Treize décembre, un samedi ordinaire devenu cauchemar
C’était un samedi comme les autres sur le campus de Brown University, cette institution prestigieuse de Providence, Rhode Island. Les étudiants vaquaient à leurs occupations, certains plongés dans leurs livres, d’autres profitant de leur week-end. Puis, vers midi, les coups de feu ont retenti dans le bâtiment de physique Barus Holley. Le chaos. La panique. Les cris. En quelques minutes, deux vies s’éteignaient : Ella Cook, 19 ans, et Mukhammad Aziz Umurzokov, 18 ans. Neuf autres personnes étaient blessées, certaines grièvement. Le tireur ? Un fantôme du passé de l’université, un homme que personne n’avait vu venir.
Claudio Manuel Neves Valente n’était pas un inconnu pour Brown. Il avait été étudiant en doctorat de physique entre 2000 et 2001, avant de prendre un congé et de finalement abandonner en 2003. Vingt-deux ans plus tard, il revenait — mais pas pour terminer ses études. Les enquêteurs ont découvert qu’il avait méthodiquement planifié son attaque, se rendant sur le campus deux heures avant la fusillade, repérant les lieux, observant. Un témoin, surnommé « John » dans les documents judiciaires, l’avait même croisé dans les toilettes du bâtiment, remarquant ses vêtements inadaptés au froid de décembre et son masque couvrant tout le bas du visage.
Quand je lis ces détails, mon cœur se serre. Je pense à ces étudiants qui n’ont rien vu venir, à ces familles qui ont reçu l’appel qu’aucun parent ne devrait jamais recevoir. Je pense à cette violence absurde, à cette rage qui couvait depuis des décennies peut-être. Mais je refuse — je refuse catégoriquement — de laisser cette tragédie être réduite à une question de visa. Valente n’a pas tué parce qu’il avait une carte verte. Il a tué parce que quelque chose en lui s’était brisé, parce qu’une obscurité l’avait envahi. Et cette obscurité, elle n’a pas de nationalité.
La traque et la fin d’un cauchemar
Après la fusillade, Valente a disparu. Mais il n’en avait pas fini. Le lundi 15 décembre, à Brookline, Massachusetts, à environ 80 kilomètres de Providence, un autre drame se jouait. Nuno F.G. Loureiro, professeur de physique au MIT, était retrouvé mort chez lui. Les enquêteurs ont rapidement établi le lien : Valente et Loureiro avaient fréquenté la même université au Portugal entre 1995 et 2000. Une vieille connaissance ? Un règlement de comptes ? Les motivations restent floues, enfouies dans les méandres d’un esprit tourmenté.
La traque s’intensifiait. Les autorités fédérales, la police de Providence, le FBI — tous mobilisés pour retrouver cet homme armé et dangereux. Et c’est là qu’intervient un élément inattendu : Reddit. Oui, vous avez bien lu. Un post sur le sous-Reddit de Providence, écrit par ce fameux « John », a fourni la piste décisive. Il y décrivait une Nissan grise avec des plaques de Floride, garée près de la Rhode Island Historical Society. Les enquêteurs ont suivi cette piste, remontant jusqu’à un entrepôt de stockage à Salem, New Hampshire. Le 18 décembre, ils ont retrouvé Valente. Mort. Suicide par balle. La traque était terminée, mais les questions, elles, ne faisaient que commencer.
Trump et l'instrumentalisation de la peur
Une réaction politique éclair
Moins de 24 heures après la découverte du corps de Valente, Kristi Noem publiait son message sur X (anciennement Twitter). Un message cinglant, sans appel : « Cet individu odieux n’aurait jamais dû être autorisé à entrer dans notre pays. » Elle annonçait la suspension immédiate du programme DV1, sur ordre direct du président Trump. Pas de consultation. Pas d’étude d’impact. Pas de débat au Congrès. Juste un décret, brutal et définitif. L’administration Trump avait trouvé son bouc émissaire — non pas un homme, mais tout un système d’immigration.
Ce n’est pas la première fois que Trump s’attaque au programme de visas diversité. En 2017, après l’attentat au camion-bélier à New York qui avait fait huit morts, il avait déjà tenté de le supprimer. Le terroriste, Sayfullo Saipov, était entré aux États-Unis grâce à ce programme. Trump avait alors qualifié la loterie de « désastre » et appelé à son abolition. Mais le Congrès avait résisté. Cette fois, avec une majorité républicaine plus docile et une opinion publique traumatisée par les fusillades de Brown et du MIT, Trump semble déterminé à aller jusqu’au bout.
Il y a quelque chose de profondément cynique dans cette manœuvre. Je ne dis pas que le programme de visas diversité est parfait — aucun système d’immigration ne l’est. Mais utiliser la mort de deux étudiants pour justifier une politique que vous vouliez mettre en place de toute façon ? C’est de l’opportunisme pur. C’est jouer avec les émotions des gens, avec leur peur, avec leur chagrin. Et le pire, c’est que ça marche. Parce que dans le brouillard de la tragédie, peu de gens prennent le temps de réfléchir, de questionner, de résister.
Le précédent afghan et la stratégie du choc
Cette suspension des visas diversité s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Trump. En novembre 2025, après qu’un Afghan a ouvert le feu sur des membres de la Garde nationale, Trump a imposé des restrictions drastiques sur l’immigration en provenance d’Afghanistan et d’autres pays. Le schéma est toujours le même : un incident tragique, une réaction politique immédiate, une restriction généralisée qui punit des millions de personnes innocentes pour les actes d’un seul individu.
C’est ce que Naomi Klein appelle la « stratégie du choc » — utiliser les crises pour imposer des politiques qui seraient normalement inacceptables. Dans le chaos émotionnel qui suit une tragédie, les gens sont moins enclins à résister, moins capables de penser rationnellement. Ils veulent de l’action, n’importe quelle action, même si elle est injuste ou inefficace. Et Trump le sait. Il l’a toujours su. C’est son mode opératoire depuis le début de sa carrière politique.
Le programme DV1 : entre mythe et réalité
Comment fonctionne réellement la loterie
Contrairement à ce que beaucoup pensent, le programme de visas diversité n’est pas une porte ouverte à n’importe qui. C’est un processus rigoureux, exigeant, et hautement sélectif. Chaque année, environ 20 millions de personnes soumettent leur candidature. Parmi elles, seulement 131 000 sont sélectionnées pour passer à l’étape suivante — et sur ces 131 000, seules 50 000 obtiendront finalement leur visa. Le taux de réussite ? Environ 0,25 %. Un quart de pourcent. Autant dire que gagner à cette loterie est plus difficile que de décrocher une place dans une université Ivy League.
Et ce n’est que le début. Une fois sélectionné, le candidat doit prouver qu’il possède au minimum un diplôme d’études secondaires ou deux ans d’expérience professionnelle dans un domaine qualifié. Il doit passer un entretien consulaire, subir un examen médical complet, et surtout, se soumettre à une vérification de sécurité exhaustive. Le FBI, le Département d’État, les services de renseignement — tous scrutent le passé du candidat, cherchant le moindre signal d’alarme. Le processus peut prendre des mois, parfois des années. Ce n’est pas une loterie au sens où on l’entend communément. C’est une présélection aléatoire suivie d’un parcours du combattant administratif.
Les bénéficiaires : qui sont-ils vraiment ?
Aujourd’hui, la majorité des visas diversité vont à des ressortissants de pays africains. Le Nigeria, l’Éthiopie, l’Égypte, le Ghana — ces nations représentent une part importante des bénéficiaires. Pourquoi ? Parce que le programme privilégie les pays qui envoient peu d’immigrants aux États-Unis par d’autres voies. Les Mexicains, les Chinois, les Indiens — ces nationalités sont exclues de la loterie car elles bénéficient déjà de quotas importants dans d’autres catégories de visas. Le programme DV1 est donc devenu, malgré ses origines douteuses, un véritable outil de diversification de l’immigration américaine.
Les statistiques sont éloquentes. En 2025, sur les 50 000 visas attribués, moins de 5 000 sont allés à des Européens. Le Portugal, pays d’origine de Valente, n’a reçu que 38 places. Trente-huit ! Sur 50 000 ! Alors quand Trump et Noem parlent de « programme désastreux », de quoi parlent-ils exactement ? D’un système qui permet à des Africains, des Asiatiques, des Sud-Américains de réaliser leur rêve américain ? D’un programme qui diversifie réellement le tissu social des États-Unis ? Ou simplement d’un bouc émissaire commode pour justifier une politique anti-immigration plus large ?
Je pense à tous ces gens qui ont passé des années à espérer, à rêver, à construire leur vie autour de cette possibilité. Je pense à cette infirmière nigériane qui voulait soigner des patients américains, à cet ingénieur éthiopien qui rêvait de travailler dans la Silicon Valley, à cette enseignante égyptienne qui voulait partager sa passion pour les mathématiques. Tous ces rêves, balayés d’un trait de plume. Tous ces espoirs, anéantis par la décision d’un homme qui n’a jamais eu à lutter pour obtenir quoi que ce soit dans sa vie.
Les failles du raisonnement sécuritaire
La statistique qui dérange
Parlons chiffres. Parlons faits. Depuis la création du programme en 1990, environ 1,75 million de personnes ont obtenu leur carte verte via la loterie diversité. Sur ces 1,75 million, combien ont commis des actes de violence majeurs ? Une poignée. Littéralement. On peut les compter sur les doigts d’une main. Sayfullo Saipov en 2017. Claudio Neves Valente en 2025. Peut-être un ou deux autres cas isolés. Faisons le calcul : cela représente un taux de criminalité violente de 0,0003 %. Trois dix-millièmes de pourcent. C’est statistiquement insignifiant.
Comparons maintenant avec la population générale américaine. Selon le FBI, le taux d’homicides aux États-Unis est d’environ 6,3 pour 100 000 habitants. Cela signifie que les citoyens américains de naissance sont statistiquement plus dangereux que les bénéficiaires du programme de visas diversité. Mais personne ne propose de suspendre la citoyenneté américaine, n’est-ce pas ? Personne ne suggère d’interdire aux Américains de se déplacer librement parce qu’une infime minorité commet des crimes. Ce serait absurde. Alors pourquoi applique-t-on ce raisonnement aux immigrants ?
Le mythe du terroriste infiltré
L’argument sécuritaire ne tient pas la route. Les terroristes et les criminels organisés n’ont pas besoin du programme de visas diversité pour entrer aux États-Unis. Ils ont des moyens bien plus efficaces : faux documents, visas touristiques, passages clandestins. Le processus de vérification du DV1 est tellement rigoureux qu’il constitue en réalité un obstacle pour quiconque a des intentions malveillantes. Un terroriste qui soumet sa candidature à la loterie se soumet volontairement à un examen approfondi de son passé, de ses affiliations, de ses déplacements. C’est le dernier moyen qu’il choisirait.
Les experts en sécurité le confirment. Une étude du Cato Institute, un think tank libertarien pourtant peu suspect de sympathies pro-immigration, a démontré que les bénéficiaires du programme DV1 présentent un risque sécuritaire inférieur à celui de la population générale. Pourquoi ? Parce qu’ils sont scrutés, vérifiés, contrôlés. Parce qu’ils ont tout à perdre et rien à gagner à enfreindre la loi. Parce qu’ils sont venus aux États-Unis pour construire une vie meilleure, pas pour la détruire.
Cette obsession sécuritaire me fatigue. Elle me fatigue parce qu’elle est malhonnête, parce qu’elle manipule les peurs légitimes des gens pour servir un agenda politique. Oui, la sécurité est importante. Oui, nous devons protéger nos citoyens. Mais pas au prix de l’injustice. Pas au prix de la stigmatisation de millions d’innocents. Pas au prix de notre humanité.
Les vraies victimes de cette décision
Des familles brisées, des rêves anéantis
Pendant que les politiciens débattent et que les médias analysent, des millions de personnes voient leur avenir s’effondrer. Pensez à cette mère célibataire du Ghana qui a gagné la loterie en 2024 et attendait son entretien consulaire. Elle avait déjà vendu sa maison, inscrit ses enfants dans une école américaine, trouvé un emploi à Houston. Tout était prêt. Et maintenant ? Tout est suspendu, peut-être annulé. Ses économies de toute une vie, parties en fumée. Ses espoirs, réduits en cendres.
Ou ce jeune ingénieur éthiopien, diplômé avec mention de l’université d’Addis-Abeba, qui avait été sélectionné pour la loterie 2025. Il avait passé des mois à préparer son dossier, à rassembler les documents nécessaires, à économiser pour les frais de visa. Il rêvait de travailler dans une entreprise technologique américaine, de contribuer à l’innovation, de bâtir une carrière. Maintenant, il est coincé dans les limbes, ne sachant pas si son visa sera jamais délivré, si son rêve américain survivra à cette suspension politique.
L’impact économique ignoré
Ce que l’administration Trump ne dit pas — ou refuse de reconnaître — c’est que les bénéficiaires du programme DV1 sont des contributeurs nets à l’économie américaine. Une étude de la New American Economy a montré que les immigrants arrivés via la loterie diversité ont un taux d’entrepreneuriat supérieur à la moyenne nationale. Ils créent des entreprises, génèrent des emplois, paient des impôts. En 2024, les bénéficiaires du DV1 ont contribué à hauteur de 3,2 milliards de dollars en taxes fédérales et locales.
Ils travaillent dans des secteurs essentiels : santé, éducation, technologie, services. Pendant la pandémie de COVID-19, de nombreux détenteurs de visas diversité étaient en première ligne, soignant les malades, livrant les marchandises, maintenant les infrastructures critiques. Ils ne sont pas un fardeau — ils sont un atout. Mais cette réalité économique ne correspond pas au récit politique que Trump veut vendre. Alors elle est ignorée, minimisée, effacée du débat public.
Je ressens cette injustice dans mes tripes. Ces gens ne demandent pas la charité. Ils ne demandent pas de privilèges. Ils demandent simplement une chance — une chance de prouver leur valeur, de contribuer, de réussir. Et on la leur refuse à cause d’un homme, d’un seul homme qui a commis l’irréparable. C’est de la punition collective. C’est de la discrimination déguisée en politique de sécurité.
Le contexte politique : une Amérique divisée
L’immigration comme arme électorale
Pour comprendre cette décision, il faut la replacer dans son contexte politique. Nous sommes en décembre 2025, à moins d’un an des élections de mi-mandat de 2026. Trump, bien qu’il ne puisse pas se représenter en 2028, cherche à consolider le contrôle républicain du Congrès. Et quel meilleur moyen que de raviver les passions autour de l’immigration ? C’est son thème de prédilection, celui qui l’a porté au pouvoir en 2016, celui qui mobilise sa base électorale comme aucun autre.
Les sondages montrent que l’immigration reste une préoccupation majeure pour les électeurs républicains. Mais pas seulement. Même parmi les démocrates modérés et les indépendants, il y a une inquiétude croissante concernant le contrôle des frontières et la sécurité. Trump le sait. Il exploite cette anxiété, la nourrit, la transforme en capital politique. La suspension du programme DV1 n’est pas une mesure de sécurité — c’est un signal envoyé à sa base : « Je tiens mes promesses. Je protège l’Amérique. »
Le silence assourdissant de l’opposition
Et l’opposition ? Où sont les démocrates ? Où sont les défenseurs des droits civiques ? Où sont les voix qui devraient s’élever contre cette injustice ? Elles sont là, certes, mais timides, hésitantes, divisées. Certains démocrates, conscients de la sensibilité du sujet, préfèrent ne pas trop s’exposer. D’autres, représentant des circonscriptions où l’immigration est un sujet controversé, gardent un silence prudent. Résultat : Trump a le champ libre. Il peut agir sans véritable résistance, sans contre-pouvoir efficace.
Cette pusillanimité politique est révélatrice d’un malaise plus profond dans la société américaine. L’immigration est devenue un sujet tellement polarisant, tellement toxique, que même ceux qui devraient la défendre hésitent à le faire ouvertement. Ils ont peur d’être accusés de laxisme, de naïveté, de mettre en danger la sécurité nationale. Alors ils se taisent. Et dans ce silence, les droits de millions de personnes sont bafoués.
Ce silence me révolte presque autant que la décision elle-même. Parce qu’il révèle une lâcheté morale, un manque de courage politique. Défendre les immigrants n’est pas populaire ? Et alors ? Depuis quand la popularité est-elle le critère de la justice ? Depuis quand faisons-nous ce qui est facile plutôt que ce qui est juste ?
Les précédents historiques inquiétants
Quand l’Amérique a fermé ses portes
Cette suspension des visas diversité n’est pas sans rappeler d’autres moments sombres de l’histoire américaine. En 1882, le Chinese Exclusion Act interdisait l’immigration chinoise, marquant la première fois que les États-Unis fermaient leurs portes à un groupe ethnique spécifique. En 1924, l’Immigration Act établissait des quotas drastiques visant à limiter l’arrivée d’immigrants d’Europe du Sud et de l’Est — essentiellement des Italiens, des Grecs, des Polonais, des Juifs. Ces lois étaient justifiées par des arguments de sécurité, de préservation de l’identité nationale, de protection des emplois américains.
Aujourd’hui, nous regardons ces lois avec honte. Nous reconnaissons qu’elles étaient motivées par le racisme, la xénophobie, la peur de l’autre. Nous comprenons qu’elles ont privé l’Amérique de talents, de diversité, de richesse culturelle. Mais à l’époque, elles étaient populaires. Elles étaient soutenues par une majorité de la population. Elles semblaient raisonnables, nécessaires même. C’est seulement avec le recul que leur injustice est devenue évidente.
Le danger de la normalisation
Ce qui est terrifiant avec la décision de Trump, c’est qu’elle risque de créer un précédent. Si un président peut suspendre un programme d’immigration entier sur la base d’un seul incident, qu’est-ce qui l’empêche de faire de même avec d’autres programmes ? Les visas étudiants ? Les visas de travail ? Les programmes de réfugiés ? Chaque fois qu’un immigrant commet un crime — et statistiquement, cela arrivera, comme cela arrive avec n’importe quelle population — cela deviendra-t-il un prétexte pour restreindre davantage l’immigration ?
C’est ce qu’on appelle la normalisation de l’exception. Une mesure présentée comme temporaire et exceptionnelle devient progressivement permanente et ordinaire. Les gens s’y habituent. Ils cessent de s’indigner. Et avant qu’on s’en rende compte, ce qui était impensable devient la norme. C’est ainsi que les démocraties glissent vers l’autoritarisme — non pas par un coup d’État spectaculaire, mais par une série de petites concessions, de petits renoncements, de petites lâchetés.
Je refuse cette normalisation. Je refuse d’accepter que cette décision soit simplement « la politique comme d’habitude ». Ce n’est pas normal. Ce n’est pas acceptable. Et si nous ne résistons pas maintenant, si nous ne disons pas « non » clairement et fermement, nous serons complices de ce qui viendra ensuite. Parce qu’il y aura un « ensuite ». Il y a toujours un « ensuite ».
Les alternatives ignorées
Renforcer plutôt que supprimer
Si l’administration Trump était réellement préoccupée par la sécurité — et non par la politique — elle aurait des alternatives à la suspension pure et simple du programme. Elle pourrait renforcer les vérifications, ajouter des étapes supplémentaires au processus de sélection, augmenter les ressources allouées aux entretiens consulaires. Elle pourrait exiger des examens psychologiques pour tous les candidats, comme c’est déjà le cas pour certaines catégories de visas. Elle pourrait établir un système de suivi post-arrivée pour les bénéficiaires du DV1.
Ces mesures seraient plus efficaces qu’une suspension totale. Elles permettraient de maintenir les bénéfices du programme — la diversité, les contributions économiques, le soft power américain — tout en répondant aux préoccupations sécuritaires légitimes. Mais elles nécessiteraient des investissements, de la nuance, de la complexité. Et Trump n’aime pas la complexité. Il préfère les solutions simples, brutales, spectaculaires. Même si elles sont injustes. Même si elles sont inefficaces.
Le modèle canadien comme inspiration
Le Canada offre un exemple intéressant. Son système d’immigration, basé sur un système de points, évalue les candidats selon des critères objectifs : éducation, expérience professionnelle, compétences linguistiques, âge. Ce système permet de sélectionner des immigrants qui ont le plus de chances de réussir économiquement, tout en maintenant une diversité géographique et culturelle. Le Canada accueille proportionnellement plus d’immigrants que les États-Unis, et pourtant, il ne connaît pas de problèmes de sécurité majeurs liés à l’immigration.
Les États-Unis pourraient s’inspirer de ce modèle. Ils pourraient réformer le programme DV1 pour le rendre plus sélectif, plus transparent, plus efficace. Mais cela nécessiterait une volonté politique de réformer plutôt que de détruire, d’améliorer plutôt que d’abolir. Et cette volonté, l’administration Trump ne l’a pas. Elle préfère la table rase, le coup de balai, la rupture radicale. Peu importe les conséquences humaines.
Cette obstination idéologique me désespère. Parce qu’elle révèle un manque total d’imagination, une incapacité à penser au-delà des slogans et des postures. Gouverner, c’est faire des choix difficiles, trouver des équilibres, construire des compromis. Ce n’est pas brandir un marteau et frapper tout ce qui bouge. Mais Trump n’a jamais été un bâtisseur. Il a toujours été un démolisseur.
L'impact international et diplomatique
Une image ternie sur la scène mondiale
La suspension du programme DV1 ne passe pas inaperçue à l’étranger. Dans les capitales africaines, asiatiques, sud-américaines, la décision est perçue comme un affront, un message clair : vous n’êtes pas les bienvenus. Les gouvernements de ces pays, qui voyaient le programme comme un symbole de l’ouverture américaine, sont déçus et frustrés. Certains envisagent des mesures de rétorsion, comme la limitation des visas pour les Américains ou la révision des accords commerciaux.
Plus largement, cette décision alimente le récit selon lequel l’Amérique de Trump est une nation repliée sur elle-même, hostile aux étrangers, guidée par la peur plutôt que par la confiance. Ce récit nuit au soft power américain — cette capacité à influencer le monde non par la force militaire ou économique, mais par l’attractivité de ses valeurs et de son mode de vie. Pendant des décennies, les États-Unis ont été perçus comme la terre des opportunités, le pays où tout est possible. Cette image s’érode, remplacée par celle d’une forteresse assiégée.
Les conséquences pour la diaspora
Les communautés d’immigrants aux États-Unis sont également affectées. Beaucoup de ceux qui ont obtenu leur carte verte via le programme DV1 ont ensuite fait venir des membres de leur famille, créé des réseaux de soutien, contribué à la vitalité de leurs communautés. La suspension du programme coupe ces liens, empêche de nouvelles arrivées, fragilise des réseaux déjà établis. Les diasporas africaines, en particulier, se sentent ciblées et stigmatisées.
Cette stigmatisation a des effets concrets. Des études montrent que les politiques anti-immigration, même quand elles ne visent pas directement les résidents légaux, créent un climat d’hostilité qui affecte tous les immigrants. Les discriminations augmentent, les agressions verbales et physiques se multiplient, le sentiment d’appartenance s’érode. Les bénéficiaires du DV1 qui vivent déjà aux États-Unis se demandent s’ils sont vraiment les bienvenus, s’ils ont vraiment leur place dans ce pays qu’ils ont choisi.
Je pense à ces gens qui ont tout quitté pour venir ici, qui ont cru en l’Amérique, qui ont fait confiance à ses promesses. Et maintenant, on leur dit qu’ils sont indésirables, que leur présence est un problème, que leur rêve était une erreur. Comment peuvent-ils ne pas se sentir trahis ? Comment peuvent-ils ne pas douter ?
Les voix de la résistance
Les organisations de défense des droits mobilisées
Heureusement, la décision de Trump ne reste pas sans réponse. Des organisations de défense des droits civiques se mobilisent, préparent des recours juridiques, lancent des campagnes de sensibilisation. L’American Civil Liberties Union (ACLU) a déjà annoncé qu’elle contesterait la suspension devant les tribunaux, arguant qu’elle viole les droits constitutionnels des candidats et qu’elle est motivée par des considérations discriminatoires plutôt que par des préoccupations sécuritaires légitimes.
D’autres organisations, comme le National Immigration Forum et l’American Immigration Council, travaillent à documenter l’impact humain de la décision, à donner une voix aux victimes, à mobiliser l’opinion publique. Elles organisent des manifestations, des conférences de presse, des campagnes sur les réseaux sociaux. Leur message est simple mais puissant : l’immigration n’est pas un problème, c’est une solution. Les immigrants ne sont pas une menace, ils sont une richesse.
Le rôle crucial des médias et de la société civile
Les médias jouent également un rôle essentiel. Certains journaux, certaines chaînes de télévision, certains sites d’information refusent de relayer passivement la propagande de l’administration. Ils enquêtent, ils vérifient les faits, ils donnent la parole aux experts, aux victimes, aux opposants. Ils rappellent que derrière les statistiques et les décrets, il y a des êtres humains — des hommes, des femmes, des enfants dont les vies sont bouleversées par des décisions politiques.
La société civile, elle aussi, se mobilise. Des citoyens ordinaires, des communautés religieuses, des universités, des entreprises expriment leur désaccord avec la suspension du programme DV1. Certains offrent un soutien juridique aux candidats affectés, d’autres organisent des collectes de fonds, d’autres encore écrivent à leurs représentants au Congrès pour exiger une révision de la décision. Cette résistance diffuse, décentralisée, mais déterminée, est peut-être la meilleure garantie contre la normalisation de l’injustice.
Ces voix de résistance me redonnent espoir. Elles me rappellent que l’Amérique n’est pas seulement Trump et ses politiques. Elle est aussi ces millions de personnes qui croient encore en la justice, en l’équité, en la compassion. Elle est ces avocats qui travaillent bénévolement pour défendre les droits des immigrants, ces journalistes qui refusent de se taire, ces citoyens qui manifestent dans les rues. L’Amérique est un champ de bataille, et la bataille n’est pas encore perdue.
Conclusion : un tournant ou un accident de parcours ?
Les enjeux à long terme
La suspension du programme de visas diversité est plus qu’une simple décision administrative. C’est un test — un test de ce que l’Amérique est prête à accepter, de jusqu’où elle laissera aller ses dirigeants, de quelles valeurs elle est prête à sacrifier au nom de la sécurité ou de la politique. Si cette suspension devient permanente, si elle n’est pas contestée et renversée, elle marquera un tournant dans l’histoire de l’immigration américaine. Elle signalera que l’ère de l’ouverture, même relative, est terminée. Que l’Amérique a choisi la fermeture, le repli, la peur.
Mais rien n’est encore joué. Les tribunaux peuvent invalider la décision. Le Congrès peut légiférer pour protéger le programme. L’opinion publique peut se retourner contre Trump. Les élections de 2026 et 2028 peuvent changer la donne. L’histoire n’est pas écrite d’avance. Elle se construit jour après jour, décision après décision, action après action. Et chacun de nous a un rôle à jouer dans cette construction.
Un appel à la vigilance et à l’action
Ce qui se passe aujourd’hui avec le programme DV1 peut sembler lointain, abstrait, sans rapport avec nos vies quotidiennes. Mais c’est une illusion. Les politiques d’immigration reflètent et façonnent le type de société dans laquelle nous vivons. Elles définissent qui nous sommes, ce que nous valorisons, comment nous traitons ceux qui sont différents de nous. Une société qui ferme ses portes aux étrangers est une société qui se ferme à elle-même, qui se prive de sa vitalité, de sa créativité, de son humanité.
Alors que faire ? D’abord, s’informer. Comprendre les enjeux, vérifier les faits, résister à la manipulation. Ensuite, s’exprimer. Parler autour de soi, écrire à ses représentants, participer aux débats publics. Enfin, agir. Soutenir les organisations qui défendent les droits des immigrants, manifester quand c’est nécessaire, voter pour des candidats qui partagent nos valeurs. La démocratie n’est pas un spectacle auquel on assiste passivement. C’est un combat auquel on participe activement.
Je termine cet article avec un sentiment mêlé de colère et d’espoir. Colère face à l’injustice de cette décision, face au cynisme politique qui la sous-tend, face à la souffrance qu’elle cause. Mais aussi espoir — espoir que cette injustice ne sera pas le dernier mot, que la résistance l’emportera, que l’Amérique retrouvera le chemin de ses valeurs fondatrices. Je ne sais pas si cet espoir est naïf. Peut-être l’est-il. Mais je préfère être naïvement optimiste que cyniquement résigné. Parce que la résignation, c’est déjà la défaite. Et je refuse de me résigner.
Sources
Sources primaires
La Croix, « États-Unis : l’administration Trump annonce la suspension des visas obtenus par tirage au sort », 19 décembre 2025. CNBC, « Trump suspends U.S. green card lottery after Brown University shooting », 19 décembre 2025. The Guardian, « Trump suspends US green card lottery in wake of Brown University and MIT shootings », 19 décembre 2025. NPR, « A Reddit post helped find MIT and Brown shooting suspect. Here’s what we know », 19 décembre 2025. Rhode Island Attorney General’s Office, Affidavit concernant Claudio Manuel Neves Valente, 18 décembre 2025.
Sources secondaires
History.com, « The ‘Diversity’ Green Card Lottery Was Originally for White Immigrants », mis à jour le 27 mai 2025. U.S. Citizenship and Immigration Services (USCIS), « Green Card Through the Diversity Immigrant Visa Program », consulté le 22 décembre 2025. Cato Institute, études sur la sécurité et l’immigration, 2024. New American Economy, « Economic Contributions of Diversity Visa Recipients », 2024. American Immigration Council, « The Diversity Immigrant Visa Program: An Overview », 2025.
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