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Naissance d’un géant dans la taïga

Le cosmodrome de Vostochny n’est pas né par hasard. Son histoire commence dans les années 2000, quand le Kremlin réalise une vérité dérangeante : la Russie dépend du Kazakhstan pour accéder à l’espace. Baïkonour, le mythique cosmodrome d’où Gagarine s’est envolé en 1961, se trouve en territoire kazakh depuis l’effondrement de l’URSS. Moscou paie un loyer annuel de plusieurs dizaines de millions de dollars pour utiliser ses propres installations historiques. Une situation humiliante pour une puissance spatiale qui se veut indépendante. Vladimir Poutine, dès son arrivée au pouvoir, comprend qu’il faut construire un nouveau port spatial, entièrement russe, entièrement souverain. Le choix se porte sur la région de l’Amour, en Extrême-Orient, près de la ville de Tsiolkovsky – un nom qui n’est pas anodin, puisqu’il rend hommage au père de l’astronautique russe. Les travaux débutent en 2012, mobilisant des milliers d’ouvriers dans des conditions extrêmes. La taïga sibérienne ne pardonne pas. Les températures descendent à moins quarante degrés l’hiver, les moustiques dévorent les travailleurs l’été.

Le premier lancement depuis Vostochny a lieu le 28 avril 2016. Une fusée Soyuz-2.1a décolle avec succès, marquant l’entrée en service opérationnel du cosmodrome. Poutine assiste personnellement à l’événement, conscient de sa portée symbolique. Depuis, le site n’a cessé de monter en puissance. Contrairement à Baïkonour, situé dans les steppes kazakhes, Vostochny bénéficie d’une position géographique plus favorable pour certains types de missions. Sa latitude de 51,8 degrés Nord permet des lancements vers des orbites polaires et héliosynchrones avec une efficacité accrue. Le cosmodrome dispose actuellement d’un seul pas de tir opérationnel, le Site 1S, dédié aux fusées Soyuz. Mais les plans d’expansion sont ambitieux. Un second complexe de lancement pour les futures fusées lourdes Angara est en construction, malgré les retards et les scandales de corruption qui ont émaillé le projet. Vostochny représente un investissement colossal, estimé à plusieurs milliards de dollars, mais pour Moscou, le jeu en vaut la chandelle. C’est le prix de l’indépendance spatiale.

Un outil géopolitique autant que technique

Mais Vostochny n’est pas qu’une question de souveraineté technique. C’est aussi un instrument de politique étrangère. En offrant des services de lancement à des pays comme l’Iran, le Bélarus ou l’Équateur, la Russie se positionne comme une alternative crédible aux acteurs occidentaux. Ces nations, souvent exclues des programmes spatiaux américains ou européens pour des raisons politiques, trouvent en Moscou un partenaire disposé à les aider sans poser trop de questions. Le lancement du 29 décembre 2024 illustre parfaitement cette stratégie. Parmi les cinquante charges utiles secondaires, on trouve trois satellites iraniens : Kowsar-1.5, Paya et Zafar-2. Ces engins sont officiellement destinés à l’observation de la Terre et à des missions scientifiques. Mais dans le contexte des tensions entre Téhéran et l’Occident, leur présence dans l’espace soulève des questions. Les États-Unis et Israël surveillent de près les capacités spatiales iraniennes, craignant qu’elles ne servent à des fins militaires ou de renseignement.

Le Bélarus, autre paria occidental depuis la répression brutale des manifestations de 2020 et son soutien à l’invasion russe de l’Ukraine, bénéficie également de ce lancement. Deux satellites biélorusses, NASBSat-1 et NASBSat-2, ont été placés en orbite. Pour Minsk, c’est une victoire symbolique. Le régime d’Alexandre Loukachenko peut ainsi démontrer à sa population qu’il reste capable de mener des projets technologiques ambitieux malgré les sanctions occidentales. L’Équateur, quant à lui, représente un cas différent. Ce petit pays d’Amérique du Sud n’est pas un paria international, mais ses ressources limitées l’empêchent d’accéder facilement aux services de lancement occidentaux, souvent plus coûteux. En se tournant vers la Russie, Quito obtient un accès à l’espace à moindre coût, tout en diversifiant ses partenaires internationaux. Le satellite équatorien UTE-Galapagos embarqué lors de cette mission témoigne de cette coopération pragmatique. Vostochny devient ainsi le hub spatial des nations que l’Occident a oubliées ou rejetées.

Il y a quelque chose de profondément ironique dans tout ça. L’Occident, qui se targue de promouvoir l’accès universel à l’espace, qui finance des programmes d’aide au développement spatial pour les pays émergents, se retrouve court-circuité par Moscou. Pourquoi ? Parce qu’on a politisé l’espace. Parce qu’on a décidé que certains pays ne méritaient pas d’avoir des satellites. L’Iran ? Trop dangereux. Le Bélarus ? Trop autoritaire. Et pendant qu’on moralise, la Russie agit. Elle lance. Elle livre. Elle construit des partenariats. On peut critiquer Poutine autant qu’on veut – et Dieu sait qu’il y a matière – mais sur ce coup-là, il a compris quelque chose que nous avons oublié : l’espace n’attend pas. Soit tu y vas, soit quelqu’un d’autre prend ta place.

Sources

Sources primaires

TASS (Agence de presse russe) – « Russia launches satellites for its allies from Vostochny spaceport » – 29 décembre 2024 – https://tass.com/science/2066061

TASS (Agence de presse russe) – « Fregat upper stage with 52 satellites separates from Soyuz-2.1b rocket » – 29 décembre 2024 – https://tass.com/science/2065933

RussianSpaceWeb.com – « Soyuz rocket launches the Aist-2T pair, Iranian satellites » – Anatoly Zak – 28 décembre 2024 – https://russianspaceweb.com/aist2t.html

Sources secondaires

Space.com – « Russia launches satellite for Iran toward orbit alongside 2 space weather probes » – Mike Wall – 25 juillet 2025 – https://www.space.com/space-exploration/launches-spacecraft/russia-launches-2-space-weather-satellites-iranian-spacecraft-to-orbit

Iran International – « Iran set to orbit three satellites in joint launch from Russia » – 22 décembre 2024 – https://www.iranintl.com/en/202512224276

IRNA (Agence de presse iranienne) – « Iran launches three domestically built satellites aboard Russian rocket » – 28 décembre 2024 – https://en.irna.ir/news/86038360/

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