Les origines d’une alliance économique
Pour comprendre l’ampleur du bouleversement que représenterait la création du Core 5, il faut revenir aux origines du G7. Tout commence en 1975, dans un contexte de crise économique mondiale. Les chocs pétroliers ont plongé les économies occidentales dans la récession. Face à cette tempête, les dirigeants des six principales puissances économiques occidentales décident de se réunir pour coordonner leurs politiques économiques. Le premier sommet se tient au château de Rambouillet, en France. Le Canada rejoint le groupe l’année suivante, formant ainsi le G7. Pendant des décennies, ce forum informel devient le lieu où se prennent les grandes décisions économiques mondiales.
Mais le G7 n’est pas seulement un forum économique. C’est aussi un club de démocraties. Tous les membres partagent un système politique fondé sur le pluralisme et l’État de droit. Cette dimension idéologique devient encore plus évidente après la chute du mur de Berlin. La Russie est progressivement intégrée aux discussions, transformant le G7 en G8 en 1997. Mais en 2014, l’annexion de la Crimée provoque une rupture brutale. Les membres du G7 suspendent la participation de Moscou. Depuis lors, le G7 s’est positionné comme le défenseur de l’ordre international fondé sur des règles, face aux tentatives de révision menées par la Russie et la Chine.
Les fissures internes et les défis contemporains
Le G7 n’a jamais été un bloc monolithique. Mais ces dernières années, les fissures se sont élargies au point de menacer la cohésion du groupe. La première source de tension est l’attitude des États-Unis sous Trump. Dès son premier mandat, Trump a multiplié les provocations envers ses alliés européens. Il a qualifié l’OTAN d’obsolète, menacé d’imposer des tarifs douaniers, retiré les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat. Le sommet du G7 de 2018 au Canada a été particulièrement houleux. Ces tensions reflètent une divergence profonde sur la vision du monde.
La deuxième source de tension est la montée en puissance de la Chine. Le G7 représente aujourd’hui moins de 40% du PIB mondial, contre plus de 60% dans les années 1970. Les pays émergents, regroupés au sein des BRICS, contestent de plus en plus l’hégémonie du G7. Le G20 a progressivement supplanté le G7 comme principal forum de coordination économique internationale. Mais le G20 est trop large pour prendre des décisions rapides. Le G7, de son côté, est trop restreint pour prétendre représenter le monde entier. C’est dans ce contexte que s’inscrit la proposition du Core 5. Trump veut remplacer le G7 par un nouveau club qui reflète mieux les rapports de force réels du XXIe siècle.
Le G7 est-il condamné à disparaître ? Peut-être. Probablement, même. Mais ce qui me frappe, c’est la manière dont cette disparition est envisagée. Pas comme une évolution naturelle vers une gouvernance mondiale plus inclusive et plus représentative. Non. Comme un abandon pur et simple des principes qui ont guidé l’Occident depuis 1945. Le G7 n’était pas parfait. Il était élitiste, occidental, parfois hypocrite. Mais il incarnait une idée : celle que les démocraties doivent travailler ensemble pour défendre leurs valeurs et leurs intérêts communs. Le Core 5, lui, incarne une autre idée : celle que les valeurs n’ont pas d’importance, que seule compte la puissance. C’est un retour au XIXe siècle, à l’époque des grandes puissances qui se partageaient le monde sans se soucier des peuples qu’elles dominaient. Et cela me terrifie.
Le Core 5 : anatomie d'un projet révolutionnaire
Les critères d’adhésion : puissance démographique et économique
Le Core 5 repose sur une logique radicalement différente de celle du G7. Le C5 se fonde uniquement sur deux critères objectifs : une population supérieure à 100 millions d’habitants et un poids économique significatif. Cette approche purement quantitative exclut d’emblée les puissances moyennes comme le Canada, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne ou l’Italie. Elle inclut en revanche la Chine et l’Inde, les deux géants démographiques de la planète, ainsi que la Russie. Le Japon, seul membre du G7 à figurer dans le C5, fait le pont entre l’ancien et le nouveau système. Cette composition reflète une vision du monde où la taille compte plus que les valeurs.
Mais au-delà des chiffres, le C5 incarne une philosophie politique qui rompt avec les principes de l’ordre libéral international. Le G7 était fondé sur l’idée que les démocraties partagent des intérêts communs. Le C5, lui, part du principe que les grandes puissances, qu’elles soient démocratiques ou autoritaires, ont des intérêts convergents qui justifient une coopération pragmatique. Cette approche transactionnelle reflète la vision trumpienne des relations internationales. Pour Trump, les alliances ne sont pas des engagements moraux, mais des contrats commerciaux. Le C5 serait un forum informel, sans traité ni institution permanente, à l’image du G7.
Le premier sommet : normalisation Israël-Arabie saoudite
Selon le document non publié, le premier sommet du Core 5 aurait pour thème la normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. Ce choix n’est pas anodin. Il s’agit d’un dossier clé pour la stabilisation du Moyen-Orient. Depuis les accords d’Abraham de 2020, qui ont normalisé les relations entre Israël et plusieurs pays arabes, l’administration Trump a fait de la paix au Moyen-Orient l’une de ses priorités. Mais l’Arabie saoudite n’a pas encore franchi le pas. Trump, de retour à la Maison-Blanche, veut relancer ce processus et compte sur le C5 pour y parvenir.
Pourquoi impliquer la Chine, la Russie, l’Inde et le Japon dans ce dossier ? Parce que chacun de ces pays a des intérêts au Moyen-Orient. La Chine est le premier importateur de pétrole saoudien. La Russie est un acteur majeur en Syrie. L’Inde dépend fortement des importations de pétrole du Golfe. Le Japon est un allié traditionnel des États-Unis au Moyen-Orient. En réunissant ces cinq puissances, Trump espère créer une dynamique nouvelle. Mais cette approche soulève de nombreuses questions. Comment la Russie, alliée de l’Iran, pourrait-elle soutenir un rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite ? Comment la Chine pourrait-elle cautionner un accord qui marginaliserait les Palestiniens ? Le C5 n’est pas seulement un nouveau forum. C’est une tentative de redéfinir les règles du jeu géopolitique mondial.
Il y a quelque chose de fascinant et d’effrayant dans cette idée de réunir les États-Unis, la Chine et la Russie autour d’une même table pour discuter de l’avenir du Moyen-Orient. Fascinant, parce que cela pourrait effectivement débloquer des situations qui semblent insolubles depuis des décennies. Effrayant, parce que cela signifierait que les grandes puissances se partagent le monde comme au temps des empires coloniaux, sans se soucier des aspirations des peuples concernés. Les Palestiniens, les Syriens, les Yéménites, tous ces peuples qui souffrent depuis des années, seraient-ils simplement des pions dans un grand jeu géopolitique ? Et l’Europe, qui a toujours défendu le droit international et le multilatéralisme, serait-elle réduite au silence, spectatrice impuissante d’un nouvel ordre mondial qu’elle n’aurait pas choisi ? Ces questions me hantent. Parce qu’elles touchent à l’essence même de ce que nous sommes : des êtres humains qui croient en la justice, en la dignité, en la solidarité. Ou simplement des acteurs rationnels qui poursuivent leurs intérêts sans se soucier des conséquences morales de leurs actes.
La Russie et la Chine : de l'adversaire au partenaire ?
Le rapprochement russo-américain : une vieille obsession trumpienne
L’idée d’un rapprochement entre les États-Unis et la Russie n’est pas nouvelle dans l’univers trumpien. Dès 2016, Donald Trump avait exprimé son admiration pour Vladimir Poutine et sa volonté de « s’entendre » avec Moscou. En 2018, lors du sommet du G7 au Canada, il avait plaidé pour la réintégration de la Russie dans le groupe. Cette position avait été fermement rejetée par les autres membres du G7. Mais Trump n’a pas renoncé. En 2025, de retour à la Maison-Blanche, il a envoyé ses émissaires Steve Witkoff et Jared Kushner négocier directement avec Poutine à Moscou. Ces négociations ont alarmé les alliés européens.
Le projet de Core 5 s’inscrit dans cette logique de rapprochement. En intégrant la Russie dans un nouveau forum de grandes puissances, Trump espère normaliser les relations avec Moscou. Mais cette approche soulève de nombreuses questions. Comment les États-Unis peuvent-ils s’asseoir à la même table que la Russie alors que cette dernière mène une guerre contre l’Ukraine ? Le Kremlin a déjà fait savoir qu’il n’était « pas intéressé » par un retour au G7. Mais un nouveau club des grandes puissances, où la Russie serait sur un pied d’égalité avec les États-Unis et la Chine, pourrait séduire Moscou. D’autant plus que le document suggère que les États-Unis considèrent désormais la Russie comme « la puissance prééminente » en Europe.
La Chine : du rival stratégique au partenaire pragmatique
Le cas de la Chine est encore plus complexe. Pendant son premier mandat, Trump avait fait de la confrontation avec Pékin l’un des piliers de sa politique étrangère. Il avait lancé une guerre commerciale et imposé des tarifs douaniers massifs. Mais Trump, de retour à la Maison-Blanche, semble avoir changé d’approche. En novembre 2025, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a évoqué une « réunion historique du G2 » entre Trump et Xi Jinping. Puis, en décembre, Trump a autorisé Nvidia à vendre ses puces d’intelligence artificielle H200 à la Chine. Cette décision marque un tournant dans la politique américaine envers Pékin.
Le projet de Core 5 va encore plus loin en proposant d’intégrer la Chine dans un nouveau forum de grandes puissances. Cette idée est révolutionnaire, car elle remet en cause le principe même de la compétition entre grandes puissances qui a guidé la politique américaine depuis la fin de la Guerre froide. Le C5 part du principe que la Chine est déjà une grande puissance et qu’il vaut mieux coopérer avec elle que la combattre. Cette approche pragmatique séduit certains experts. Mais elle en inquiète beaucoup d’autres, qui craignent que Trump ne soit en train de capituler face à la Chine. Le représentant démocrate Raja Krishnamoorthi a exprimé sa « profonde inquiétude » face à cette évolution, qualifiant la description de la relation comme un « G2 » de « profondément troublante ».
Je dois avouer que je suis déchiré face à cette question. D’un côté, je comprends la logique de Trump. La confrontation avec la Chine et la Russie est épuisante, coûteuse, et potentiellement dangereuse. Pourquoi ne pas essayer une autre approche, fondée sur le dialogue et la coopération ? Après tout, les États-Unis ont bien coopéré avec l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, malgré leurs différences idéologiques profondes. D’un autre côté, je ne peux m’empêcher de penser que cette approche est naïve, voire dangereuse. La Chine et la Russie ne sont pas des partenaires de bonne foi. Ce sont des régimes autoritaires qui cherchent à affaiblir l’Occident, à étendre leur influence, à imposer leur modèle politique. En s’asseyant à leur table, en les traitant comme des égaux, Trump ne fait-il pas le jeu de ces régimes ? Ne leur donne-t-il pas une légitimité qu’ils ne méritent pas ? Ces questions me tourmentent. Parce qu’elles n’ont pas de réponses simples. Parce qu’elles touchent à des dilemmes moraux et stratégiques qui dépassent les clivages partisans.
L'Europe marginalisée : vers la fin de l'alliance transatlantique ?
Le projet « Make Europe Great Again » : ingérence ou réalisme ?
Si le projet de Core 5 exclut les principales puissances européennes, le document non publié ne les ignore pas pour autant. Il leur consacre une section entière, intitulée « Make Europe Great Again », qui détaille la stratégie américaine pour remodeler le paysage politique européen. Cette section part du principe que l’Europe est confrontée à une « érosion civilisationnelle ». Pour contrer cette tendance, les États-Unis devraient « travailler davantage » avec certains pays européens — l’Autriche, la Hongrie, l’Italie et la Pologne — « dans le but de les éloigner de l’Union européenne ». Cette ingérence assumée marque une rupture historique dans les relations transatlantiques.
Cette stratégie reflète la vision trumpienne de l’Europe : un continent en déclin. Pour Trump, l’Union européenne n’est pas un partenaire, mais un concurrent économique. En soutenant les gouvernements de droite radicale en Autriche, en Hongrie, en Italie et en Pologne, Trump espère créer un bloc de pays pro-américains et eurosceptiques. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán est un allié fidèle de Trump. La Première ministre italienne Giorgia Meloni partage certaines préoccupations de Trump. En Autriche, le Parti de la liberté a remporté les élections législatives en 2024. En les soutenant, Trump espère fragmenter l’Europe et affaiblir l’UE.
La réaction européenne : entre indignation et impuissance
Les réactions européennes à ces révélations ont été vives. Le commissaire européen à la Défense, Andrius Kubilius, a publié un article de blog le 10 décembre 2025, accusant l’administration Trump de chercher à « démanteler l’unité européenne ». Selon lui, la Stratégie de sécurité nationale expose clairement que « l’unité de l’UE est contraire aux intérêts des États-Unis ». Cette analyse est partagée par de nombreux observateurs européens. Mais au-delà de l’indignation, les Européens se sentent impuissants face à cette offensive. L’UE est divisée, affaiblie par les crises successives, et incapable de parler d’une seule voix.
Le chancelier allemand Friedrich Merz a tenté de rassurer ses partenaires européens en affirmant que l’Allemagne resterait fidèle à l’OTAN. Mais cette posture défensive ne suffit pas à masquer la réalité : l’Europe est en train de perdre son principal allié. Les États-Unis ont fixé un ultimatum : d’ici 2027, l’Europe doit prendre en charge sa propre défense, ou Washington se retirera de l’OTAN. Cette échéance, révélée par Reuters le 5 décembre 2025, a provoqué un choc dans les capitales européennes. Deux ans, c’est très court pour construire une défense européenne autonome. La tâche semble insurmontable. Et pourtant, les Européens n’ont pas le choix.
L’Europe est à un tournant de son histoire. Et je ne suis pas sûr qu’elle en ait pleinement conscience. Pendant des décennies, les Européens ont vécu sous le parapluie protecteur américain, convaincus que les États-Unis seraient toujours là pour les défendre. Cette illusion est en train de se briser sous nos yeux. Trump ne cache plus son mépris pour l’Europe. Il la voit comme un fardeau, un concurrent économique, un obstacle à ses ambitions. Et il est prêt à la sacrifier pour obtenir de meilleurs deals avec la Russie et la Chine. Face à cette réalité brutale, les Européens ont deux options. Soit ils se réveillent, se rassemblent, et construisent une défense européenne crédible. Soit ils se résignent à devenir des spectateurs impuissants d’un monde dominé par les grandes puissances. Je ne sais pas quelle option ils choisiront. Mais je sais que le temps presse. Et que l’histoire ne pardonne pas les hésitations.
Les implications géopolitiques : un nouvel ordre mondial en gestation
La fin de l’hégémonie américaine ?
Le document non publié contient une section remarquable sur l’hégémonie américaine. Cette section affirme que « l’hégémonie est la mauvaise chose à vouloir et elle n’était pas réalisable ». Elle explique qu' »après la fin de la Guerre froide, les élites de la politique étrangère américaine se sont convaincues que la domination permanente de l’Amérique sur le monde entier était dans le meilleur intérêt de notre pays ». Mais selon le document, cette vision était erronée. « Les affaires des autres pays ne nous concernent que si leurs activités menacent directement nos intérêts ». Cette déclaration marque une rupture radicale avec la doctrine de l’engagement global qui a guidé la politique étrangère américaine depuis 1945.
Trump remet en cause cette vision. Pour lui, l’hégémonie américaine n’était pas seulement irréalisable, elle était aussi indésirable. Au lieu de chercher à dominer le monde, les États-Unis devraient se concentrer sur la défense de leurs intérêts vitaux. Cette approche, qualifiée de « réalisme » par ses partisans et d' »isolationnisme » par ses détracteurs, implique un retrait progressif des engagements américains à l’étranger. Cette évolution aurait des conséquences profondes sur l’ordre mondial. Sans leadership américain, qui prendrait le relais ? Le document suggère que les États-Unis devraient s’appuyer sur des « champions régionaux » pour maintenir la stabilité dans différentes parties du monde.
Le retour des sphères d’influence
Le projet de Core 5 s’inscrit dans une vision du monde fondée sur les sphères d’influence. Chaque grande puissance aurait sa zone d’influence. Les États-Unis domineraient l’hémisphère occidental. La Russie dominerait l’Europe de l’Est. La Chine dominerait l’Asie de l’Est. L’Inde dominerait l’Asie du Sud. Cette vision rappelle le Concert européen du XIXe siècle, où les grandes puissances se partageaient le monde. Ce système avait conduit à la colonisation de l’Afrique et de l’Asie, et finalement à la Première Guerre mondiale. Le retour à un système de sphères d’influence soulève donc de nombreuses inquiétudes.
Le document suggère que les États-Unis reconnaissent désormais la Russie comme « la puissance prééminente » en Europe. Cette reconnaissance implicite de la domination russe sur l’Europe de l’Est serait un bouleversement majeur. Elle signifierait que les États-Unis abandonnent leur engagement à défendre l’indépendance des pays d’Europe de l’Est. Ces pays se retrouveraient dans une zone grise, entre l’Occident et la Russie. Cette perspective terrifie les dirigeants d’Europe de l’Est. Mais elle séduit certains réalistes américains, qui estiment que la reconnaissance des sphères d’influence est le prix à payer pour éviter une confrontation directe avec Moscou.
Le retour des sphères d’influence me glace le sang. Parce que je sais ce que cela signifie pour les peuples qui vivent dans ces zones grises, entre les grandes puissances. Cela signifie l’abandon de leur souveraineté, de leur liberté, de leur dignité. Cela signifie qu’ils deviennent des pions dans un grand jeu géopolitique, des variables d’ajustement dans les négociations entre les puissants. Et cela me révolte. Parce que je crois que chaque peuple a le droit de choisir son destin, de décider de ses alliances, de vivre selon ses valeurs. Ce droit n’est pas négociable. Il ne peut pas être sacrifié sur l’autel de la realpolitik. Et pourtant, c’est exactement ce que Trump est en train de faire. Il est en train de sacrifier les peuples d’Europe de l’Est, d’Ukraine, des Balkans, pour obtenir un accord avec Poutine. Il est en train de sacrifier les principes qui ont guidé l’Occident depuis 1945, pour obtenir de meilleurs deals avec la Chine et la Russie. Et cela me brise le cœur.
Les réactions internationales : entre scepticisme et opportunisme
Le Kremlin : entre satisfaction et prudence
La réaction du Kremlin aux révélations sur le projet de Core 5 a été mesurée. Le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, a déclaré le 7 décembre 2025 que la nouvelle Stratégie de sécurité nationale américaine « correspondait largement à la vision russe » du monde. Le Kremlin apprécie particulièrement le rejet de l’hégémonie américaine et la reconnaissance implicite des sphères d’influence. Mais Peskov a souligné que la Russie n’était « pas intéressée » par un retour au G7. Le projet de Core 5 pourrait séduire Moscou, à condition que la Russie y soit traitée sur un pied d’égalité avec les États-Unis et la Chine.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré le 11 décembre 2025 que les « malentendus » entre la Russie et les États-Unis sur l’Ukraine avaient été « résolus ». Cette déclaration suggère que des progrès ont été réalisés dans les négociations secrètes. Selon plusieurs médias, le plan de paix proposé par Trump prévoit de céder l’ensemble de la région du Donbas à la Russie. Cette proposition a été fermement rejetée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais Trump semble déterminé à obtenir un accord avec Poutine, quitte à sacrifier les intérêts ukrainiens.
Pékin : entre méfiance et intérêt stratégique
La réaction de Pékin au projet de Core 5 est plus difficile à déchiffrer. La Chine a toujours prôné un ordre mondial multipolaire. Le C5, en théorie, correspondrait à cette vision. Mais Pékin reste méfiant vis-à-vis des intentions de Trump. La Chine craint que le C5 ne soit qu’un piège. Pékin observe donc avec attention les développements à Washington, sans s’engager publiquement. Mais en coulisses, les diplomates chinois explorent les possibilités offertes par le C5. La Chine pourrait y voir une opportunité de normaliser ses relations avec les États-Unis et de gagner en légitimité sur la scène internationale.
Mais la Chine pose également des conditions. Pékin exige que le C5 respecte le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États membres. Pékin exige également que le C5 ne devienne pas un instrument de domination américaine, mais un forum de coopération entre égaux. Ces conditions sont difficiles à accepter pour Washington. Mais Trump, pragmatique, pourrait être prêt à faire des compromis. Cette approche transactionnelle reflète la vision trumpienne des relations internationales. Mais elle soulève une question fondamentale : jusqu’où les États-Unis sont-ils prêts à aller pour obtenir un accord avec la Chine ?
La Chine et la Russie ne sont pas des partenaires de bonne foi. Ce sont des régimes autoritaires qui cherchent à affaiblir l’Occident, à étendre leur influence, à imposer leur modèle politique. En s’asseyant à leur table, en les traitant comme des égaux, Trump ne fait-il pas leur jeu ? Ne leur donne-t-il pas une légitimité qu’ils ne méritent pas ? Ces questions me hantent. Parce qu’elles touchent à des dilemmes moraux et stratégiques qui dépassent les clivages partisans. Je ne suis pas naïf. Je sais que la diplomatie exige parfois des compromis, des concessions, des deals avec des régimes que l’on n’aime pas. Mais il y a des limites. Il y a des principes qui ne peuvent pas être sacrifiés. Et je crains que Trump ne soit en train de franchir ces limites, sans même s’en rendre compte. Ou pire, en s’en rendant compte, mais en s’en fichant.
Les enjeux pour l'Ukraine : sacrifice ou compromis ?
Le plan de paix controversé de Trump
L’Ukraine est au cœur des négociations entre les États-Unis et la Russie. Depuis le début de l’invasion russe en février 2022, l’Ukraine a reçu un soutien militaire et financier massif. Mais avec le retour de Trump, la situation a radicalement changé. Trump a toujours été sceptique vis-à-vis du soutien américain à l’Ukraine. Il a promis de mettre fin à la guerre « en 24 heures » en négociant directement avec Poutine. Selon plusieurs sources, le plan de Trump prévoit de céder l’ensemble de la région du Donbas à la Russie. Cette proposition a été fermement rejetée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais Trump semble déterminé à obtenir un accord avec Poutine, quitte à sacrifier les intérêts ukrainiens.
Les détails de ce plan restent flous. Quelles seraient les garanties de sécurité pour l’Ukraine après la guerre ? Comment Kiev pourrait-elle se défendre contre une nouvelle agression russe sans le soutien américain ? Ces questions restent sans réponse. Le président Zelensky a multiplié les appels à la communauté internationale pour qu’elle ne cède pas aux pressions russes. Il a souligné que toute concession territoriale serait une violation du droit international. Mais ses appels semblent tomber dans l’oreille d’un sourd. Trump est déterminé à obtenir un accord, et il est prêt à passer outre les objections de Kiev.
Les conséquences pour la sécurité européenne
Un accord de paix en Ukraine qui céderait des territoires à la Russie aurait des conséquences profondes pour la sécurité européenne. Il enverrait un message clair : les garanties de sécurité occidentales ne valent rien. Ce précédent encouragerait Moscou à poursuivre son expansionnisme. Les pays baltes, la Pologne, la Roumanie, et les pays des Balkans seraient directement menacés. Ces pays comptent sur la garantie de sécurité collective prévue par l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. Mais si les États-Unis se retirent de l’OTAN, cette garantie deviendrait caduque. Les pays d’Europe de l’Est se retrouveraient seuls face à la Russie.
L’Europe se trouve donc face à un dilemme. Soit elle accepte l’accord de paix proposé par Trump. Soit elle rejette cet accord, en continuant à soutenir l’Ukraine, mais en risquant une rupture avec les États-Unis. La première option impliquerait de sacrifier l’Ukraine. La seconde option impliquerait de construire une défense européenne autonome. Cette tâche semble insurmontable. Mais les Européens n’ont pas le choix. L’ère de la dépendance vis-à-vis des États-Unis est révolue. L’Europe doit désormais apprendre à se défendre seule.
L’Ukraine est en train de devenir le symbole de notre époque. Le symbole d’un monde où les petits pays sont sacrifiés sur l’autel des intérêts des grandes puissances. Le symbole d’un ordre international fondé sur la force plutôt que sur le droit. Le symbole de notre lâcheté collective face à l’agression. Et cela me révolte. Parce que je crois que l’Ukraine a le droit de défendre sa souveraineté, son intégrité territoriale, sa liberté. Ce droit n’est pas négociable. Il ne peut pas être sacrifié pour obtenir un accord avec Poutine. Et pourtant, c’est exactement ce que Trump est en train de faire. Il est en train de sacrifier l’Ukraine pour obtenir un deal avec Moscou. Et nous, Européens, nous laissons faire. Nous protestons, nous dénonçons, nous exprimons notre indignation. Mais nous ne faisons rien de concret pour empêcher ce sacrifice. Et cela me brise le cœur.
Les critiques internes : un establishment divisé
Les faucons républicains sonnent l’alarme
Le projet de Core 5 ne fait pas l’unanimité au sein de l’establishment de sécurité nationale américain. Plusieurs voix influentes ont exprimé leur inquiétude. Le sénateur Lindsey Graham, pourtant un allié fidèle de Trump, a exprimé des réserves. Le représentant démocrate Raja Krishnamoorthi a exprimé sa « profonde inquiétude » face à l’évolution de la politique américaine envers Pékin. Dans une lettre adressée au secrétaire à la Défense Pete Hegseth, il a écrit que la description de la relation entre les États-Unis et la Chine comme un « G2 » était « profondément troublante ».
L’ancien conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan a également critiqué la décision de Trump d’autoriser Nvidia à vendre des puces d’intelligence artificielle à la Chine. Sullivan a qualifié cette décision de « folle », affirmant que l’argument selon lequel les États-Unis garderaient la Chine « accro à nos puces » ne tenait pas la route. Cette critique reflète les inquiétudes de nombreux experts en sécurité nationale. Ces critiques internes montrent que le projet de Core 5 est loin de faire l’unanimité. Mais Trump semble déterminé à poursuivre sa stratégie.
Les démocrates dénoncent une trahison des valeurs américaines
Les démocrates ont été encore plus virulents dans leurs critiques du projet de Core 5. Ils y voient une trahison des valeurs américaines et un abandon des alliés traditionnels. Le sénateur démocrate Chris Murphy a déclaré que le rapprochement avec la Russie et la Chine était « une erreur stratégique majeure ». La représentante démocrate Sydney Kamlager-Dove a critiqué l’administration Trump pour avoir retiré du projet de loi de défense nationale une disposition bipartisane sur la relocalisation des réfugiés afghans. Cette critique reflète les inquiétudes des démocrates face à l’évolution de la politique étrangère américaine sous Trump.
Mais au-delà des critiques partisanes, c’est toute une génération de diplomates, de militaires, et d’experts en sécurité nationale qui s’inquiète. Ces professionnels voient dans le projet de Core 5 une rupture radicale avec les principes qui ont guidé la politique étrangère américaine depuis 1945. Ils craignent que Trump ne soit en train de détruire l’ordre international que les États-Unis ont construit après la Seconde Guerre mondiale. Cette inquiétude est partagée par de nombreux alliés des États-Unis. Les Européens, les Japonais, les Sud-Coréens, les Australiens se posent désormais la question : peuvent-ils encore faire confiance aux États-Unis ?
Je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces personnes qui ont consacré leur vie à défendre les valeurs américaines, à construire des alliances, à promouvoir la démocratie et les droits de l’homme. Des diplomates, des militaires, des experts, des militants. Tous ces gens qui ont cru en l’Amérique, en sa mission, en son rôle dans le monde. Et je me demande ce qu’ils ressentent aujourd’hui, en voyant Trump détruire tout ce qu’ils ont construit. Je me demande s’ils ont le sentiment d’avoir gaspillé leur vie, d’avoir cru en une illusion. Ou s’ils gardent espoir, en se disant que cette période n’est qu’une parenthèse, et que l’Amérique retrouvera un jour sa vocation. Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que cette crise de confiance est profonde, et qu’elle ne se résorbera pas facilement. Parce qu’elle touche à l’essence même de ce que sont les États-Unis, et de ce qu’ils représentent dans le monde.
Les alternatives au Core 5 : quelles autres voies possibles ?
Le renforcement du G20 : une option plus inclusive
Face au projet controversé de Core 5, certains experts proposent des alternatives plus inclusives. La première est le renforcement du G20, qui réunit les vingt principales économies mondiales. Le G20 a été créé en 1999 et est devenu le principal forum de coordination économique internationale. Contrairement au G7, le G20 inclut les pays émergents, ce qui lui confère une légitimité beaucoup plus large. Mais le G20 souffre de plusieurs faiblesses. Il est trop large et trop hétérogène pour prendre des décisions rapides. Malgré ces limites, le G20 reste une option plus inclusive que le Core 5.
Une autre alternative serait de réformer le G7 pour le rendre plus représentatif. Cette réforme pourrait inclure l’ajout de nouveaux membres, comme l’Inde, le Brésil, ou l’Afrique du Sud. Mais cette réforme se heurte à plusieurs obstacles. Les membres actuels du G7 sont réticents à diluer leur influence. Et il n’y a pas de consensus sur les critères d’adhésion : faut-il privilégier les démocraties ? Ou faut-il inclure des pays autoritaires mais influents ? Cette question divise les experts et reflète un débat plus large sur la nature de l’ordre international.
Le multilatéralisme renforcé : un retour aux institutions internationales
Une troisième alternative serait de renforcer le multilatéralisme et les institutions internationales existantes, comme les Nations unies. Ces institutions ont pour objectif de promouvoir la coopération internationale et de défendre le droit international. Mais elles sont aujourd’hui affaiblies par le manque de soutien des grandes puissances. Le renforcement du multilatéralisme impliquerait de réformer ces institutions pour les rendre plus représentatives et plus efficaces. Mais cette approche se heurte à la résistance des grandes puissances. Le projet de Core 5, en contournant les institutions internationales existantes, reflète cette résistance.
Certains experts estiment que le multilatéralisme est condamné. D’autres estiment au contraire qu’il est plus nécessaire que jamais, face aux défis globaux comme le changement climatique ou les pandémies. Cette question divise les experts et reflète un débat plus large sur la nature de l’ordre international. Le projet de Core 5 tranche clairement en faveur de la première option. Mais de nombreux experts estiment que cette approche est dangereuse, car elle abandonne les principes qui ont guidé l’Occident depuis 1945.
Je suis déchiré entre le réalisme et l’idéalisme. D’un côté, je comprends que le monde a changé, que les institutions internationales sont affaiblies, que le multilatéralisme est en crise. D’un autre côté, je ne peux pas me résigner à accepter un monde dominé par les grandes puissances, où les petits pays sont sacrifiés, où le droit international est bafoué, où les valeurs ne comptent plus. Je crois encore en la possibilité d’un ordre international fondé sur la coopération, le dialogue, le respect mutuel. Je crois encore que les démocraties doivent se serrer les coudes face aux menaces communes. Je crois encore que les valeurs ne sont pas négociables. Mais je sais aussi que ces convictions sont de plus en plus minoritaires, de plus en plus dépassées. Et cela me désespère.
Les enjeux économiques : commerce et technologie au cœur des tensions
La guerre commerciale sino-américaine : vers un apaisement ?
Le projet de Core 5 s’inscrit dans un contexte de tensions commerciales et technologiques entre les États-Unis et la Chine. Depuis 2018, les deux pays se livrent une guerre commerciale. Cette guerre a eu des conséquences négatives pour les deux économies et pour l’économie mondiale. Mais de retour à la Maison-Blanche, Trump semble avoir changé d’approche. L’autorisation accordée à Nvidia de vendre ses puces d’intelligence artificielle H200 à la Chine suggère que Trump privilégie désormais les deals commerciaux à la confrontation stratégique. Cette décision soulève de nombreuses questions sur les implications stratégiques.
Les puces d’intelligence artificielle sont au cœur de la compétition technologique entre les États-Unis et la Chine. En autorisant Nvidia à vendre ses puces les plus avancées à la Chine, Trump donne à Pékin un accès à une technologie critique. Cette décision a été vivement critiquée par les experts en sécurité nationale. Jake Sullivan a qualifié cette décision de « folle ». Le projet de Core 5 pourrait faciliter un apaisement des tensions commerciales. Mais il pourrait également légitimer les pratiques commerciales déloyales de la Chine.
La dépendance technologique : un enjeu de souveraineté
La question de la dépendance technologique est au cœur des débats sur le projet de Core 5. Les États-Unis dominent actuellement le secteur des technologies de pointe. Cette domination leur confère un avantage stratégique considérable. Mais cette domination est de plus en plus contestée par la Chine, qui investit massivement dans la recherche et le développement. Le plan « Made in China 2025 » vise à faire de la Chine un leader mondial dans dix secteurs stratégiques. Cette stratégie a suscité de vives inquiétudes aux États-Unis et en Europe.
Le projet de Core 5 pourrait faciliter la coopération technologique entre les États-Unis et la Chine. Mais il pourrait également légitimer les pratiques de la Chine. Cette question divise les experts. Certains estiment que la coopération technologique est inévitable. D’autres estiment qu’elle est dangereuse. La technologie est devenue un enjeu de souveraineté. Le projet de Core 5 pourrait créer un oligopole technologique. Cette perspective est inquiétante pour les pays qui ne font pas partie du Core 5, notamment les pays européens.
La technologie est devenue le nouveau champ de bataille de la géopolitique. Et je crains que nous ne soyons en train de perdre cette bataille. Parce que nous ne comprenons pas les enjeux. Parce que nous ne prenons pas les bonnes décisions. Parce que nous sacrifions nos intérêts stratégiques à long terme pour des gains économiques à court terme. Trump est en train de vendre des puces d’intelligence artificielle à la Chine, en échange de quelques milliards de dollars. Mais il ne réalise pas qu’il est en train de donner à Pékin les clés de la domination technologique du XXIe siècle. Et nous, Européens, nous ne faisons rien. Nous restons spectateurs de cette bataille, incapables de développer nos propres technologies, dépendants des États-Unis et de la Chine. Et cela me terrifie. Parce que je sais que celui qui contrôle la technologie contrôle le monde. Et que nous sommes en train de perdre ce contrôle.
Les acteurs oubliés : l'Inde et le Japon dans l'équation
L’Inde : entre neutralité stratégique et ambitions régionales
Dans le projet de Core 5, l’Inde occupe une position particulière. Avec ses 1,4 milliard d’habitants, New Delhi est devenue une puissance incontournable. Mais l’Inde a toujours privilégié une politique de non-alignement, refusant de choisir entre les blocs rivaux. New Delhi entretient des relations étroites avec les États-Unis, notamment dans le cadre du Quad. Mais l’Inde maintient également des liens importants avec la Russie. Le projet de Core 5 pourrait séduire New Delhi, car il offrirait à l’Inde une reconnaissance de son statut de grande puissance. Mais l’Inde poserait certainement des conditions strictes.
L’Inde a également des ambitions régionales qui pourraient entrer en conflit avec celles de la Chine. Les deux pays partagent une frontière contestée dans l’Himalaya. L’Inde voit d’un mauvais œil l’expansion de l’influence chinoise en Asie du Sud. Le projet de Core 5 pourrait offrir à l’Inde une plateforme pour exprimer ses préoccupations. Mais il pourrait également légitimer la domination chinoise en Asie de l’Est. L’Inde devra donc peser soigneusement les avantages et les inconvénients de sa participation au C5. Cette décision sera cruciale pour l’avenir du projet de Core 5.
Le Japon : un allié fidèle dans la tourmente
Le Japon est le seul membre du G7 à figurer dans le projet de Core 5. Cette position unique reflète le statut particulier de Tokyo. Le Japon est un allié fidèle des États-Unis depuis 1945. Avec le retrait progressif des États-Unis de leurs engagements internationaux, le Japon se retrouve dans une position délicate. Tokyo veut maintenir son alliance avec Washington. Mais le Japon doit s’adapter à un monde où les grandes puissances négocient directement entre elles. Le projet de Core 5 pourrait offrir au Japon une opportunité de jouer un rôle plus actif dans la gouvernance mondiale.
Le Japon a des contentieux territoriaux avec la Chine et avec la Russie. Tokyo craint que le projet de Core 5 ne légitime les revendications chinoises et russes. Le Japon s’inquiète également de la possibilité que les États-Unis sacrifient ses intérêts. Le Japon a déjà augmenté significativement son budget de défense. Mais Tokyo reste dépendant de la protection américaine. Le projet de Core 5 pourrait donc placer le Japon dans une position inconfortable. La réaction de Tokyo au projet de C5 sera donc cruciale pour son avenir.
L’Inde et le Japon sont les grands oubliés de ce débat sur le Core 5. On parle beaucoup des États-Unis, de la Chine, de la Russie. Mais on oublie que l’Inde et le Japon sont également des acteurs majeurs, avec leurs propres intérêts, leurs propres ambitions, leurs propres craintes. Et leur participation au C5 n’est pas garantie. L’Inde pourrait refuser de s’engager dans un forum dominé par les États-Unis et la Chine. Le Japon pourrait craindre d’être sacrifié sur l’autel d’un accord entre Washington et Pékin. Ces deux pays ont leur mot à dire. Et leur décision sera déterminante pour l’avenir du projet de Core 5. Parce que sans l’Inde et le Japon, le C5 ne serait qu’un G3 déguisé, un forum dominé par les États-Unis, la Chine et la Russie. Et cela changerait complètement la nature du projet.
Les implications pour le Sud global : marginalisation ou opportunité ?
L’Afrique et l’Amérique latine : les grands absents
Le projet de Core 5 exclut d’emblée l’ensemble du Sud global, notamment l’Afrique et l’Amérique latine. Ces deux continents, qui représentent plus de 2 milliards d’habitants et une part croissante de l’économie mondiale, ne figurent pas dans le nouveau club des grandes puissances. Cette exclusion reflète la logique du C5, qui privilégie la taille démographique (plus de 100 millions d’habitants) et le poids économique. Mais elle soulève également des questions sur la légitimité et la représentativité de ce nouveau forum. Comment le C5 peut-il prétendre façonner l’ordre mondial, alors qu’il exclut la majorité de la population de la planète ? Comment peut-il prendre des décisions sur des enjeux globaux comme le climat, les pandémies, ou les migrations, sans consulter les pays les plus affectés par ces problèmes ? Ces questions sont au cœur des critiques formulées par les pays du Sud global, qui voient dans le projet de C5 une nouvelle forme de néocolonialisme. Pour eux, le C5 n’est qu’une version modernisée du Concert européen du XIXe siècle, où les grandes puissances se partageaient le monde sans se soucier des peuples colonisés. Cette perception est renforcée par le fait que le C5 inclurait la Russie et la Chine, deux pays qui ont une longue histoire d’impérialisme et de domination sur leurs voisins.
L’Afrique, en particulier, craint d’être marginalisée dans ce nouveau système. Le continent africain est déjà le théâtre d’une compétition intense entre les grandes puissances, qui cherchent à sécuriser l’accès aux ressources naturelles, aux marchés, et aux positions stratégiques. La Chine a investi massivement en Afrique ces dernières années, dans le cadre de l’initiative « Belt and Road », et elle est devenue le premier partenaire commercial du continent. Les États-Unis et l’Europe tentent de contrer cette influence, en proposant des alternatives comme le « Build Back Better World » ou le « Global Gateway ». Mais ces initiatives restent largement insuffisantes face à l’ampleur des investissements chinois. La Russie, de son côté, a renforcé sa présence militaire en Afrique, notamment à travers le groupe Wagner, qui opère dans plusieurs pays du Sahel et d’Afrique centrale. Cette compétition entre grandes puissances transforme l’Afrique en un nouveau terrain de jeu géopolitique, où les intérêts des populations locales sont souvent sacrifiés au profit des ambitions des puissances extérieures. Le projet de Core 5 pourrait aggraver cette situation, en créant un forum où les grandes puissances se partageraient les zones d’influence en Afrique, sans consulter les gouvernements africains. Cette perspective inquiète profondément les dirigeants africains, qui réclament depuis longtemps une plus grande représentation dans les instances de gouvernance mondiale.
Les BRICS : une alternative au Core 5 ?
Face au projet de Core 5, les pays du Sud global disposent d’une alternative : les BRICS. Ce groupe, qui réunit le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, a été créé en 2009 pour promouvoir la coopération entre les pays émergents et contester l’hégémonie occidentale. Les BRICS représentent aujourd’hui plus de 40% de la population mondiale et environ 25% du PIB global. Le groupe s’est récemment élargi avec l’adhésion de l’Égypte, de l’Éthiopie, de l’Iran, et des Émirats arabes unis, et plusieurs autres pays ont exprimé leur intérêt pour rejoindre le bloc. Les BRICS ont créé leurs propres institutions, comme la Nouvelle Banque de Développement, qui finance des projets d’infrastructure dans les pays membres, et le Contingent Reserve Arrangement, qui fournit une assistance financière en cas de crise. Ces institutions sont présentées comme des alternatives aux institutions de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), dominées par les États-Unis et l’Europe. Les BRICS prônent un ordre mondial multipolaire, où aucune puissance ne dominerait les autres, et où les pays du Sud global auraient leur mot à dire dans les décisions qui les concernent. Cette vision contraste fortement avec celle du Core 5, qui privilégie un club restreint de grandes puissances.
Mais les BRICS souffrent de plusieurs faiblesses. Le groupe est très hétérogène, avec des intérêts souvent divergents. La Chine et l’Inde, par exemple, sont des rivaux stratégiques qui se disputent l’influence en Asie. Le Brésil et l’Afrique du Sud sont des démocraties, tandis que la Russie et la Chine sont des régimes autoritaires. Ces différences rendent difficile l’adoption de positions communes sur les grands enjeux internationaux. De plus, les BRICS manquent de cohésion institutionnelle et de capacité d’action collective. Contrairement au G7 ou au Core 5, les BRICS n’ont pas de structure permanente ni de mécanisme de prise de décision efficace. Le groupe se réunit une fois par an lors d’un sommet, mais les décisions prises restent souvent lettre morte. Malgré ces limites, les BRICS représentent une alternative importante au projet de Core 5. Ils offrent aux pays du Sud global une plateforme pour exprimer leurs préoccupations et défendre leurs intérêts. Et ils rappellent que l’ordre mondial ne peut pas être façonné uniquement par les grandes puissances du Nord, mais doit inclure les voix du Sud. Le projet de Core 5 devra tenir compte de cette réalité, sous peine de manquer de légitimité et de représentativité. Parce qu’un ordre mondial qui exclut la majorité de la population de la planète est un ordre mondial fragile, contesté, et voué à l’échec.
Le Sud global est le grand oublié de ce débat. On parle des États-Unis, de la Chine, de la Russie, de l’Europe. Mais on oublie l’Afrique, l’Amérique latine, l’Asie du Sud-Est. On oublie ces milliards d’êtres humains qui vivent dans des pays qui ne font pas partie du club des grandes puissances, mais qui sont directement affectés par les décisions prises par ces puissances. Et cela me révolte. Parce que je crois que chaque pays, chaque peuple, a le droit de participer aux décisions qui le concernent. Ce droit n’est pas négociable. Il ne peut pas être sacrifié sur l’autel de l’efficacité ou du réalisme. Et pourtant, c’est exactement ce que fait le projet de Core 5. Il exclut la majorité de la population de la planète, pour créer un club restreint de grandes puissances. Et cela me brise le cœur.
Conclusion : un monde en mutation, des choix décisifs
Le crépuscule d’un ordre, l’aube d’un autre
Le projet de Core 5 n’est pas qu’une simple proposition diplomatique. C’est le symbole d’une mutation profonde de l’ordre mondial. Depuis 1945, le monde a été structuré autour de l’alliance transatlantique, de l’OTAN, du G7, et des institutions multilatérales créées après la Seconde Guerre mondiale. Cet ordre, fondé sur les valeurs démocratiques et le droit international, a permis de maintenir une paix relative entre les grandes puissances, de promouvoir la prospérité économique, et de défendre les droits de l’homme. Mais cet ordre est aujourd’hui en crise. Les États-Unis, qui en étaient le garant, se retirent progressivement de leurs engagements internationaux. L’Europe, divisée et affaiblie, est incapable de prendre le relais. Et les puissances émergentes, notamment la Chine et la Russie, contestent les règles établies et cherchent à imposer leur propre vision du monde. Le projet de Core 5 s’inscrit dans cette dynamique. Il propose de remplacer l’ordre libéral international par un nouveau système, fondé sur les rapports de force plutôt que sur les valeurs, sur les sphères d’influence plutôt que sur le droit international, sur les deals entre grandes puissances plutôt que sur la coopération multilatérale. Ce nouveau système rappelle le Concert européen du XIXe siècle, où les grandes puissances se partageaient le monde et s’engageaient à ne pas interférer dans les sphères d’influence des autres. Mais ce système avait conduit à la colonisation de l’Afrique et de l’Asie, et finalement à la Première Guerre mondiale.
Sommes-nous en train de revivre cette histoire ? Sommes-nous en train de retourner à un monde dominé par les grandes puissances, où les petits pays sont sacrifiés, où le droit international est bafoué, où les valeurs ne comptent plus ? C’est la question qui hante les observateurs de la scène internationale. Et la réponse n’est pas claire. D’un côté, le projet de Core 5 reflète une réalité incontournable : le monde a changé, les rapports de force ont évolué, et l’ordre libéral international ne correspond plus aux réalités du XXIe siècle. D’un autre côté, le projet de Core 5 abandonne les principes qui ont guidé l’Occident depuis 1945, et il ouvre la voie à un monde plus dangereux, plus instable, plus injuste. Cette tension entre réalisme et idéalisme, entre pragmatisme et principes, est au cœur du débat sur le projet de Core 5. Et elle reflète un débat plus large sur l’avenir de l’ordre mondial. Quel monde voulons-nous ? Un monde fondé sur les valeurs et le droit, ou un monde fondé sur la force et les intérêts ? Un monde où les démocraties se serrent les coudes, ou un monde où les grandes puissances se partagent les zones d’influence ? Un monde où les petits pays ont leur mot à dire, ou un monde où ils sont réduits au silence ? Ces questions sont fondamentales. Et les réponses que nous y apporterons détermineront l’avenir de l’humanité.
L’urgence d’un sursaut collectif
Face à cette mutation de l’ordre mondial, les démocraties doivent faire un choix. Soit elles acceptent le projet de Core 5 et le nouveau système qu’il propose, en espérant pouvoir influencer son évolution de l’intérieur. Soit elles rejettent ce projet et cherchent à construire une alternative, fondée sur les valeurs démocratiques et le droit international. La première option impliquerait de reconnaître que l’ordre libéral international est mort, et qu’il faut s’adapter à un monde dominé par les grandes puissances. La seconde option impliquerait de résister à cette évolution, en renforçant les alliances démocratiques, en investissant dans la défense collective, et en promouvant les valeurs démocratiques à travers le monde. Cette seconde option est difficile, coûteuse, et incertaine. Mais elle est nécessaire si nous voulons préserver les acquis de l’ordre libéral international, et éviter un retour à un monde dominé par la force et les rapports de puissance. L’Europe, en particulier, doit faire un choix. Soit elle accepte de devenir une zone d’influence russe, comme le suggère le document non publié de la Stratégie de sécurité nationale. Soit elle se réveille, se rassemble, et construit une défense européenne crédible, capable de faire face aux menaces sans le soutien américain. Cette tâche semble insurmontable. Mais elle est nécessaire. Parce que l’alternative est inacceptable.
Le projet de Core 5 est un signal d’alarme. Il nous rappelle que l’ordre mondial que nous avons connu depuis 1945 est en train de disparaître. Il nous rappelle que les alliances traditionnelles ne sont plus garanties. Il nous rappelle que les valeurs démocratiques ne sont plus universellement partagées. Et il nous rappelle que nous devons faire des choix. Des choix difficiles, des choix douloureux, des choix qui détermineront l’avenir de nos sociétés. Allons-nous accepter un monde dominé par les grandes puissances, où les petits pays sont sacrifiés, où le droit international est bafoué, où les valeurs ne comptent plus ? Ou allons-nous résister, nous battre, défendre les principes qui ont guidé l’Occident depuis 1945 ? Je ne connais pas la réponse. Mais je sais que le temps presse. Et que l’histoire ne pardonne pas les hésitations. Le projet de Core 5 n’est pas encore une réalité. C’est une proposition, une idée, un document non publié qui a fuité dans les médias. Mais c’est aussi un avertissement. Un avertissement sur ce qui pourrait advenir si nous ne réagissons pas. Si nous ne nous réveillons pas. Si nous ne faisons pas les choix nécessaires pour préserver l’ordre mondial que nous avons construit. Le choix nous appartient. Et il est urgent.
Je termine cet article avec un sentiment de vertige. Un vertige face à l’ampleur des bouleversements en cours. Un vertige face à l’incertitude de l’avenir. Un vertige face à la fragilité de l’ordre mondial que nous avons connu. Mais aussi un sentiment d’urgence. Une urgence de réagir, de résister, de défendre les valeurs qui nous sont chères. Parce que je crois encore en la possibilité d’un monde meilleur. Un monde fondé sur la coopération, le dialogue, le respect mutuel. Un monde où les démocraties se serrent les coudes face aux menaces communes. Un monde où les valeurs ne sont pas négociables. Ce monde est menacé. Mais il n’est pas encore perdu. Et c’est à nous de le sauver. À nous de faire les choix nécessaires. À nous de nous battre pour ce en quoi nous croyons. Le temps presse. Mais il n’est pas trop tard. Pas encore.
Sources primaires
Defense One, « Make Europe Great Again and more from a longer version of the National Security Strategy », Meghann Myers, 9 décembre 2025. Politico, « How a new Russia-China-US network could work », National Security Daily, Daniella Cheslow et Giselle Ruhiyyih Ewing, 10 décembre 2025. European Pravda, « Media: Trump team said to have discussed forming alliance with Russia and China as alternative to G7 », Iryna Kutielieva, 11 décembre 2025. Reuters, « Exclusive: US sets 2027 deadline for Europe-led NATO defense », 5 décembre 2025. Maison-Blanche, « National Security Strategy », décembre 2025.
Sources secondaires
Brookings Institution, « Breaking down Trump’s 2025 National Security Strategy », décembre 2025. Council on Foreign Relations, « Unpacking a Trump Twist of the National Security Strategy », décembre 2025. The Atlantic Council, « Experts react: What Trump’s National Security Strategy means for US foreign policy », décembre 2025. Reuters, « Kremlin says new US security strategy accords largely with Russia’s view », 7 décembre 2025. Politico, « Trump’s attacks force Europe to speed up post-America defense plans », décembre 2025. The New York Times, « Trump Has Long Disdained Europe’s Elites. Now, It’s Official », 6 décembre 2025. NPR, « EU leaders react with alarm to Trump administration’s new national security statement », 8 décembre 2025.
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