Derrière les déclarations tonitruantes, les coups de menton sur les plateaux et les réunions à Washington, la même question revient, obsédante : faut-il céder, négocier, accorder quoi que ce soit à la Russie après deux ans d’une guerre qui saigne l’Ukraine et secouer tout un continent ? Le président Zelensky a choisi son camp et son vocabulaire est sans détour : il refuse que Moscou soit récompensée pour son invasion. Mais qu’est-ce que cela implique, derrière les postures, les formules et les démonstrations de force diplomatique ? Voici une plongée dans cette logique intransigeante, qui, loin de céder à la facilité des compromis, assume l’idée d’un prix à payer – pour la justice, la légitimité et, osons le mot, la mémoire du continent. Une analyse brute, lucide, où l’humain dérange la diplomatie et où l’Histoire s’écrit sans majuscule, car rien n’est jamais acquis ni tranché d’ avance . s’ancre dans une vue radicale : il ne s’agit pas seulement de défendre son pays, mais de refuser une logique jugée mortifère pour l’ordre international. Accepter de céder des territoires ou d’offrir une quelconque contrepartie à la Russie reviendrait, selon lui, à « institutionnaliser » le précédent de la force brute, à signifier au monde : « envahissez, brutalisez, et vous obtenez un lot ! » Non, tranche-t-il. Impossible, inenvisageable. C’est là, quelque part, l’anti-Munich : ce serait la morale du rapport de force, falsifiée par le réalisme. Dès lors toute négociation sur des bases territoriales devient pour lui une « erreur historique », n’ayant pour effet que de renforcer la mécanique des guerres de conquête.
Les attaques récentes, la posture intouchable
Pas une journée sans que Zelensky, entre deux réunions à Washington ou Bruxelles, ne dénonce les « frappes ostentatoires », les multiples attaques sur Kharkiv, Zaporijjia, Odessa. Les bilans humains s’égrainent, mais ce qui le frappe, c’est la logique du rapport de force : pendant que l’on discute de paix, Moscou bombarde, tue, fait pression et teste les réactions occidentales. Voilà pourquoi il martèle l’idée : aucune « récompense », aucun avantage, aucune cession de terrain. Et, plus largement, c’est un message aux occidentaux : céder, ce serait ouvrir la boîte de Pandore pour toutes les zones instables du globe. La question n’est pas uniquement ukrainienne, mais systémique, quasi philosophique à l’ère de l’instabilité géopolitique mondiale.
Pourquoi la notion de « prix à payer » bouscule la diplomatie

Le piège des concessions en trompe-l’œil
Zelensky ne cesse de répéter : « Les concessions ne persuadent pas un tueur ». Derrière la formule, une conviction : l’adversaire, en l’occurrence le couple Poutine-Kremlin, n’arrêtera pas ses ambitions pour une poignée de kilomètres. L’Ukraine ne veut pas devenir le laboratoire d’une nouvelle doctrine de la guerre où le droit international fond devant le fait accompli. Il y a là, au fond, une sorte de fatalisme rageur : mieux vaut souffrir la guerre que d’inscrire dans le marbre une injustice qui deviendrait la règle universelle. Céder des terres ? Ce serait légitimer cinquante ans de velléités révisionnistes, donner le signal que la brutalité paie. On entend ici l’ombre portée de l’histoire européenne, de Munich à Budapest – l’obsession de ne pas répéter les secheresses de la diplomatie court-termiste. L’exigence de ne pas récompenser l’agresseur découle autant d’une foi dans l’Histoire que d’une constatation sur l’intransigeance russe actuelle.
L’Europe et les États-Unis : l’équilibrisme d’un soutien sans faille mais la peur de l’irréversible
Face à cette posture, les alliés occidentaux alternent entre déclarations de soutien et doutes feutrés. Certains diplomates chuchotent l’usure du front, la lassitude des opinions, la tentation d’un deal pour en finir. Pourtant, impossible – à ce stade – de pousser Kiev à la table des négociations en position de faiblesse. Le calcul est brutal : la paix, oui, mais pas n’importe laquelle. D’ailleurs, l’idée d’une rencontre trilatérale Poutine-Trump-Zelensky a de quoi plaire aux amateurs de sensationnalisme, mais dans les faits, le fossé reste vertigineux. L’Ukraine, constitutionnellement, ne peut céder sur la question des territoires — Zelensky l’a répété : aucune cession n’est possible sans renoncer à sa souveraineté, et le peuple ne l’accepterait pas. Alors, chaque sommet diplomatique vire à la quadrature du cercle, balance entre l’urgence humanitaire et l’angoisse de sacrifier l’avenir européen sur l’autel d’une paix factice.
La guerre vue de Kiev : une lutte qui dépasse les frontières

L’Ukraine comme symbole global de la résistance
Derrière les phrases chocs, ce sont des existences qu’on broie. Pour Zelensky, tenir tête à Moscou est devenu une bataille d’idées, accélérée par les drames quotidiens, les coupures d’électricité, les enfants arrachés à leur foyer. Le président ukrainien ne se vit plus seulement en gardien des terres perdues du Donbass, mais en dernier rempart de la crédibilité occidentale face aux régimes autoritaires. Il en appelle à la communauté internationale : pas question de laisser s’installer un précédent, sous peine de valider toutes les prochaines agressions – à Taïwan, dans le Caucase, ou pourquoi pas ailleurs sur le continent. Toute acceptation d’un « fait accompli » géopolitique minet la confiance que les petits pays peuvent placer dans le système international, lui-même branlant.
Chronique d’un refus répété : quand la diplomatie s’épuise
Les cycles de négociation n’en finissent plus. Il y a la fatigue des gouvernements, l’usure des peuples, mais à chaque fois, l’opiniâtreté ukrainienne s’impose : non aux couloirs humanitaires piégés, non aux cessez-le-feu fragmentés, non à la reconnaissance du vol territorial. Si la route paraît interminable et couverte d’embûches, c’est que ni la Russie ni l’Ukraine ne veut vraiment transiger. Les annonces officielles masquent mal le désespoir et la détermination. D’un côté, le Kremlin joue la montre, l’attrition, l’étirement des lignes de front et la lassitude occidentale. De l’autre, Kiev multiplie les appels à la solidarité, dénonce les crimes de guerre, face à la tragédie des populations civiles, la ruine des centres urbains et la fuite des millions de réfugiés. Négocier ? Oui, mais pas sous la contrainte, pas sous la menace, pas en avalisant le crime initial. Là encore, la rhétorique de la non-récompense devient mantra, cri face aux calculs géopolitiques froids.
Les conséquences d'un compromis sur la scène mondiale

Un précédent pour les conflits à venir : la jurisprudence ukrainienne
On oublie parfois à quel point l’issue de ce bras de fer façonnera la gestion des conflits de la prochaine décennie. Accepter une paix bancaire, entériner les gains de la Russie – mêmes partiels ou temporaires –, reviendrait à envoyer un signal au reste du monde : testez les limites, forcez le passage, vous aurez votre part. Or, la diplomatie internationale fonctionne aussi sur le crédit accordé à la parole, aux traités, aux frontières. L’argument de Zelensky se veut donc, aussi, un message à la Chine, à l’Iran, à toutes ces « puissances intermédiaires » qui font de la tension régionale leur outil privilégié. L’Ukraine comme caisse de résonance, Kiyv comme ligne de front des futurs bras de fer internationaux. Pas de récompense, pas de validation, ni même d’indulgence vis-à-vis du fait accompli.
L’avis personnel dans la tempête
Franchement, c’est difficile de ne pas ressentir, derrière la syntaxe martiale et diplomatique, la peur d’un engrenage : qu’est-ce qui reste, demain, de notre capacité collective à dire non à l’agression, à refuser la force comme ultime argument ? Certains experts rêvent d’une paix rapide, d’un retour des affaires, d’une parenthèse qui se referme. Mais si cette parenthèse, justement, n’était qu’un piège ? Si la « victoire » du compromis préparait déjà la prochaine secousse ? On hésite, on doute, et il le faut : rien ne sera simple, ni pour l’Ukraine, ni pour ses soutiens, ni pour la planète qui regarde, un œil rivé sur le Donbass, un autre sur Taïwan, la Méditerranée ou le Moyen-Orient. Refuser la récompense à la violence, ce n’est pas refuser la paix ; c’est tenter, à hauteur d’homme, de préserver une étincelle de cohérence dans le récit collectif. Parfois, ce genre de lucidité coûte cher, et libre à chacun d’en juger la pertinence. Mais l’histoire, elle, ne retiendra peut-être que ce réflexe : poser enfin des limites. J’en suis convaincu, à la lisière de la déraison, il faut parfois s’accrocher à l’irréductible, même si tout vacille autour.