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Quand l’opportunisme mène à la ruine

C’est l’histoire d’une chute spectaculaire. Phil McGraw — connu mondialement comme « Dr Phil » — a passé 21 ans à dominer la télévision américaine en distribuant des conseils psychologiques à des millions de téléspectateurs. En 2023, il a quitté CBS pour lancer sa propre révolution médiatique : Merit Street Media, un réseau conservateur qui devait devenir « l’un des réseaux de démarrage les plus largement distribués de l’histoire moderne ». Un an et demi plus tard, en octobre 2025, Merit Street est en faillite. Les employés ont été licenciés. Les émissions sont en hiatus. Et McGraw est empêtré dans un procès de 500 millions de dollars avec son partenaire de distribution, Trinity Broadcasting Network (TBN), le plus grand réseau télévisé chrétien du monde. Pendant ce temps, McGraw a passé l’année 2025 à se transformer en propagandiste officiel de l’administration Trump. On l’a vu accompagner les raids d’ICE à Chicago. Assister à la prestation de serment de RFK Jr. Critiquer les manifestants pro-Palestine. Diriger la nouvelle Commission sur la liberté religieuse de la Maison-Blanche. Tout ça filmé, diffusé, monétisé sur sa chaîne Merit TV. Jusqu’à ce que tout s’effondre. En juin 2025, Merit Street entre en « hiatus d’été » et licencie des dizaines d’employés. En juillet, l’entreprise dépose le bilan. En août, TBN contre-attaque avec un procès accusant McGraw de fraude, de fausses déclarations, d’avoir créé un « faux sentiment d’urgence » pour extorquer 20 millions de dollars. Et maintenant, en octobre, McGraw tente de lancer une troisième entreprise — Envoy Media — alors que Merit Street agonise en tribunal. C’est du spectacle. Du chaos. Du désespoir déguisé en ambition. Et c’est une leçon brutale : parier sur Trump ne garantit pas le succès. Parfois, ça garantit juste la ruine.

L’alliance toxique avec Trump

McGraw n’a pas toujours été un trumpiste fanatique. Dans les années 2000, il incarnait un conservatisme traditionnel à la Reagan — pro-business, pro-famille, respectueux des institutions. Il soutenait George W. Bush mais dialoguait poliment avec les progressistes. Il évitait les polémiques partisanes. Il restait dans sa zone de confort télévisuel : écouter des gens raconter leurs problèmes, leur donner des conseils génériques, encaisser les chèques publicitaires. Mais quelque chose a changé. Peut-être l’influence d’Oprah qui s’est estompée. Peut-être l’attrait du mouvement MAGA. Peut-être l’envie de rester pertinent dans une époque où la télévision traditionnelle s’effondre et où les figures médiatiques doivent choisir un camp politique pour survivre. Quoi qu’il en soit, McGraw a choisi Trump. En octobre 2024, il a pris la parole lors du rassemblement de clôture de Trump au Madison Square Garden. Après l’investiture de janvier 2025, il est devenu un visiteur régulier de la Maison-Blanche. Il ne se contentait plus de commenter l’actualité. Il participait. Il légitimait. Il normalisait. Et il pensait que cette proximité avec le pouvoir se traduirait en audiences, en influence, en argent. Mais ça n’a pas marché. Parce que McGraw a commis une erreur fondamentale : il a cru que le soutien de Trump suffisait à bâtir un empire médiatique. Il a oublié que même dans l’écosystème MAGA, saturé de chaînes conservatrices — Fox News, Newsmax, OAN — il faut plus qu’un alignement politique pour réussir. Il faut du contenu. Des audiences. Un modèle économique viable. Merit Street n’avait rien de tout ça. Et maintenant, McGraw découvre que Trump ne peut pas sauver une entreprise mal gérée. Même avec toute la proximité du monde.

Les chiffres catastrophiques de Merit Street

Les données sont impitoyables. Selon une analyse de février 2025, Merit TV attirait en moyenne 27 000 téléspectateurs par semaine. Vingt-sept mille. Pour un réseau qui prétendait devenir « l’un des plus largement distribués de l’histoire moderne ». Pour comparaison, Fox News attire des millions de téléspectateurs quotidiens. Même Newsmax, souvent moqué pour ses faibles audiences, dépasse largement Merit TV. Et ce n’est pas comme si McGraw manquait de visibilité. Il avait passé deux décennies à construire une marque reconnue. Il avait l’appui d’Oprah Winfrey — qui l’avait propulsé vers la célébrité dans les années 1990. Il avait des connexions politiques au plus haut niveau. Il avait un financement initial conséquent. Mais rien de tout ça n’a suffi. Parce que Merit Street souffrait d’un problème fondamental : personne ne voulait le regarder. Le contenu était ennuyeux. Répétitif. Prévisible. McGraw commentait l’actualité avec le même ton moralisateur qu’il utilisait dans son talk-show. Il invitait des personnalités conservatrices — Nancy Grace, Steve Harvey, Bear Grylls — pour discuter de sujets que d’autres chaînes couvraient déjà mieux. Il n’apportait rien de nouveau. Rien de différent. Rien qui justifie de changer de chaîne. Et dans un marché médiatique saturé, où l’attention est la ressource la plus rare, l’insignifiance est mortelle. Les annonceurs ont fui. Les investisseurs ont paniqué. Et en août 2024, Merit Street a licencié 38 employés. En juin 2025, Dr. Phil Primetime — l’émission phare du réseau — est entrée en hiatus. Et un mois plus tard, l’entreprise déposait le bilan. Fin de partie.

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