Treize jours de chaos gouvernemental
Lundi 13 octobre 2025, 17h00. Le gouvernement fédéral américain est paralysé depuis treize jours. Treize jours de shutdown, ce mot devenu tristement familier dans le vocabulaire politique américain — une fermeture brutale qui transforme la première puissance mondiale en un géant aux jambes coupées. Plus de 900 000 fonctionnaires ont été mis en congé forcé sans salaire. Environ 700 000 autres continuent de travailler… sans être payés. Les musées Smithsonian — ces temples de la culture américaine qui attirent des millions de visiteurs chaque année — ont fermé leurs portes dimanche. Le zoo national de Washington également. Les parcs nationaux fonctionnent en mode dégradé. Les données économiques cruciales ne sont plus publiées. Les services de santé pour les communautés autochtones sont interrompus. Les anciens combattants n’ont plus accès à leurs bureaux locaux. Et pendant ce temps, à Washington, les républicains et les démocrates se regardent en chiens de faïence, chacun blâmant l’autre pour cette catastrophe. Personne ne bouge. Personne ne négocie vraiment. Et l’Amérique… l’Amérique s’enfonce dans le chaos.
Trump joue avec l’économie américaine
Ce shutdown n’est pas un accident. C’est une stratégie. Donald Trump — qui a déjà supervisé deux fermetures gouvernementales lors de son premier mandat, dont la plus longue de l’histoire américaine en 2018-2019 — utilise cette paralysie comme arme politique. Il croit pouvoir forcer les démocrates à capituler en prolongeant indéfiniment la crise, en misant sur le fait que la douleur économique et sociale finira par briser leur résistance. Trump a même annoncé vendredi qu’il avait identifié 8 milliards de dollars de fonds d’anciens budgets de la Défense pour payer les militaires le 15 octobre — une manœuvre qui élimine l’une des pressions les plus importantes pour résoudre rapidement la crise. Parce que traditionnellement, la date de paiement des troupes force le Congrès à agir. Mais Trump vient de supprimer cette pression. Et maintenant, le shutdown pourrait durer des semaines. Peut-être des mois. Le Speaker de la Chambre, Mike Johnson, a déclaré lundi qu’il prévoyait que cette fermeture devienne la plus longue de l’histoire américaine. Plus longue que celle de 2018-2019 qui avait duré 35 jours. Un record sinistre.
Les démocrates refusent de céder
Mais les démocrates ne reculent pas. Ils ont tracé une ligne rouge : pas de réouverture du gouvernement tant que les républicains n’acceptent pas de restaurer les financements pour l’assurance maladie de millions d’Américains pauvres et de la classe moyenne. Le leader démocrate à la Chambre, Hakeem Jeffries, a déclaré dimanche qu’il n’y avait eu aucune discussion avec les républicains depuis une réunion à la Maison-Blanche le 29 septembre. « Ils sont devenus complètement silencieux », a-t-il dit. Les démocrates exigent la prolongation de subsides fiscaux qui permettent à des millions de familles de s’offrir une assurance santé via l’Obamacare — des subsides qui expirent bientôt et dont la disparition ferait doubler les primes d’assurance pour de nombreux Américains. Ils réclament aussi l’annulation des coupes massives que Trump a imposées à Medicaid, le programme de santé pour les personnes âgées, handicapées et à faible revenu. Trump refuse catégoriquement. Il veut maintenir les niveaux de dépenses actuels — ou même les réduire davantage. Le résultat ? Un blocage total. Une paralysie qui coûte à l’économie américaine environ 15 milliards de dollars par semaine, selon le directeur du Conseil économique national, Kevin Hassett. Et personne ne cligne des yeux.
Les racines de la crise budgétaire

L’échec du 30 septembre
Pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, il faut remonter au 30 septembre 2025 — le dernier jour de l’année fiscale fédérale. À minuit et une minute le 1er octobre, si le Congrès n’avait pas adopté un nouveau budget ou une résolution de financement temporaire, le gouvernement fédéral devait légalement cesser de dépenser de l’argent pour toute activité non essentielle. C’est exactement ce qui s’est produit. La Chambre des représentants — contrôlée par les républicains — avait adopté une résolution de financement temporaire qui aurait maintenu le gouvernement ouvert jusqu’à fin novembre. Mais cette résolution contenait des éléments inacceptables pour les démocrates : aucune extension des subsides d’assurance maladie, aucune restauration des fonds Medicaid coupés par Trump, et surtout… aucune limite aux « rescissions de poche » que Trump avait déjà commencé à utiliser pour bloquer unilatéralement des dépenses approuvées par le Congrès. Les démocrates ont bloqué la résolution au Sénat, où ils possèdent assez de sièges pour empêcher les républicains d’atteindre les 60 voix nécessaires pour adopter une loi budgétaire. Et voilà. Shutdown.
Les rescissions de poche, l’arme secrète de Trump
Les « pocket rescissions » — rescissions de poche — sont devenues l’une des armes les plus controversées de Trump dans cette guerre budgétaire. Concrètement, cela permet au président de bloquer des dépenses que le Congrès a déjà approuvées, sans avoir besoin de l’autorisation du Congrès pour le faire. Avant la fin de l’année fiscale 2025, Trump a envoyé au Congrès environ 4,9 milliards de dollars de rescissions sur l’aide étrangère — de l’argent que le Congrès avait voté pour des pays alliés, mais que Trump a simplement… gelé. Le Congrès n’a eu aucun temps pour débattre ou bloquer ces rescissions avant que l’année fiscale ne se termine. L’argent est donc perdu. Les démocrates sont furieux. Ils accusent Trump de violer la séparation des pouvoirs, de s’arroger des prérogatives budgétaires qui appartiennent constitutionnellement au Congrès. Le sénateur démocrate Adam Schiff a déclaré que cette tactique « sape complètement » toute tentative de compromis budgétaire, parce que même si les démocrates acceptaient de voter pour certaines dépenses, Trump pourrait simplement les bloquer après coup. C’est un cercle vicieux qui rend toute négociation presque impossible.
Un déficit insoutenable de 2 000 milliards
Mais il y a aussi une réalité économique brutale derrière ce blocage : le déficit fédéral américain atteint désormais près de 2 000 milliards de dollars par an. C’est insoutenable. Les États-Unis dépensent environ 2 000 milliards de dollars de plus chaque année qu’ils ne collectent en revenus fiscaux. Cette dette s’accumule, les intérêts sur cette dette explosent, et tôt ou tard… quelque chose doit céder. Les républicains — du moins officiellement — veulent réduire les dépenses pour stabiliser le déficit. Les démocrates veulent maintenir les programmes sociaux et augmenter les impôts sur les riches. Aucun des deux camps n’est prêt à faire les compromis douloureux nécessaires pour résoudre vraiment le problème. Alors ils se battent. Ils se blâment mutuellement. Et pendant ce temps, le shutdown paralyse l’économie, aggrave le déficit (parce que oui, un shutdown coûte de l’argent, beaucoup d’argent), et mine la confiance internationale dans la capacité des États-Unis à gouverner eux-mêmes. Le dollar américain et les bons du Trésor ont chuté avant le shutdown. Les marchés financiers sont nerveux. Et si cette paralysie continue… les conséquences pourraient être catastrophiques.
Les victimes du shutdown

900 000 fonctionnaires en congé forcé
Les premiers à souffrir sont les fonctionnaires fédéraux — environ 900 000 personnes mises en congé forcé sans salaire depuis le 1er octobre. Ces gens ne travaillent pas. Ils restent chez eux. Et ils ne reçoivent aucun chèque de paie. Historiquement, après la fin d’un shutdown, le Congrès vote toujours pour payer rétroactivement les fonctionnaires pour le temps perdu. Mais cette fois… Trump a laissé entendre qu’il pourrait refuser de payer certains d’entre eux. Cette menace — jamais formulée aussi explicitement par un président américain — ajoute une couche supplémentaire d’anxiété pour des centaines de milliers de familles qui ne savent pas quand elles recevront leur prochain salaire. Certains de ces fonctionnaires vivent déjà paie par paie. Ils ont des hypothèques à payer, des factures médicales, des frais de scolarité. Et maintenant, plus rien. En plus des 900 000 personnes en congé forcé, environ 700 000 autres fonctionnaires continuent de travailler — parce que leurs postes sont considérés comme « essentiels » — mais sans être payés. Imaginez ça. Vous allez au bureau tous les jours, vous accomplissez vos tâches, et à la fin du mois… rien. Juste une promesse vague que peut-être, un jour, vous recevrez votre salaire.
Les licenciements permanents commencent
Mais ce n’est pas tout. Vendredi 10 octobre, l’administration Trump a franchi une ligne jamais franchie auparavant lors d’un shutdown : elle a commencé à licencier définitivement des fonctionnaires fédéraux. Plus de 4 000 employés ont reçu des notifications de licenciement permanent — ce qu’on appelle des « réductions en force » ou RIF. Ces personnes ne sont pas en congé temporaire. Elles sont virées. Elles perdent leur emploi. Pour toujours. Les départements les plus touchés sont le Trésor (plus de 1 000 licenciements), la Santé et les Services sociaux (plus de 1 100 licenciements), l’Éducation (plus de 400), le Logement et le Développement urbain (plus de 400), et plusieurs autres agences. Cette tactique est sans précédent. Lors des shutdowns précédents, les employés étaient mis en congé temporaire, puis réintégrés dès la réouverture du gouvernement. Mais Trump voit le shutdown comme une opportunité pour réduire de manière permanente la taille du gouvernement fédéral — un objectif qu’il poursuit depuis son retour au pouvoir en janvier 2025. Russell Vought, directeur du Bureau de la gestion et du budget, a posté sur X vendredi : « Les RIF ont commencé. » Trois mots. Brutaux. Définitifs.
Les services publics s’effondrent
Les effets du shutdown se propagent maintenant dans tout le pays. Les communautés autochtones voient leurs services de santé réduits ou complètement suspendus — des rendez-vous de télémédecine annulés, des traitements contre le diabète interrompus. Les anciens combattants n’ont plus accès à leurs bureaux régionaux pour obtenir de l’aide sur l’emploi ou les prestations. Les contribuables qui doivent déposer des déclarations fiscales prolongées avant la date limite de mercredi font face à des temps d’attente interminables avec l’IRS (l’agence des impôts), parce qu’il n’y a presque personne pour répondre aux appels. Les agriculteurs qui doivent planifier les plantations de l’année prochaine n’ont pas accès aux données et aux outils du Département de l’Agriculture pour les aider à prendre des décisions éclairées. Les musées Smithsonian — dix-neuf musées à Washington et dans d’autres villes, plus le zoo national — ont fermé dimanche après avoir épuisé leurs fonds de réserve. Le zoo a assuré que les animaux continueraient d’être nourris et soignés… mais les caméras en direct montrant les animaux sont déconnectées. Les touristes qui avaient planifié des voyages à Washington se retrouvent devant des portes closes, des panneaux « Fermé à cause du shutdown ». C’est humiliant. Pour l’Amérique.
Les conséquences économiques s'aggravent

15 milliards de dollars par semaine
Le shutdown ne coûte pas seulement en termes humains. Il coûte aussi en termes économiques. Kevin Hassett, directeur du Conseil économique national à la Maison-Blanche, a déclaré le 6 octobre que chaque semaine de shutdown coûte à l’économie américaine environ 15 milliards de dollars. Treize jours se sont écoulés — presque deux semaines complètes. Faites le calcul : environ 30 milliards de dollars d’activité économique perdus. Et ce chiffre ne fait qu’augmenter chaque jour. Pourquoi ces pertes ? D’abord, parce que 900 000 fonctionnaires ne reçoivent pas de salaire… donc ils ne dépensent pas. Les restaurants près des bâtiments fédéraux voient leur clientèle s’effondrer. Les commerces locaux souffrent. Ensuite, parce que de nombreux projets d’infrastructure fédéraux sont gelés — les travaux s’arrêtent, les entrepreneurs ne sont pas payés, les matériaux restent inutilisés. Enfin, parce que l’incertitude économique causée par le shutdown fait chuter la confiance des consommateurs et des investisseurs. Les entreprises reportent leurs décisions d’embauche et d’investissement. Les ménages réduisent leurs dépenses. L’économie ralentit.
Les données économiques disparaissent
Un effet particulièrement pernicieux du shutdown est la suspension de la publication des données économiques cruciales. Le Département du Travail et le Département du Commerce ont arrêté de publier les statistiques du Bureau of Labor Statistics et du Bureau du recensement. Cela signifie que personne — ni les investisseurs, ni les entreprises, ni même la Réserve fédérale — ne sait vraiment ce qui se passe dans l’économie américaine en ce moment. Le chômage augmente-t-il ou baisse-t-il ? Personne ne sait. L’inflation accélère-t-elle ou ralentit-elle ? Mystère. La croissance du PIB est-elle positive ou négative ? On ne peut que deviner. Cette cécité économique complique énormément le travail de la Réserve fédérale, qui doit décider le 29 octobre si elle baisse, maintient ou augmente ses taux d’intérêt. Comment prendre une décision éclairée sans données fiables ? C’est impossible. Les analystes s’inquiètent également de l’impact sur le PIB du quatrième trimestre — déjà projeté à seulement 0,1 pour cent de croissance annualisée avant le shutdown. Si la paralysie continue, le PIB pourrait même devenir négatif, signalant officiellement une récession.
Les marchés financiers vacillent
Les marchés financiers sont nerveux. Le dollar américain a chuté avant le shutdown, et il continue de faiblir. Les bons du Trésor — traditionnellement considérés comme l’investissement le plus sûr au monde — perdent de la valeur, parce que les investisseurs internationaux commencent à douter de la capacité des États-Unis à gérer leurs finances. Le secrétaire au Trésor Scott Bessent a déclaré lundi que le shutdown « commence à impacter l’économie », un euphémisme spectaculaire venant d’un haut responsable gouvernemental. Les économistes de JPMorgan ont publié une note inquiète le 10 octobre, avertissant qu’un shutdown prolongé pourrait forcer la Réserve fédérale à retarder ses baisses de taux d’intérêt, aggravant ainsi les pressions sur les emprunteurs — entreprises et ménages — qui luttent déjà avec des taux élevés. Certains analystes comparent la situation actuelle aux mois précédant la crise financière de 2008 — une comparaison terrifiante. Parce que si les États-Unis — la plus grande économie mondiale, le pilier du système financier international — ne peuvent pas gouverner eux-mêmes… qu’est-ce que ça dit sur la stabilité de l’ensemble du système mondial ?
Le bras de fer politique s'intensifie

Trump refuse de négocier
Donald Trump a clairement indiqué qu’il ne négociera pas tant que les démocrates ne capitulent pas. Lundi, il a affirmé qu’il ne laisserait pas les démocrates « prendre en otage » les militaires et la sécurité nationale avec leur shutdown. Ironiquement, c’est exactement ce que les démocrates disent de lui. Chaque camp accuse l’autre de provoquer la crise. Trump croit qu’il peut tenir indéfiniment, parce qu’il a trouvé des fonds pour payer les militaires le 15 octobre — éliminant ainsi la pression politique la plus importante. Les républicains contrôlent la Chambre et possèdent une majorité au Sénat (bien qu’insuffisante pour atteindre les 60 voix nécessaires pour adopter une loi budgétaire). Trump pense qu’avec le temps, les démocrates finiront par craquer sous la pression de leurs électeurs qui souffrent du shutdown. Mais il sous-estime la détermination démocrate. Le leader démocrate Hakeem Jeffries a déclaré qu’il n’y avait eu aucune conversation avec les républicains depuis le 29 septembre. Trump et les républicains sont « complètement silencieux », a-t-il dit. Aucune négociation. Aucun compromis. Juste un silence glacial.
Les démocrates tracent des lignes rouges
Les démocrates ont des exigences non négociables. D’abord, la prolongation des subsides fiscaux pour l’assurance maladie — ces crédits d’impôt qui permettent à des millions de familles de s’offrir une couverture santé via l’Obamacare. Sans ces subsides, les primes d’assurance vont doubler pour de nombreux Américains, selon la Kaiser Family Foundation. Les inscriptions annuelles pour l’assurance maladie commencent en novembre… dans quelques semaines. Si les subsides expirent, des millions de personnes se retrouveront soit sans assurance, soit avec des primes inabordables. C’est une crise sanitaire en puissance. Ensuite, les démocrates exigent l’annulation des coupes de Trump à Medicaid — le programme qui fournit une couverture santé aux personnes âgées, handicapées et pauvres. Trump a déjà réduit drastiquement les financements de Medicaid, et les démocrates veulent restaurer ces fonds. Enfin, ils veulent des garanties que Trump ne pourra plus utiliser les rescissions de poche pour bloquer unilatéralement les dépenses approuvées par le Congrès. Ces trois exigences sont des lignes rouges. Et les démocrates refusent de les franchir.
Le Sénat vote… encore et encore
Le Sénat a déjà tenu cinq votes depuis le début du shutdown, tentant alternativement de faire passer la version républicaine et la version démocrate du budget. Tous ont échoué. Le 1er octobre, les deux versions ont été rejetées. Le 2 octobre, pareil. Le 3 octobre, encore. Le 6 octobre, toujours. Et mardi 14 octobre, le Sénat prévoient un sixième vote… qui échouera probablement aussi. Parce que les républicains ont besoin de 60 voix pour adopter leur version, ce qui nécessite le soutien d’au moins sept démocrates. Et les démocrates refusent. Ils ont assez de sièges pour bloquer toute loi budgétaire républicaine. Inversement, les démocrates ne peuvent pas faire passer leur propre version parce que les républicains la bloquent systématiquement. Résultat : une impasse totale. Certains sénateurs des deux camps ont admis en privé que ce shutdown pourrait durer des semaines, voire des mois. Le Speaker Mike Johnson a déclaré lundi qu’il prévoyait que cette fermeture devienne la plus longue de l’histoire américaine. La dernière fois qu’un shutdown avait duré aussi longtemps, c’était en 2018-2019 — 35 jours. Nous sommes au jour 13. Il reste potentiellement 22 jours avant de battre ce record. Et rien n’indique une résolution prochaine.
Les secteurs en crise

La santé des populations vulnérables
Les communautés autochtones sont parmi les plus durement touchées par ce shutdown. Les services de santé financés par le gouvernement fédéral — qui fournissent des soins essentiels à des centaines de milliers d’Amérindiens vivant dans des réserves — ont été réduits ou complètement suspendus. Les rendez-vous de télémédecine sont annulés. Les traitements contre le diabète — une maladie qui touche de manière disproportionnée les populations autochtones — sont interrompus. Les cliniques ferment. Les médecins et infirmières travaillent sans salaire… ou sont mis en congé forcé. C’est une catastrophe sanitaire qui se déroule loin des caméras de Washington, dans des communautés déjà marginalisées et oubliées. Les anciens combattants souffrent également. Bien que la plupart des prestations pour vétérans continuent d’être versées, les bureaux régionaux qui fournissent des services d’orientation professionnelle, d’aide à l’emploi et de soutien psychologique sont fermés. Les vétérans qui luttent contre le PTSD, le chômage, ou l’itinérance n’ont plus nulle part où aller. Ils sont abandonnés. Par leur propre gouvernement.
Les agriculteurs dans l’incertitude
Les agriculteurs américains — déjà frappés par des années de guerres commerciales, de sécheresses et de volatilité des prix — font maintenant face à une nouvelle incertitude causée par le shutdown. Le Département de l’Agriculture, qui fournit des données cruciales sur les marchés, les conditions météorologiques, et les programmes de soutien, est en grande partie fermé. Les agriculteurs qui doivent planifier leurs plantations pour l’année prochaine n’ont pas accès aux informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées. Quelles cultures planter ? Combien ? À quel prix pourront-ils vendre ? Aucune réponse. Les programmes d’aide fédéraux — qui aident les agriculteurs à acheter des semences, des engrais, et de l’équipement — sont gelés. Les prêts agricoles sont suspendus. Certains fermiers disent qu’ils pourraient être forcés de vendre leurs exploitations si le shutdown continue beaucoup plus longtemps. Les États-Unis, l’un des plus grands producteurs agricoles mondiaux, sont en train de saboter leur propre secteur agricole. Par incompétence politique.
Le tourisme s’effondre à Washington
Washington, la capitale américaine, vit largement du tourisme. Des millions de personnes visitent chaque année les musées Smithsonian, le zoo national, les monuments nationaux, le Capitole. Mais depuis dimanche, les musées Smithsonian sont fermés. Le zoo également. Les touristes arrivent, excités de visiter ces institutions emblématiques… et ils trouvent des portes closes. Des panneaux « Fermé à cause du shutdown gouvernemental ». Jeff Walsh, un Canadien en visite d’affaires à Washington, a raconté dimanche qu’il était venu au Musée national d’histoire naturelle, espérant explorer plusieurs musées pendant son séjour. « Je ne réalisais pas que les musées fermeraient », a-t-il dit, déçu. « C’est décevant que le gouvernement puisse s’effondrer comme ça. Ça n’arrive pas de cette façon au Canada. » Cette phrase — prononcée par un visiteur étranger — résume parfaitement l’humiliation internationale que subit l’Amérique. Le monde regarde, incrédule, cette superpuissance incapable de payer ses propres fonctionnaires, incapable de garder ses musées ouverts, incapable de gouverner elle-même. C’est pathétique.
Les perspectives sombres

Aucune résolution en vue
Treize jours après le début du shutdown, il n’y a aucun signe d’une résolution imminente. Les républicains et les démocrates restent fermement retranchés dans leurs positions. Trump refuse de négocier. Les démocrates refusent de céder. Le Sénat continue de voter sur des résolutions qui échouent systématiquement. La Chambre des représentants est en pause — le Speaker Mike Johnson a prolongé la suspension parlementaire d’une semaine supplémentaire, retardant même la prestation de serment d’une nouvelle représentante élue, Adelita Grijalva. Certains observateurs politiques prédisent que ce shutdown pourrait durer jusqu’à Thanksgiving — fin novembre. Cela ferait presque deux mois de paralysie gouvernementale. D’autres pensent qu’il pourrait s’étendre jusqu’à Noël. Trois mois. Un trimestre entier. Si cela se produisait, les dégâts économiques seraient catastrophiques. Le PIB s’effondrerait. Des centaines de milliers de fonctionnaires perdraient définitivement leurs emplois. La confiance internationale dans les États-Unis s’évaporerait complètement. Et l’Amérique entrerait dans une spirale économique dont elle pourrait mettre des années à se remettre.
Les risques d’une récession
Les économistes commencent à utiliser le mot « récession ». Officiellement, l’économie américaine croît encore — mais à peine. La croissance du PIB du quatrième trimestre était projetée à seulement 0,1 pour cent avant le shutdown. Avec treize jours de paralysie déjà écoulés, et potentiellement des semaines ou des mois supplémentaires à venir, cette croissance minuscule pourrait facilement devenir négative. Deux trimestres consécutifs de croissance négative signifient officiellement une récession. Et une fois qu’une récession commence, elle s’auto-alimente : les entreprises licencient des employés, les consommateurs réduisent leurs dépenses, les revenus fiscaux chutent, le déficit explose, la confiance s’effondre… et tout s’aggrave. Les États-Unis sont déjà dans une situation économique fragile. L’inflation reste élevée malgré les hausses de taux de la Réserve fédérale. Les embauches ralentissent. Les guerres commerciales de Trump avec la Chine et d’autres pays perturbent les chaînes d’approvisionnement mondiales. Et maintenant, un shutdown qui pourrait durer des mois. C’est la recette parfaite pour un désastre économique.
La confiance internationale s’effrite
Le shutdown nuit gravement à la réputation internationale des États-Unis. Le monde regarde, incrédule, cette superpuissance — qui dépense plus de 800 milliards de dollars par an en défense, qui possède le plus grand arsenal nucléaire du monde, qui contrôle le dollar comme monnaie de réserve mondiale — incapable de payer ses propres fonctionnaires. Les alliés américains en Europe et en Asie s’inquiètent. Si les États-Unis ne peuvent pas gérer un simple budget interne, comment peuvent-ils prétendre défendre l’ordre international ? Les adversaires américains — la Chine, la Russie, l’Iran — jubilent. Ils voient ce shutdown comme la preuve que la démocratie américaine est dysfonctionnelle, que le système politique américain est irrémédiablement brisé. Et ils utilisent cette image pour justifier leurs propres régimes autoritaires. « Regardez l’Amérique », disent-ils à leurs populations. « C’est ça, la démocratie. Le chaos. L’incompétence. Vous voulez vraiment ça ? » Le shutdown est une victoire de propagande pour tous les ennemis de la démocratie. Et Trump, avec son refus obstiné de négocier, leur offre cette victoire sur un plateau d’argent.
Conclusion

L’Amérique au bord du gouffre
Treize jours. 900 000 fonctionnaires en congé forcé sans salaire. 700 000 autres travaillant sans être payés. Plus de 4 000 licenciements permanents. Les musées Smithsonian fermés. Les services de santé pour les communautés autochtones suspendus. Les données économiques cruciales non publiées. L’économie américaine perdant 15 milliards de dollars par semaine. Et aucune résolution en vue. Ce shutdown n’est pas qu’une crise politique. C’est un symptôme — le symptôme d’une maladie profonde qui ronge la démocratie américaine. Un système politique tellement polarisé, tellement paralysé par les guerres partisanes, qu’il ne peut plus accomplir la fonction la plus basique d’un gouvernement : se financer lui-même. Trump croit pouvoir gagner cette guerre d’usure en refusant de négocier. Les démocrates croient qu’ils peuvent forcer Trump à capituler en maintenant leur blocage au Sénat. Mais personne ne gagne. L’Amérique perd. Les fonctionnaires perdent. Les familles qui dépendent de l’assurance maladie perdent. L’économie perd. Et le monde regarde, choqué, cette superpuissance s’autodétruire par incompétence politique.
Ce qui change maintenant
À partir d’aujourd’hui, chaque jour supplémentaire de shutdown aggrave les dégâts. Les licenciements permanents vont continuer — l’administration Trump a clairement indiqué qu’elle voit cette crise comme une opportunité pour réduire de manière permanente la taille du gouvernement fédéral. Des milliers de fonctionnaires supplémentaires perdront leurs emplois dans les prochains jours. Les agences qui fonctionnaient encore sur des fonds de réserve vont commencer à fermer complètement. Les services essentiels vont se dégrader davantage. Et l’économie va ralentir de plus en plus. Si le shutdown dure jusqu’à fin octobre — ce qui semble de plus en plus probable — la Réserve fédérale devra prendre sa décision sur les taux d’intérêt le 29 octobre sans aucune donnée économique fiable. Ce sera comme piloter un avion à l’aveugle. Si le shutdown dure jusqu’à novembre, les inscriptions annuelles pour l’assurance maladie commenceront… et des millions d’Américains découvriront que leurs primes ont doublé parce que les subsides ont expiré. Ce sera un choc politique massif. Et si le shutdown dure jusqu’à Noël… personne ne sait vraiment ce qui se passera. Mais ça ne sera pas beau.