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Quand les tarifs douaniers deviennent un piège électoral

Le 27 septembre 2025, Donald Trump annonce sur Truth Social une nouvelle vague de tarifs douaniers destinée à « rendre sa grandeur à la Caroline du Nord », un État clé qui a « complètement perdu son industrie du meuble au profit de la Chine et d’autres pays ». Les chiffres sont brutaux : 50 % de tarifs sur les armoires de cuisine et les meubles de salle de bain importés, 30 % sur les meubles rembourrés. Et à partir du 1er janvier 2026, ces taux grimpent respectivement à 50 % et 30 %. C’est une promesse électorale classique de Trump : protéger les emplois manufacturiers, combattre la Chine, ramener la production aux États-Unis. Sauf qu’il y a un problème. Un gros problème. Les fabricants de meubles de Caroline du Nord — ceux que Trump prétend sauver — ne veulent pas de cette aide. Ou du moins, ils sont terrifiés par ce qu’elle pourrait leur coûter. Alex Shuford, PDG de Rock House Farm Furniture, une entreprise familiale vieille de 78 ans, résume parfaitement le dilemme : « Nous devons faire attention à ce que notre effort pour nous aider ne cause pas plus de dégâts ». Ce n’est pas une déclaration anodine. C’est un avertissement. Une reconnaissance que dans un marché mondialisé, interconnecté, dépendant de chaînes d’approvisionnement complexes, les tarifs douaniers ne sont pas une solution magique. Ils sont un pari risqué. Et pour Trump, qui mise tout sur les élections de mi-mandat de 2026, ce pari pourrait se retourner contre lui de manière spectaculaire.

La Caroline du Nord, épicentre d’une industrie en déclin

Il fut un temps où la Caroline du Nord était le cœur battant de l’industrie du meuble américain. Dans les années 1950, 1960, 1970, des dizaines de milliers d’emplois manufacturiers alimentaient l’économie de l’État. Des villes comme High Point — autoproclamée « capitale mondiale du meuble » — organisaient des salons commerciaux attirant des acheteurs du monde entier. C’était une époque de prospérité. Une époque où fabriquer des meubles en Caroline du Nord signifiait qualité, savoir-faire, fierté. Mais cette époque est révolue. En 2000, la Caroline du Nord comptait plus de 78 000 emplois dans l’industrie du meuble. En août 2025, il n’en reste que 28 000. Une perte de 64 % en un quart de siècle. Où sont partis ces emplois ? En Chine. Au Vietnam. Au Mexique. Dans des pays où la main-d’œuvre est moins chère, où les réglementations sont plus souples, où les coûts de production sont incomparablement inférieurs. Ce n’est pas une histoire unique à la Caroline du Nord. C’est l’histoire de la désindustrialisation américaine. Une histoire qui se répète dans l’industrie textile, dans l’industrie sidérurgique, dans l’industrie automobile. Une histoire que Trump promet de renverser avec ses tarifs douaniers. Mais peut-on vraiment inverser des décennies de mondialisation avec une simple taxe ? Les fabricants sur le terrain ne le croient pas. Et ils ont peur que Trump, dans sa tentative de les « sauver », les achève.

Les chiffres qui ne mentent pas

Aujourd’hui, les États-Unis importent environ 80 % de leurs meubles. La plupart viennent de Chine, de Vietnam, du Mexique. Des entreprises comme Williams-Sonoma, RH (anciennement Restoration Hardware), IKEA dépendent presque entièrement de ces chaînes d’approvisionnement internationales. Même les fabricants américains — comme Rock House Farm Furniture — importent une partie de leurs produits. Environ 20 % des ventes de Rock House proviennent de meubles fabriqués à l’étranger. Le reste est produit localement en Caroline du Nord. Ces entreprises ont construit des modèles économiques basés sur cette réalité. Elles ont optimisé leurs coûts. Elles ont négocié des contrats pluriannuels avec des fournisseurs étrangers. Elles ont investi dans des infrastructures de distribution. Et maintenant, Trump leur dit : « Tout ça, c’est fini. Ramenez tout aux États-Unis. Ou payez des tarifs de 50 % ». Mais ces entreprises ne peuvent pas simplement délocaliser leur production du jour au lendemain. Ça prend des années. Des investissements massifs. Une main-d’œuvre qualifiée — qui n’existe plus en nombre suffisant en Caroline du Nord. Résultat ? Les tarifs de Trump ne ramèneront pas immédiatement la production. Ils augmenteront simplement les prix. Pour les consommateurs. Pour les entreprises. Pour tout le monde. Et dans une économie déjà fragilisée par l’inflation, par le shutdown gouvernemental, par les guerres commerciales de Trump, c’est la dernière chose dont les Américains ont besoin.

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