C’est un véritable séisme diplomatique qui vient de frapper les couloirs feutrés des Nations Unies. La Belgique, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Bernard Quintin, vient d’annoncer officiellement qu’elle reconnaîtra l’État de Palestine lors de la prochaine Assemblée générale de l’ONU. Cette décision, qui intervient dans un contexte de tensions extrêmes au Proche-Orient, marque un tournant décisif dans la politique étrangère belge et européenne. Le petit royaume, souvent perçu comme consensuel et mesuré, prend ainsi une position courageuse qui risque de faire des vagues bien au-delà de ses frontières.
L’annonce, faite ce matin à Bruxelles, résonne comme un coup de tonnerre dans le ciel diplomatique européen. Après des mois de tergiversations et de débats internes houleux, la coalition gouvernementale belge a finalement tranché en faveur d’une reconnaissance pleine et entière de l’État palestinien. Cette décision intervient alors que le conflit israélo-palestinien connaît une escalade sans précédent depuis octobre 2023, avec des conséquences humanitaires catastrophiques à Gaza. Le timing n’est pas anodin : la Belgique cherche visiblement à peser de tout son poids moral et diplomatique pour faire bouger les lignes dans ce conflit qui semble enlisé dans une spirale de violence sans fin.
Les coulisses d'une décision qui divise profondément le gouvernement Vivaldi

Des négociations tendues au sein de la coalition
Les tractations au sein du gouvernement Vivaldi ont été particulièrement âpres ces dernières semaines. Sources gouvernementales à l’appui, on apprend que les socialistes et les écologistes poussaient depuis longtemps pour cette reconnaissance, tandis que les libéraux, traditionnellement plus proches des positions israéliennes, freinaient des quatre fers. Le Premier ministre Alexander De Croo a dû déployer des trésors de diplomatie interne pour maintenir l’unité de sa coalition sur ce dossier ultra-sensible. Les réunions se sont multipliées, parfois jusqu’à tard dans la nuit, avec des échanges particulièrement vifs entre les différentes composantes de la majorité.
La pression de la société civile belge a joué un rôle déterminant dans cette décision. Les manifestations pro-palestiniennes se sont multipliées dans les rues de Bruxelles, Anvers et Liège ces derniers mois, rassemblant des dizaines de milliers de personnes. Les organisations de défense des droits humains, les syndicats et une partie importante du monde académique ont exercé une pression constante sur le gouvernement pour qu’il prenne position. Cette mobilisation citoyenne sans précédent a fini par faire pencher la balance, obligeant même les plus réticents au sein de la coalition à reconsidérer leur position.
Bernard Quintin, l’architecte d’un tournant diplomatique
Le ministre des Affaires étrangères Bernard Quintin apparaît comme le grand artisan de cette décision historique. Diplomate de carrière avant d’entrer en politique, il a su naviguer avec habileté entre les différentes sensibilités au sein du gouvernement et de l’opinion publique belge. Ses voyages répétés au Proche-Orient ces derniers mois, ses rencontres avec les dirigeants palestiniens mais aussi avec des représentants de la société civile israélienne favorable à la paix, ont forgé sa conviction. « La Belgique ne peut plus rester spectatrice passive d’une tragédie qui se déroule sous nos yeux », aurait-il déclaré lors d’une réunion gouvernementale décisive la semaine dernière.
L’homme, réputé pour sa mesure et son sens du compromis, a surpris par sa détermination sur ce dossier. Quintin a méthodiquement construit son argumentaire, s’appuyant sur le droit international, les résolutions de l’ONU et les positions de plus en plus nombreuses d’États européens reconnaissant la Palestine. Sa stratégie a consisté à présenter cette reconnaissance non pas comme un acte hostile à Israël, mais comme une contribution concrète à la solution à deux États, seule voie viable selon lui pour une paix durable dans la région. Cette approche nuancée a fini par convaincre les plus sceptiques au sein du gouvernement.
L’influence décisive du Parlement fédéral
Le Parlement fédéral belge a exercé une pression considérable sur l’exécutif ces derniers mois. Plusieurs résolutions appelant à la reconnaissance de la Palestine ont été déposées, créant un momentum politique difficile à ignorer pour le gouvernement. Les débats parlementaires ont été particulièrement intenses, avec des interventions passionnées de députés de tous bords politiques. La commission des Relations extérieures a organisé de nombreuses auditions, recevant des experts internationaux, des représentants d’ONG et des témoins directs du conflit. Cette mobilisation parlementaire transpartisane a créé les conditions politiques nécessaires pour que le gouvernement franchisse finalement le pas.
Les répercussions immédiates sur la scène internationale

La colère prévisible d’Israël
Sans surprise, la réaction israélienne ne s’est pas fait attendre. Le ministère des Affaires étrangères israélien a immédiatement convoqué l’ambassadeur belge à Tel-Aviv pour lui signifier le « profond mécontentement » du gouvernement Netanyahu. Des sources diplomatiques israéliennes parlent d’une « trahison » et d’une « récompense au terrorisme ». Le Premier ministre israélien lui-même aurait personnellement appelé Alexander De Croo pour tenter de le faire revenir sur cette décision, en vain. Les menaces de représailles économiques et diplomatiques planent déjà, Israël ayant l’habitude de sanctionner durement les pays qui reconnaissent la Palestine.
L’establishment sécuritaire israélien considère cette reconnaissance comme un précédent dangereux qui pourrait créer un effet domino en Europe. La crainte à Tel-Aviv est que d’autres pays européens, jusqu’ici hésitants, suivent l’exemple belge. Les lobbies pro-israéliens en Europe sont déjà mobilisés pour tenter d’endiguer ce mouvement, multipliant les contacts avec les gouvernements et les parlements nationaux. Mais la dynamique semble désormais enclenchée, et il sera difficile de l’arrêter, surtout si la situation humanitaire à Gaza continue de se détériorer.
L’enthousiasme palestinien et arabe
À Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne, c’est l’euphorie. Le président Mahmoud Abbas a salué une « décision historique et courageuse » qui « rend justice au peuple palestinien ». Des scènes de liesse ont été observées dans les rues de plusieurs villes de Cisjordanie, où la population a accueilli cette nouvelle comme une victoire diplomatique majeure après des mois de souffrance et d’isolement. Les dirigeants palestiniens voient dans cette reconnaissance belge le début d’une nouvelle dynamique internationale qui pourrait enfin sortir leur cause de l’impasse actuelle.
Le monde arabe dans son ensemble a accueilli très favorablement cette annonce. L’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte et la Jordanie ont tous salué la décision belge, y voyant un signe encourageant de l’évolution de la position européenne sur le conflit. La Ligue arabe a immédiatement appelé les autres pays européens à suivre l’exemple belge. Cette reconnaissance intervient à un moment où plusieurs pays arabes reconsidèrent leur normalisation avec Israël, face à l’ampleur de la crise humanitaire à Gaza. La Belgique pourrait ainsi contribuer à redéfinir les équilibres diplomatiques dans toute la région.
Les réactions contrastées en Europe
Au sein de l’Union européenne, les réactions sont partagées. Si l’Espagne, l’Irlande, la Slovénie et Malte, qui ont déjà reconnu la Palestine, ont applaudi la décision belge, d’autres capitales européennes restent plus réservées. Paris observe avec attention mais maintient sa position traditionnelle selon laquelle la reconnaissance doit s’inscrire dans le cadre d’un processus de paix global. Berlin, toujours marqué par son histoire particulière avec Israël, reste sur une ligne prudente. La Commission européenne a rappelé que la reconnaissance des États relève de la compétence nationale, tout en soulignant l’importance de maintenir l’unité européenne sur les grandes questions de politique étrangère.
L'impact sur la communauté belge et les tensions internes

Une société belge profondément divisée
La décision du gouvernement reflète et amplifie les divisions profondes qui traversent la société belge sur la question israélo-palestinienne. D’un côté, une partie importante de la population, notamment issue de l’immigration maghrébine et turque, célèbre cette reconnaissance comme une victoire de la justice. De l’autre, la communauté juive belge, forte d’environ 40.000 personnes, exprime son inquiétude et sa déception. Le Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique a dénoncé une décision « irresponsable et dangereuse » qui « légitime le terrorisme ». Les tensions communautaires, déjà vives depuis le début du conflit à Gaza, risquent de s’exacerber.
Les universités belges sont devenues des champs de bataille idéologiques sur cette question. Des campements pro-palestiniens ont fleuri sur plusieurs campus, tandis que des étudiants juifs dénoncent un climat d’intimidation et d’antisémitisme. La reconnaissance officielle de la Palestine par le gouvernement belge risque d’alimenter ces tensions déjà explosives. Les autorités académiques peinent à maintenir un équilibre entre liberté d’expression et maintien de l’ordre, dans un contexte où chaque prise de position est scrutée et critiquée. Cette polarisation du débat public inquiète de nombreux observateurs qui craignent une fracture durable du tissu social belge.
Les conséquences économiques potentielles
Au-delà des considérations morales et politiques, la reconnaissance de la Palestine pourrait avoir des répercussions économiques concrètes pour la Belgique. Les échanges commerciaux entre la Belgique et Israël représentent plusieurs milliards d’euros par an, notamment dans les secteurs de la haute technologie, de la pharmacie et du diamant. Anvers, capitale mondiale du diamant, entretient des liens historiques étroits avec l’industrie diamantaire israélienne. Des voix s’élèvent déjà dans le monde des affaires pour s’inquiéter des possibles représailles économiques israéliennes. Certaines entreprises belges actives en Israël craignent de se voir exclues des appels d’offres publics ou de perdre leurs partenaires commerciaux.
Paradoxalement, cette reconnaissance pourrait aussi ouvrir de nouvelles opportunités économiques. Les territoires palestiniens, malgré leur situation difficile, représentent un marché potentiel pour les entreprises belges, notamment dans les domaines de la reconstruction, de l’infrastructure et du développement durable. La coopération au développement belge, déjà active dans les territoires palestiniens, pourrait voir son budget augmenter significativement. Certains économistes estiment que la Belgique pourrait jouer un rôle de pont entre l’Europe et un futur État palestinien viable, créant ainsi de nouvelles opportunités commerciales et diplomatiques à long terme.
Le rôle des médias dans la formation de l’opinion publique
Les médias belges ont joué un rôle crucial dans l’évolution de l’opinion publique sur cette question. La couverture intensive du conflit à Gaza, avec des images choquantes de victimes civiles, a profondément marqué les esprits. Les grands quotidiens francophones comme Le Soir et La Libre Belgique, ainsi que leurs homologues néerlandophones De Standaard et De Morgen, ont multiplié les reportages, les analyses et les tribunes sur le sujet. Cette médiatisation intense a contribué à sensibiliser l’opinion publique belge aux souffrances du peuple palestinien, créant un terreau favorable à la reconnaissance officielle.
Les précédents historiques et le contexte juridique international

L’évolution du droit international sur la question palestinienne
La reconnaissance de la Palestine par la Belgique s’inscrit dans une évolution juridique internationale qui remonte à plusieurs décennies. Depuis la proclamation de l’État de Palestine par l’OLP en 1988, plus de 140 pays ont reconnu cet État, représentant environ 70% de la population mondiale. Les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment la résolution 67/19 de 2012 accordant à la Palestine le statut d’État observateur non-membre, ont progressivement consolidé la légitimité internationale de la revendication palestinienne à la souveraineté. La Cour internationale de Justice, dans plusieurs avis consultatifs, a également affirmé le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
Le droit international humanitaire et les Conventions de Genève constituent un autre pilier juridique important. La Belgique, en tant que dépositaire historique de ces conventions et siège de nombreuses institutions internationales, se devait d’être cohérente avec ses propres valeurs et engagements internationaux. La reconnaissance de la Palestine peut ainsi être vue comme une application logique des principes du droit international que la Belgique a toujours défendus. Cette cohérence juridique renforce la crédibilité de la position belge sur la scène internationale et lui donne une assise morale difficile à contester.
Les précédents européens récents
La décision belge s’inscrit dans une dynamique européenne qui s’accélère depuis quelques mois. L’Espagne, l’Irlande et la Slovénie ont reconnu la Palestine en mai 2024, créant une brèche dans le consensus européen traditionnel. La Norvège, bien que non-membre de l’UE, a également franchi le pas à la même période. Ces reconnaissances successives ont créé un précédent qui facilite la décision belge et pourrait encourager d’autres pays européens à suivre. Le Portugal, la Grèce et même certains pays nordiques envisageraient sérieusement cette option, selon des sources diplomatiques européennes.
L’argument de la « masse critique » devient de plus en plus difficile à ignorer pour les capitales européennes encore réticentes. Avec désormais onze pays de l’UE reconnaissant la Palestine (Suède, Chypre, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, et maintenant Espagne, Irlande, Slovénie et Belgique), la position de non-reconnaissance devient minoritaire au sein de l’Union. Cette évolution met une pression croissante sur les grandes puissances européennes comme la France, l’Allemagne et l’Italie pour reconsidérer leur position. La Belgique, en rejoignant ce groupe, contribue à faire pencher la balance vers une reconnaissance majoritaire au sein de l’UE.
Le rôle historique de la Belgique dans les conflits internationaux
La Belgique a toujours eu une tradition de médiation et de neutralité active dans les conflits internationaux. Depuis son indépendance en 1830, le petit royaume a souvent joué un rôle disproportionné par rapport à sa taille sur la scène diplomatique mondiale. Bruxelles, capitale de l’Europe et siège de l’OTAN, est devenue un carrefour incontournable de la diplomatie internationale. Cette position unique confère à la Belgique une responsabilité particulière et une capacité d’influence qui dépasse largement ses frontières géographiques. La reconnaissance de la Palestine s’inscrit dans cette tradition de diplomatie audacieuse et indépendante.
Les défis diplomatiques et sécuritaires à venir

La gestion des relations avec Israël
Le défi immédiat pour la diplomatie belge sera de maintenir des canaux de communication avec Israël malgré cette reconnaissance. L’histoire montre qu’Israël peut être intransigeant avec les pays qui reconnaissent la Palestine, allant jusqu’à rappeler ses ambassadeurs ou suspendre certaines coopérations. La Belgique devra naviguer avec habileté pour éviter une rupture totale qui serait contre-productive. Les liens économiques, scientifiques et culturels entre les deux pays sont trop importants pour être sacrifiés sur l’autel des divergences politiques. Le ministre Quintin a d’ailleurs annoncé qu’il se rendrait prochainement à Tel-Aviv pour expliquer la position belge et maintenir le dialogue.
La question de la sécurité est également cruciale. La Belgique, qui a connu les attentats terroristes de 2016, entretient une coopération sécuritaire étroite avec les services israéliens. Cette collaboration, notamment en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme, est vitale pour la sécurité nationale belge. Les autorités belges devront s’assurer que la reconnaissance de la Palestine ne compromet pas ces échanges essentiels. Des garanties devront être données à Israël sur le fait que cette reconnaissance ne signifie en aucun cas un soutien aux groupes terroristes ou une remise en cause du droit d’Israël à exister et à se défendre.
L’établissement de relations diplomatiques avec la Palestine
Reconnaître la Palestine est une chose, établir des relations diplomatiques concrètes en est une autre. La Belgique devra décider rapidement du niveau de représentation diplomatique qu’elle souhaite établir avec l’État palestinien. Ouvrira-t-elle une ambassade à Ramallah ? Élèvera-t-elle le statut de sa représentation actuelle ? Ces questions pratiques sont loin d’être anodines et auront des implications politiques importantes. La Belgique devra également définir clairement avec quelles autorités palestiniennes elle entend dialoguer, dans un contexte où la division entre le Fatah en Cisjordanie et le Hamas à Gaza complique considérablement la donne.
Le soutien au développement économique et institutionnel de la Palestine deviendra une priorité de la politique étrangère belge. Au-delà de la reconnaissance symbolique, la Belgique devra mettre en place des programmes concrets d’aide et de coopération. Cela impliquera probablement une augmentation significative du budget de la coopération au développement alloué aux territoires palestiniens. Des projets dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’infrastructure et de la gouvernance devront être développés. La Belgique pourrait aussi jouer un rôle de facilitateur pour attirer des investissements européens en Palestine, contribuant ainsi à créer les conditions économiques d’un futur État viable.
La coordination avec les partenaires européens et internationaux
La Belgique ne peut agir seule sur un dossier aussi complexe. La coordination avec ses partenaires européens sera essentielle pour maximiser l’impact de cette reconnaissance. Des contacts étroits devront être maintenus avec les autres pays ayant reconnu la Palestine pour harmoniser les positions et les actions. La Belgique pourrait prendre l’initiative de créer un groupe de contact européen sur la Palestine, réunissant les pays reconnaissant cet État pour coordonner leur action diplomatique et leur aide au développement. Cette approche collective renforcerait le poids de la position européenne dans les négociations internationales.
Les implications pour le processus de paix au Proche-Orient

Le renforcement de la solution à deux États
La reconnaissance belge de la Palestine vise explicitement à revitaliser la solution à deux États, largement considérée comme moribonde ces dernières années. En reconnaissant la Palestine, la Belgique envoie un signal fort : cette solution reste la seule viable pour une paix durable dans la région. Cette position s’oppose frontalement aux projets d’annexion de certains territoires palestiniens par Israël et aux visions maximalistes des deux côtés du conflit. La reconnaissance internationale croissante de la Palestine crée une réalité diplomatique qui rend plus difficile l’enterrement définitif de cette solution. Elle oblige également les acteurs régionaux et internationaux à repenser leurs stratégies et à relancer des initiatives de paix qui semblaient enlisées.
L’impact psychologique de cette reconnaissance ne doit pas être sous-estimé. Pour les Palestiniens, elle représente une validation internationale de leurs aspirations nationales après des décennies de lutte et de souffrance. Cette reconnaissance peut contribuer à renforcer les forces modérées palestiniennes qui croient encore au dialogue et à la négociation, face aux éléments radicaux qui prônent la violence comme seule solution. Pour les Israéliens, elle constitue un avertissement : l’isolement diplomatique guette si le statu quo perdure. Cette pression internationale croissante pourrait, à terme, favoriser l’émergence d’un leadership israélien plus ouvert au compromis.
Les obstacles persistants à la paix
Malgré cette avancée diplomatique, les obstacles fondamentaux à la paix demeurent intacts. La question des colonies israéliennes en Cisjordanie, celle du statut de Jérusalem, le droit au retour des réfugiés palestiniens, les frontières définitives, la sécurité d’Israël… tous ces nœuds gordiens restent à trancher. La reconnaissance de la Palestine par la Belgique et d’autres pays européens ne résout aucune de ces questions de fond. Elle pourrait même, paradoxalement, durcir les positions israéliennes si Tel-Aviv se sent acculé par la communauté internationale. Le risque est réel de voir se creuser encore davantage le fossé entre les positions des deux parties.
La division palestinienne entre le Fatah et le Hamas reste également un obstacle majeur. Comment négocier avec un interlocuteur palestinien divisé ? Comment garantir qu’un accord éventuel sera respecté par toutes les factions palestiniennes ? La reconnaissance internationale de la Palestine ne résout pas cette équation complexe. Au contraire, elle pourrait exacerber les rivalités internes palestiniennes, chaque faction cherchant à capitaliser sur cette victoire diplomatique. La Belgique et les autres pays reconnaissant la Palestine devront naviguer avec prudence dans ces eaux troubles de la politique palestinienne interne.
Le rôle des acteurs régionaux et internationaux
La reconnaissance belge intervient dans un contexte régional en pleine mutation. Les accords d’Abraham, qui ont vu plusieurs pays arabes normaliser leurs relations avec Israël, ont redessiné la carte géopolitique du Proche-Orient. Cependant, la guerre à Gaza a mis ces accords sous tension extrême, avec une opinion publique arabe massivement hostile à Israël. La reconnaissance de la Palestine par des pays européens pourrait donner aux pays arabes une marge de manœuvre pour maintenir leurs relations avec Israël tout en apaisant leur opinion publique. C’est un équilibre délicat qui pourrait, paradoxalement, contribuer à stabiliser la région à moyen terme.
Les leçons pour la diplomatie européenne et mondiale

L’émergence d’une diplomatie européenne plus assertive
La décision belge pourrait marquer le début d’une diplomatie européenne plus indépendante vis-à-vis des États-Unis sur la question israélo-palestinienne. Traditionnellement alignée sur Washington dans ce dossier, l’Europe commence à faire entendre sa propre voix, reflétant les sensibilités de ses opinions publiques et ses propres intérêts géopolitiques. Cette émancipation diplomatique est significative dans un contexte où l’influence américaine au Proche-Orient est remise en question et où de nouveaux acteurs comme la Chine et la Russie cherchent à étendre leur influence dans la région. La Belgique, en prenant cette initiative, contribue à définir une position européenne distincte qui pourrait, à terme, permettre à l’UE de jouer un rôle de médiateur plus crédible dans le conflit.
Cette assertivité nouvelle de la diplomatie européenne ne se limite pas à la question palestinienne. Elle s’inscrit dans une tendance plus large de l’Europe à défendre ses valeurs et ses intérêts de manière plus autonome sur la scène internationale. La guerre en Ukraine, les tensions avec la Chine, les défis climatiques… sur tous ces dossiers, l’Europe cherche à définir sa propre voie, parfois en décalage avec ses alliés traditionnels. La reconnaissance de la Palestine par la Belgique et d’autres pays européens est un symptôme de cette évolution vers une souveraineté stratégique européenne dont on parle tant à Bruxelles.
L’importance du courage politique dans un monde polarisé
Dans un monde de plus en plus polarisé, où les positions médianes sont souvent inaudibles, la décision belge démontre qu’il est encore possible pour un pays de prendre des positions de principe basées sur ses valeurs et le droit international. Ce courage politique, qui expose la Belgique à des critiques et potentiellement à des représailles, envoie un message fort : les petits et moyens pays peuvent encore influencer l’agenda international quand ils agissent avec conviction. Cette leçon est particulièrement importante à une époque où beaucoup se résignent à l’impuissance face aux grandes puissances.
Le leadership moral en diplomatie reste un atout puissant, même dans un monde dominé par les rapports de force. La Belgique, en reconnaissant la Palestine, se positionne du côté de ce qu’elle perçoit comme la justice historique, quitte à payer un prix diplomatique et économique. Cette approche idéaliste, que certains qualifieront de naïve, pourrait inspirer d’autres pays à sortir de leur zone de confort diplomatique. Dans un système international où le cynisme et le calcul dominent souvent, ces actes de courage politique sont essentiels pour maintenir vivants les principes du droit international et de la justice.
Les limites de la reconnaissance diplomatique
Il faut cependant rester lucide sur les limites de la reconnaissance diplomatique. Reconnaître un État ne crée pas automatiquement les conditions de son existence effective. La Palestine reconnue par la Belgique reste un territoire occupé, fragmenté, sans contrôle réel sur ses frontières, ses ressources ou son espace aérien. La reconnaissance est un geste symbolique important, mais elle ne remplace pas un processus de paix concret aboutissant à un accord négocié entre les parties. Le risque existe que cette reconnaissance devienne une forme de satisfaction morale pour les pays européens, leur permettant de se donner bonne conscience sans s’engager dans les efforts difficiles nécessaires pour faire avancer concrètement la paix.
Conclusion : Un tournant historique aux conséquences incertaines

La reconnaissance de la Palestine par la Belgique marque indéniablement un tournant historique dans la diplomatie européenne et mondiale sur le conflit israélo-palestinien. Cette décision courageuse, prise dans un contexte de tensions extrêmes et de pressions multiples, témoigne de la volonté belge de jouer un rôle actif dans la recherche d’une solution juste et durable à l’un des conflits les plus anciens et les plus complexes de notre époque. En franchissant ce pas, la Belgique rejoint un mouvement international croissant qui refuse de se résigner au statu quo et qui croit encore à la possibilité d’une paix fondée sur la coexistence de deux États.
Les conséquences de cette décision restent largement imprévisibles. Elle pourrait catalyser une dynamique européenne et internationale favorable à la relance du processus de paix, ou au contraire contribuer à durcir les positions et à approfondir les divisions. Ce qui est certain, c’est que la Belgique a choisi de sortir de sa zone de confort diplomatique pour prendre une position de principe, assumant les risques qui en découlent. Cette audace diplomatique, qu’elle soit jugée visionnaire ou téméraire par l’histoire, témoigne de la capacité des démocraties à agir selon leurs valeurs, même quand cela va à l’encontre de leurs intérêts immédiats. Dans un monde où le cynisme et la realpolitik semblent triompher, c’est peut-être là la leçon la plus importante de cette reconnaissance belge de la Palestine : le courage politique et moral reste possible, et parfois nécessaire, pour faire bouger les lignes de l’histoire.