopté des lois qui délèguent de vastes pouvoirs au président, souvent avec peu de limites ou de mécanismes de contrôle. Et quand les présidents ont dépassé même ces larges délégations, le Congrès a rarement agi pour les contraindre. Cette concentration du pouvoir est problématique pour plusieurs raisons. Premièrement, elle viole l’esprit, sinon la lettre, de la Constitution, qui a été conçue pour disperser le pouvoir entre différentes branches du gouvernement afin d’empêcher la tyrannie. Les Pères fondateurs craignaient particulièrement la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul individu, ayant vécu sous la monarchie britannique. Ils ont donc créé un système de freins et contrepoids où chaque branche pourrait limiter les autres.
Deuxièmement, la concentration du pouvoir exécutif rend la politique gouvernementale plus volatile et imprévisible. Quand le pouvoir est concentré entre les mains du président, la politique peut changer radicalement d’une administration à l’autre, créant de l’incertitude pour les citoyens, les entreprises, et les partenaires étrangers. Les tarifs de Trump en sont un exemple parfait — ils ont été imposés rapidement, modifiés fréquemment, et pourraient être annulés tout aussi rapidement par un futur président. Cette volatilité est mauvaise pour la planification à long terme et pour la stabilité économique. Troisièmement, la concentration du pouvoir exécutif réduit la responsabilité démocratique. Quand le président peut agir unilatéralement, sans l’approbation du Congrès, il est plus difficile pour les citoyens de tenir le gouvernement responsable. Le Congrès est censé être le corps le plus représentatif du gouvernement, le plus proche du peuple. Quand il est contourné, la voix du peuple est affaiblie. Quatrièmement, la concentration du pouvoir exécutif crée un risque d’abus. Un président avec trop de pouvoir peut être tenté de l’utiliser à des fins personnelles ou partisanes plutôt que pour l’intérêt national. Il peut utiliser ce pouvoir pour récompenser ses alliés et punir ses ennemis, pour manipuler l’économie à des fins électorales, pour supprimer la dissidence. Trump a déjà montré une propension à utiliser le pouvoir présidentiel de manière personnelle et vindicative — ses tarifs, par exemple, semblent parfois motivés autant par des griefs personnels que par des considérations de politique commerciale.
L’érosion des normes démocratiques
Au-delà de la question juridique du pouvoir présidentiel, l’affaire des tarifs IEEPA illustre une érosion plus large des normes démocratiques aux États-Unis. Les normes sont les règles non écrites qui régissent le comportement politique — les attentes de décence, de respect, de retenue qui complètent les règles formelles de la Constitution et des lois. Ces normes sont essentielles pour le fonctionnement d’une démocratie saine. Elles empêchent les acteurs politiques d’exploiter chaque faille légale, de pousser chaque pouvoir à son extrême limite, de transformer chaque désaccord en crise constitutionnelle. Trump a systématiquement violé ces normes. Il a attaqué personnellement les juges qui ont statué contre lui. Il a menacé de poursuivre ses opposants politiques. Il a refusé de publier ses déclarations de revenus. Il a mélangé ses intérêts commerciaux personnels avec ses fonctions présidentielles. Il a menti de manière répétée et flagrante. Il a miné la confiance dans les institutions démocratiques, y compris les médias, le système judiciaire, les agences de renseignement, et même le processus électoral lui-même. Dans le contexte des tarifs, Trump a violé la norme de longue date selon laquelle les présidents consultent le Congrès sur les questions commerciales majeures, même quand ils ont l’autorité légale d’agir unilatéralement. Il a violé la norme selon laquelle les alliés sont traités différemment des adversaires. Il a violé la norme selon laquelle la politique commerciale est basée sur des analyses économiques rigoureuses plutôt que sur des caprices personnels ou des considérations politiques à court terme.
L’érosion des normes démocratiques me terrifie plus que presque tout autre aspect de la présidence Trump. Parce que les normes, une fois brisées, sont extrêmement difficiles à restaurer. Une fois qu’un président a montré qu’il peut violer une norme sans conséquence, les futurs présidents seront tentés de faire de même. Une fois que le public s’habitue à un certain niveau de comportement inapproprié, il devient plus difficile de s’indigner face à de nouvelles violations. C’est une spirale descendante, une course vers le bas, où chaque transgression rend la suivante plus acceptable. Et à un certain point, nous nous réveillerons et réaliserons que nous ne vivons plus dans la même démocratie que celle dans laquelle nous pensions vivre. Les institutions seront toujours là — le Congrès, la Cour suprême, les élections — mais elles seront vidées de leur substance, transformées en façades qui cachent une réalité très différente. C’est ainsi que les démocraties meurent — non pas dans un coup d’État violent, mais dans une érosion lente et progressive des normes et des institutions qui les soutiennent. Et nous sommes en train de vivre cette érosion en temps réel.
Section 10 : les alternatives à la guerre commerciale
La coopération multilatérale comme solution
Il existe des alternatives à l’approche unilatérale et conflictuelle de Trump en matière de commerce. L’une des plus prometteuses est la coopération multilatérale — travailler avec d’autres pays à travers des institutions internationales comme l’OMC pour résoudre les différends commerciaux et établir des règles communes. L’OMC, malgré tous ses défauts, a fourni un forum pour la résolution pacifique des différends commerciaux pendant des décennies. Elle a établi des règles qui limitent les pratiques commerciales déloyales et qui fournissent des mécanismes pour contester les violations. Quand un pays estime qu’un autre viole les règles de l’OMC, il peut déposer une plainte et obtenir une décision d’un panel d’experts indépendants. Si le panel conclut qu’il y a eu violation, le pays fautif doit soit corriger sa pratique, soit faire face à des sanctions autorisées par l’OMC. Ce système n’est pas parfait. Les procédures de l’OMC peuvent être lentes. Les décisions ne sont pas toujours appliquées efficacement. Et l’OMC a du mal à s’adapter aux nouveaux défis comme le commerce numérique, les subventions industrielles massives, et les pratiques commerciales de la Chine qui ne correspondent pas bien aux règles établies dans les années 1990. Mais malgré ces problèmes, le système multilatéral offre des avantages importants par rapport à l’approche unilatérale. Il fournit de la prévisibilité et de la stabilité. Il permet aux petits pays de contester les grandes puissances sur un pied d’égalité. Il encourage la coopération plutôt que la confrontation. Et il renforce les normes internationales qui bénéficient à tous.
Au lieu de démanteler ce système, les États-Unis pourraient travailler à le réformer et à le renforcer. Ils pourraient collaborer avec des alliés comme l’Union européenne, le Japon, et le Canada pour moderniser les règles de l’OMC, pour les adapter aux défis du XXIe siècle. Ils pourraient travailler ensemble pour faire pression sur la Chine afin qu’elle respecte ses engagements commerciaux, en utilisant les mécanismes de l’OMC plutôt que des tarifs unilatéraux. Cette approche serait plus efficace parce qu’elle mobiliserait la pression collective de nombreux pays plutôt que de laisser les États-Unis agir seuls. Elle serait également plus légitime, car elle serait basée sur des règles internationalement reconnues plutôt que sur les décisions unilatérales d’un seul pays. Malheureusement, Trump a fait exactement le contraire. Il a paralysé l’OMC en bloquant la nomination de nouveaux membres à son organe d’appel, rendant impossible la résolution de nombreux différends. Il s’est retiré de négociations commerciales multilatérales comme le Partenariat transpacifique. Il a préféré les accords bilatéraux où les États-Unis peuvent utiliser leur poids économique pour obtenir des concessions, plutôt que les accords multilatéraux qui nécessitent des compromis. Cette approche affaiblit le système commercial international et crée un vide que d’autres pays — notamment la Chine — sont heureux de combler. La Chine promeut activement son propre modèle de gouvernance économique mondiale, un modèle qui met moins l’accent sur les règles et la transparence et plus sur les relations bilatérales et le pouvoir économique. Si les États-Unis continuent à se retirer du leadership multilatéral, c’est ce modèle chinois qui pourrait prévaloir.
Investir dans la compétitivité américaine
Une autre alternative aux tarifs serait d’investir directement dans la compétitivité américaine. Au lieu d’essayer de protéger les industries existantes de la concurrence étrangère, les États-Unis pourraient se concentrer sur la création de nouvelles industries, sur l’innovation, sur l’éducation et la formation de la main-d’œuvre. Cela nécessiterait des investissements massifs dans l’infrastructure — non seulement les routes et les ponts, mais aussi les réseaux à large bande, les réseaux électriques intelligents, les systèmes de transport public. Cela nécessiterait des investissements dans la recherche et développement, en particulier dans les technologies émergentes comme l’intelligence artificielle, la biotechnologie, les énergies renouvelables, l’informatique quantique. Cela nécessiterait des investissements dans l’éducation, de la petite enfance à l’université, pour s’assurer que les travailleurs américains ont les compétences nécessaires pour réussir dans l’économie du XXIe siècle. Cela nécessiterait également des politiques pour soutenir les travailleurs et les communautés affectés par les changements économiques. Un filet de sécurité sociale plus robuste — assurance chômage généreuse, assurance maladie universelle, aide à la reconversion professionnelle — pourrait aider les travailleurs à naviguer les transitions économiques sans tomber dans la pauvreté. Des politiques de développement régional pourraient aider les communautés qui ont perdu leurs industries traditionnelles à se diversifier et à attirer de nouvelles entreprises.
Quand je pense aux alternatives aux tarifs, je ressens de la frustration. Frustration parce que ces alternatives existent, elles sont connues, elles ont été testées dans d’autres pays avec succès. Mais elles nécessitent de la patience, de l’investissement, de la coopération — toutes des choses que Trump semble incapable ou peu disposé à fournir. Il préfère les solutions rapides, les gestes spectaculaires, les victoires apparentes qu’il peut tweeter. Peu importe si ces solutions ne fonctionnent pas réellement, si elles causent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Ce qui compte, c’est l’apparence de l’action, l’illusion du contrôle. Et pendant ce temps, les vrais problèmes — la stagnation des salaires, l’inégalité croissante, le déclin de la mobilité sociale, l’inadéquation entre les compétences des travailleurs et les besoins de l’économie moderne — restent non résolus. Nous gaspillons du temps, de l’énergie, et des ressources sur une guerre commerciale futile au lieu de nous attaquer aux défis réels qui affectent les travailleurs américains. C’est tragique. Et c’est évitable.
Section 11 : le calendrier et les prochaines étapes
Quand la Cour suprême rendra-t-elle sa décision ?
La grande question qui occupe tous les esprits à Washington est : quand la Cour suprême rendra-t-elle sa décision sur les tarifs IEEPA ? Les arguments oraux ont eu lieu le 5 novembre 2025, et normalement, la Cour rend ses décisions dans les quelques mois suivant les arguments. Cela signifie qu’une décision pourrait venir dès décembre 2025 ou janvier 2026, bien qu’il soit également possible qu’elle soit retardée jusqu’au printemps 2026. Le timing est crucial pour plusieurs raisons. Premièrement, plus la décision est retardée, plus les entreprises accumulent de paiements de tarifs qui pourraient devoir être remboursés si la Cour invalide les tarifs. Cela augmente les enjeux financiers et crée plus d’incertitude. Deuxièmement, le timing pourrait affecter la capacité de l’administration Trump à mettre en œuvre ses alternatives. Si la décision vient rapidement, Trump aura plus de temps pour utiliser les sections 301, 232, et 122 pour recréer sa structure tarifaire. Si elle est retardée, il pourrait avoir moins de temps, surtout s’il y a des élections à mi-mandat qui changent la composition du Congrès et potentiellement augmentent la pression pour limiter son autorité tarifaire. Troisièmement, le timing pourrait affecter l’impact économique. Si les tarifs sont invalidés pendant une période de croissance économique forte, l’impact pourrait être absorbé plus facilement. Si cela se produit pendant une récession ou un ralentissement, l’impact pourrait être plus sévère. Il y a également la question de savoir si la Cour rendra une décision unanime ou divisée. Une décision unanime ou avec une large majorité aurait plus de légitimité et serait plus difficile pour Trump de critiquer. Une décision 5-4 selon des lignes idéologiques serait perçue comme plus politique et pourrait alimenter les critiques de Trump contre la Cour.
Les scénarios possibles
Plusieurs scénarios sont possibles pour la décision de la Cour suprême et ses conséquences. Scénario 1 : La Cour invalide complètement les tarifs IEEPA. Dans ce scénario, la Cour conclut que l’IEEPA ne donne pas au président l’autorité d’imposer des tarifs, ou que même si elle le fait, l’utilisation par Trump de cette autorité viole la doctrine de non-délégation. Les tarifs sont annulés, et les entreprises qui les ont payés ont droit à des remboursements. Cela déclencherait une vague massive de litiges alors que des milliers d’entreprises cherchent à récupérer les milliards de dollars qu’elles ont payés. Le Trésor américain ferait face à une crise budgétaire potentielle. Trump réagirait probablement avec fureur, attaquant la Cour et cherchant immédiatement à imposer de nouveaux tarifs sous d’autres autorités légales. Scénario 2 : La Cour valide les tarifs IEEPA. Dans ce scénario, la Cour accepte l’interprétation du gouvernement selon laquelle l’IEEPA donne au président une large autorité pour imposer des tarifs en réponse à des menaces économiques étrangères. Les tarifs restent en place, et Trump revendique une victoire majeure. Mais cela établirait un précédent dangereux, donnant aux futurs présidents un pouvoir quasi-illimité en matière de commerce. Le Congrès pourrait réagir en essayant de modifier l’IEEPA pour limiter cette autorité, mais il n’est pas clair s’il aurait la volonté politique de le faire. Scénario 3 : La Cour rend une décision étroite. Dans ce scénario, la Cour invalide les tarifs spécifiques en question sans se prononcer largement sur l’autorité présidentielle sous l’IEEPA. Par exemple, elle pourrait conclure que les tarifs actuels sont clairement générateurs de revenus plutôt que réglementaires, et donc au-delà de l’autorité de l’IEEPA, sans dire si des tarifs plus limités et plus ciblés pourraient être justifiés. Cela résoudrait le cas immédiat mais laisserait de nombreuses questions ouvertes pour de futurs litiges.
L’attente de la décision de la Cour suprême est angoissante. Chaque jour qui passe sans décision est un jour de plus d’incertitude, un jour de plus où les entreprises ne savent pas comment planifier, où les travailleurs ne savent pas si leurs emplois sont sûrs, où les consommateurs paient des prix plus élevés sans savoir si cela continuera. C’est épuisant. Et cela illustre à quel point nous sommes devenus dépendants des décisions d’un petit groupe de juges non élus. Ce n’est pas ainsi qu’une démocratie est censée fonctionner. Dans une démocratie saine, ces questions seraient résolues par le processus politique — par le Congrès débattant, négociant, votant. Mais notre Congrès est tellement dysfonctionnel, tellement paralysé par la polarisation partisane, qu’il a abdiqué sa responsabilité. Et donc nous nous tournons vers les tribunaux, espérant qu’ils résoudront les problèmes que nos représentants élus ne peuvent ou ne veulent pas résoudre. C’est une situation précaire. Et elle ne peut pas durer indéfiniment.
Section 12 : les leçons pour l'avenir
Réformer les lois sur le commerce
Quelle que soit la décision de la Cour suprême, cette affaire révèle un besoin urgent de réformer les lois qui régissent l’autorité présidentielle en matière de commerce. L’IEEPA, la section 301, la section 232 — toutes ces lois ont été adoptées il y a des décennies, dans des contextes très différents, et elles n’ont jamais été conçues pour donner au président le genre de pouvoir expansif que Trump revendique. Le Congrès devrait clarifier ces lois, établir des limites plus claires sur l’autorité présidentielle, et créer des mécanismes de contrôle plus robustes. Par exemple, le Congrès pourrait exiger son approbation pour tout tarif qui dépasse un certain seuil — disons, tout tarif qui affecte plus de 10 milliards de dollars de commerce ou qui reste en place pendant plus de six mois. Il pourrait établir des critères plus stricts pour ce qui constitue une « menace inhabituelle et extraordinaire » justifiant l’utilisation de l’IEEPA. Il pourrait exiger des consultations obligatoires avec le Congrès avant l’imposition de tarifs majeurs. Il pourrait créer un mécanisme de révision judiciaire plus robuste pour les décisions tarifaires présidentielles. Le Congrès pourrait également envisager de reprendre une partie de l’autorité qu’il a déléguée. Au lieu de donner au président une large discrétion pour imposer des tarifs, il pourrait établir des procédures plus détaillées que le président doit suivre, avec des points de contrôle où le Congrès peut intervenir. Cela rendrait la politique commerciale moins volatile et plus prévisible, tout en préservant la capacité du président à réagir rapidement aux véritables urgences.
Renforcer les institutions démocratiques
Au-delà des réformes spécifiques aux lois commerciales, cette affaire souligne le besoin plus large de renforcer les institutions démocratiques américaines. Le Congrès doit retrouver sa volonté et sa capacité d’exercer une surveillance efficace sur l’exécutif. Cela nécessite de surmonter la polarisation partisane qui paralyse actuellement l’institution. Les membres du Congrès doivent être prêts à défendre les prérogatives de leur branche même quand cela signifie s’opposer à un président de leur propre parti. Les institutions de contrôle — les inspecteurs généraux, le Government Accountability Office, les agences de surveillance — doivent être renforcées et protégées contre l’ingérence politique. Ces institutions jouent un rôle crucial en exposant les abus de pouvoir et en tenant le gouvernement responsable, mais elles ne peuvent le faire que si elles sont indépendantes et bien financées. Les médias doivent continuer à jouer leur rôle de chien de garde, en enquêtant et en rapportant sur les actions du gouvernement, même face aux attaques et à l’intimidation. Une presse libre et vigoureuse est essentielle pour une démocratie saine. Et les citoyens doivent rester engagés et vigilants. Ils doivent exiger mieux de leurs représentants élus. Ils doivent voter, protester, organiser, faire entendre leur voix. La démocratie n’est pas un spectacle passif — c’est une participation active. Et si les citoyens abdiquent leur responsabilité, les institutions démocratiques s’affaibliront inévitablement.
Quand je pense aux leçons de cette affaire, je ressens un mélange d’espoir et de désespoir. Espoir, parce que je crois encore que les institutions américaines peuvent se réformer, qu’elles peuvent s’adapter aux nouveaux défis, qu’elles peuvent résister aux assauts contre la démocratie. Désespoir, parce que je vois à quel point le chemin est difficile, à quel point les obstacles sont nombreux, à quel point la volonté politique est faible. Les réformes nécessaires sont claires. Nous savons ce qui doit être fait. Mais les faire nécessite du courage politique, de la coopération bipartisane, une volonté de mettre l’intérêt national au-dessus de l’avantage partisan. Et je ne suis pas sûr que nous ayons ces choses en ce moment. Peut-être que cette crise — car c’est une crise, même si elle se déroule lentement — sera le catalyseur dont nous avons besoin. Peut-être qu’elle réveillera suffisamment de gens pour exiger le changement. Peut-être qu’elle forcera le Congrès à agir, la Cour suprême à imposer des limites, les citoyens à s’engager. Ou peut-être pas. Peut-être que nous continuerons à dériver, acceptant chaque nouvelle transgression comme la nouvelle normalité, jusqu’à ce que nous nous réveillions un jour et réalisions que nous avons perdu quelque chose de précieux. Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que nous sommes à un moment charnière. Et les choix que nous faisons maintenant — en tant que nation, en tant que citoyens, en tant qu’êtres humains — détermineront le genre de pays que nous laisserons à nos enfants.
Section 13 : au-delà des tarifs, une vision du monde
Le trumpisme commercial comme idéologie
Pour vraiment comprendre l’acharnement de Trump à préserver ses tarifs, il faut dépasser l’analyse juridique et économique pour saisir la dimension idéologique de sa démarche. Car les tarifs ne sont pas simplement des outils de politique commerciale pour Trump — ils sont l’expression d’une vision du monde, d’une philosophie politique qui rejette fondamentalement les principes qui ont guidé la politique étrangère américaine depuis 1945. Cette vision repose sur plusieurs piliers. Premièrement, le nationalisme économique : l’idée que chaque pays doit prioritairement défendre ses propres intérêts économiques, sans égard pour les bénéfices collectifs du commerce international. Dans cette optique, le commerce n’est pas un jeu à somme positive où tous peuvent gagner, mais un jeu à somme nulle où le gain d’un pays est nécessairement la perte d’un autre. Si la Chine s’enrichit, c’est forcément aux dépens des États-Unis. Si le Mexique exporte vers les États-Unis, c’est qu’il « vole » des emplois américains. Cette vision mercantiliste — qui rappelle les théories économiques du XVIIe siècle — ignore des siècles de pensée économique démontrant que le commerce mutuellement bénéfique est possible et souhaitable. Deuxièmement, le transactionnalisme : l’idée que toutes les relations internationales peuvent et doivent être réduites à des transactions commerciales, où chaque interaction est évaluée en termes de « qui gagne » et « qui perd ». Les alliances traditionnelles, les valeurs partagées, les intérêts stratégiques à long terme — tout cela est secondaire par rapport à la question de savoir si un pays « paie sa juste part » ou si un accord commercial est « équitable » pour les États-Unis. Cette approche transforme la diplomatie en marchandage, réduit les partenaires à des clients ou des concurrents, et mine la confiance qui est le fondement de toute coopération internationale durable.
Troisièmement, l’unilatéralisme : la conviction que les États-Unis sont plus forts quand ils agissent seuls, sans être contraints par des alliances, des traités, ou des institutions multilatérales. Dans cette logique, l’OMC, l’OTAN, les accords commerciaux régionaux — toutes ces structures sont des entraves à la puissance américaine plutôt que des multiplicateurs de force. Trump préfère les deals bilatéraux où les États-Unis peuvent utiliser leur poids économique pour obtenir des concessions, plutôt que les négociations multilatérales où ils doivent faire des compromis. Cette préférence pour l’unilatéralisme reflète une profonde méfiance envers les institutions internationales, perçues comme des véhicules par lesquels les pays plus faibles peuvent limiter la liberté d’action américaine. Quatrièmement, le protectionnisme : la croyance que protéger les industries nationales de la concurrence étrangère est non seulement économiquement bénéfique, mais moralement juste. Dans cette perspective, les tarifs ne sont pas des taxes qui nuisent aux consommateurs, mais des boucliers qui protègent les travailleurs américains. Le fait que les études économiques démontrent systématiquement que le protectionnisme réduit la prospérité globale est ignoré ou rejeté comme de la propagande des « élites mondialistes ». Ces quatre piliers — nationalisme économique, transactionnalisme, unilatéralisme, protectionnisme — forment ce qu’on pourrait appeler le « trumpisme commercial ». C’est une idéologie cohérente, même si elle est économiquement discutable et stratégiquement risquée. Et c’est une idéologie qui a trouvé un écho auprès d’une partie significative de l’électorat américain, frustrée par des décennies de mondialisation qui ont bénéficié aux élites mais laissé derrière de nombreux travailleurs ordinaires.
L’impact sur l’ordre mondial
L’approche de Trump en matière de commerce ne se limite pas à affecter l’économie américaine — elle remodèle l’ordre mondial lui-même. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont été les architectes et les garants d’un système commercial international fondé sur des règles, incarné par des institutions comme le GATT (devenu l’OMC), et soutenu par un réseau d’alliances et d’accords commerciaux. Ce système n’était pas parfait — il favorisait souvent les intérêts des pays riches, il ignorait les préoccupations environnementales et sociales, il permettait des abus. Mais il a apporté une stabilité et une prévisibilité qui ont facilité une expansion sans précédent du commerce mondial, contribuant à la plus grande réduction de la pauvreté de l’histoire humaine. Trump est en train de démanteler ce système. En paralysant l’OMC, en se retirant des accords commerciaux multilatéraux, en imposant des tarifs unilatéraux qui violent les règles internationales, en traitant les alliés comme des adversaires, il sape les fondations de l’ordre commercial libéral. Et la nature abhorre le vide. Si les États-Unis abandonnent leur rôle de leader du système commercial international, d’autres pays chercheront à combler ce vide. La Chine, en particulier, se positionne activement comme une alternative au leadership américain. Pékin promeut son propre modèle de développement économique — un capitalisme d’État autoritaire qui combine ouverture commerciale et contrôle politique strict. Elle construit des institutions alternatives comme la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures. Elle négocie des accords commerciaux régionaux qui excluent les États-Unis. Elle utilise son initiative « Belt and Road » pour créer des liens économiques avec des dizaines de pays à travers le monde.
Cette compétition pour façonner l’ordre économique mondial n’est pas qu’une question de commerce — c’est une question de pouvoir géopolitique. Car celui qui écrit les règles du commerce international détermine également quelles valeurs seront intégrées dans ces règles. Si les États-Unis dominent, les règles refléteront (au moins en théorie) des valeurs démocratiques : transparence, État de droit, protection des droits de propriété intellectuelle, standards environnementaux et sociaux. Si la Chine domine, les règles refléteront ses priorités : souveraineté nationale absolue, non-ingérence dans les affaires intérieures, primauté du développement économique sur les droits humains. Le choix entre ces deux visions aura des conséquences profondes pour l’avenir de la gouvernance mondiale. Et en ce moment, par son rejet du multilatéralisme et son adoption d’un nationalisme économique agressif, Trump est en train de céder du terrain à la Chine. C’est l’une des grandes ironies de sa présidence : en cherchant à « rendre l’Amérique grande à nouveau », il pourrait bien être en train d’accélérer le déclin relatif de la puissance américaine. Car la vraie force des États-Unis n’a jamais résidé uniquement dans leur puissance militaire ou économique brute, mais dans leur capacité à construire des coalitions, à établir des normes, à inspirer d’autres pays à suivre leur exemple. Cette forme de pouvoir — ce que Joseph Nye appelle le « soft power » — est en train de s’éroder rapidement sous Trump. Et une fois perdue, elle sera extrêmement difficile à récupérer. Les autres pays ne vont pas oublier comment Trump les a traités. Ils ne vont pas oublier les tarifs arbitraires, les menaces, les insultes, le mépris pour les alliances et les engagements. Et quand viendra le temps de reconstruire l’ordre international — après Trump — ils seront beaucoup moins enclins à accepter le leadership américain.
Quand je contemple l’impact de Trump sur l’ordre mondial, je ressens quelque chose qui ressemble à du deuil. Deuil pour un système qui, malgré tous ses défauts, avait apporté une relative stabilité et prospérité. Deuil pour une Amérique qui était vue comme un leader, pas comme un intimidateur. Deuil pour des alliances qui avaient survécu à la guerre froide, aux crises financières, aux attaques terroristes, mais qui pourraient ne pas survivre à Trump. Je ne suis pas naïf — je sais que l’ordre d’après-guerre avait ses problèmes, ses injustices, ses hypocrisies. Je sais que les États-Unis ont souvent utilisé leur pouvoir de manière égoïste, qu’ils ont soutenu des dictateurs quand cela servait leurs intérêts, qu’ils ont imposé des politiques économiques qui ont nui aux pays pauvres. Mais au moins, il y avait des règles. Au moins, il y avait des institutions. Au moins, il y avait un semblant d’ordre. Trump est en train de tout brûler. Et je ne sais pas ce qui émergera des cendres. Peut-être quelque chose de meilleur — un ordre plus équitable, plus inclusif, plus démocratique. Mais plus probablement quelque chose de pire — un monde fragmenté en blocs rivaux, où la loi du plus fort règne, où les petits pays sont écrasés entre les grandes puissances, où le commerce devient une arme plutôt qu’un pont. C’est terrifiant. Et c’est en train de se produire sous nos yeux, une décision tarifaire à la fois.
Conclusion : l'heure des choix
Un moment décisif pour la démocratie américaine
Nous voici arrivés à un moment décisif. La décision de la Cour suprême sur les tarifs IEEPA ne sera pas qu’un jugement technique sur l’interprétation d’une loi. Ce sera un verdict sur la nature du pouvoir présidentiel, sur l’équilibre des pouvoirs entre les branches du gouvernement, sur l’avenir de la démocratie américaine elle-même. Si la Cour valide l’utilisation extensive de l’IEEPA par Trump, elle établira un précédent qui donnera aux futurs présidents un pouvoir quasi-illimité en matière de commerce — et potentiellement dans d’autres domaines. Elle dira essentiellement que le président peut contourner le Congrès, ignorer les contraintes constitutionnelles, et agir unilatéralement tant qu’il invoque la « sécurité nationale » ou une « urgence économique ». Ce serait une transformation fondamentale de la structure constitutionnelle américaine, une concentration du pouvoir qui aurait horrifié les Pères fondateurs. Si, au contraire, la Cour invalide les tarifs, elle enverra un message clair que même le président a des limites, que la Constitution signifie quelque chose, que les freins et contrepoids fonctionnent encore. Mais cela ne résoudra pas tous les problèmes. Trump a déjà annoncé qu’il a d’autres méthodes pour imposer ses tarifs. Le Congrès reste largement passif. Les normes démocratiques continuent de s’éroder. Et les défis économiques sous-jacents — l’inégalité, la stagnation des salaires, le déclin de certaines industries — restent non résolus. Ce moment exige plus qu’une décision judiciaire. Il exige un réveil collectif, une reconnaissance que notre démocratie est en danger, que nos institutions sont sous pression, que le statu quo n’est pas tenable. Il exige que le Congrès reprenne ses responsabilités constitutionnelles, que les citoyens exigent mieux de leurs représentants, que nous tous — quelle que soit notre affiliation politique — défendions les principes démocratiques fondamentaux qui transcendent les divisions partisanes.
Les tarifs de Trump ne sont qu’un symptôme d’un problème plus profond : la concentration du pouvoir, l’érosion des normes, la polarisation politique, le dysfonctionnement institutionnel. Résoudre le problème des tarifs sans s’attaquer à ces causes sous-jacentes ne fera que reporter la crise. Le prochain président — qu’il soit Trump ou quelqu’un d’autre — trouvera d’autres moyens de contourner les contraintes, d’autres failles à exploiter, d’autres normes à violer. À moins que nous ne réformions nos institutions, que nous ne renforcions nos garde-fous, que nous ne restaurions un minimum de consensus bipartisan sur les règles du jeu démocratique. C’est un défi immense. Il nécessitera du courage politique, de la coopération, de la patience. Il nécessitera que nous dépassions nos divisions, que nous trouvions un terrain commun, que nous mettions l’intérêt national au-dessus de l’avantage partisan. Je ne sais pas si nous en sommes capables. Mais je sais que nous devons essayer. Parce que l’alternative — continuer sur la voie actuelle, accepter la normalisation de l’anormal, laisser nos institutions s’affaiblir progressivement — est inacceptable. Nous devons à nos enfants, à nos petits-enfants, de leur laisser une démocratie fonctionnelle, des institutions robustes, un pays qui respecte encore la loi et les normes démocratiques. Cette affaire de tarifs, aussi technique qu’elle puisse paraître, est en réalité un test. Un test de notre volonté de défendre la démocratie. Un test de notre capacité à imposer des limites au pouvoir. Un test de notre engagement envers les principes qui ont fait des États-Unis une grande nation — non pas la puissance militaire ou la richesse économique, mais l’État de droit, la séparation des pouvoirs, le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Allons-nous réussir ce test ? Je l’espère. Mais l’espoir seul ne suffit pas. Il faut de l’action. Il faut de l’engagement. Il faut que chacun de nous fasse sa part.
En écrivant ces derniers mots, je ressens une profonde lassitude. Lassitude face à cette bataille sans fin, face à ces guerres commerciales qui ne profitent à personne, face à cette érosion constante des normes et des institutions qui ont maintenu une paix relative et une prospérité croissante pendant des décennies. Je suis fatigué de voir Trump repousser les limites, de le voir contourner les règles, de le voir transformer chaque aspect de la gouvernance en un spectacle chaotique. Je suis fatigué de voir le Congrès abdiquer ses responsabilités, de voir les alliés américains traités comme des adversaires, de voir les consommateurs américains payer le prix de décisions politiques qu’ils n’ont jamais demandées. Mais au-delà de la lassitude, il y a aussi une détermination. Une détermination à continuer de documenter, d’analyser, de critiquer. Une détermination à ne pas laisser cette normalisation de l’anormal se poursuivre sans résistance. Une détermination à croire que les institutions américaines, aussi malmenées soient-elles, peuvent encore tenir. Que la Cour suprême peut encore dire non. Que le Congrès peut encore se réveiller. Que les citoyens peuvent encore exiger mieux de leurs dirigeants. Cette affaire de tarifs n’est pas qu’une question économique ou juridique. C’est une question de démocratie, de responsabilité, de limites du pouvoir. C’est une question de savoir quel genre de pays les États-Unis veulent être — un pays de lois ou un pays d’hommes, un leader mondial ou un intimidateur isolé, une démocratie fonctionnelle ou une présidence impériale. La réponse à ces questions déterminera non seulement l’avenir de la politique commerciale américaine, mais l’avenir de la démocratie américaine elle-même. Et c’est pourquoi cette bataille compte. C’est pourquoi nous devons rester vigilants, engagés, déterminés. Parce que si nous abandonnons maintenant, si nous acceptons cette concentration du pouvoir, cette érosion des normes, ce chaos comme la nouvelle normalité, alors nous aurons perdu quelque chose de précieux. Quelque chose qui sera extrêmement difficile à récupérer.
Un appel à l’action
Alors que faire ? Comment chacun de nous peut-il contribuer à défendre la démocratie face à ces défis ? Premièrement, restez informés. Suivez cette affaire et d’autres questions importantes. Lisez des sources diverses, pas seulement celles qui confirment vos opinions préexistantes. Comprenez les enjeux, les arguments, les implications. Une démocratie ne peut fonctionner que si les citoyens sont informés. Deuxièmement, engagez-vous. Contactez vos représentants au Congrès. Dites-leur ce que vous pensez des tarifs, du pouvoir présidentiel, de l’équilibre des pouvoirs. Votez aux élections, pas seulement aux présidentielles mais aussi aux législatives, aux locales. Participez aux manifestations, aux réunions publiques, aux débats communautaires. La démocratie est une participation active, pas un spectacle passif. Troisièmement, soutenez les institutions qui défendent la démocratie. Les médias indépendants qui enquêtent et rapportent sans crainte ni faveur. Les organisations de la société civile qui surveillent le gouvernement et défendent les droits. Les institutions académiques qui forment la prochaine génération de citoyens et de leaders. Ces institutions ont besoin de notre soutien — financier, moral, politique — pour continuer leur travail crucial. Quatrièmement, construisez des ponts au-delà des divisions politiques. Parlez à des gens qui ne partagent pas vos opinions. Écoutez leurs préoccupations. Cherchez un terrain commun. La polarisation est l’ennemi de la démocratie — elle rend impossible la coopération, le compromis, la résolution collective des problèmes. Nous devons trouver des moyens de travailler ensemble malgré nos différences.
Cinquièmement, exigez mieux de vos représentants. Ne vous contentez pas de politiciens qui mettent leur parti au-dessus du pays, qui choisissent la loyauté partisane plutôt que le devoir constitutionnel, qui préfèrent les gains à court terme aux intérêts à long terme. Tenez-les responsables. Votez contre eux s’ils ne sont pas à la hauteur. Soutenez des challengers qui offrent une alternative. La démocratie ne fonctionne que si les citoyens tiennent leurs représentants responsables. Sixièmement, ne perdez pas espoir. Oui, les défis sont immenses. Oui, la situation semble parfois désespérée. Oui, il est tentant de se retirer, de se désengager, de se concentrer uniquement sur sa propre vie. Mais c’est exactement ce que veulent ceux qui bénéficient du statu quo — que nous abandonnions, que nous acceptions l’inacceptable, que nous nous résignions à l’érosion de notre démocratie. Ne leur donnez pas cette satisfaction. Continuez à vous battre. Continuez à croire. Continuez à agir. Parce que l’histoire nous enseigne que le changement est possible, que les citoyens engagés peuvent faire la différence, que même les institutions les plus puissantes peuvent être réformées quand suffisamment de gens exigent le changement. Cette affaire de tarifs — cette bataille juridique, économique, politique — n’est qu’un chapitre dans l’histoire plus large de la démocratie américaine. Comment ce chapitre se terminera dépend de nous tous. De nos choix. De nos actions. De notre détermination à défendre les principes qui font de l’Amérique ce qu’elle est censée être. L’heure des choix est arrivée. Choisissons bien.
Sources
Sources primaires
CNBC, « Bessent says Trump admin will be able to replicate tariffs even if it loses Supreme Court decision », Scott Bessent, secrétaire au Trésor, DealBook Summit du New York Times, 3 décembre 2025. Raw Story, « Trump claims he has ‘other methods’ of getting around Supreme Court’s big tariff decision », déclaration de Donald Trump sur Truth Social, 7 décembre 2025. Council on Foreign Relations, « The Supreme Court Takes Aim at Trump’s IEEPA Tariffs », John K. Veroneau, arguments oraux devant la Cour suprême, affaire Learning Resources, Inc. v. Trump, 5 novembre 2025. Business Insider, « A Supreme Court decision could derail Trump’s trade strategy — but he already has 2 battle-tested tariff options », Jacob Shamsian, analyse des sections 301 et 232 du Trade Act, décembre 2025.
Sources secondaires
Federal Reserve Bank of New York, études sur l’impact économique des tarifs Trump sur les ménages américains, 2025. Université de Chicago, analyses économiques des effets des tarifs sur les prix à la consommation, 2025. Peterson Institute for International Economics, recherches sur les conséquences macroéconomiques de la guerre commerciale sino-américaine, 2025. Congressional Budget Office, estimations des revenus tarifaires et des coûts potentiels de remboursement, 2025. Georgetown Law School, Kathleen Claussen, analyses juridiques de la jurisprudence sur les sections 301 et 232, 2025. Duke Law School, Rachel Brewster, expertises sur le droit commercial international et les pouvoirs présidentiels, 2025.
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