Un ancien procureur fédéral sort de sa réserve
C’est sur le plateau de l’émission « All In » de MS NOW, ce vendredi 19 décembre 2025, que Harry Litman a lâché les mots que beaucoup pensaient tout bas. Ancien procureur fédéral pour le District Ouest de Pennsylvanie, Litman n’est pas du genre à s’enflammer pour rien. Son parcours juridique lui confère une crédibilité que peu peuvent contester. Et pourtant, en observant les documents publiés par le DOJ, il n’a pas mâché ses mots : « Ça doit être une dissimulation. » Pas « ça pourrait être », pas « ça ressemble à ». Ça doit être. La certitude d’un homme qui a passé sa carrière à décortiquer les stratégies d’obstruction du gouvernement fédéral. Litman a rappelé que la loi est claire : les caviardages ne sont autorisés que pour protéger l’identité des victimes et préserver les enquêtes en cours. Point final. Or, ce qui émerge des documents publiés va bien au-delà de ces exceptions légitimes.
« La loi, c’est la loi. Ce n’est plus un grand jury », a martelé Litman sur les ondes. Son analyse est clinique, méthodique. Il observe que l’administration Trump procède à des caviardages destinés à réduire le « préjudice réputationnel » de certains hommes nommés dans les dossiers. Or, le texte de l’Epstein Files Transparency Act est explicite sur ce point : « Aucun document ne sera retenu, retardé ou caviardé sur la base de l’embarras, du préjudice réputationnel ou de la sensibilité politique, y compris pour tout responsable gouvernemental, personnalité publique ou dignitaire étranger. » La loi ne pourrait pas être plus limpide. Et pourtant, le DOJ semble la traiter comme une suggestion facultative. Litman a établi un parallèle troublant avec le rapport Mueller sur l’ingérence russe. Selon lui, l’administration « pense que mettre en avant des éléments impliquant Clinton et d’autres personnalités pourrait obscurcir ce qui concerne Trump, mais c’est très, très loin de ce qu’ils sont tenus de faire ».
L’accusation de contrôle narratif
Ce que Litman décrit n’est rien de moins qu’une manipulation sophistiquée de l’information. En publiant sélectivement des photos embarrassantes de Bill Clinton — notamment une image de l’ancien président dans un jacuzzi avec une personne dont le visage a été caviardé — tout en dissimulant d’autres éléments, le DOJ tenterait de « contrôler le récit ». La stratégie est d’une habileté machiavélique : donner l’apparence de la transparence en sacrifiant quelques figures démocrates sur l’autel médiatique, tout en protégeant les intérêts de l’administration actuelle. Les républicains peuvent alors se vanter d’avoir « démasqué » les démocrates, tandis que les questions sur les liens de Trump avec Epstein restent savamment enterrées sous des montagnes de pages noircies. Cette tactique du bouc émissaire n’est pas nouvelle, mais elle atteint ici un niveau de cynisme rarement égalé.
Le timing de la publication est également révélateur. En déposant ces documents le vendredi soir avant les fêtes de fin d’année, alors que le Congrès a déjà quitté Washington pour les vacances, le DOJ s’assure que le scandale sera noyé dans le brouhaha des célébrations. Les parlementaires ne reviendront pas avant début janvier. D’ici là, l’indignation aura eu le temps de retomber, l’attention publique se sera dispersée. C’est la technique classique du « Friday news dump », perfectionnée ici avec une maestria inquiétante. Litman l’a bien compris : « Sous l’Epstein Files Transparency Act, le DOJ dispose de deux semaines pour expliquer tout caviardage au Congrès. » Deux semaines pendant lesquelles les parlementaires sont absents. Deux semaines pendant lesquelles la vérité peut continuer à macérer dans l’obscurité.
Il y a quelque chose de profondément dérangeant à regarder un ancien procureur fédéral — un homme qui a consacré sa vie à faire respecter la loi — être contraint de dénoncer son propre gouvernement sur une chaîne de télévision. Harry Litman n’est pas un révolutionnaire, ce n’est pas un agitateur. C’est un fonctionnaire de justice qui croit en l’institution qu’il a servie. Et le voir affirmer avec cette certitude glacée que « ça doit être une dissimulation »… ça fait quelque chose. Ça secoue cette partie de nous qui voulait encore croire que le système pouvait se corriger de lui-même.
Section 3 : Ce que révèlent — et ce que cachent — les documents publiés
Des photos de Clinton, des pages entièrement noires
La publication du DOJ ce vendredi a livré son lot de révélations, mais surtout son lot de frustrations. Parmi les éléments nouveaux : plusieurs photographies inédites de l’ancien président Bill Clinton. L’une d’elles le montre dans un jacuzzi, le visage d’une personne à ses côtés recouvert d’un rectangle noir. Le porte-parole du DOJ, Gates McGavick, a précisé sur X que cette personne était « une victime » des abus d’Epstein. Une autre image montre Clinton aux côtés d’Epstein lui-même, les deux hommes portant des vêtements traditionnels dont le contexte n’est pas précisé. D’autres photos le présentent avec Mick Jagger et, apparemment, avec Michael Jackson et Diana Ross dans un avion. Ces images font sensation, évidemment. Elles nourrissent les spéculations, alimentent les théories. Mais elles ne prouvent aucun crime. Clinton n’a jamais été inculpé ni accusé formellement d’actes répréhensibles en lien avec Epstein.
Ce qui frappe davantage, c’est ce qui manque. 119 pages de témoignages de grand jury de New York ont été publiées… entièrement caviardées. Pas un mot lisible. Pas une phrase qui puisse éclairer les zones d’ombre de cette affaire tentaculaire. Le représentant Ro Khanna, co-auteur de la loi, a exprimé sa déception lors d’une interview avec NPR : « Le dépôt ne contenait pas les documents que je recherchais. Cela semble au mieux incomplet. » Il a notamment évoqué un « projet d’acte d’accusation du premier dossier Epstein qui implique vraiment d’autres hommes riches et puissants qui savaient ou ont participé aux abus ». Ce document, selon Khanna, aurait dû être rendu public. Il ne l’a pas été. Et personne ne sait — officiellement — pourquoi. Les avocats des victimes affirment qu’au moins vingt noms d’hommes accusés de crimes sexuels figurent dans les dossiers du FBI. Si la publication massive du 19 décembre ne contient « pas un seul nom d’un homme accusé d’un crime sexuel », alors — comme l’a souligné Massie — « nous savons qu’ils n’ont pas produit tous les documents ».
L’illusion d’une bibliothèque complète
Le DOJ a mis en ligne ce qu’il appelle fièrement la « Full Epstein Library » — la bibliothèque complète d’Epstein. Un nom prometteur pour une réalité décevante. Les utilisateurs qui se sont précipités sur le site ont rapidement déchannté. Des files d’attente virtuelles pour accéder aux documents. Un moteur de recherche défaillant qui ne retournait aucun résultat pour des termes basiques liés à l’affaire. Et surtout, page après page de documents où le texte disparaît sous d’épais rectangles noirs. L’une des survivantes, interrogée par CNN, a confié sa frustration de ne pas pouvoir trouver d’informations sur son propre cas dans cette masse de données. Des années d’attente, des décennies de silence — et voilà qu’au moment où la vérité devait enfin émerger, elle se trouve encore enfouie sous des couches de caviardage bureaucratique.
Parmi les documents publiés figurent également des éléments déjà connus du public : des dossiers de plus de cinquante affaires civiles et pénales impliquant Epstein et Ghislaine Maxwell, des enregistrements vidéo de la prison où Epstein s’est suicidé en août 2019, des journaux de vol de son avion privé. Le DOJ a même inclus, de façon presque surréaliste, l’intégralité du livre « Massage for Dummies » dans sa version de 1999. Un détail qui serait comique s’il n’était pas aussi tragique — ce manuel de massage trouvé parmi les possessions d’un prédateur qui a transformé les séances de « massage » en rituels d’abus systématique. La publication contient aussi une plainte déposée auprès du FBI en septembre 1996, accusant Epstein de « pornographie infantile ». Cette plainte, la première connue aux autorités fédérales, précède de huit ans la première enquête officielle sur Epstein. Huit années pendant lesquelles le système a échoué. Huit années pendant lesquelles les victimes se sont multipliées.
Vous savez ce qui me hante, dans tout ça ? Ce n’est pas les photos de Clinton dans un jacuzzi. Ce n’est pas les pages noircies, aussi frustrantes soient-elles. C’est ce chiffre : 1996. Une plainte au FBI en 1996. Et la première enquête en 2004. Huit ans. Huit putain d’années — pardon — huit années pendant lesquelles des hommes en costume ont décidé que les témoignages de jeunes filles ne valaient pas la peine qu’on s’y attarde. Huit années pendant lesquelles Epstein a pu continuer, protégé par son argent, ses relations, son réseau. Et aujourd’hui, en 2025, on nous demande encore de patienter pour connaître la vérité. La patience, c’est ce qu’on demande toujours aux victimes. Jamais aux bourreaux.
Section 4 : Une loi votée quasi unanimement, bafouée ouvertement
Le parcours législatif de l’Epstein Files Transparency Act
Pour comprendre l’ampleur du scandale actuel, il faut revenir sur la genèse de cette loi. L’Epstein Files Transparency Act n’est pas né d’un consensus partisan ordinaire. Il a été porté par des parlementaires des deux bords, unis dans une rare communion de volonté. Le représentant républicain Thomas Massie du Kentucky et le démocrate Ro Khanna de Californie en furent les principaux architectes. En septembre 2025, Massie a déposé une pétition de décharge pour forcer un vote sur le texte. Le 12 novembre, cette pétition a recueilli les 218 signatures nécessaires — dont quatre républicains qui ont défié les consignes de leur propre parti. Le 18 novembre, la Chambre des représentants a voté le texte par 427 voix contre 1. Une seule opposition : le républicain Clay Higgins. Le lendemain, le Sénat l’a adopté à l’unanimité, sans un seul vote contre. Trump l’a signé le jour même, contraint et forcé.
Car il faut le rappeler : Trump ne voulait pas de cette loi. Durant sa campagne de 2024, il avait promis de publier les dossiers Epstein. Mais une fois revenu au pouvoir, son discours a radicalement changé. En novembre 2025, il a qualifié les républicains favorables à la transparence de « stupides », accusant les démocrates de pousser un « canular ». Son opposition s’est heurtée à la détermination bipartisane du Congrès. Quand il est devenu évident que la loi passerait avec ou sans son soutien, Trump a finalement cédé et l’a signée — tout en minimisant sa portée. La loi est pourtant d’une clarté remarquable. Elle exige la publication de « tous les documents, communications et matériaux d’enquête non classifiés » en possession du DOJ, du FBI et des bureaux des procureurs fédéraux. Elle interdit explicitement de retenir des documents pour des raisons d’embarras ou de sensibilité politique. Elle impose un délai de 30 jours. Et elle demande au procureur général de fournir au Congrès une « liste de tous les responsables gouvernementaux et personnalités politiquement exposées nommés ou référencés dans les documents publiés » — sans caviardage.
Une loi sans mécanisme d’application
Voilà le problème. L’Epstein Files Transparency Act a été rédigé avec une faille béante : aucun mécanisme d’application. Si le DOJ décide de ne pas respecter le délai — comme c’est le cas — la loi ne prévoit aucune sanction automatique. Si les caviardages vont au-delà de ce qui est permis — comme c’est le cas — aucune pénalité n’est prévue. Le texte repose entièrement sur la bonne foi de l’administration. Et quand cette bonne foi fait défaut, il ne reste que l’indignation publique et la pression politique. Les démocrates du House Oversight Committee ont annoncé vendredi qu’ils examinaient « toutes les options légales » pour contraindre le DOJ à respecter la loi. Ro Khanna a évoqué la possibilité d’« audiences d’impeachment » contre la procureure générale Pam Bondi et le procureur général adjoint Todd Blanche si les documents ne répondent pas aux exigences légales. Une menace sérieuse, mais dont l’application reste incertaine dans un Congrès contrôlé par les républicains.
Le sénateur démocrate Chuck Schumer n’a pas mâché ses mots : « Ce n’est rien d’autre qu’une dissimulation pour protéger Donald Trump de son passé embarrassant. » Une accusation lourde, mais que les faits semblent corroborer. Car pendant que les photos de Clinton font la une des médias, les questions sur les propres liens de Trump avec Epstein restent sans réponse. Une note d’anniversaire de 2003 adressée à Epstein et apparemment signée par Trump a été publiée en septembre 2025 — Trump nie l’avoir écrite. Des photos des deux hommes ensemble ont circulé. Plus d’un millier de mentions de Trump apparaissent dans les emails et messages d’Epstein rendus publics par le House Oversight Committee. Epstein semblait obsédé par la présidence de Trump, se positionnant comme un « chuchoteur » auprès de ses puissants associés. Mais les détails de leur relation restent obstinément flous — dissimulés, peut-être, sous ces mêmes rectangles noirs qui prétendent protéger les victimes.
Il y a une ironie cruelle dans cette situation. Une loi votée 427 contre 1, signée par le président lui-même, et pourtant allègrement ignorée par son administration. C’est la démocratie américaine mise à nu, dans toute sa vulnérabilité. Les lois ne valent que ce que vaut la volonté de les appliquer. Et quand ceux qui sont censés les faire respecter sont les mêmes qui ont intérêt à les violer… que reste-t-il ? La rue ? Les tribunaux ? L’indignation impuissante ? Je ne sais plus. Vraiment, je ne sais plus.
Section 5 : Le processus de caviardage sous le feu des critiques
La Division de la Sécurité Nationale aux commandes
L’un des aspects les plus troublants de cette affaire concerne le processus même de caviardage des documents. Selon des sources citées par CNN, c’est la Division de la Sécurité Nationale du DOJ qui a hérité de cette tâche — une décision qui a surpris de nombreux experts juridiques. Cette division est traditionnellement spécialisée dans les affaires classifiées, l’espionnage, le terrorisme. Elle n’a pas de lien historique avec les crimes sexuels ou les conspirations comme celles reprochées à Epstein et Maxwell. Pourquoi confier un travail aussi sensible à des avocats dont l’expertise est ailleurs ? La réponse, selon les sources, est prosaïque : c’est là que se trouvent les effectifs. L’administration Trump a « vidé » d’autres divisions du DOJ, mais la Division de la Sécurité Nationale conserve « plusieurs dizaines d’avocats » expérimentés dans le traitement de données sensibles.
Le travail a commencé dans l’urgence après Thanksgiving, soit moins de quatre semaines avant la date limite du 19 décembre. Chaque avocat devait traiter jusqu’à mille documents par semaine. Des spécialistes du contre-espionnage ont été réquisitionnés, sommés d’« abandonner presque tout leur autre travail » pour se consacrer aux dossiers Epstein. Cette précipitation a fait craindre des erreurs. Un avocat extérieur au DOJ, interrogé par CNN, a résumé le dilemme : « Soit ils vont faire des erreurs, soit ils vont retenir des choses. Ça ne me surprendrait pas. » Des incohérences et des erreurs de caviardage ont effectivement été repérées dès les premières heures suivant la publication. Le journaliste Jason Leopold de Bloomberg News avait révélé en novembre que le FBI avait créé un « Special Redaction Project » — aussi appelé en interne « Epstein Transparency Project » — qui avait mobilisé 4 737 heures supplémentaires entre janvier et juillet 2025, coûtant plus de 851 000 dollars aux contribuables américains.
La justification officielle face aux critiques
Todd Blanche a défendu le processus lors de son interview sur Fox News. « La chose la plus importante dont la procureure générale et le directeur Patel ont parlé, c’est de protéger les victimes », a-t-il affirmé. Selon lui, chaque document est examiné pour s’assurer que « chaque victime, son nom, son identité, son histoire, dans la mesure où elle doit être protégée, soit complètement protégée ». Une ligne de défense qui semble raisonnable en apparence. Personne ne conteste la nécessité de préserver l’anonymat des survivantes. Mais le diable se cache dans les détails. Lors d’une audience devant un tribunal fédéral vendredi, le procureur Jay Clayton du District Sud de New York a admis que le gouvernement avait choisi de « potentiellement noircir les visages de chaque femme dans une photographie avec Epstein », car il pourrait être impossible pour les avocats de déterminer qui est une victime et qui ne l’est pas. Il a lui-même qualifié cette approche de « sur-caviardage ».
Cette stratégie du « sur-caviardage » soulève des questions légitimes. Si on noircit systématiquement tous les visages féminins, on noircit aussi — par défaut — les visages de femmes adultes consentantes qui ne sont pas des victimes. Et par extension, on obscurcit le contexte qui permettrait de comprendre la nature des relations d’Epstein avec certaines personnalités. Les survivantes elles-mêmes ont exprimé des sentiments mitigés. Maria Farmer, l’une des premières à avoir dénoncé Epstein et Maxwell dans les années 1990, avait déclaré après le vote de la loi qu’elle espérait voir « la totalité des dossiers publiés — pas des morceaux, pas des caviardages massifs, mais la vérité complète, en retirant uniquement le matériel d’abus sexuel sur enfants et les noms et informations identifiantes des victimes ». Ce qu’elle a obtenu à la place : des pages et des pages de néant noir. Et l’amère certitude que, trente ans après ses premières dénonciations, le gouvernement continue de lui faire défaut.
Protéger les victimes. Trois mots qu’on nous répète en boucle. Trois mots qui sont devenus un bouclier rhétorique, une excuse passe-partout pour justifier l’injustifiable. Bien sûr qu’il faut protéger les victimes. Évidemment. Mais quand « protéger les victimes » devient synonyme de « protéger tout le monde sauf les coupables », quelque chose a dérapé. Quelque chose a été perverti. Les survivantes méritent mieux. Elles méritent la vérité. Pas cette version édulcorée, aseptisée, caviardée jusqu’à l’absurde qu’on leur offre comme un os à ronger.
Section 6 : Les réactions politiques d'un Congrès divisé mais uni dans l'indignation
La colère bipartisane face à l’obstruction
La réaction du Congrès à la publication partielle des dossiers Epstein a été remarquable par son unanimité. Républicains et démocrates, qui s’affrontent sur presque tout le reste, ont trouvé un terrain d’entente dans leur indignation. Le représentant Thomas Massie, figure de la droite libertarienne, a publié sur X une image du texte de loi avec une phrase surlignée : « Pas plus tard que 30 jours après la date de promulgation de cet acte », suivie du mot « tous » avant la description des documents. Son message était limpide : la loi ne laisse aucune marge d’interprétation. « Publiez tous les dossiers », a tweeté de son côté Marjorie Taylor Greene, élue républicaine de Géorgie. « C’est littéralement la loi. » Quand Marjorie Taylor Greene et Thomas Massie s’alignent avec les démocrates sur un sujet, c’est que quelque chose de profond s’est brisé dans la confiance envers l’administration.
Du côté démocrate, les représentants Robert Garcia et Jamie Raskin ont publié une déclaration commune accusant Trump et le DOJ de « violer la loi fédérale » en « continuant à dissimuler les faits et les preuves concernant le réseau criminel d’un milliard de dollars de Jeffrey Epstein ». Le leader de la minorité à la Chambre, Hakeem Jeffries, avait prévenu la veille : « Nous attendons le respect de la loi. Et si le Département de la Justice ne s’y conforme pas, il y aura une forte réaction bipartisane. » Cette réaction est venue, mais sa portée reste limitée. Les démocrates sont minoritaires dans les deux chambres. Leurs menaces d’enquêtes, d’audiences, voire d’impeachment, dépendent du bon vouloir de la majorité républicaine — une majorité qui, malgré les déclarations individuelles de certains de ses membres, n’a montré aucun signe de vouloir défier frontalement l’administration Trump sur ce dossier.
Les survivantes prises en otage d’un jeu politique
Au-delà des joutes partisanes, ce sont les survivantes qui paient le prix le plus lourd de cette confusion. Selon des sources proches d’elles citées par CNN, aucune communication du DOJ ne leur a été adressée avant la publication des dossiers. Elles ont découvert les documents en même temps que le reste du monde, contraintes de naviguer dans une « bibliothèque » dysfonctionnelle à la recherche d’informations sur leurs propres traumatismes. L’anxiété était palpable, rapportent les sources. Certaines femmes cherchaient désespérément des éléments qui pourraient valider leurs expériences vieilles de plusieurs décennies. Elles n’ont trouvé que frustration et déception. Haley Robson, l’une des accusatrices d’Epstein, avait déclaré en novembre : « Il est temps de mettre les agendas politiques et les affiliations partisanes de côté. » Son appel est resté lettre morte.
L’instrumentalisation des dossiers Epstein par les deux camps politiques est devenue une constante depuis le retour de Trump au pouvoir. Les démocrates utilisent l’affaire comme levier pour attaquer le président et son administration. Les républicains répondent en pointant du doigt les liens de Clinton et d’autres figures démocrates avec le prédateur. Et au milieu de ce champ de bataille rhétorique, les femmes dont les vies ont été détruites par Epstein regardent, impuissantes, leurs histoires servir de munitions dans une guerre qui ne les concerne pas vraiment. Trump a lui-même alimenté cette dynamique en demandant au DOJ d’enquêter sur « l’implication et la relation de Jeffrey Epstein avec Bill Clinton, Larry Summers, Reid Hoffman, J.P. Morgan, Chase, et beaucoup d’autres personnes et institutions ». Exclusivement des figures démocrates ou perçues comme telles. Aucune mention de ses propres liens avec Epstein. Aucune demande d’enquête sur lui-même.
Je repense à Virginia Giuffre. Elle s’est suicidée plus tôt cette année, vous savez. Après des années de combat pour faire entendre sa voix, pour obtenir justice, pour être crue. Elle n’a pas vu cette publication. Elle ne verra jamais la vérité complète émerger — si elle émerge un jour. Et je me demande : combien d’autres survivantes baisseront les bras avant que ce cirque politique ne prenne fin ? Combien abandonneront tout espoir de justice ? Il y a des moments où l’indifférence institutionnelle tue aussi sûrement qu’une main criminelle. Ce vendredi 19 décembre 2025 pourrait bien être l’un de ces moments.
Section 7 : Trump et Epstein — une amitié encombrante
Des liens documentés, des explications évasives
La question des liens entre Donald Trump et Jeffrey Epstein reste l’éléphant dans la pièce que l’administration s’efforce d’ignorer. Les deux hommes se sont fréquentés pendant des années à Palm Beach et à New York avant de se brouiller au début des années 2000 — pour des raisons qui restent obscures. Une citation de Trump datant de 2002 est régulièrement ressortie : « Je connais Jeff depuis quinze ans. Un type formidable… On dit même qu’il aime les jolies femmes autant que moi, et beaucoup d’entre elles sont du côté jeune. » Une déclaration troublante que Trump a depuis tenté de minimiser, affirmant qu’il n’était pas au courant des abus d’Epstein. Dans les documents publiés par le House Oversight Committee, le nom de Trump apparaît plus d’un millier de fois dans les emails et messages d’Epstein. Le financier semblait « obsédé » par la présidence Trump, se positionnant auprès de ses contacts comme un intermédiaire privilégié avec la Maison Blanche.
Les photographies publiées au fil des mois montrent Trump et Epstein ensemble à diverses occasions mondaines. L’une d’elles présente un jeune Trump posant avec plusieurs femmes portant des lei hawaïens artificiels, les visages des femmes caviardés. Une autre le montre aux côtés d’Epstein lors d’un événement, en conversation avec une femme blonde. En septembre 2025, une note d’anniversaire de 2003 adressée à Epstein et apparemment signée par Trump a été rendue publique. Trump nie catégoriquement l’avoir écrite. Interrogé par NBC News sur les photos publiées, le président a minimisé leur importance : « Je ne les ai pas vues, mais je veux dire, tout le monde connaissait cet homme. Il était partout à Palm Beach, il a des photos avec tout le monde. Des centaines et des centaines de personnes ont des photos avec lui. » Une défense qui ne répond pas aux questions de fond sur la nature de leur relation.
Le FBI avait caviardé le nom de Trump
Une révélation de Bloomberg News en août 2025 a ajouté une couche supplémentaire de suspicion. Le journaliste Jason Leopold a découvert que le nom de Trump avait été caviardé par le FBI dans certains documents Epstein avant même l’adoption de la loi de transparence. Cette découverte suggère que des efforts pour protéger Trump des retombées de l’affaire Epstein existaient au sein des agences fédérales bien avant la publication massive de vendredi. Le DOJ et le FBI avaient alors conclu qu’« aucune divulgation supplémentaire » des dossiers ne serait « appropriée ou justifiée ». Une position qui s’est effondrée face à la pression du Congrès et de l’opinion publique. Mais la question demeure : combien d’informations concernant Trump ont été définitivement enterrées avant que la loi ne force une transparence — même partielle ?
L’administration Trump rejette catégoriquement toute suggestion de conflit d’intérêts. La porte-parole Abigail Jackson a déclaré que « l’administration Trump est la plus transparente de l’histoire » et que « les démocrates n’ont jamais fait autant pour les victimes d’Epstein ». Elle a retourné les accusations vers les démocrates, affirmant que des personnalités comme Hakeem Jeffries et Stacey Plaskett « sollicitaient de l’argent et des rencontres avec Epstein après qu’il était un délinquant sexuel condamné ». Une stratégie de diversion classique : quand on ne peut pas répondre aux questions embarrassantes, on en pose d’autres sur les adversaires. Mais les questions sur Trump ne disparaissent pas pour autant. Elles s’accumulent, comme les pages caviardées s’empilent dans la « bibliothèque Epstein » du DOJ.
Il y a cette phrase de Trump qui me revient sans cesse. « Des centaines de personnes ont des photos avec lui. » C’est vrai, techniquement. Beaucoup de gens ont posé avec Epstein au fil des ans. Mais tous n’ont pas dit de lui qu’il « aimait les jolies femmes du côté jeune ». Tous n’ont pas eu leur nom caviardé par le FBI dans des documents d’enquête. Tous ne se sont pas battus bec et ongles contre une loi de transparence avant de la signer à contrecœur. La différence entre une photo anodine et une relation compromettante, c’est précisément ce que ces dossiers auraient dû nous révéler. Au lieu de quoi, on nous offre des rectangles noirs et des promesses creuses.
Section 8 : Les révélations qui échappent au caviardage
Une plainte de 1996 ignorée pendant huit ans
Au milieu des pages noircies et des documents recyclés, quelques pépites d’information nouvelle ont émergé de la publication du DOJ. L’une des plus significatives est la découverte de la première plainte connue aux autorités fédérales concernant Jeffrey Epstein. En septembre 1996, une plainte a été déposée auprès du bureau du FBI de Miami accusant Epstein de « pornographie infantile ». Cette plainte précède de huit ans la première enquête officielle sur le financier, lancée en 2004 par la police de Palm Beach. Huit années pendant lesquelles le FBI avait en sa possession une alerte concernant Epstein. Huit années pendant lesquelles rien n’a été fait. Cette révélation soulève des questions terrifiantes sur les échecs systémiques qui ont permis à Epstein de continuer ses abus pendant des décennies, protégé par un mur de silence institutionnel.
D’autres documents révèlent l’étendue du réseau international d’Epstein. Des photographies de passeports et de cartes d’identité de femmes originaires d’Ukraine, de Russie, d’Afrique du Sud, d’Italie, de République tchèque et de Lituanie figurent parmi les éléments publiés — tous les noms et informations identifiantes ont été caviardés. Ces documents corroborent les témoignages selon lesquels Epstein, après sa condamnation en Floride en 2008, a reporté son attention sur le recrutement de jeunes femmes d’Europe de l’Est. Une capture d’écran de messages texte, dont les participants ne sont pas identifiés, semble montrer une conversation sur le recrutement d’une femme de 18 ans pour rencontrer Epstein : « Je t’envoie des filles maintenant. Peut-être que quelqu’un sera bon pour J ? » Un aperçu glaçant du système mis en place pour approvisionner le prédateur en victimes.
Les interviews de Ghislaine Maxwell
Parmi les matériaux publiés figurent les transcriptions des interviews de Ghislaine Maxwell par le procureur général adjoint Todd Blanche en juillet 2025. Maxwell, l’ancienne compagne d’Epstein et sa principale complice, purge actuellement une peine de 20 ans de prison pour trafic sexuel. Ces entretiens avaient déjà fait l’objet d’une publication partielle en août 2025, mais les nouveaux documents offrent un aperçu plus complet de ce que Maxwell a — ou n’a pas — révélé aux autorités. Les détails de ces conversations restent largement caviardés, frustrant ceux qui espéraient des révélations sur les clients et complices d’Epstein. Maxwell a toujours maintenu qu’elle n’avait pas connaissance des abus commis par Epstein, une position que les procureurs et les survivantes ont vigoureusement contestée.
Les vidéos de surveillance de la prison où Epstein est mort ont également été incluses dans la publication. Des clips du Metropolitan Correctional Center de New York du jour où Epstein s’est suicidé en août 2019 montrent l’intérieur du bloc cellulaire. Ces images avaient déjà été partiellement diffusées, mais une version incluant une minute auparavant absente a été rendue publique en septembre 2025. La mort d’Epstein en prison reste entourée de spéculations et de théories conspirationnistes. Si le médecin légiste a conclu au suicide, de nombreuses voix — y compris parmi les procureurs et les experts médico-légaux — ont soulevé des questions sur les circonstances exactes de son décès. Les caméras de surveillance étaient défaillantes. Les gardiens qui devaient le surveiller se sont endormis. Un concours de circonstances trop parfait pour ne pas éveiller les soupçons.
1996. Ce chiffre me hante. Une plainte au FBI en 1996, et la première enquête en 2004. J’essaie d’imaginer ce que ces huit années représentent en termes de vies détruites. Combien de jeunes filles ont été recrutées, abusées, traumatisées pendant que ce document dormait dans un tiroir du bureau de Miami ? Combien de destins brisés auraient pu être épargnés si quelqu’un — n’importe qui — avait fait son travail ? Le système n’a pas échoué par accident. Il a échoué par choix. Par complaisance. Par cette indifférence bureaucratique qui est peut-être la forme la plus insidieuse de complicité.
Section 9 : L'ombre des enquêtes en cours
Une excuse commode pour le secret
L’une des justifications avancées par le DOJ pour retenir certains documents est l’existence d’« enquêtes fédérales actives » ou de « poursuites en cours ». L’Epstein Files Transparency Act prévoit effectivement cette exception : les matériaux qui « compromettraient une enquête fédérale active ou des poursuites en cours » peuvent être retenus ou caviardés. Mais cette provision, conçue pour protéger l’intégrité des enquêtes légitimes, est devenue un fourre-tout commode pour justifier l’opacité. Trump lui-même a contribué à créer cette situation en demandant au DOJ d’ouvrir des enquêtes sur les liens d’Epstein avec diverses personnalités démocrates. En novembre 2025, il a publié sur Truth Social : « Je demanderai à la procureure générale Pam Bondi et au Département de la Justice, ainsi qu’à nos grands patriotes du FBI, d’enquêter sur l’implication et la relation de Jeffrey Epstein avec Bill Clinton, Larry Summers, Reid Hoffman, J.P. Morgan, Chase, et beaucoup d’autres personnes et institutions. »
Cette demande d’enquête crée un paradoxe pervers. En ordonnant des investigations sur des personnalités spécifiques, Trump a fourni à son administration un prétexte légal pour retenir des informations les concernant. Si Clinton, Summers, Hoffman et d’autres font l’objet d’enquêtes actives, alors les documents qui les mentionnent peuvent être considérés comme sensibles et donc non publiables. C’est un tour de passe-passe juridique d’une élégance cynique : promettre de « faire la lumière » sur les démocrates tout en créant les conditions légales pour maintenir tout le monde dans l’ombre. Interrogé sur Fox News vendredi, Todd Blanche a confirmé que les enquêtes se poursuivaient : « Comme le président l’a ordonné, c’est toujours en cours d’investigation, et je m’attends à ce que ça continue. » Sans préciser quand — ni même si — les résultats de ces enquêtes seraient rendus publics.
Le spectre des inculpations futures
La question de savoir si de nouvelles inculpations émergeront de l’affaire Epstein reste ouverte. Ghislaine Maxwell a été condamnée, mais elle n’est que la pointe émergée de l’iceberg. Les avocats des victimes affirment que le FBI détient les noms d’au moins vingt hommes accusés de crimes sexuels dans les formulaires FD-302 — ces documents qui résument les témoignages recueillis lors des entretiens avec le FBI. Si ces noms existent, pourquoi n’ont-ils pas été rendus publics ? Pourquoi aucune inculpation n’a-t-elle été annoncée contre les clients et complices d’Epstein qui, selon les témoignages des survivantes, ont participé aux abus ? Le représentant Thomas Massie l’a dit clairement : « Si nous obtenons une production massive le 19 décembre et qu’elle ne contient pas un seul nom d’un homme accusé d’un crime sexuel ou de trafic sexuel ou de viol ou de quoi que ce soit de ce genre, alors nous savons qu’ils n’ont pas produit tous les documents. »
La publication de vendredi ne contient apparemment pas ces noms. Ce qui peut signifier deux choses : soit le DOJ les retient délibérément, soit les enquêtes n’ont jamais abouti à des preuves suffisantes pour inculper. Dans les deux cas, le résultat est le même pour les survivantes : l’impunité des hommes qui ont profité du système mis en place par Epstein. Maxwell a été condamnée, Epstein est mort. Mais le réseau de clients fortunés et puissants qui ont alimenté la demande pour ses services criminels reste intact, protégé par une combinaison de prescription légale, de ressources juridiques illimitées et, peut-être, de protection politique. La « bibliothèque Epstein » du DOJ est peut-être vaste, mais elle ne contient pas ce que les victimes attendaient le plus : la justice.
Il y a une expression en anglais : « Too big to fail. » Trop gros pour échouer. On l’applique aux banques, aux entreprises. Mais il existe aussi des criminels « too powerful to prosecute » — trop puissants pour être poursuivis. Epstein l’était. Maxwell, dans une moindre mesure. Mais les autres ? Les clients, les complices, les facilitateurs ? Ceux qui savaient et qui ont fermé les yeux ? Ils restent dans l’ombre, protégés par leur argent, leurs avocats, leurs connexions. Et nous, on nous demande de nous satisfaire de photos de Clinton dans un jacuzzi. Comme si c’était ça, la justice. Comme si c’était ça, la transparence.
Section 10 : Les survivantes face au chaos informationnel
Une navigation impossible dans la « bibliothèque Epstein »
Pour les survivantes de Jeffrey Epstein, la publication du 19 décembre 2025 devait représenter un moment de vérité. Après des années de combat, de témoignages douloureux, de procès épuisants, elles allaient enfin avoir accès aux dossiers complets des enquêtes fédérales. La réalité s’est révélée cruellement différente. Dès les premières heures suivant la mise en ligne des documents, les femmes qui tentaient de naviguer dans le système du DOJ se sont heurtées à des obstacles techniques et à une organisation chaotique. Des files d’attente virtuelles pour accéder au site. Un moteur de recherche défaillant qui ne retournait pas de résultats pour des termes basiques. Et surtout, une masse de documents sans contexte, sans dates, sans explications — des milliers de pages jetées en vrac sur internet comme si la quantité pouvait compenser l’absence de qualité.
Selon des sources proches des survivantes citées par CNN, l’anxiété était palpable vendredi soir. Certaines femmes cherchaient désespérément des informations sur leurs propres expériences — des éléments qui pourraient valider ce qu’elles ont vécu, confirmer leurs souvenirs, donner un sens à leurs traumatismes. Elles n’ont pas trouvé grand-chose. Le DOJ n’a fourni aucune aide, aucun accompagnement, aucune communication préalable aux victimes pour les préparer à ce qui les attendait. Elles ont été traitées comme n’importe quel internaute curieux, obligées de se frayer un chemin dans un labyrinthe numérique conçu sans tenir compte de leurs besoins spécifiques. Cette négligence, peut-être involontaire, n’en est pas moins blessante. Elle confirme ce que beaucoup de survivantes savent depuis longtemps : pour le système, elles ne sont pas des êtres humains méritant considération et respect. Elles sont des pièces à conviction, des dossiers à traiter, des problèmes à gérer.
La protection des victimes comme prétexte
Le discours officiel du DOJ insiste sur la nécessité de « protéger les victimes ». C’est au nom de cette protection que des pages entières sont caviardées, que des visages sont noircis, que des informations sont retenues. Mais les survivantes elles-mêmes n’ont pas été consultées sur ce qui les protège réellement et ce qui les maintient dans l’ignorance. Certaines ont exprimé leur frustration de voir leurs propres histoires leur être confisquées. Elles ont vécu les abus. Elles ont témoigné devant les enquêteurs, devant les tribunaux. Et maintenant, elles n’ont même pas accès aux dossiers qui documentent ce qu’elles ont subi. Maria Farmer, l’une des premières accusatrices d’Epstein, avait espéré que la loi permettrait enfin « la vérité complète ». Ce qu’elle a obtenu à la place, ce sont des rectangles noirs et des promesses de publications ultérieures — toujours ultérieures.
Les défenseurs des victimes soulèvent une question fondamentale : qui décide de ce qui protège une victime et de ce qui la dessert ? La réponse, dans le cas présent, est claire : ce sont des avocats gouvernementaux, des bureaucrates, des politiciens — tous des hommes, pour la plupart — qui n’ont jamais vécu l’expérience de l’abus, qui ne comprennent pas ce que signifie chercher la validation de sa propre histoire. Ils appliquent des règles générales à des situations profondément individuelles. Ils décident, dans leurs bureaux climatisés de Washington, ce qui est bon pour des femmes qu’ils n’ont jamais rencontrées. Et quand ces femmes protestent, quand elles demandent plus de transparence, on leur répond que c’est pour leur bien. Un paternalisme institutionnel qui ajoute l’insulte à la blessure originelle.
Je pense à ces femmes, vendredi soir, devant leurs écrans. Cherchant leur propre nom dans des milliers de pages. Espérant trouver quelque chose — n’importe quoi — qui confirme ce qu’elles savent déjà : qu’elles ont souffert, qu’on leur a fait du mal, que ce n’était pas de leur faute. Et ne trouvant que des pages noires, des erreurs de chargement, des messages d’attente. On leur demande de faire confiance au système qui les a trahies depuis le début. On leur demande de croire que les caviardages sont pour leur protection. Mais elles savent. Elles savent que les secrets qu’on leur cache ne sont pas les leurs. Ce sont ceux des hommes qui les ont blessées. Ce sont ceux des institutions qui les ont abandonnées.
Section 11 : Les prochaines étapes d'un feuilleton sans fin
Les délais supplémentaires et l’échéance de janvier
Que va-t-il se passer maintenant ? Selon les termes de l’Epstein Files Transparency Act, le DOJ dispose de 15 jours après la publication initiale pour fournir au Congrès un rapport détaillé. Ce rapport doit inclure une liste des catégories de documents publiés et retenus, un résumé des caviardages effectués, et — élément crucial — « une liste de tous les responsables gouvernementaux et personnalités politiquement exposées nommés ou référencés dans les documents publiés », sans caviardage. Cette liste serait transmise aux commissions judiciaires de la Chambre et du Sénat, mais pas nécessairement rendue publique. Le délai de 15 jours place cette échéance au 3 janvier 2026, soit après le retour du Congrès de ses vacances de fin d’année. D’ici là, le DOJ dispose d’une marge de manœuvre considérable pour peaufiner son récit et préparer ses justifications.
Todd Blanche a promis que « plusieurs centaines de milliers » de documents supplémentaires seraient publiés « dans les prochaines semaines ». Une promesse vague qui ne satisfait personne. Les républicains comme les démocrates exigent un calendrier précis, des engagements fermes, des garanties que la loi sera finalement respectée. Le représentant Ro Khanna a déclaré que le Congrès pourrait envisager des « audiences d’impeachment » contre Bondi et Blanche si les documents publiés ne répondent pas aux exigences légales. Une menace sérieuse, mais dont la mise en œuvre reste incertaine. L’impeachment d’un procureur général nécessiterait une majorité à la Chambre — contrôlée par les républicains — et une condamnation par les deux tiers du Sénat — également contrôlé par les républicains. Dans le contexte politique actuel, un tel scénario semble hautement improbable.
Le spectre d’une transparence jamais atteinte
L’histoire des dossiers Epstein est une histoire d’attentes déçues et de promesses rompues. En février 2025, la Maison Blanche avait distribué à un groupe d’influenceurs conservateurs des classeurs intitulés « The Epstein Files: Phase 1 ». Ils ne contenaient quasiment aucune information nouvelle. En juillet 2025, Pam Bondi et le directeur du FBI Kash Patel ont publié un mémo affirmant que le gouvernement ne détenait pas de « liste de clients » d’Epstein — contredisant les déclarations antérieures de Bondi selon lesquelles une telle liste était « sur son bureau ». Chaque annonce de transparence s’est soldée par de nouvelles frustrations. Et il n’y a aucune raison de croire que le schéma changera dans les semaines à venir. Les documents promis seront peut-être publiés. Ils seront probablement aussi massivement caviardés que ceux de vendredi. Et le cycle recommencera : indignation, promesses, déception.
La vérité sur Jeffrey Epstein, ses clients, ses complices et les institutions qui l’ont protégé pendant des décennies ne sera peut-être jamais entièrement connue. Les témoins clés sont morts ou emprisonnés. Les documents les plus sensibles ont peut-être été détruits ou dissimulés bien avant que le Congrès ne légifère. Et ceux qui détiennent encore des secrets n’ont aucun intérêt à les révéler. Dans ce contexte, l’Epstein Files Transparency Act apparaît moins comme un outil de vérité que comme un exercice de communication politique — une façon pour le Congrès et l’administration de donner l’illusion d’agir sans jamais véritablement confronter les structures de pouvoir qui ont permis à Epstein de prospérer. Les survivantes méritaient mieux. L’Amérique méritait mieux. Mais « mieux » n’est pas au programme des puissants.
Je voudrais pouvoir conclure sur une note d’espoir. Dire que la vérité finit toujours par éclater. Que la justice, même tardive, arrive. Mais je ne peux pas. Pas honnêtement. Ce que je vois, c’est un système qui se protège lui-même. Des institutions qui se couvrent mutuellement. Des politiciens qui utilisent la souffrance des victimes comme monnaie d’échange dans leurs jeux de pouvoir. Et au milieu de tout ça, des femmes dont les vies ont été détruites, qui attendent encore et toujours une réponse à une question simple : pourquoi ? Pourquoi lui ? Pourquoi eux ? Pourquoi moi ? Ces questions n’auront peut-être jamais de réponse. Et c’est peut-être ça, le scandale le plus profond de toute cette affaire.
Section 12 : Une administration en contradiction avec elle-même
Les revirements de Trump sur la transparence
Le comportement de Donald Trump vis-à-vis des dossiers Epstein est un cas d’école en matière de dissonance cognitive politique. Pendant sa campagne de 2024, il avait explicitement promis de rendre ces documents publics. Interrogé par Rachel Campos-Duffy sur Fox News en juin 2024, à la question de savoir s’il publierait les dossiers Epstein en tant que président, il avait répondu : « Oui, je le ferais. » Cette promesse faisait écho aux théories conspirationnistes largement répandues dans sa base électorale — l’idée qu’une « liste de clients » explosive révélerait les noms de pédophiles puissants protégés par le gouvernement. Trump et son mouvement MAGA avaient surfé sur ces théories, se présentant comme les champions de la transparence face à un « deep state » corrompu.
La réalité du second mandat a été tout autre. Dès son retour au pouvoir en janvier 2025, Trump a traîné des pieds sur la question des dossiers Epstein. Quand le Congrès a commencé à légiférer pour forcer la publication, il a qualifié les républicains favorables au texte de « stupides » et accusé les démocrates de promouvoir un « canular ». Son administration a multiplié les annonces de « transparence » qui n’en étaient pas — des binders vides distribués à des influenceurs, des promesses de publications qui ne venaient jamais. Et quand la loi a finalement été votée à l’unanimité ou presque, Trump n’a eu d’autre choix que de la signer, tout en minimisant sa portée et en mettant en place les conditions d’une application partielle. Le contraste entre le candidat Trump et le président Trump est saisissant. Mais il n’est pas surprenant pour ceux qui suivent la politique américaine depuis longtemps.
La base MAGA face à la désillusion
L’un des aspects les plus intéressants de cette saga est la réaction de la base électorale de Trump. Une partie du mouvement MAGA avait fait de la révélation des dossiers Epstein une cause quasi-religieuse. Les théories sur une « élite pédophile » protégée par le gouvernement avaient nourri des mouvements comme QAnon, dont les adeptes attendaient le « grand dévoilement » comme d’autres attendent le Messie. Or, c’est leur propre président qui, une fois au pouvoir, freine des quatre fers. Certains partisans, comme Marjorie Taylor Greene et Thomas Massie, ont choisi de maintenir la pression sur l’administration, exigeant publiquement le respect de la loi. Mais d’autres ont opéré des contorsions intellectuelles remarquables pour justifier les revirements de Trump — arguant qu’il « joue les cartes longues » ou qu’il « protège les enquêtes en cours ».
Cette dissonance au sein du mouvement MAGA illustre un phénomène plus large : la capacité des cultes de la personnalité à absorber les contradictions. Quand le leader dit blanc, ses partisans croient blanc. Quand il dit noir, ils croient noir. Et quand il dit blanc puis noir sur le même sujet, ils trouvent une façon de réconcilier les deux. Mais tous les partisans ne sont pas également flexibles. Sur les réseaux sociaux, des voix dissidentes commencent à s’élever parmi les supporters de Trump, exprimant leur frustration face à ce qu’ils perçoivent comme une trahison des promesses de campagne. « Si Trump fait partie de la dissimulation, alors tout ce en quoi nous avons cru est un mensonge », écrit un utilisateur sur une plateforme alternative. Une prise de conscience douloureuse, mais peut-être salutaire.
Il y a une ironie amère à voir le mouvement qui a porté Trump au pouvoir sur la promesse de « drainer le marais » se retrouver confronté à la réalité : le marais, c’était peut-être eux depuis le début. Ou du moins, leur champion. Je ne tire aucune satisfaction de cette désillusion. Parce que derrière les théories conspirationnistes délirantes, il y avait une préoccupation légitime : des enfants ont été abusés, des puissants ont été protégés, la justice a failli. Ces faits sont vrais. Ils méritent une réponse sérieuse. Pas les fantaisies de QAnon, mais une vraie enquête, une vraie transparence, une vraie accountability. C’est ce que les survivantes demandent depuis des années. C’est ce qu’elles n’obtiennent toujours pas.
Conclusion : La vérité, otage permanente du pouvoir
Un jour de honte pour la démocratie américaine
Le 19 décembre 2025 restera dans les annales comme un jour où l’Amérique a choisi l’opacité plutôt que la lumière. Une loi votée à 427 contre 1 à la Chambre et à l’unanimité au Sénat, signée par le président lui-même, a été allègrement ignorée par l’administration qui était censée l’appliquer. Des centaines de milliers de pages ont été publiées — et des centaines de milliers d’autres retenues. Des visages ont été noircis — parfois pour protéger des victimes, parfois pour protéger des coupables, sans que personne ne puisse faire la différence. Un ancien procureur fédéral a dû aller sur une chaîne de télévision pour dénoncer ce qui est, selon ses mots, une « dissimulation ». Et les survivantes d’un des plus grands réseaux de trafic sexuel de l’histoire américaine ont dû, une fois de plus, encaisser le coup de la trahison institutionnelle.
Harry Litman avait raison. Les caviardages vont bien au-delà de ce que la loi autorise. Le contrôle narratif est évident dans la sélection des documents rendus publics. Et la promesse de publications ultérieures n’est qu’une façon de gagner du temps en espérant que l’attention publique se dissipera. Mais les survivantes n’oublieront pas. Les journalistes d’investigation n’abandonneront pas. Et l’histoire, finalement, jugera. Elle jugera ceux qui ont protégé les prédateurs. Elle jugera ceux qui ont instrumentalisé les victimes. Elle jugera ceux qui ont promis la transparence et livré l’obscurité. Ce jugement ne réparera pas les vies brisées. Mais il établira, pour les générations futures, ce qu’il est advenu de la justice américaine quand elle a été mise à l’épreuve. Spoiler : elle a échoué.
Je termine cet article avec un poids sur le cœur. Pas de la colère — la colère s’est usée au fil des ans, au fil des scandales, au fil des promesses non tenues. Ce qui reste, c’est une tristesse profonde. Pour les survivantes qui méritaient mieux. Pour le pays qui prétend incarner la justice et la liberté. Pour nous tous qui voulions croire que la vérité finirait par triompher. Elle n’a pas triomphé ce vendredi. Elle ne triomphera peut-être jamais dans cette affaire. Mais tant qu’il restera des gens pour poser des questions, pour exiger des comptes, pour refuser d’accepter les mensonges officiels comme vérité, l’espoir — aussi fragile soit-il — survivra. C’est à ça que je m’accroche. C’est tout ce qui me reste.
Sources
Sources primaires
NPR – « Justice Department official says full Epstein files won’t come by Friday deadline », 19 décembre 2025. NPR – « DOJ releases Epstein files and the first batch is short on new information », 19 décembre 2025. CBS News – « Epstein files live updates as DOJ releases initial trove of records », 19 décembre 2025. CNN – « Live updates: The Jeffrey Epstein files released », 19 décembre 2025. CNN – « Exclusive: Frustration mounts at Justice Department as it races to redact some Epstein files », 18 décembre 2025. Axios – « Justice Department releases redacted Epstein files amid ongoing probes », 19 décembre 2025. CNBC – « Epstein files released by DOJ », 19 décembre 2025. ABC News – « Epstein files released include complaint made to FBI years before 1st investigation », 19 décembre 2025.
Sources secondaires
Alternet – « Former US attorney says Trump DOJ’s heavy redactions of Epstein files ‘must be a cover-up’ », 19 décembre 2025. Al Jazeera – « US Justice Department begins releasing government Epstein files », 19 décembre 2025. Newsweek – « DOJ releases initial Epstein files from Transparency Act: live updates », 19 décembre 2025. NBC News – « New Epstein photos show Trump, Clinton, Bill Gates, Woody Allen, Steve Bannon, Larry Summers and others », 12 décembre 2025. NBC News – « DOJ must release Epstein files by Friday or risk repercussions, law’s co-author says », 17 décembre 2025. Wikipedia – « Epstein Files Transparency Act », consulté le 19 décembre 2025. ABC News – « House Democrats release another batch of Epstein photos », 18 décembre 2025. WJLA – « Former Prosecutor: ‘Not surprised’ by DOJ’s partial Epstein files release », 19 décembre 2025.
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