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Un cri du cœur ou une tactique calculée ?

Trump brandit l’épée du droit religieux. Le Nigeria, affirme-t-il, massacrerait les chrétiens en masse, les brûlerait dans leurs églises, les éliminerait systématiquement. Une persécution de caractère existentiel, voilà comment Trump peint le tableau. Or, dès qu’on gratte la surface, la réalité se révèle autrement plus nuancée, fragmentée, échappant aux catégories manichéennes du bien contre le mal. L’insécurité nigériane est multiforme : Boko Haram frappe indiscriminément, les bandits tuent sans distinction religieuse, les conflits entre agriculteurs et éleveurs dépassent largement les clivages de foi. Les chiffres eux-mêmes contredisent le récit : la majorité des victimes de Boko Haram seraient musulmanes.

Alors pourquoi cette soudaine croisade ? Trump puise dans un réservoir idéologique profond : la protection des minorités religieuses persécutées. Mais est-ce vraiment le motif ? Ou s’agit-il d’une couche supplémentaire de peinture sur un chef-d’œuvre de repositionnement géopolitique ? La Maison blanche brandit le flambeau des droits religieux avec l’assurance d’un justicier, mais les stratèges militaires américains, eux, calculent les distances, évaluent les terrains, mesurent les résistances. Entre rhétorique et réalité opérationnelle bâille un fossé vertigineux.


Je sens dans cette menace quelque chose de profondément théâtral. Trump n’écrit pas son premier ultimatum à un État africain, mais celui-ci possède une saveur singulière, presque séduisante dans son audace pure. Peu d’hommes oseraient affirmer, de but en blanc, qu’une intervention militaire se prépare. Peu oseraient. Mais Trump ? Il en a fait sa signature.

Le désignement comme pièce du jeu d’échecs

Trois jours avant ses menaces militaires, Trump et son administration ont placé le Nigeria sur la liste des « Pays d’intérêt particulier » — une désignation formelle qui ouvre la voie à des sanctions, des restrictions d’aide, des pressions économiques. Ce n’est pas anodin. C’est une escalade méthodique, une progression calculée. D’abord le stigmate diplomatique, ensuite la ménace du glaive. Trump ne fonctionne jamais au hasard. Chaque coup suit une logique, même quand l’extérieur croit voir de la spontanéité.

Cette liste, autrefois refuge de désignations légitimes contre la persécution religieuse (Chine, Corée du Nord, Russie, Pakistan, Birmanie), devient soudain un outil de politique étrangère plus large, plus agressive. Le Nigeria, deuxième producteur pétrolier d’Afrique, pays de 220 millions d’habitants, se retrouve dans la même catégorie que les tyrans avérés. Le message est clair, lapidaire : désobéissance = isolement, puis peut-être bien plus.

Les alliances africaines mises à rude épreuve

Le Nigeria n’est pas un État sans importance. C’est un partenaire stratégique américain, une nation qui a accueilli les troupes américaines, qui a coopéré dans la lutte contre le terrorisme sahélien. Le retrait des forces américaines du Niger, exécuté quelques mois plus tôt, a déjà crispé les relations régionales. Maintenant, Trump menace le Nigeria lui-même. C’est un coup à l’estime africaine, une gifle à l’autodétermination du continent.

Tinubu, le président nigérian, a riposté avec dignité. D’où venait cette critique ? Pas du Département d’État, pas des observateurs humanitaires… mais directement du sommet exécutif américain. Les réactions diplomatiques s’accumulent : « Ingérence injustifiée », « rejet des fausses accusations », « atteinte à la souveraineté ». Daniel Bwala, porte-parole présidentiel nigérian, y voit une tactique délibérée, une manière de Trump d’intimider pour obtenir une négociation. Et peut-être a-t-il raison.

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