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Une géographie de la corruption

Le câble diplomatique américain ne nomme pas spécifiquement les pays ciblés par cette campagne d’influence russe, mais il précise qu’ils s’étendent sur quatre continents. Plus de deux douzaines de nations auraient été touchées depuis 2014. Cependant, des sources au sein de l’administration américaine ont fourni quelques exemples concrets qui donnent une idée de l’ampleur et de la diversité géographique de cette opération. L’Albanie, par exemple, aurait vu la Russie dépenser environ 500 000 dollars pour soutenir le Parti démocratique de centre-droit lors des élections de 2017. La Bosnie, le Monténégro et Madagascar figurent également sur la liste des pays où des partis ou des candidats auraient été financés par Moscou. Ces pays ont tous un point commun : ce sont des démocraties fragiles, des nations en transition, des États où l’influence étrangère peut faire basculer un scrutin.

Un haut responsable de l’administration Biden a refusé de préciser combien d’argent la Russie aurait dépensé en Ukraine, où le président Volodymyr Zelenskyy et ses principaux collaborateurs accusent depuis longtemps Poutine de s’immiscer dans la politique intérieure. Mais le responsable a mentionné les allégations d’influence russe lors d’élections récentes en Albanie, en Bosnie et au Monténégro, tous des pays d’Europe de l’Est qui ont historiquement subi la pression de Moscou. Ce n’est pas un hasard si ces nations figurent sur la liste. Elles représentent des enjeux stratégiques pour la Russie : proximité géographique, liens historiques, importance géopolitique. En les contrôlant indirectement par le biais de politiciens sympathisants, Moscou maintient son influence dans sa sphère d’influence traditionnelle sans avoir à recourir à la force militaire. Du moins, pas immédiatement.

Des techniques d’influence multiples et adaptées

Contrairement aux efforts déclarés de lobbying par des gouvernements étrangers pour promouvoir des initiatives privilégiées, l’influence clandestine russe implique l’utilisation d’organisations de façade pour canaliser l’argent vers les causes ou les politiciens préférés, selon le câble. Cette distinction est cruciale. Quand un pays fait du lobbying officiel, tout est transparent, enregistré, traçable. Mais quand l’argent passe par des sociétés écrans, des fondations bidons, des intermédiaires multiples, il devient presque impossible de remonter à la source. Les think tanks européens servent de couverture parfaite : ils organisent des conférences, publient des rapports, invitent des politiciens à des événements prestigieux. Tout semble légitime en surface. Mais derrière, l’argent vient de Moscou, et l’agenda aussi. Les entreprises d’État en Amérique centrale, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord jouent un rôle similaire. Elles investissent, créent des emplois, construisent des infrastructures. En échange, elles attendent de la gratitude politique, des votes favorables, des décisions qui servent les intérêts russes.

Le câble diplomatique contient une série de points de discussion que les diplomates américains ont reçu l’ordre de soulever auprès de leurs gouvernements hôtes concernant l’ingérence russe présumée. Parmi les mesures que les diplomates ont été invités à recommander figurent les sanctions, les interdictions de voyager et l’exposition du financement clandestin. C’est une approche à plusieurs niveaux : punir financièrement ceux qui acceptent l’argent russe, les empêcher de voyager librement, et surtout, exposer publiquement leurs liens avec Moscou. Cette dernière mesure est probablement la plus efficace. Un politicien peut survivre à des sanctions, mais il a beaucoup plus de mal à survivre à la révélation publique qu’il est financé par une puissance étrangère hostile. La honte, le scandale, la perte de crédibilité sont des armes puissantes dans une démocratie. C’est précisément pour cette raison que l’administration Biden a pris la décision inhabituelle de déclassifier et de publier ces informations.

Ce qui me frappe, c’est l’asymétrie de cette guerre. D’un côté, des démocraties qui jouent selon les règles, qui respectent la transparence, qui croient encore en la bonne foi des acteurs politiques. De l’autre, un régime autoritaire qui n’a aucun scrupule, aucune limite, aucune morale. Comment gagner un combat quand l’adversaire ne respecte aucune règle ?

Sources

Sources primaires

PBS NewsHour, « State Department says Russia spent $300 million to covertly influence world politics », 13 septembre 2022. Associated Press, « US: Russia spent $300M to covertly influence world politics », par Nomaan Merchant, 13 septembre 2022. BBC News, « Russia covertly spent $300m to meddle abroad – US », 13 septembre 2022. Département d’État américain, câble diplomatique déclassifié sur le financement clandestin russe, septembre 2022.

Sources secondaires

The Guardian, « Russia has spent $300m since 2014 to influence foreign officials », 13 septembre 2022. The New York Times, « Russia Secretly Gave $300 Million to Political Parties and Officials Worldwide », 13 septembre 2022. Reuters, « U.S. warns that Russia will step up covert political influence », 13 septembre 2022. The Washington Post, « Russia spent millions in secret global political campaign, U.S. says », 13 septembre 2022. The Hill, « Russia spent over $300M in effort to influence world politics, US officials say », 13 septembre 2022. Deutsche Welle, « Russia spent $300M to influence foreign elections, US says », 13 septembre 2022.

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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