Le prêtre Stephen Josoma, un résistant en soutane
Le Révérend Stephen Josoma n’est ni un agitateur professionnel ni un activiste du dimanche. Depuis quinze ans, ce prêtre catholique de 62 ans sert la paroisse Saint Susanna avec un dévouement unanimement reconnu. Mais depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, Josoma a découvert une autre vocation : celle de prophète moderne utilisant l’art liturgique comme arme de résistance spirituelle. « Ce n’est pas une provocation pour la provocation, c’est notre façon de vivre l’Évangile aujourd’hui », explique-t-il debout devant sa crèche controversée, entouré de paroissiens solidaires. Son approche mêle théologie de la libération et art contemporain, transformant chaque installation de Noël en miroir critique de la société américaine.
Ce qui frappe chez Josoma, c’est la cohérence entre ses actes et ses paroles. Depuis 2019, sa paroisse a activement aidé à réinstaller une dizaine de familles de réfugiés, travaillant en partenariat avec le gouvernement fédéral qui met ces familles à travers des processus de vérification approfondis avant leur arrivée. « Nous les aidons à trouver un logement, à inscrire leurs enfants à l’école, à apprendre l’anglais, à trouver du travail », détaille Phil Mandeville, membre du conseil paroissial et coordinateur d’un comité de soutien aux réfugiés. Pour Josoma, la crèche politique n’est pas un « gimmick » mais le prolongement visible d’un engagement quotidien et concret. « Ce n’est pas un spectacle, insiste-t-il. Nous travaillons chaque jour avec des réfugiés. Mais les gens s’énervent pour un peu de plâtre. Je me soucie plus des individus que d’une scène de nativity. »
Des années de provocation théologique
L’incident de 2025 n’est pas le premier acte de résistance créative de Josoma. En 2018, déjà sous la première administration Trump, il avait fait parler de lui en installant un Jésus bébé derrière les barreaux d’une cage pour protester contre la séparation des familles à la frontière. Une autre année, il avait représenté l’enfant flottant dans une eau polluée par du plastique pour dénoncer le changement climatique. Chaque fois, la réaction avait été violente, mais jamais au point d’atteindre l’intensité de la controverse actuelle. « L’art religieux est censé vous émouvoir, tous les arts sont censés vous émouvoir », défend Josoma. « Ils détestent faire face à cela parce que c’est la réalité, alors ils vous attaquent pour utiliser la religion de manière sacrilège, ce que je trouve plutôt amusant. »
Cette tradition de crèches militantes à Saint Susanna s’inscrit dans une longue histoire d’art religieux engagé. Josoma rappelle que le Vatican lui-même expose chaque année des crèches thématiques à Saint-Pierre, abordant des questions sociales contemporaines. En 2024, la crèche du Vatican présentait des huttes de pêcheurs construites avec de la boue et des roseaux, signifiant « Dieu construisant un royaume à travers les ressources humbles de notre humanité ». En 2021, elle incluait de la nourriture, des lamas et des thèmes andins pour célébrer le 200e anniversaire de l’indépendance du Pérou. « Notre espoir était d’évoquer similairement le dialogue autour d’un problème au cœur de la vie contemporaine », justifie Josoma, se positionnant en parfaite continuité avec la tradition catholique d’adaptation liturgique.
J’admire profondément ce prêtre. Il n’a pas peur du conflit, il n’a pas peur de la controverse, il n’a pas peur de déranger. Dans une église catholique souvent trop timide, trop conformiste, trop compromise avec le pouvoir, cet homme rappelle que le christianisme est né dans la rébellion. Jésus n’était pas un fonctionnaire religieux, c’était un révolutionnaire qui a défié l’empire romain et les autorités religieuses de son temps. Josoma, avec sa crèche « ICE was here », fait exactement cela. Il nous force à choisir : soit nous restons dans la confortable religion des traditions et des chants de Noël, soit nous embrassons le christianisme radical qui nous demande à nous mettre du côté des persécutés.
Section 3 : La réaction des autorités religieuses
L’archevêque de Boston ordonne le retrait
La réaction de la hiérarchie catholique n’a pas tardé. L’archevêque de Boston, Richard Henning, a immédiatement ordonné le retrait de la crèche controversée, qualifiant l’installation de « messagerie politique diviseuse » qui détournait l’église de « son but sacré approprié ». « Le peuple de Dieu a le droit de s’attendre à ce que, lorsqu’il vient à l’église, il rencontre de véritables opportunités de prière et de culte catholique — pas une messagerie politique diviseuse », a déclaré un porte-parole du diocèse dans un communiqué formel. Cette intervention marque une tension institutionnelle croissante entre la base de l’église engagée dans des actions sociales radicales et une hiérarchie soucieuse de maintenir l’unité et éviter la politisation excessive.
La position de l’archevêque s’inscrit dans une tradition ecclésiale qui prône la séparation entre spiritualité et politique partisane. Pour la hiérarchie catholique, l’espace liturgique doit rester un lieu de rassemblement spirituel plutôt qu’un forum politique. Cependant, cette position apparaît de plus en plus déconnectée des réalités vécues par les fidèles, particulièrement dans les communautés immigrées. « Nous ne pouvons pas simplement chanter ‘All is calm, all is bright’ pendant que nos paroissiens ont peur de rentrer chez le soir de peur d’être arrêtés et déportés », répond Josoma, qui refuse de retirer l’installation jusqu’à pouvoir discuter directement avec l’archevêque. Ce bras de fer institutionnel révèle les limites de l’obéissance ecclésiale face à des enjeux moraux considérés comme urgents.
Les catholiques conservateurs en colère
Parmi les fidèles catholiques, la réaction est violemment partagée. C.J. Doyle, directeur de la Catholic Action League du Massachusetts, n’a pas mâché ses mots, qualifiant la crèche de « scandale grave pour les catholiques » et accusant Josoma de « jouer avec le feu ». Selon Doyle, l’archevêque dispose de pouvoirs disciplinaires étendus : « L’archevêque peut le retirer comme pasteur, le suspendre du ministère actif — il peut même fermer la paroisse et vendre la propriété juste sous ses pieds ». Ces menaces disciplinaires soulignent l’ampleur de la controverse au sein de l’église catholique américaine, où la question de l’immigration est devenue un marqueur identitaire profondément polarisé.
Les critiques accusent Saint Susanna d’abuser de son statut d’exonération fiscale pour faire de la politique partisane. Walter Niland, un catholique d’une ville voisine venu photographier la crèche, a exprimé ce sentiment commun : « Je crois que l’église jouit d’un statut d’exonération fiscale. Nous devrions parler de questions spirituelles, pas de questions de division politique ». Cette argumentation économique rencontre un écho croissant chez les conservateurs qui voient dans ces actes de protestation une trahison de la mission spirituelle de l’église. Pour eux, la crèche « ICE was here » représente tout ce qui va mal dans une église catholique américaine devenue trop progressiste, trop politique, trop alignée avec la gauche.
Cette réaction des autorités religieuses me révulse. L’archevêque et les conservateurs catholiques qui réclament le retrait de cette crèche sont les mêmes qui, il y a deux mille ans, auraient probablement dénoncé Jésus pour trouble à l’ordre public. Ils veulent une religion propre, respectable, non-politique, une religion qui ne dérange personne, qui confortent les puissants et maintient le statu quo. Mais le christianisme des origines était tout sauf ça. C’était une foi révolutionnaire qui bouleversait les structures de pouvoir, qui défiait les autorités, qui se rangeait du côté des marginalisés. Cette crèche « ICE was here » est probablement l’acte chrétien le plus authentique que j’aie vu depuis longtemps.
Section 4 : Le mouvement national des crèches politiques
Une vague de créativité contestataire
Ce qui se passe à Dedham n’est pas un incident isolé mais l’expression d’un mouvement national d’églises transformant leurs crèches en actes de protestation politique. À Evanston, dans l’Illinois, la Lake Street Church a présenté un Jésus bébé emmailloté dans une couverture d’urgence en argent avec les poings ligotés par des menottes en plastique. À côté de lui, Marie porte un masque à gaz en plastique, flanquée de soldats romains en gilets tactiques portant l’inscription « ICE ». Non loin de là, à l’Urban Village Church, un panneau à la crèche annonce : « En raison de l’activité de l’ICE dans notre communauté, la Sainte Famille se cache ». Ces installations artistiques créent un langage visuel cohérent de résistance à travers tout le pays.
Le mouvement dépasse largement les frontières du catholicisme pour inclure des églises protestantes de diverses dénominations. Le Révérend Michael Woolf, ministre senior de la Lake Street Church, explique cette stratégie : « Pour les églises, Noël est un moment où nous avons de l’art public sur la pelouse et nous obtenons une opportunité de dire quelque chose ». Son église baptiste avait déjà créé d’autres crèches militantes, notamment une représentant Jésus dans les décombres — un « plaidoyer pour la paix » à Gaza. Cette approche artistique permet aux communautés religieuses de transformer l’espace sacré en espace public, invitant le dialogue social tout en restant dans le cadre liturgique.
Des théologies de la résistance
Derrière ces créations artistiques se cache une réflexion théologique profonde. Pour ces églises, la traditionnelle crèche de Noël a été trop dépolitisée, trop déconnectée de son contexte politique originel. « Nous voulions refléter la réalité que notre communauté vit », explique Jillian Westerfield, ministre associée de l’église méthodiste unie d’Evanston. L’Illinois et le Massachusetts ont vu au moins 2 000 arrestations combinées rien qu’en septembre 2025, selon les chiffres d’arrestation fédéraux. Ces opérations ont laissé des témoins suffoquant sous des produits chimiques et des enfants traumatisés en voyant leurs voisins et enseignants être emmenés.
Lorsque la figure de Joseph a été renversée et endommagée par le vent à Evanston, laissant Marie seule avec le bébé, les paroissiens ont mis un panneau explicatif : « Joseph n’a pas fait it. Nous tenons cet espace pour honorer et nous souvenir de toutes les victimes de la terreur de l’application de l’immigration ». Ce geste transforme une averse ordinaire en métaphore théologique puissante sur la destruction des familles par les politiques d’immigration. Ces églises ne font pas simplement de l’art politique, elles pratiquent ce que les théologiens appellent la « lecture situationnelle » des Écritures — interpréter les textes sacrés à travers les expériences concrètes des communautés opprimées.
Ce qui me fascine dans ce mouvement des crèches politiques, c’est sa créativité radicale. Au lieu de faire les manifestations traditionnelles, les pétitions, les discours ennuyeux, ces églises utilisent le langage le plus puissant qui existe : l’art religieux dans l’espace sacré. Elles retournent les symboles de leurs adversaires contre eux. Les conservateurs qui parlent de Noël traditionnel se retrouvent face à une crèche qui leur rappelle que Noël a toujours été politique, toujours subversif, toujours du côté des pauvres. C’est un génie tactique et théologique.
Section 5 : La polarisation politique autour des crèches
Les supporters viennent de loin
La controverse autour de ces crèches politiques a généré des mouvements de soutien inattendus. Steve Grieger, un ancien enseignant de l’école catholique, a conduit une heure depuis Worcester pour montrer son soutien à Saint Susanna. « L’archidiocèse dit ‘Oh non, ça va contre nos traditions.’ Eh bien, nous vivons des temps totalement anormaux. Nous ne pouvons pas simplement continuer comme si de rien n’était », explique-t-il. « Si nous suivons les écritures de Jésus, alors nous devons reconnaître que ces raids de l’ICE, et toutes ces choses terribles qui se passent, sont totalement contre cela ». Ces pèlerinages de solidarité montrent que les crèches politiques deviennent des lieux de rassemblement pour les chrétiens progressistes de tout le pays.
À Evanston, la solidarité a même dépassé les frontières religieuses. Des bénévoles d’une synagogue voisine se sont tenus à l’extérieur pendant les services de la Lake Street Church pour aider les fidèles à se sentir en sécurité. Cette alliance interreligieuse face à la répression potentielle démontre que les crèches politiques créent des ponts communautaires inattendus. Pour Phil Mandeville, coordinateur du comité de soutien aux réfugiés, ces soutiens externes prouvent la justesse de leur cause : « Les gens s’énervent à propos d’un peu de plâtre. Je me soucie plus des individus que d’une scène de nativity. Je comprends ce qu’elle représente — je ne comprends pas pourquoi personne ne se soucie de ces êtres humains. »
Les contre-manifestants et la radicalisation
Face à ces actes de résistance, la réaction conservatrice s’est organisée rapidement. Des individus sont venus directement défier la paroisse, notamment un homme qui a tenté de forcer les portes fermées de l’église tout en diffusant en direct. D’autres ont utilisé les réseaux sociaux pour appeler au boycott de Saint Susanna et réclamer le retrait de son statut d’exonération fiscale. Walter Niland, le catholique critique, a résumé cette position : « Nous devrions parler de questions spirituelles, pas de questions de division politique ». Cette mobilisation conservatrice révèle à quel point les crèches politiques touchent une corde sensible dans le débat culturel américain.
Les menaces vont au-delà des critiques verbales. C.J. Doyle de la Catholic Action League a ouvertement suggéré des sanctions ecclésiales sévères contre Josoma, allant jusqu’à la fermeture possible de la paroisse. Cette rhétorique punitive démontre une radicalisation croissante du débat religieux autour des questions politiques. Pour les conservateurs, ces actes de protestation ne sont pas simplement désaccordables mais hérétiques et dangereux. Ils représentent une perversion du christianisme qui, selon eux, justifie des mesures disciplinaires extrêmes pour protéger la pureté doctrinale et l’unité de l’église.
Ce qui me frappe le plus dans cette polarisation, c’est la violence des réactions. D’un côté, des gens qui viennent défendre une crèche avec leur corps, qui font des heures de route pour soutenir un prêtre courageux. De l’autre, des gens qui veulent fermer une église, qui menacent un prêtre, qui appellent à la suppression de l’exonération fiscale. Pourquoi est-ce que cette simple crèche provoque des réactions aussi extrêmes? Parce qu’elle nous force à nous positionner. On ne peut pas rester neutre face à « ICE was here ». Soit on choisit le pouvoir, soit on choisit les migrants. Soit on choisit la religion confortable, soit on choisit le christianisme des origines.
Section 6 : Le contexte des politiques migratoires de Trump
La plus grande déportation de l’histoire américaine
La réaction des églises ne peut être comprise sans le contexte des politiques migratoires de plus en plus strictes de l’administration Trump. Le président avait promis de mener « le programme de déportation le plus important de l’histoire américaine », et les chiffres montrent que cette promesse se matérialise. En novembre 2025 seulement, l’ICE a arrêté 54 000 personnes à travers les États-Unis. Ces opérations spéciales se concentrent dans des villes majeures, dont Boston, située à seulement 32 kilomètres de Dedham. L’escalade des arrestations a créé un climat de terreur généralisée dans les communautés immigrées, même parmi les résidents légaux de longue date.
Le gouverneur du Massachusetts, Maura Healey, a témoigné de l’impact de ces politiques : « La vaste, vaste majorité des personnes qui ont été détenues sont des personnes qui n’ont commis aucun crime, qui vivent paisiblement, qui travaillent, qui élèvent des familles, qui contribuent à notre économie. Et il a été difficile de voir combien de peur a été créée dans nos communautés ». Cette déclaration d’un élu démocrate met en lumière le détournement du système judiciaire à des fins politiques, où des contribuables et parents d’enfants américains sont arrêtés sans préavis.
Les opérations spéciales de l’ICE
Les raids de l’ICE ne se contentent pas de cibler les criminels comme le prétend la rhétorique officielle. D’après les témoignages et les rapports locaux, ces opérations ciblent largement des communautés entières sans distinction. En Illinois, les opérations ont laissé des « bystanders suffoquant sous des sprays chimiques et des enfants traumatisés au spectacle de voisins et d’enseignants étant emmenés », selon les rapports. Ces méthodes agressives ont déclenché des enquêtes au niveau étatique et local sur les exactions policières commises lors de ces raids.
Le directeur par intérim de l’ICE, Todd Lyons, a personnellement appelé au retrait de la crèche de Dedham, montrant à quel point ces actes de résistance symbolique dérangent l’administration. Cette réaction officielle démontre que les crèches politiques ne sont pas considérées comme de simples expressions artistiques mais comme des menaces politiques sérieuses contre le programme de déportation massif. Pour l’administration Trump, ces installations représentent une forme d’insubordination qui doit être réprimée, particulièrement lorsqu’elles émanent d’institutions religieuses jouissant d’une large autorité morale.
Ces politiques migratoires me font honte. Quand je lis les témoignages de ces raids, des enfants qui voient leurs parents arrêtés sous leurs yeux, des familles détruites, des vies brisées, je me demande ce qui est arrivé à l’Amérique. Ce pays a été construit par des immigrants, ce pays s’est toujours vanté d’être une terre d’accueil. Aujourd’hui, nous devenons ce pays que nous prétendions combattre. Et le plus cynique dans tout ça, c’est que ça se fait au nom de la sécurité, de la loi, de l’ordre. Mais c’est quoi la loi qui autorise à séparer des familles? C’est quoi la sécurité qui se construit sur la terreur des innocents?
Section 7 : La dimension théologique du conflit
La Sainte Famille comme réfugiés politiques
La controverse théologique au cœur de ces crèches politiques repose sur une lecture historiquement contextualisée de la nativité. Pour les théologiens progressistes, l’histoire de la naissance de Jésus est fondamentalement une histoire de réfugiés politiques. Marie et Joseph sont contraints de voyager à Bethléem pour un recensement romain, y donnent naissance dans des conditions précaires, et doivent immédiatement fuir en Égypte pour échapper au massacre des innocents ordonné par le roi Hérode. Cette lecture située leur permet de tracer des parallèles directs avec les migrants modernes fuyant la violence et la persécution.
« Regardez l’Évangile juste avant que le Christ soit exécuté — c’était politique », défend Phil Mandeville de Saint Susanna. « On nous a toujours appris : quand vous n’êtes pas sûr comment agir, demandez-vous ‘Que ferait le Christ?’ Maintenant nous faisons cela, et ça ne semble pas correspondre ». Cette approche théologique déplace le débat du domaine de l’art politique à celui de l’obéissance chrétienne fondamentale. Pour ces communautés, ne pas protester contre les politiques migratoires actuelles serait un reniement théologique, une trahison de l’évangile lui-même.
L’Église face à l’État : la résistance prophétique
La tension entre Saint Susanna et l’archidiocèse de Boston s’inscrit dans une longue tradition de conflits entre l’autorité ecclésiale institutionnelle et les mouvements prophétiques de base. Historiquement, l’Église catholique a toujours oscillé entre deux pôles : l’institution hiérarchique soucieuse de maintenir l’ordre et l’unité, et les courants prophétiques qui rappellent que le christianisme est né dans la contestation de l’ordre établi. Josoma et sa paroisse se positionnent clairement dans cette deuxième tradition de résistance prophétique.
Ce choix théologique a des conséquences concrètes. En refusant d’obéir à son archevêque, Josoma ne fait pas simplement de la désobéissance ecclésiale, il pratique ce que les théologiens appellent la « désobéissance prophétique » — refuser d’obéir à l’autorité lorsque cette obéissance entrerait en conflit avec des impératifs moraux supérieurs. Cette démarche s’appuie sur une longue tradition chrétienne, de l’apôtre Pierre déclarant « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes 5:29) aux théologiens modernes de la libération qui justifient la résistance active face à l’oppression systémique. Pour Josoma, l’obéissance à Dieu prime sur l’obéissance à la hiérarchie ecclésiale.
Ce débat théologique me fascine parce qu’il révèle les deux visages du christianisme. D’un côté, le christianisme institutionnel, respectueux, ordonné, compromis avec le pouvoir. De l’autre, le christianisme prophétique, radical, dangereux, subversif. Josoma a choisi le deuxième, et ça lui coûtera probablement cher. Mais il me semble qu’il a choisi le seul christianisme qui vaut la peine d’être vécu. L’autre, ce christianisme confortable et respectueux, c’est une religion sans puissance, une foi sans risque, un évangile sans croix.
Section 8 : L'impact communautaire et les réactions locales
Une communauté divisée mais engagée
La paroisse Saint Susanna de Dedham, communauté d’environ 800 familles, se retrouve au centre d’une tempête médiatique nationale. Les réactions internes sont profondément divisées mais majoritairement favorables à l’action du prêtre. Rich Donovan, un paroissien, a exprimé cette fierté retrouvée : « Le mot est sorti sur qui nous sommes. Notre panneau dit que tous sont bienvenus. Il y aura des gens qui commenceront à venir ici à cause de ce qui se passe ». Cette identité retrouvée comme communauté de résistance attire de nouveaux membres cherchant une foi engagée socialement.
Les soutiens au prêtre Josoma sont organisés et déterminés. Environ dix paroissiens se sont rassemblés devant la crèche pour une conférence de presse improvisée, défendant leur pasteur et son message. « Les appels téléphoniques et les messages textes que le père Josoma reçoit sont favorables et l’église le soutient », témoigne Phil Mandeville. Cette solidarité interne démontre que l’action du prêtre n’est pas un geste personnel isolé mais l’expression d’une conscience collective développée au fil des années d’engagement social.
Des liens communautaires renforcés
Paradoxalement, la controverse a renforcé les liens de la paroisse avec d’autres communautés. Le comité de soutien aux réfugiés coordonné par Saint Susanna travaille maintenant avec un réseau plus large d’églises et d’organisations laïques. « Nous avons travaillé avec environ 10 familles de réfugiés depuis 2019 », détaille Mandeville, « la plupart de l’effort est fait en partenariat avec le gouvernement fédéral qui soumet les familles à une vérification approfondie avant leur arrivée ». Cette collaboration officialisée avec les autorités fédérales contraste avec la position critique face à l’ICE, créant une nuance politique complexe.
Les retombées positives dépassent le cadre strictement paroissial. La médiatisation de l’action a attiré l’attention sur d’autres initiatives locales d’accueil des migrants. Des dons ont augmenté, des bénévoles se sont présentés, des partenariats se sont créés. La crèche « ICE was here », conçue comme acte de protestation, est devenue catalyseur de mobilisation concrète. Comme le résume Mandeville : « Je me soucie plus des individus que d’une scène de nativity. Je comprends ce qu’elle représente — je ne comprends pas pourquoi personne ne se soucie de ces êtres humains ».
Ce qui me touche dans cette histoire locale, c’est de voir comment une petite communauté ordinaire peut devenir un phare de résistance. Saint Susanna n’est pas une grande cathédrale, c’est une paroisse de banlieue avec ses fidèles, ses querelles, ses routines. Mais aujourd’hui, elle est au centre d’une lutte nationale pour l’âme de l’Amérique. Ça me donne espoir. Ça me montre que le changement ne vient pas toujours des grandes institutions ou des leaders charismatiques, mais parfois de petites communautés qui décident de ne plus se taire, de ne plus obéir, de prendre position.
Section 9 : Les enjeux juridiques et fiscaux
La question du statut d’exonération fiscale
Un des arguments les plus puissants utilisés par les critiques des crèches politiques concerne le statut d’exonération fiscale des églises. Walter Niland et d’autres conservateurs soulignent que les églises bénéficiant d’avantages fiscaux importants ne devraient pas s’engager dans des activités politiques partisanes. « Je crois que l’église jouit d’un statut d’exonération fiscale. Nous devrions parler de questions spirituelles, pas de questions de division politique », argumente Niland. Cette position s’appuie sur les règlements fiscaux américains qui interdisent aux organisations 501(c)(3) de participer directement à des campagnes politiques.
Cependant, les experts juridiques estiment que la distinction entre « politique » et « questions morales » n’est pas si claire. Les églises ont historiquement pris position sur des questions morales considérées comme politiques — l’esclavage, la ségrégation, la guerre du Vietnam, les droits civiques. Les avocats de Saint Susanna argumentent que les droits humains fondamentaux ne sont pas des questions politiques partisanes mais des préoccupations morales et religieuses centrales. De plus, la crèche est considérée comme de l’art religieux plutôt que du discours politique direct.
Les précédents historiques
Historiquement, les tentatives de sanctionner des églises pour leur engagement politique ont rarement réussi. Dans les années 1960, de nombreuses églises ont perdu temporairement leur statut d’exonération pour leur opposition à la guerre du Vietnam, mais la plupart l’ont récupéré après des batailles juridiques. Plus récemment, des églises noires ont fait face à des menaces similaires pour leur soutien au mouvement Black Lives Matter. Ces précédents juridiques suggèrent que les menaces contre Saint Susanna sont plus politiques que fondées sur des bases légales solides.
Le directeur de l’ICE Todd Lyons, en appelant personnellement au retrait de la crèche, a peut-être dépassé ses prérogatives en tant que fonctionnaire fédéral. Les organisations de défense des libertés religieuses, même conservatrices, ont parfois défendu le droit des églises à s’exprimer sur des questions morales. Cette complexité juridique rend toute tentative de sanction de Saint Susanna juridiquement risquée pour l’administration fiscale, qui pourrait être accusée de discrimination politique contre certaines positions théologiques.
L’hypocrisie de ces attaques contre le statut fiscal des églises me rend fou. Les églises conservatiques font de la politique depuis des décennies sans que personne ne remette en question leur statut fiscal. Les prédicateurs évangéliques soutiennent Trump ouvertement depuis la chaire, les églises catholiques s’opposent à l’avortement et au mariage gay, tout ça est politique. Mais quand une église progressiste dénonce les politiques migratoires, soudainement c’est « trop politique ». C’est une discrimination politique claire, une tentative de faire taire les voix chrétiennes qui ne soutiennent pas l’agenda conservateur.
Section 10 : La réaction médiatique nationale
Une couverture massive et polarisée
L’histoire de la crèche « ICE was here » a dépassé les médias locaux pour devenir un sujet national voire international. Des chaînes comme NBC, CBS, CNN, des journaux comme The New York Times, The Washington Post, et des magazines comme Time ont couvert l’histoire. Cette couverture médiatique massive a transformé Saint Susanna en symbole national de la résistance chrétienne aux politiques de Trump. Les articles ont généralement présenté les deux côtés du débat, mais le ton global a été plutôt favorable à l’action de l’église, particulièrement dans les médias plus progressistes.
Les réseaux sociaux ont amplifié la portée de l’histoire. Des photos de la crèche sont devenues virales sur Twitter, Facebook et Instagram, générant des millions de vues et des centaines de milliers de commentaires. Le hashtag #ICEwasHere a trended pendant plusieurs jours, devenant un espace de débat intense sur le rôle de la religion dans la politique américaine. Cette viralisation numérique a donné à l’action de Saint Susanna une résonance que ses créateurs n’avaient probablement pas anticipée.
Les experts et analystes pesent dans le débat
La controverse a attiré l’attention de théologiens, politologues et experts religieux de divers horizons. Des professeurs de séminaire ont publié des articles analysant les dimensions théologiques de l’action, des spécialistes de la religion américaine l’ont située dans le contexte historique des mouvements prophétiques, des analystes politiques l’ont interprétée comme symptôme de la polarisation croissante. Cette légitimation académique a élevé le débat au-delà de la simple controverse locale.
Partout dans le pays, des débats ont éclaté dans les programmes de télévision, les podcasts, les chroniques de journaux. Des leaders religieux de différentes dénominations ont pris position, soit pour soutenir Saint Susanna, soit pour critiquer son approche. Même des commentateurs non-religieux ont analysé l’impact potentiel de ces actes de résistance symbolique sur le paysage politique américain. La crèche « ICE was here » est devenue cas d’étude pour comprendre le rôle croissant de la religion dans les conflits culturels américains.
Cette couverture médiatique me donne de l’espoir. Pendant trop longtemps, les voix chrétiennes progressistes ont été ignorées ou marginalisées par les médias qui préféraient le spectacle des chrétiens conservateurs avec leurs polémiques sur la gayness ou l’avortement. Aujourd’hui, une petite église qui dénonce les politiques migratoires obtient une attention nationale. Ça montre que l’évangile social existe toujours, que la résistance chrétienne est vivante, que le christianisme n’est pas monolithiquement aligné avec la droite américaine.
Section 11 : Les parallèles historiques
L’Église confessionnelle contre les nazis
Les historiens et théologiens ont rapidement dessiné des parallèles entre la résistance des églises américaines actuelles et l’Église confessionnelle allemande qui s’opposait au nazisme dans les années 1930. Dirigée par des théologiens comme Karl Barth et Dietrich Bonhoeffer, l’Église confessionnelle refusait de soumettre l’évangile à l’idéologie nazie, déclarant que « Jésus Christ, tel qu’il est attesté dans les Saintes Écritures, est la seule Parole de Dieu que nous devons écouter, dans laquelle nous devons faire confiance et que nous devons obéir ». Ce principe de souveraineté du Christ sur les pouvoirs politiques résonne directement avec la position de Saint Susanna.
Bonhoeffer, qui participera finalement à un complot pour assassiner Hitler, écrivait depuis sa prison que « lorsque le Christ appelle un homme, il l’appelle à venir et mourir ». Cette radicalité évangélique trouve un écho dans le courage de prêtres comme Josoma qui risquent leur carrière et leur sécurité pour ce qu’ils considèrent comme une obéissance christique. Comme l’Église confessionnelle qui a caché des juifs persécutés, ces églises américaines protègent aujourd’hui des migrants menacés.
Le mouvement des droits civiques
Un autre parallèle historique évident est le rôle des églises noires dans le mouvement des droits civiques des années 1950-1960. Des leaders comme le Révérend Martin Luther King Jr. ont transformé leurs églises en quartiers généraux de la résistance non-violente contre la ségrégation et l’injustice raciale. Le prêche politique depuis la chaire, l’organisation de manifestations à partir des églises, l’utilisation de symboles religieux pour défier les lois injustes — toutes ces tactiques se retrouvent dans la stratégie actuelle des églises protestataires contre les politiques migratoires.
King lui-même écrivait depuis sa prison de Birmingham que « l’injustice n’est jamais tolérée nulle part, donc personne n’a le droit de se reposer quelque part tout en étant satisfait d’une injustice qui se produit ailleurs ». Cette théologie de la responsabilité globale inspire directement les églises qui aujourd’hui refusent d’ignorer la souffrance des migrants simplement parce qu’elle ne touche pas directement leurs communautés. Comme les églises noires qui ont risqué leur sécurité pour défendre les droits civiques, ces églises aujourd’hui risquent leur respectabilité pour défendre les droits des migrants.
Ces parallèles historiques me donnent le frisson. Quand je pense à l’Église confessionnelle résistant aux nazis, à Martin Luther King luttant contre la ségrégation, je réalise que ce qui se passe aujourd’hui à Saint Susanna s’inscrit dans une grande et noble tradition de résistance chrétienne contre l’injustice. Ces gens ne sont pas des agitateurs politiciens, ils sont les héritiers de Bonhoeffer, de King, de tous ces chrétiens qui ont compris que suivre le Christ signifie prendre position contre les puissances de ce monde quand elles deviennent oppressives.
Section 12 : Les perspectives d'avenir
Un mouvement qui s’étend
Le succès médiatique et l’impact symbolique de la crèche « ICE was here » ont inspiré d’autres églises à envisager des actions similaires. Des rapports non confirmés suggèrent que des paroisses dans d’autres États préparent leurs propres installations de nativity politiques pour Noël 2025. Ce qui a commencé comme un acte local de résistance pourrait se transformer en un mouvement national coordonné d’églises utilisant leur art liturgique comme forme de protestation politique.
Les théologiens progressistes travaillent déjà à développer un cadre théologique pour ces actions, explorant comment l’art liturgique peut devenir un outil de justice sociale. Des ateliers et conférences sont organisés pour aider les pasteurs et prêtres intéressés à naviguer les tensions entre leur conscience prophétique et les attentes institutionnelles. Ce développement suggère que les crèches politiques ne sont pas un phénomène passager mais le début d’une nouvelle forme d’activisme religieux.
Les réponses possibles de l’administration
Face à ce mouvement croissant, l’administration Trump et ses partisans développent des contre-stratégies. Au-delà des menaces verbales contre des églises individuelles, des législateurs conservateurs envisagent de restreindre le statut d’exonération fiscale des organisations religieuses « trop politiques ». Des campagnes de dénonciation sont lancées contre les leaders religieux progressistes. Cette escalade répressive pourrait radicaliser davantage les églises engagées.
Cependant, les experts juridiques notent que toute tentative de sanctionner sélectivement des églises pour leurs positions théologiques se heurterait probablement à la Constitution et à des décennies de jurisprudence protégeant la liberté religieuse. Cette réalité juridique pourrait limiter la capacité de l’administration à réprimer ce mouvement, le forçant à chercher d’autres formes de contre-influence politique.
Je regarde l’avenir avec un mélange d’espoir et d’anxiété. L’espoir de voir ce mouvement grandir, de voir plus d’églises retrouver leur courage prophétique, de voir le christianisme redevenir cette force de résistance contre l’injustice. Mais aussi l’anxiété de voir la répression s’intensifier, les menaces devenir plus sérieuses, les conséquences plus lourdes. Je crains pour des prêtres comme Josoma qui risquent tout, mais je crois aussi que leur courage inspirera d’autres à les rejoindre.
Conclusion : Noël comme acte de résistance
L’esprit de Noël retrouvé
Paradoxalement, dans ces crèches controversées et politiques, beaucoup découvrent un sens plus authentique de Noël. Au-delà des lumières décoratives, des chants commerciaux, des festins de famille, ces installations rappellent que Noël commémore la naissance d’un enfant réfugié dont la famille a dû fuir la persécution politique. La crèche « ICE was here » n’est pas une profanation de Noël mais un retour à ses racines subversives. Elle nous force à reconnaître que le message de Noël a toujours été politique, toujours radical, toujours dérangeant pour les puissants.
Ce Noël politique nous rappelle que l’enfant de Bethléem est né dans une mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour lui dans les hôtels — un détail qui résonne étrangement avec les politiques d’exclusion actuelles. Il nous rappelle que les premiers visiteurs de cet enfant n’étaient pas des rois ou des prêtres mais des bergers marginaux, des étrangers venus d’Orient suivant une étoile. Noël a toujours été la célébration de Dieu identifié aux exclus, aux marginaux, aux persécutés.
Un choix pour chaque chrétien
Finalement, la controverse autour de ces crèches politiques nous force à un choix fondamental. Soit nous embrassons un christianisme confortable, respectable, non-politique qui ne dérange personne. Soit nous acceptons un christianisme radical, dangereux, engagé qui nous demande à prendre position contre l’injustice même quand ça nous coûte. Les crèches « ICE was here » ne nous permettent pas la neutralité. Elles nous forcent à décider si nous suivons un Jésus bébé inoffensif ou le Jésus prophétique qui dérange les puissants.
Pour Josoma et sa paroisse, pour Lake Street Church à Evanston, pour toutes ces communautés qui osent transformer leurs crèches en actes de résistance, le choix est clair. Ils choisissent le christianisme des origines, celui qui coûte quelque chose, celui qui exige courage et sacrifice. Ils choisissent de célébrer Noël non comme festival culturel confortable mais comme acte de résistance spirituelle contre les forces de mort et d’exclusion qui menacent notre humanité commune.
En écrivant ces mots sur la crèche « ICE was here », je réalise que cet article n’est pas vraiment sur une crèche ou un prêtre ou même l’immigration. C’est sur le choix que nous devons tous faire. Le choix entre la facilité et la vérité, le confort et la justice, la religion respectable et le christianisme radical. Cette crèche m’a forcé à regarder en face mes propres compromis, mes propres peurs, mes propres lâchetés. Elle m’a rappelé que suivre le Christ n’est pas supposé être facile ou confortable. C’est supposé être dangereux. C’est supposé nous coûter quelque chose. Et peut-être que ça, c’est le vrai message de Noël.
Sources
Sources primaires
The Independent, « Church replaces Biblical figures in Nativity scene with sign saying ‘ICE was here' », publié le 3 décembre 2025
MassLive, « Mass. priest defends ‘ICE was here’ Nativity scene after political pushback », publié le 8 décembre 2025
NBC News, « Church Nativity scenes add zip ties, gas masks and ICE to protest immigration raids », publié le 12 décembre 2025
24 Heures, « «Le Christ vient comme un enfant d’immigré sans foyer»: aux États-Unis, les crèches de Noël, nouveau haut lieu de la bataille sur l’immigration », publié le 21 décembre 2025
Sources secondaires
CBS News Boston, « Controversial ‘ICE was here’ nativity display in Massachusetts to stay », publié en décembre 2025
WCVB Boston, « Dedham church displays ‘ICE was here’ sign in Nativity scene », publié en décembre 2025
Boston.com, « ICE was here: Dedham church’s nativity scene protests immigration crackdown », publié le 2 décembre 2025
AP News, « Church Nativity scenes add zip ties, gas masks and ICE to protest immigration raids », publié le 12 décembre 2025
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