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Quand la peur devient uniforme

Dans les rues de Memphis, de Chicago, de Portland, quelque chose a basculé en cet automne 2025. Ce n’est pas un coup d’État, pas encore. Mais c’est une occupation qui ne dit pas son nom. Des soldats de la Garde nationale patrouillent désormais dans des quartiers où personne ne les a appelés… sauf un président qui prétend « restaurer l’ordre ». Donald Trump a déployé des troupes fédérales dans au moins quatre villes démocrates — Los Angeles, Washington D.C., Memphis, et tente d’en faire autant à Chicago et Portland — affirmant que ces métropoles sombrent dans le chaos criminel. Sauf que les chiffres de la criminalité, eux, racontent une tout autre histoire : baisse de 35 % à Washington, taux de violence à un creux historique de 25 ans à Memphis. La réalité ne correspond pas au discours. Ce qui inquiète l’Amérique aujourd’hui — la militarisation des villes, l’invasion de l’espace civil par des forces armées, le flou juridique autour du Posse Comitatus Act — tout cela, les communautés noires le connaissent depuis toujours. Ce que beaucoup découvrent avec effroi n’est qu’un vieux scénario qui refait surface, cette fois sous les projecteurs nationaux.

L’histoire se répète, mais qui écoute ?

L’Amérique blanche se réveille avec un goût amer dans la bouche. Elle voit des images qu’elle croyait appartenir au passé ou aux pays autoritaires : des soldats armés dans les rues, des descentes à l’aube dans des immeubles résidentiels, des enfants détenus, des familles déplacées. À Chicago, une opération fédérale sur un immeuble du quartier de South Shore a semé la terreur : arrestations massives, présence militaire écrasante, voisins sous le choc. À Portland, des agents fédéraux utilisent des gaz lacrymogènes et des grenades fumigènes pour disperser des manifestants pacifiques près d’un centre de détention de l’ICE. Le tout sous prétexte de lutter contre des « terroristes domestiques ». Pourtant, les résidents de ces villes — en majorité noirs ou issus de minorités — ne voient rien de neuf. Pour eux, ce théâtre de la force n’est qu’une répétition amplifiée de ce qu’ils vivent depuis des générations. Le problème, c’est que personne ne les a crus avant. Aujourd’hui, l’Amérique entière commence à comprendre : quand l’État décide de punir plutôt que de protéger, personne n’est à l’abri. Et cette leçon, les Noirs américains l’ont apprise il y a bien longtemps.

Le poids d’un symbole lourd

Le 14 octobre 2025, un article du magazine Time signé par Josiah Bates frappe fort : « Trump’s National Guard Deployment Shows America What Black Communities Have Always Known ». Ce titre résume tout. Ce que nous voyons aujourd’hui n’est pas une anomalie, c’est une constante. Une constante que l’Amérique noire a portée seule, en silence, ou dans des cris étouffés par l’indifférence générale. Les patrouilles d’esclaves du XVIIIe siècle, les milices du Ku Klux Klan pendant la Reconstruction, les descentes policières militarisées des années 1960 pendant le mouvement des droits civiques, la « guerre contre la drogue » lancée par Nixon qui a ravagé les quartiers noirs pendant cinquante ans… Tous ces chapitres partagent un fil rouge : l’usage de la force d’État pour contrôler, intimider, et réprimer les corps noirs. Aujourd’hui, Trump ne fait qu’ajouter un nouveau chapitre à ce livre maudit. Mais cette fois, l’Amérique blanche est témoin. Et elle commence à trembler. Car elle réalise que si ça peut arriver aux autres, ça peut lui arriver aussi. C’est précisément ce que les communautés noires répètent depuis des siècles.

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