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Quand la justice refuse de jouer le jeu

C’est un camouflet magistral pour l’administration Trump. Le 14 octobre 2025, le juge fédéral Michael Nachmanoff a rejeté une demande du Département de la Justice visant à restreindre l’accès de James Comey — ancien directeur du FBI — aux preuves utilisées pour l’inculper. Les procureurs voulaient imposer un ordre de protection qui aurait empêché Comey de consulter seul les documents, de les conserver personnellement, de les partager avec des témoins potentiels. Ils arguaient que l’ancien chef du FBI, celui-là même qui a supervisé certaines des enquêtes les plus sensibles de la nation, pourrait fuiter ces informations vers la presse et compromettre l’intégrité du procès. Le juge n’a pas été convaincu. Dans une décision de deux pages, cinglante et sans appel, Nachmanoff a estimé que les restrictions proposées étaient trop vagues, trop larges, et qu’elles entraveraient inutilement la capacité de Comey à préparer sa défense. C’est une victoire précoce pour l’ancien directeur du FBI dans ce qui est devenu l’un des procès les plus politisés de l’histoire récente américaine. Une affaire où Trump, qui a passé des années à réclamer la tête de Comey, a fini par obtenir son inculpation… au prix d’une crédibilité judiciaire en lambeaux. Car tout le monde le sait maintenant : ce procès n’est pas une question de justice. C’est une question de vengeance.

Un acte d’accusation sous pression présidentielle

Revenons un instant en arrière. Le 25 septembre 2025, trois jours seulement après sa nomination comme procureure fédérale du district Est de la Virginie, Lindsey Halligan signe l’acte d’accusation contre James Comey. Halligan n’est pas une procureure chevronnée. Elle n’a aucune expérience en matière pénale. Avant sa nomination, elle était avocate en assurance en Floride, ancienne reine de beauté, et surtout… proche de Donald Trump. Son prédécesseur, un procureur expérimenté, avait jugé les preuves contre Comey insuffisantes et avait préféré démissionner plutôt que de céder aux pressions de la Maison-Blanche. Mais Trump ne lâche jamais. Il a publiquement sommé sa procureure générale, Pam Bondi, de procéder à l’inculpation avant l’expiration du délai de prescription — fixé au 30 septembre 2025. Halligan a été nommée en urgence. Trois jours plus tard, l’acte d’accusation tombait. Coïncidence ? Personne n’y croit. Même les anciens responsables républicains expriment leur malaise. Le processus a été précipité, politisé, manipulé. Et maintenant, face à un juge qui ne semble pas impressionné par la pression présidentielle, l’équipe de Trump découvre que la justice — quand elle est encore indépendante — ne se plie pas toujours aux caprices du pouvoir. C’est une leçon douloureuse. Mais tardive.

Comey contre-attaque avec un avocat d’exception

Face à cette machine de guerre politique, James Comey n’est pas seul. Il a engagé Patrick Fitzgerald, l’un des avocats de la défense les plus redoutables des États-Unis. Fitzgerald n’est pas n’importe qui : ancien procureur spécial, il a notamment poursuivi Scooter Libby, chef de cabinet du vice-président Dick Cheney, dans l’affaire de la fuite de l’identité d’un agent de la CIA. Il connaît les rouages de Washington, les tactiques du Département de la Justice, les failles des poursuites politiques. Et il a immédiatement annoncé la stratégie de défense : plaider la poursuite vindicative (vindictive prosecution). Autrement dit, démontrer que Comey n’a pas été inculpé parce qu’il a commis un crime, mais parce qu’il a osé critiquer Trump. Dans son mémoire de 2018, Comey avait qualifié Trump de « non éthique » et « déconnecté de la vérité ». Il avait témoigné publiquement sur les pressions que Trump avait exercées sur lui pour qu’il abandonne l’enquête sur l’ingérence russe dans l’élection de 2016. Trump l’avait limogé en mai 2017. Depuis, il n’a jamais cessé de menacer de le poursuivre. Tweets rageurs. Déclarations publiques. Pressions sur les procureurs. Et maintenant, l’inculpation. Fitzgerald compte utiliser tout cela pour démontrer que ce procès est une farce. Et le juge Nachmanoff, visiblement, semble disposé à écouter.

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