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L’impensable coup de maître

Jeudi 11 septembre 2025, 14h32. Une colonne de véhicules noirs traverse la frontière lituanienne. À bord : 52 prisonniers politiques biélorusses, libres après des années de cauchemar. Parmi eux, Nikolaï Statkévitch, figure légendaire de l’opposition depuis trente ans. Un homme que Loukachenko avait juré d’enterrer vivant dans ses geôles. Et pourtant, le voilà qui franchit cette frontière, témoin d’une révolution diplomatique que personne n’avait vue venir.

Mais ce n’est pas un geste humanitaire. Non. C’est un chef-d’œuvre de manipulation géopolitique. En échange de ces libérations, Alexandre Loukachenko vient d’obtenir l’impensable : Washington lève ses sanctions contre Belavia, la compagnie aérienne nationale. Les États-Unis autorisent officiellement l’achat de pièces détachées Boeing, l’entretien des appareils, la reprise des liaisons internationales. Un premier pas vers la normalisation que le dictateur biélorusse réclamait depuis quatre ans.

La diplomatie des otages érigée en art

Qui l’aurait cru ? Loukachenko, le « dernier dictateur d’Europe », vient de donner une leçon de realpolitik à l’administration Trump. L’homme qui réprimait sauvagement les manifestations de 2020, qui torturait ses opposants, qui servait de base arrière à Poutine… cet homme-là négocie désormais d’égal à égal avec Washington. Il transforme ses prisonniers politiques en monnaie d’échange, chaque libération valant une concession américaine.

Keith Kellogg, l’envoyé spécial de Trump pour l’Ukraine, avait passé six heures et demie en négociations avec Loukachenko en juin dernier. Six heures ! Pour un dictateur que l’Occident ignorait depuis des années. Le message était clair : Minsk redevenait un acteur incontournable du jeu géopolitique régional. Et ces 52 libérations du 11 septembre confirment que la stratégie fonctionne à merveille.

Le timing parfait de l’autocrate

Rien n’est laissé au hasard dans ce coup de maître diplomatique. Les libérations interviennent à la veille des exercices militaires Zapad-2025, gigantesques manœuvres russo-biélorusses qui terrorisent l’OTAN depuis des mois. Loukachenko joue simultanément sur deux tableaux : il rassure Washington par ses gestes humanitaires tout en démontrant sa loyauté à Moscou par ces démonstrations de force militaire.

La Pologne ferme immédiatement ses frontières. L’OTAN multiplie les déclarations alarmistes. Mais Washington, lui, reste étonnamment silencieux. Trump voit en Loukachenko un intermédiaire potentiel vers Poutine, un canal de négociation pour son projet de paix en Ukraine. Cette libération de prisonniers achète à l’autocrate biélorusse un capital de sympathie précieux dans les négociations à venir.

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