Quand la répression crée plus de problèmes qu’elle n’en résout
Trump avait également promis de « sécuriser la frontière », de « restaurer l’ordre », de « traquer les criminels ». Il a tenu parole—du moins sur la brutalité de l’exécution. Les agents de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) patrouillent désormais les villes américaines avec des masques couvrant leurs visages, arrêtant des immigrants sans papiers dans des véhicules banalisés. La Garde nationale a été déployée dans certains États contre la volonté des gouverneurs locaux. C’est l’architecture de la terreur, mise en œuvre avec une efficacité bureaucratique glaçante.
Mais les Américains? Ils détestent ça. Environ deux tiers des personnes interrogées s’opposent à l’arrestation et à la détention d’immigrants sans papiers qui vivent aux États-Unis sans casier judiciaire. Près de 60% pensent que les agents de l’ICE ne devraient pas être autorisés à dissimuler leur identité avec des masques ou à utiliser des véhicules banalisés lors des arrestations. Environ deux tiers s’opposent à ce que le gouvernement expulse des immigrants vers des prisons au Salvador, au Rwanda ou en Libye sans leur permettre de contester leur expulsion devant un tribunal. Ce ne sont pas des marges d’erreur. Ce sont des majorités massives qui rejettent les tactiques trumpistes.
Le syndrome de la popularité évanescente
Sur l’immigration en général, Trump obtient un taux d’approbation net de -10 points dans le dernier sondage Economist/YouGov. Négatif. Sur une question qu’il considérait comme son atout électoral ultime. Comment est-ce possible? Parce que les électeurs ne voulaient pas de cruauté théâtralisée. Ils voulaient des solutions. Ils voulaient de l’ordre, certes, mais pas au prix de leur humanité collective. Et Trump, dans son empressement à impressionner sa base MAGA, a franchi la ligne—encore et encore—jusqu’à ce que même les Républicains modérés commencent à reculer.
Le sondage NBC révèle quelque chose d’encore plus troublant : 50% des Américains pensent que les efforts de Trump pour expulser les immigrants sans papiers vont « trop loin ». Cinquante pourcent. La moitié du pays. Et parmi les Indépendants—ces électeurs cruciaux qui ont propulsé Trump au pouvoir—l’opposition est encore plus forte. Ce ne sont pas les gauchistes de San Francisco qui disent ça. Ce sont les électeurs du Midwest, de Pennsylvanie, d’Arizona. Des gens qui avaient voté pour Trump parce qu’ils voulaient du changement, pas parce qu’ils voulaient transformer l’Amérique en État policier.
La criminalité : le bouc émissaire qui ne fonctionne plus
La perception versus la réalité
Trump avait également parié sur la criminalité comme cheval de bataille électoral. « Les villes démocrates brûlent », criait-il lors des rassemblements de 2024. « Je vais restaurer la loi et l’ordre. » Sauf que maintenant qu’il est au pouvoir, les Américains ne sont toujours pas convaincus que la criminalité est un problème majeur—là où ils vivent. Environ 60% pensent que la criminalité est extrêmement ou très grave dans les grandes villes américaines. Mais seulement 18% disent la même chose des endroits où ils habitent réellement. C’est le fossé de la perception : tout le monde pense que le crime ravage l’Amérique, mais personne ne le voit vraiment dans son propre quartier.
Et sur la gestion de Trump de cette question? Les Américains ne sont pas impressionnés. Plus de la moitié désapprouvent sa manière de gérer la criminalité. Ce n’est pas son pire score—l’économie et les tarifs remportent cette palme douteuse—mais c’est révélateur. Trump avait fait de la criminalité un enjeu central de sa campagne, promettant d’envoyer la Garde nationale dans les villes « hors de contrôle ». Mais 55% des Américains pensent maintenant qu’il est allé « trop loin » en envoyant la Garde nationale patrouiller les zones urbaines. Encore une fois, il a surestimé l’appétit public pour la répression musclée.
Le rejet du nationalisme autoritaire
Ce qui émerge de tous ces sondages, c’est un portrait d’un président qui a mal lu son mandat. Trump pensait que gagner en 2024 lui donnait carte blanche pour gouverner comme un autocrate, pour étendre les pouvoirs présidentiels jusqu’aux limites constitutionnelles—et parfois au-delà. Mais 64% des Américains disent maintenant qu’il est allé « trop loin » en essayant d’étendre les pouvoirs de la présidence. Une super-majorité. Ce n’est pas une critique partisane. C’est un rejet fondamental de son approche de gouvernance.
Sur d’autres fronts également, les Américains expriment leur malaise. 57% pensent qu’il est allé trop loin en licenciant des employés fédéraux pour réduire la taille du gouvernement. 54% disent qu’il exagère en tentant de modifier le fonctionnement des collèges et universités américaines. 51% s’opposent à ses efforts pour éliminer les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion dans le gouvernement et les entreprises privées. C’est une avalanche de désapprobation, une cascade de rejets qui, cumulés, dessinent le portrait d’un président profondément déconnecté de l’humeur nationale.
L'Ukraine et la politique étrangère : l'ambiguïté dangereuse
Entre Poutine et Zelensky, Trump tergiverse
La gestion par Trump de la situation en Ukraine et en Russie représente un autre point de friction majeur avec l’électorat américain. 46% des Américains pensent que Trump est « trop favorable à la Russie » dans sa gestion du conflit. Seulement 8% pensent qu’il est « trop favorable à l’Ukraine », tandis que 41% estiment qu’il gère la situation « à peu près correctement ». C’est un équilibre précaire, et il penche clairement du mauvais côté pour Trump.
Le problème fondamental? Les Américains ne savent pas vraiment où Trump se situe. Il a critiqué l’aide militaire à l’Ukraine. Il a fait l’éloge de Vladimir Poutine à plusieurs reprises. Il a suggéré que l’Ukraine devrait « négocier » avec la Russie, ce qui, pour beaucoup, ressemble à un euphémisme pour « capituler ». Et pendant ce temps, les alliés européens regardent avec une anxiété croissante, se demandant si les États-Unis vont abandonner l’OTAN, abandonner Kyiv, abandonner l’ordre international libéral que l’Amérique a aidé à construire après 1945.
Le prix de l’isolationnisme trumpiste
Près de la moitié des Américains—48%—pensent que le leadership américain dans le monde est devenu « plus faible » sous Trump. Seulement 33% pensent qu’il est devenu « plus fort ». C’est un verdict dévastateur sur sa politique étrangère. Trump avait promis de « rendre l’Amérique grande à nouveau », de restaurer le respect international, de forcer les alliés et les adversaires à prendre Washington au sérieux. Au lieu de cela, il a créé un vide de leadership que la Chine et la Russie s’empressent de combler.
Sur les relations avec d’autres pays en général, environ 60% des Américains désapprouvent la manière dont Trump gère cette question. C’est cohérent avec le reste de ses scores d’approbation : majoritairement négatifs, profondément problématiques. La seule lueur—à peine visible—c’est son rôle dans la négociation d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, où 46% approuvent sa gestion (contre 52% qui désapprouvent). Mais même là, c’est loin d’être une victoire éclatante. C’est juste… moins catastrophique que le reste.
Le fossé partisan : quand 20% des Républicains abandonnent Trump
Les fissures dans la coalition MAGA
Voici peut-être le chiffre le plus révélateur de tous ces sondages : 20% des Républicains tiennent Trump—et non les Démocrates comme Joe Biden—responsable du taux d’inflation actuel. Vingt pourcent. Un cinquième de son propre parti. Ce ne sont pas des gauchistes déguisés. Ce sont des conservateurs qui ont voté pour lui, qui l’ont soutenu, qui voulaient croire en sa promesse économique. Et maintenant ils regardent leurs factures et disent : « Non. Ça, c’est sur lui. »
Cela représente une érosion critique de sa base. Trump a toujours pu compter sur une loyauté républicaine quasi-religieuse—86% des Républicains approuvent encore globalement sa performance présidentielle. Mais ces 14% qui désapprouvent, combinés aux 20% qui le blâment pour l’inflation, représentent une fissure potentiellement fatale dans sa coalition. Parce que dans un système politique aussi polarisé que l’Amérique actuelle, perdre même 10-15% de votre propre parti peut transformer une victoire confortable en défaite humiliante.
Les Indépendants se détournent massivement
Si les fissures républicaines sont préoccupantes, l’effondrement parmi les Indépendants est carrément catastrophique. Seulement 32% des Indépendants approuvent la performance de Trump, selon le sondage ABC News. Soixante-six pourcent des Indépendants le tiennent responsable de l’inflation. 77% des Indépendants pensent que le pays est « gravement sur la mauvaise voie ». Ce sont les électeurs qui ont fait pencher la balance en 2024—les gens qui ne sont ni républicains endurcis ni démocrates fervents, mais qui votent en fonction des enjeux, de la performance, des résultats tangibles.
Et ces Indépendants ont un message clair : Trump a échoué. Il n’a pas tenu ses promesses. Il a aggravé les problèmes qu’il avait juré de résoudre. Dans le sondage NBC News, les Indépendants expriment une déception écrasante : 66% disent que Trump n’a pas répondu aux attentes sur le coût de la vie. Des proportions similaires le critiquent sur la défense de la classe moyenne et la gestion économique. C’est une répudiation totale de son mandat économique par les électeurs les plus cruciaux du spectre politique américain.
Les élections de mi-mandat : l'ouragan approche
Les Démocrates sentent le sang
Nous sommes à un an des élections de mi-mandat de 2026, et les Démocrates commencent à entrevoir une ouverture qu’ils n’auraient jamais imaginée il y a six mois. Dans le sondage ABC News, les électeurs inscrits sont divisés presque également : 46% soutiendraient le candidat démocrate si l’élection à la Chambre des représentants avait lieu aujourd’hui, contre 44% pour le candidat républicain. C’est serré—trop serré pour prédire quoi que ce soit avec certitude—mais c’est une amélioration dramatique pour les Démocrates par rapport à leur position en 2022.
Le sondage NBC News est encore plus encourageant pour les Démocrates : ils mènent de 8 points dans la course générique au Congrès (50% contre 42% pour les Républicains). C’est la plus grande marge pour l’un ou l’autre parti dans les sondages NBC News depuis les élections de mi-mandat de 2018—quand les Démocrates avaient repris la Chambre dans ce qui était largement perçu comme un rejet de la première administration Trump. L’histoire se répète, apparemment, avec une précision presque poétique.
Le gouvernement paralysé comme arme électorale
Aggravant les problèmes de Trump, la fermeture du gouvernement qui dure maintenant depuis 33 jours devient un boulet électoral massif. La majorité des Américains expriment une inquiétude croissante face à cette paralysie gouvernementale. Ils voient les employés fédéraux travailler sans salaire. Ils voient les services essentiels perturbés. Ils voient 42 millions d’Américains perdre l’accès à l’aide alimentaire. Et ils se demandent : pourquoi? Pour quoi Trump fait-il tout ça?
La réponse—exiger un financement pour ses priorités frontalières et refuser tout compromis—ne résonne plus comme de la fermeté. Elle résonne comme de l’obstination autodestructrice. Les électeurs peuvent tolérer un président têtu s’il obtient des résultats. Mais quand l’entêtement produit seulement du chaos, de la souffrance et de la paralysie, la patience s’évapore rapidement. Et c’est exactement ce que montrent les sondages : une patience collective qui atteint ses limites.
Le paradoxe démocrate : détestés, mais en avance
Quand tout le monde perd la confiance publique
Mais voici le rebondissement cruel qui empêche les Démocrates de célébrer trop tôt : ils sont encore plus détestés que Trump. 68% des Américains pensent que le Parti démocrate est « déconnecté des préoccupations de la plupart des gens aux États-Unis aujourd’hui ». C’est plus élevé que les 63% qui disent la même chose de Trump, et plus élevé que les 61% qui le disent des Républicains. Les Démocrates gagnent la bataille électorale tout en perdant la guerre de la pertinence culturelle.
Comment est-ce possible? Comment peut-on être en avance dans les sondages tout en étant perçu comme profondément déconnecté? La réponse réside dans la nature particulière de la politique américaine en 2025 : les électeurs ne votent pas pour quelqu’un. Ils votent contre l’autre option. Ils ne pensent pas que les Démocrates les comprennent. Mais ils pensent que Trump les a activement trahis. Entre la déconnexion et la trahison, les électeurs choisissent la déconnexion—mais sans enthousiasme, sans passion, sans espoir réel de changement transformateur.
La crise de légitimité bipartisane
Ce que tous ces chiffres révèlent, c’est une crise de confiance systémique dans les institutions politiques américaines. 67% des Américains pensent que le pays est « gravement sur la mauvaise voie ». Les deux grands partis sont perçus comme déconnectés. Le président est massivement désapprouvé. Le Congrès est paralysé. C’est une recette pour l’instabilité politique, pour le populisme radical, pour des solutions extrêmes à des problèmes qui nécessitent de la nuance et de la coopération.
Et au milieu de tout cela, les électeurs ordinaires—ceux qui ne passent pas leurs journées à analyser les sondages ou à débattre de politique sur Twitter—essaient simplement de survivre. Ils essaient de nourrir leurs familles, de payer leurs factures, de garder espoir que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Mais quand ils regardent Washington, ils ne voient personne qui se bat vraiment pour eux. Ils voient des jeux de pouvoir, des manœuvres partisanes, des ego surdimensionnés. Mais de l’empathie? De la compréhension réelle? De l’action concrète pour améliorer leur vie quotidienne? Nulle part.
Conclusion : l'empereur démasqué
Donald Trump se tenait devant l’Amérique en 2024 et a promis de sauver l’économie, de sécuriser les frontières, de restaurer l’ordre, de rendre l’Amérique « grande à nouveau ». Les électeurs—fatigués, en colère, désespérés—ont choisi de lui donner une seconde chance. Et maintenant, neuf mois plus tard, six Américains sur dix le tiennent responsable de l’inflation qu’il avait juré d’anéantir. Des majorités désapprouvent sa gestion de l’économie, de l’immigration, de la criminalité, de l’Ukraine. Son taux d’approbation global est tombé à 41%, avec 59% de désapprobation—des chiffres qui présagent une catastrophe électorale aux mi-mandats de 2026.
Ce n’est pas juste un échec politique. C’est une rupture de confiance fondamentale. Trump a construit sa carrière sur l’idée qu’il était différent, qu’il comprenait les gens ordinaires, qu’il se battrait pour eux contre les élites corrompues de Washington. Mais les sondages racontent une histoire différente : celle d’un président qui a trahi ses électeurs, qui a aggravé leurs souffrances, qui a choisi le spectacle brutal plutôt que les solutions pragmatiques. Même 20% de ses propres partisans républicains commencent à se détourner, à admettre que peut-être—juste peut-être—ils se sont trompés sur lui. Et les Indépendants, ces électeurs cruciaux qui avaient fait pencher la balance en sa faveur, l’abandonnent en masse, dégoûtés par les promesses brisées et les mensonges répétés.
Nous assistons en temps réel à l’effondrement d’une présidence. Pas à cause d’un scandale unique ou d’une catastrophe soudaine, mais à cause de quelque chose de plus banal et plus dévastateur : l’incompétence. L’incapacité de tenir ses promesses. L’arrogance de croire que la rhétorique peut remplacer les résultats. Et pendant que Trump continue de tenir des rassemblements, de tweeter des attaques, de construire sa réalité alternative, les Américains ordinaires regardent leurs factures et se demandent : où est le soulagement qu’on nous avait promis? Quand est-ce que ça va s’améliorer? Est-ce que ça va même s’améliorer un jour? Pour l’instant, la seule réponse que les sondages offrent est un silence accablant—ou plutôt, un rejet massif et croissant de l’homme qui avait juré de tout réparer.